Neth c. Boucher

2012 QCCQ 2511

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-MAURICE

LOCALITÉ DE

SHAWINIGAN

« Chambre civile »

N° :

410-32-004516-104

 

DATE :

19 mars 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

 PIERRE LABBÉ, J.C.Q.

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THAO NETH,

Demandeur et défendeur reconventionnel

c.

LINDA BOUCHER,

MICHEL CLOUTIER

RÉJEAN BOUCHARD,

Défendeurs et demandeurs reconventionnels

 

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JUGEMENT

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[1]            Alléguant que les défendeurs n'ont pas respecté une offre d'achat du 17 février 2010 portant sur les lots 40 à 44 du Rang 3 à Saint-Mathieu-du-Parc, le demandeur leur réclame solidairement 7 000 $ à titre de dommages.

[2]            Les défendeurs contestent la demande, précisant que le demandeur a commis une fraude à leur endroit en ce que les terrains en question étaient situés majoritairement en zone humide et ne pouvaient être construits. Ils envisageaient un projet de lotissement.

[3]            Chacun des défendeurs formule une demande reconventionnelle de 7 000 $ à titre de dommages.

[4]            Dans un document daté du 4 octobre 2010 (D-5), signé par le demandeur et Michel Cloutier, le demandeur libère monsieur Cloutier de toute poursuite reliée à la vente du domaine s'il témoigne pour lui dans trois dossiers de la Division des petites créances à Trois-Rivières le 4 octobre 2010. Il sera question au paragraphe 6 de l'un de ces dossiers décidé par la juge Nicole Mallette.

LES FAITS

[5]            La preuve révèle les faits pertinents suivants.

[6]            Dans le dossier numéro 400-32-010960-107, la juge Nicole Mallette a rendu un jugement le 12 octobre 2010 rejetant une demande semblable du demandeur contre Yvon Desrosiers, un partenaire des défendeurs (P-21). Elle a également accueilli partiellement la demande reconventionnelle de monsieur Desrosiers. Il n'y a pas chose jugée à l'égard du présent dossier puisque les parties ne sont pas les mêmes.

[7]            Le demandeur a produit 39 pièces au soutient de sa demande.

[8]            À la suite d'une visite des lieux au mois de janvier 2010 avec le demandeur, les défendeurs souhaitaient faire un lotissement autour du lac Quatre. Le 8 février 2010, une promesse d'achat a été signée entre le demandeur, d'une part, et Yvon Desrosiers, Réjean Bouchard et Michel Cloutier, d'autre part (P-1).

[9]            Le 17 février 2010, cette promesse d'achat a été amendée pour notamment donner une désignation plus précise des lots. Il y a lieu de citer les extraits suivants de ce document :

1- Linda Boucher qui remplace Yvon Desrosiers, Réjean Bouchard et Michel cloutier, qui sont décrits dans la promesse d'achat comme acheteur, interviennent dans ladite promesse d'achat non seulement personnellement mais aussi pour une compagnie à être formée. Yvon Desrosiers cède à Linda Boucher tous les droits qu'il détient dans la promesse d'achat signée le 8 février 2010.

[…]

5- L'acheteur déclare vouloir vérifier les informations de la municipalité, tel que cela était prévu à la promesse d'achat, et il déclare qu'il existe actuellement des contradictions ou des différences entre les dites informations et la description technique préparée par Alain Brodeur, arpenteur-géomètre, le 25 septembre 2006. L'acheteur réserve donc tous ses droits de faire sa recherche de titres et d'exiger du vendeur tous les correctifs nécessaires.

QUITTANCE D'UN ACOMPTE

Le vendeur reconnaît avoir obtenu de l'acheteur un montant de dix mille dollars (10 000,00$) provenant d'un chèque tiré du compte en fidéicommis du notaire Jean-Pierre Aubry de Shawinigan, lequel montant constitue l'acompte qui doit être remis par l'acheteur au vendeur au plus tard le dix-huit février deux mille dix (18 février 2010) (acompte qui était d'un montant de vingt-cinq mille dollars (25 000,00$) dans la promesse d'achat), rendant ainsi ladite promesse d'achat valable et en vigueur entre les parties, malgré les termes de ladite promesse d'achat. Ladite somme de dix mille dollars (10 000,00) n'est pas remboursable à l'acheteur pour quelque raison que ce soit, sauf fraude de la part du vendeur.

[Reproduit tel quel]

[10]         Sous la cote P-11 a été produit un reçu du notaire Aubry du 17 février 2010 attestant qu'il a reçu de messieurs Desrosiers, Bouchard et Cloutier la somme de 10 000 $ à titre d'acompte sur la promesse d'achat.

[11]         Dans des lettres du 28 février 2010 adressées à chacune de ces personnes (P-12, P-13, P-14), le demandeur leur a accordé un délai jusqu'au 28 avril 2010 pour passer l'acte de vente.

[12]         Les terrains en question étaient situés dans la municipalité de Saint-Mathieu-du-Parc. On référait dans la promesse d'achat à un plan préparé par l'arpenteur Brodeur (P-8), dossier K-7971. On faisait également référence à neuf terrains achetés par le demandeur en avril 2009 et qui lui seront transférés plus tard, le 1 er mai 2011.

[13]         Le prix prévu est de 375 000 $.

[14]         Il y a lieu de citer les extraits suivants de la promesse d'achat originale :

« Cette offre est valable et en force dès M. Thao Neth reçu le accompte au montant de 25,000 (vingt cinq milles) le plus tard le 18 février 2010

Les acheteur de même délai 18 fév-2010 à vérifier et accepter les informations de municipalité

[…]

Si un dans les conditions non respecter cette entente sera nul et non avenue le acompte (25.000 $) vingt cinq mille est non remboursable

[Reproduit tel quel]

[15]         L'acompte de 25 000 $ prévu à cette promesse d'achat a été modifié pour 10 000 $ dans l'amendement.

[16]         Il est aussi prévu que si les conditions ne sont pas respectées, l'offre sera nulle et l'acompte sera conservé par le vendeur sauf en cas de fraude.

[17]         Selon la liste produite sous la cote P-3, il y avait 34 terrains et 17 rues.

[18]         Comme indiqué à la promesse d'achat, les acheteurs ont fait des démarches auprès de la municipalité. Yvon Desrosiers et Réjean Bouchard ont rencontré Patricia Cormier, inspectrice municipale. Elle leur a appris que le lotissement projeté était situé en zone humide, ce qui les a étonnés. Trois ou quatre terrains seulement étaient constructibles. Les chemins existants étaient non carrossables pour la plupart. Des tests étaient nécessaires pour prévoir des installations septiques. Elle leur a aussi mentionné qu'elle avait fourni au demandeur ces informations par un courriel du 25 septembre 2008, précisant que c'était une zone humide et qu'il n'était pas question que la municipalité accepte que les terrains fassent l'objet de remplissage. Le courriel susdit a été produit sous la cote P-9 avec une carte indiquant les milieux humides protégés et non constructibles.

[19]         Yvon Desrosiers et Réjean Bouchard ont aussi rencontré Claude McManus, conseiller municipal, le 2 mars 2010. Il leur a confirmé que le lotissement projeté (environ 30 terrains) était situé en zone humide. Il a aussi mentionné qu'il y avait trop de terrains prévus par rapport à la superficie constructible. Enfin, il a précisé que tout lotissement ne pouvait être envisagé pour l'été 2010 puisque la municipalité devait faire un ensemble de vérifications au sujet du projet.

[20]         Par la suite, Yvon Desrosiers a retenu les services de l'urbaniste Yves Gaillardetz de la firme Roche.

[21]         Le 30 mars 2010, le bureau d'arpenteurs BLP a envoyé au demandeur deux plans du projet de lotissement préparés à la demande de monsieur Desrosiers.

[22]         Le 31 mars 2010, le projet n'était pas acceptable tel quel selon les conclusions d'une séance d'étude du conseil municipal.

[23]         Le 1 er avril 2010, Claude McManus en a informé Yvon Desrosiers. Celui-ci et ses partenaires voulaient acheter des terrains quand même.

[24]         Un peu plus tard, le comité consultatif d'urbanisme a refusé le projet.

[25]         Le 14 avril 2010, Claude McManus a rencontré Yvon Desrosiers, Réjean Bouchard et d'autres personnes pour les informer de la volonté de la municipalité de ne pas aller de l'avant avec ce dossier qui était clos. Réjean Bouchard a décidé de se retirer du projet.

[26]         Catherine Fortier, inspectrice municipale en environnement, a confirmé au demandeur le 21 avril 2011 que 13 des terrains étaient situés en milieu humide (P-37). Yannick Clément, cartographe de la MRC de Maskinongé, a précisé que l'organisme Canards Illimités classait le secteur dans les milieux humides. Les photographies produites sous la cote D-15 sont éloquentes à ce sujet. Ce projet n'a pas eu de suite auprès de la MRC de Maskinongé.

[27]         Yves Desrosiers a su, avant la date prévue pour la signature de l'acte de vente notarié, que plusieurs des terrains étaient situés en zone humide. Ceci constituait une contrainte majeure à toute construction autour du lac Quatre. Il reproche au demandeur de ne pas avoir informé les promettant-acheteurs de ce fait puisqu'il était au courant de leur projet de lotissement.

[28]         Yves Gaillardetz a préparé un plan d'aménagement à la demande d'Yvon Desrosiers. Le projet priorisait la vente des terrains autour du lac d'abord, de façon à financer le reste du lotissement. Après avoir communiqué avec Patricia Cormier et Yannick Clément, il a constaté que trop de terrains étaient situés en zone humide, ce qui a éteint l'intérêt de son client pour ce projet.

[29]         La preuve révèle que le demandeur a vendu les terrains à un tiers au mois de juillet 2011 pour le prix de 380 000 $.

ANALYSE

[30]         Bien que le demandeur n'a pas fait de preuve suffisante que les défendeurs n'avaient pas respecté, sans motif, les obligations contenues à la promesse d'achat, sa demande est devenue sans objet depuis qu'il a vendu les terrains en juillet 2011 à un prix supérieur à celui prévu dans la promesse d'achat. Il n'a donc pas subi de dommages. Sa réclamation de 7 000 $ n'est pas détaillée. Dans le jugement du 12 octobre 2010, la juge Mallette a conclu qu'il n'y avait pas eu de preuve de fraude de la part du demandeur. Le Tribunal en vient à la même conclusion dans le présent dossier. Les défendeurs auraient pu vérifier, auprès de la municipalité et de la MRC, l'état des terrains avant de signer la promesse d'achat. Ces informations étaient publiques. Ils en ont cependant fait une condition pour aller de l'avant avec la promesse d'achat. Puisque le demandeur connaissait cette situation depuis au moins le 25 septembre 2008, date du courriel que lui a envoyé Patricia Cormier, il aurait dû informer les promettant-acheteurs de cette situation, ce qui les aurait fort probablement désintéressés dès le départ de ce projet. Le demandeur a manqué à l'obligation de bonne foi que lui imposent les articles 6 , 7 et 1375 du Code civil du Québec dont le texte est le suivant :

6.  Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.

7.  Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.

1375.  La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.

[31]         Les défendeurs ont donc droit, pour leur demande reconventionnelle, d'être indemnisés pour les frais engagés inutilement dans cette affaire. Ils ont droit à la part des frais de la firme Géomatique BLP (arpentage) qu'ils ont engagée (D-8) de même qu'aux frais du notaire Aubry (D-12). La facture du 31 mai 2010 de Géomatique BLP adressée à Yvon Desrosiers, Réjean Bouchard et Michel Cloutier pour la préparation des plans de lotissement et de désignation des lots totalise 3 499,13 $. Réjean Bouchard et Michel Cloutier ont donc droit chacun au tiers de cette somme, soit 1 166,37 $. Yvon Desrosiers a obtenu la même somme par le jugement de la juge Mallette.

[32]         La facture du notaire Aubry du 15 septembre 2010 adressée à Yvon Desrosiers, Réjean Bouchard, Linda Boucher et Michel Cloutier totalise 4 071,63 $. La facture concerne essentiellement des honoraires pour les recherches de titres et la préparation de la désignation des lots. Puisqu'Yvon Desrosiers a déjà été indemnisé du quart de cette somme, soit 1 017,90 $, chacun des trois défendeurs a droit au quart de cette somme.

[33]         En résumé, Réjean Bédard a droit à la somme de 1 166,37 $, plus 1 017,90 $ pour un total de 2 184,27 $. Michel Cloutier a droit à la même somme de 2 184,27 $. Quant à Linda Boucher, elle a droit à la somme de 1 017,90 $ puisque la facture de l'arpenteur ne lui était pas adressée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL  :

[34]         REJETTE la demande du demandeur;

[35]         ACCUEILLE en partie les demandes reconventionnelles;

[36]         CONDAMNE le demandeur à payer à Réjean Bouchard la somme de 2 184,27 $, avec intérêts sur cette somme au taux légal, majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec , à compter du 16 juillet 2010;

[37]         CONDAMNE le demandeur à payer à Michel Cloutier la somme de 2 184,27 $, avec intérêts sur cette somme au taux légal, majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec , à compter du 8 octobre 2010;

[38]         CONDAMNE le demandeur à payer à Linda Boucher la somme de 1 017,90 $, avec intérêts sur cette somme au taux légal, majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec , à compter du 16 juillet 2010;

[39]         CONDAMNE le demandeur aux dépens.

 

 

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PIERRE LABBÉ, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

10 janvier 2012