Landry c. Lemaire |
2012 QCCQ 2454 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des Petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL |
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N° : |
540-32-022499-105 |
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DATE : |
26 mars 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
GÉRALD LAFOREST, J.C.Q. |
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FRANCINE LANDRY et JEAN-EUDES SOUCY,, |
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demandeurs |
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c. |
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EMMANUELLE LEMAIRE, |
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défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Alléguant des vices cachés, les demandeurs réclament à la défenderesse la somme de 7 000 $ en réduction du prix de vente d’une résidence unifamiliale.
[2] La défenderesse conteste en alléguant notamment que les vices ont été déclarés et qu’ils étaient connus des demandeurs au moment de la vente.
[3] De la preuve prépondérante, le tribunal retient notamment les faits suivants.
[4] Le 19 mai 2009, les demandeurs font l’achat de la maison pour le prix de 128 000 $. Ils en prennent possession le 1er juin 2009 et l’occupent à compter du 12 juin 2009.
[5] Dès le 15 juin 2009, après un orage, les demandeurs constatent que de l’eau s’accumule au sous-sol.
[6] Par la suite, des infiltrations d’eau importantes se produisent chaque fois qu’il pleut.
[7] Lors de vérifications effectuées au cours de l’été 2009, des experts constatent des fissures dans les fondations, et le coût estimé des réparations est de 14 400 $.
[8] Pour se prévaloir de la procédure relative aux petites créances, les demandeurs réduisent leur réclamation à 7 000 $.
[9]
L’article
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[10] Suivant la doctrine et la jurisprudence, pour invoquer la garantie de qualité, l’acheteur doit démontrer l’existence d’un vice, c’est-à-dire, une défectuosité du bien. Il doit aussi démontrer que ce vice est grave, inconnu de l’acheteur au moment de la vente, caché et antérieur à la vente. [1]
[11] Concernant l’existence du vice, il est bien établi qu’une défectuosité résultant de l’usure ou de la vétusté ne constitue pas un vice pouvant justifier l’application de la garantie de l’article 1726 C.c.Q. [2]
[12] Dans l’appréciation du caractère caché du vice, les tribunaux tiennent compte non seulement des facteurs objectifs, mais aussi des facteurs subjectifs comme la compétence technique de l’acheteur, la nature et l’âge du bien, le prix convenu. L’âge et le faible prix sont des indices qui doivent inciter l’acheteur à une plus grande vigilance.
[13] Il est de notoriété que tout bien est soumis aux effets de la dégradation en raison du passage du temps, du vieillissement. Un bien jouit d’une durée déterminée par la vie utile des matières qui le composent et le passage du temps engendre inévitablement son usure, sa vétusté.
[14] Pour l’acheteur d’une maison, plus que cinquantenaire, il est prévisible que sa construction ne corresponde pas aux normes d’aujourd’hui et que ses composantes présentent de l’usure et de la vétusté.
[15]
Suivant l’article
[16] L’acheteur ou son expert n’est pas obligé de prendre des mesures inhabituelles, comme ouvrir un mur ou creuser autour des fondations pour chercher des vices, sauf si un indice visible soulève des soupçons.
[17] Dans le cas présent, la maison fut construite au cours des années cinquante. Il s’agit, à l’origine, d’un chalet qui a fait l’objet de rénovations au fil des ans.
[18] Au moment de la vente, les demandeurs connaissent l’historique de la maison et des défectuosités résultant de l’usure ou de la vétusté sont prévisibles.
[19] Par ailleurs, la preuve démontre que les infiltrations d’eau ont été déclarées par la défenderesse avant la vente.
[20] Dans le contrat de courtage avec Re/Max 2001 inc., il est mentionné que la maison est située dans une zone inondable. De plus, la défenderesse y déclare qu’au printemps, et par fortes pluies, il y a de légères infiltrations d’eau au sous-sol.
[21] Le co-demandeur Soucy exerce le métier de tireur de joints dans le domaine de la construction, bénéficiant ainsi de connaissances lui permettant de déceler, plus facilement qu’un profane, les défectuosités dans la construction d’une maison.
[22] Avant la vente, les demandeurs visitent la maison une première fois en septembre 2008 et, le 13 septembre 2008, ils font une offre d’achat de 110 000 $. Le prix demandé par la défenderesse est de 139 000 $.
[23] Le 16 septembre 2008, la défenderesse fait une contre-proposition au prix de 132 000 $, dans laquelle elle déclare qu’il y a eu de légères infiltrations d’eau au sous-sol, mais que le tout a été réparé. Puis elle ajoute :
Par contre, l’acheteur devra faire vérifier la cause de ces problèmes parce que le vendeur ne peut garantir que cela ne se reproduira plus étant donné que cette réparation a été effectuée il y a un mois.
[24] Les demandeurs retiennent ensuite les services de Ins-Pec, une firme d’inspection en bâtiment. Dans sa déclaration faite à Ins-Pec, le 21 septembre 2008, la défenderesse note qu’il y a infiltration d’eau par les fondations, qu’il y a présence de traces de moisissure ou d’odeurs et qu’il y a eu des réparations aux fondations.
[25] L’inspecteur Francis Tétreault, de Ins-Pec, visite la maison et, dans son rapport signé le 21 septembre 2008, il signale plusieurs défectuosités concernant notamment le terrassement, la finition extérieure, les soffites, les gouttières, les portes et les fenêtres, le balcon, la cheminée, la toiture, l’entretoit, la ventilation du grenier, la finition intérieure et le sous-sol.
[26] Concernant le sous-sol, l’inspecteur Tétreault écrit :
Des traces d’humidité/moisissure ont été observées au bas des murs par endroit à corriger .
[...]
La vérification et l’inspection du système de drainage dépassent la portée de notre inspection. Certaines conditions observées (efflorescence) portent notre inspecteur à croire qu’il peut s’agir d’un drainage inadéquat de la fondation. Si concerné, nous suggérons que le drainage périmétrique soit vérifié par un contracteur reconnu.
commentaires : À faire vérifier on a vu des signes, au sous-sol, trace d’humidité au bas des murs. Nous avons observé des signes d’infiltration d’eau antérieurs. Sec au moment de l’inspection. Si concerné, nous recommandons de consulter un entrepreneur licencié.
(Les majuscules sont de l’auteur du rapport)
[27] Lors de la dernière visite antérieure à la vente, le 13 mai 2009, les demandeurs constatent des traces d’humidité dans le sous-sol et le grenier.
[28] Enfin, dans son témoignage, la co-demanderesse Landry admet que les infiltrations d’eau ont été déclarées. De plus, elle a elle-même constaté les traces d’infiltration et elle admet qu’au moment de la vente, elle savait qu’il pourrait éventuellement y avoir des infiltrations.
[29] Compte tenu de tous ces faits, la preuve prépondérante retenue par le tribunal démontre qu’au moment de la vente, les demandeurs avaient été informés des infiltrations antérieures, qu’ils en avaient eux-mêmes constaté les traces et qu’ils étaient conscients de la probabilité d’infiltrations ultérieures.
[30] De plus, l’inspecteur dont les demandeurs avaient retenu les services leur a confirmé les vices constatés et leur a même recommandé de faire effectuer des vérifications additionnelles par des entrepreneurs qualifiés. Ces vérifications n’ont pas été effectuées et cette omission constitue, de la part des demandeurs, une omission de se comporter en acheteurs prudents et diligents.
[31]
Dans les circonstances présentes, les défectuosités dont se plaignent
les demandeurs constituent, non pas des vices cachés, mais des vices apparents,
et la garantie de qualité de l’article
[32] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[33] REJETTE la demande, avec frais de 146 $.
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__________________________________ GÉRALD LAFOREST, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
28 novembre 2011 |
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jl