Côté et Régie de l'assurance maladie du Québec |
2012 QCCFP 19 |
COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER N°: |
1300906 |
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DATE : |
20 mars 2012 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
M e Denise Cardinal |
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MARTIN CÔTÉ
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Appelant
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Et
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RÉGIE DE L’ASSURANCE MALADIE DU QUÉBEC
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Intimée |
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DÉCISION |
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(Article
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[1] À peine trois mois après son arrivée comme gestionnaire à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), M. Martin Côté s’improvise humoriste. Sa prestation consiste à déposer dans la valise contenant les effets personnels de sa supérieure hiérarchique, M me Joscelyne Raymond, lors de son passage dans les bureaux de la RAMQ à Montréal, un petit billet (I-2) qu’il signe au nom d’un employé sous sa responsabilité (désigné X), laissant croire à une relation amoureuse entre eux.
[2] Deux jours plus tard, M. Côté réalise soudainement les répercussions de son geste. Dans un courriel (I-3) qu’il adresse à M me Raymond, il lui explique les raisons de son geste. Premièrement, il voulait jouer un tour à X. Il lui en doit plusieurs . Deuxièmement, il voulait diminuer le stress de M me Raymond qui lui était apparue nerveuse cette journée-là.
[3] Mais voilà que les autorités de la RAMQ ne partagent pas le même sens de l’humour. M. Côté est suspendu sans traitement pour une durée d’une journée.
[4] M. Côté demande à la Commission d’annuler cette mesure disciplinaire qu’il considère abusive et déraisonnable.
[5] La trame des événements rapportés par les témoins dans cette affaire comporte essentiellement les séquences suivantes. La première porte sur le billet inséré par M. Côté (11 mai 2011) et le courriel d’explications qu’il transmet par la suite (13 mai 2011). Les autres évènements sont les deux rencontres (18 et 26 mai 2011) tenues à ce sujet et l’imposition de la suspension d’une journée à M. Côté (3 juin 2011).
[6] La RAMQ fait témoigner M me Raymond et M me Magalie Lavoie, directrice des ressources humaines, qui déposent également des documents. La preuve de M. Côté réside dans son témoignage et celui de M me Carole Joly, sa supérieure immédiate. Les deux déposent également des documents.
[7] Le 11 mai 2011, M me Raymond est présente aux bureaux de la RAMQ, à Montréal, où elle se rend environ deux fois par mois. Cette gestionnaire, qui possède environ 25 années d’expérience à ce titre, dont deux années et demie à la RAMQ, a une journée passablement occupée par des rencontres. Elle détient en effet un poste d’importance à la RAMQ puisqu’elle a sous sa responsabilité environ 430 employés, dont 13 cadres.
[8] Comme elle ne possède pas d’espace de travail à Montréal, elle dépose sa valise contenant ses effets personnels dans une salle de réunion où M me Joly et M. Côté travaillent cette journée-là.
[9] Après sa journée bien remplie, à son retour à la maison à Québec, M me Raymond s’affaire à ranger ses effets personnels contenus dans sa valise. C’est alors qu’elle découvre au milieu de ses vêtements le billet suivant (I-2), dont le nom du signataire est sous ordonnance de confidentialité. Il se lit ainsi :
« Chère Jocelyne
hé oui. Je suis ton amant et je veux te dire que j’ai aimé chaque moment avec toi à Montréal. Tu es l’amour de ma vie. Mon rayon de soleil.
À bientôt
Ton gros minou
(signé X) xxx »
[10] À la lecture de ce document, M me Raymond explique qu’elle est estomaquée et qu’elle ne comprend pas . Sa première réaction est de se demander si elle a pu faire quelque chose qui puisse susciter ce billet.
[11] Elle en discute avec sa fille qui lui demande si elle est bien certaine de l’identité du signataire du billet.
[12] Encore sous le choc, elle ne réussit pas à trouver le sommeil au terme de cette journée-là.
[13] Le lendemain, M me Raymond effectue les démarches suivantes. Elle communique tout d’abord avec M me Joly pour obtenir l’évaluation du rendement de X réalisée quelques semaines auparavant pour voir s’il y a quelque chose dans ce document qui aurait pu déclencher la réaction de X. Elle lui demande également des documents manuscrits de X pour effectuer une comparaison d’écriture afin de déterminer s’il est bien le signataire du billet. Elle n’indique pas à M me Joly les raisons pour lesquelles elle demande ces documents.
[14] M me Joly est également gestionnaire à la RAMQ, sous la supervision immédiate de M me Raymond. Elle possède elle aussi une vaste expérience d’environ 25 ans à ce titre, acquise toutefois en majeure partie dans des établissements de détention du ministère de la Sécurité publique (MSP), puisqu’elle n’est à l’emploi de la RAMQ que depuis environ 16 mois.
[15] Bien que M me Joly exprime ne pas être à l’aise avec le fait de fouiller dans le bureau de X pour mettre la main sur les documents demandés, elle répond tout de même à la demande de M me Raymond. Elle lui transmet les documents la journée même. Elle affirme ignorer les raisons qui motivent cette demande et elle n’en parle à personne.
[16] Après avoir pris connaissance des documents, M me Raymond est incapable d’identifier l’écriture de X. Par ailleurs, elle constate que son évaluation du rendement ne contient pas d’élément susceptible de déclencher la suite des choses.
[17] M me Raymond consulte également cette journée-là son vice-président pour obtenir son avis. Les deux trouvent la situation étrange. Ils conviennent toutefois d’attendre puisqu’il devrait normalement y avoir une suite à ces événements.
[18] Le lendemain, 13 mai en début de journée, M me Raymond et M me Joly se parlent au téléphone comme elles le font régulièrement puisque leurs contacts sont fréquents. Au cours de la conversation, M me Joly s’enquiert si les documents qu’elle a transmis la veille répondent bien à ses besoins. M me Raymond lui répond vaguement que oui et qu’ils sont à les regarder. C’est alors que, selon le témoignage de M me Raymond, M me Joly lui pose la question suivante : « Est-ce que c’est en lien avec la farce que Martin t’aurait faite ? Il t’avait fait une farce parce que tu avais l’air stressée. »
[19] Au cours de son témoignage, M me Joly reconnaît s’être effectivement informée au sujet de la farce, sans préciser toutefois si c’est M. Côté ou X qui en est l’auteur. Elle affirme que c’est son intuition qui lui fait penser que l’un d’eux aurait fait une plaisanterie puisque ce sont deux grands farceurs.
[20] M me Raymond questionne M me Joly au sujet de la farce et elle demande également à parler à M. Côté. M me Joly l’informe qu’il est absent du travail cette journée-là. Elle demande alors qu’il la rappelle le lundi suivant (16 mai).
[21] À peine une demi-heure après cette conversation téléphonique, M me Raymond reçoit de M. Côté le courriel (I-3) suivant :
« Raymond Joscelyne
De : Côté Martin
Envoyé : 13 mai 2011 09:09
À : Raymond Joscelyne
Objet : X
Bonjour madame Raymond,
Mercredi lorsque j’ai vu votre valise dans la salle 307 je me suis dit que j’avais une belle opportunité pour jouer un tour à X. Je lui en doit (sic) plusieurs. Surtout que vous semblez stressée de votre réunion. Je me suis dit que ça vous changerait les idées. J’ai donc écrit la note que vous avez probablement trouvée. Je me disais que X serait très embêté de recevoir un appel où ( sic) un courriel de vous lui demandant les raisons d’une note aussi absurde.
Je vous écris car je ne veux surtout pas que vous passiez la fin de semaine en pensant à ceci. J’espère ne pas vous avoir créé de soucis car mon objectif était simplement de mettre X dans l’embarras et alléger l’atmosphère.
Au revoir
Martin »
[22] M me Raymond se dit tout d’abord étonnée qu’un gestionnaire sous sa responsabilité hiérarchique se permette de faire une telle chose. De son point de vue, il s’agit d’un geste déplacé. Au cours de sa longue carrière, elle n’a jamais été victime d’une telle affaire. Son étonnement est amplifié du fait que M. Côté est à l’emploi de la RAMQ depuis peu de temps, soit environ trois mois.
[23] M. Côté est en effet à l’emploi de la RAMQ depuis février 2011 seulement. Il œuvre toutefois au sein de la fonction publique depuis plus d’une quinzaine d’années et comme gestionnaire depuis environ 10 ans. De la même manière que M me Joly, il a passé la grande majorité de sa carrière à travailler dans les établissements de détention du MSP, où il devient gestionnaire. M. Côté et M me Joly se connaissent depuis plusieurs années et M. Côté est même devenu, en 2009, son adjoint pour la gestion d’un établissement de détention.
[24] Au sujet des circonstances entourant l’arrivée de M. Côté à la RAMQ, M me Joly explique qu’elle tient en compagnie d’une représentante de la direction des ressources humaines les entrevues d’embauche en vue de pourvoir au poste qu’occupe M. Côté. Lorsque M me Joly recommande aux autorités de la RAMQ de retenir sa candidature, après avoir rencontré plusieurs autres candidats, elle ne dévoile pas ses relations professionnelles antérieures avec M. Côté au MSP. C’est uniquement entre le 18 mai et le 26 mai que M me Raymond apprend la chose en consultant le dossier papier de M. Côté. Toutefois, M me Joly insiste sur le fait que M. Côté était nettement le meilleur candidat de tous ceux reçus en entrevue. Elle dépose à cet égard la grille d’évaluation (A-7) qu’elle a signée pour M. Côté.
[25] Voici maintenant comment M. Côté explique le billet qu’il admet avoir déposé dans la valise de M me Raymond et le contexte de son courriel d’explications.
[26] Il est en rencontre avec M me Joly, sa supérieure immédiate, toute la journée où M me Raymond est de passage à Montréal. Leur rencontre se tient dans la salle où cette dernière dépose sa valise. Il croise M me Raymond au cours de la journée et elle lui apparaît stressée. Il passe d’ailleurs un commentaire à cet égard à M me Joly.
[27] Alors qu’il est seul dans la salle, il aperçoit tout à coup la valise de M me Raymond. Il voit là une belle occasion de jouer un tour à X et il se dit que cela va détendre l’atmosphère. Il rédige la note qu’il dépose dans la valise, en spécifiant qu’il le fait sans regarder à l’intérieur. Il affirme qu’il n’en parle à personne.
[28] Le lendemain, 12 mai, il est au bureau en matinée. Il occupe tout son temps à préparer une rencontre qui se tient à l’extérieur du bureau en après-midi. Il ne pense pas au billet qu’il a déposé la veille.
[29] Le jour suivant, il est absent du bureau puisque sa journée entière est consacrée à un rendez-vous médical. Alors qu’il est dans la salle d’attente de la clinique vers 9 h le matin, subitement il se dit qu’il ne veut pas que M me Raymond passe la fin de semaine avec ça en tête . C’est d’ailleurs ainsi qu’il s’exprime dans le courriel (I-3) qu’il lui transmet à ce moment-là.
[30] M. Côté affirme ne pas avoir discuté de ces événements avec M me Joly avant d’envoyer son mot d’excuse. M me Joly corrobore son témoignage à cet égard. Ce n’est qu’après l’avoir transmis à M me Raymond qu’il informe M me Joly de sa démarche, puisque, d’après lui, il est normal d’informer sa supérieure immédiate lorsqu’il a des échanges avec sa supérieure hiérarchique.
[31] Comme lui avait suggéré son vice-président, M me Raymond rencontre le 16 mai M me Lavoie, directrice des ressources humaines à la RAMQ, pour discuter de cette affaire. À cette occasion, M me Lavoie constate que M me Raymond est très embarrassée par la situation. Elle sent son désarroi lorsqu’elle lui raconte les événements sur un ton grave .
[32] Elles conviennent de l’opportunité pour M me Raymond de tenir une rencontre avec M. Côté pour dresser un état des faits. Il s’agit d’évaluer la situation pour l’apprécier correctement avant de prendre une décision.
[33] M me Raymond se prépare minutieusement à cette rencontre. Elle rédige des questions qu’elle se propose d’adresser à M. Côté. Pour elle, cette préparation s’avère nécessaire puisqu’elle trouve le contexte difficile, étant à la fois la supérieure hiérarchique de M. Côté et la personne impliquée dans les événements.
[34] Cette même journée, M me Raymond transmet à M. Côté et à M me Joly une invitation pour la rencontre qu’elle fixe au 18 mai suivant, au bureau de M me Joly, à Montréal, de 14 h à 15 h 30.
[35] Bien que le courriel d’invitation précise comme objet de la rencontre l’événement du 11 mai 2011, M. Côté envoie le matin de celle-ci un courriel (A-2) à M me Raymond pour savoir si elle porte sur l’histoire de la blague . Il veut connaître la nature de la rencontre afin de s’y préparer adéquatement. M me Raymond lui confirme que son objet est l’événement du 11 mai et son courriel du 13 mai.
[36] Le 18 mai, M me Raymond se déplace à Montréal. Elle a d’abord une rencontre préparatoire avec M me Joly. Elle explique à M me Joly que la voie disciplinaire est en réflexion. Ce qui pourrait faire changer d’idée les autorités de la RAMQ seraient les explications de M. Côté, le repentir qu’il pourrait démontrer et sa compréhension de l’ampleur du geste. M me Raymond indique qu’une suspension de deux jours est envisagée, mais si ce n’était que d’elle, elle l’aurait suspendu pour deux semaines.
[37] M me Joly défend alors le geste de M. Côté en lui expliquant que faire des blagues est très répandu dans le milieu carcéral. Toutefois, elle reconnaît, en réponse à une question de M me Raymond, qu’elle-même n’aurait pas fait cette blague. Au cours de son témoignage, M me Joly explique d’ailleurs certaines blagues qu’elle a vécues présentant davantage de gravité. M me Joly a également soulevé le droit à l’erreur d’un employé et le régime de la progression des sanctions.
[38] Malgré tout, M me Raymond demande à M me Joly d’appuyer les autorités de la RAMQ dans leur démarche.
[39] La rencontre avec M. Côté, en présence de M me Joly, débute par la suite. Tous reconnaissent qu’elle ne dure qu’environ 15 à 20 minutes, malgré sa durée prévue d’une heure trente minutes.
[40] Au début, M me Raymond explique à M. Côté que l’objectif est de lui permettre de fournir ses explications sur ce qui s’est produit les 11 et 13 mai. M. Côté reprend alors ce qu’il exprime dans son courriel d’explications du 13 mai (I-3). Il voulait détendre l’atmosphère et tout simplement changer les préoccupations de M me Raymond par rapport à ses rencontres qui semblaient la stresser. Au cours de son témoignage, il insiste pour mentionner que quand il a vu la valise de M me Raymond, il n’a pensé à rien . Il voulait simplement remettre la monnaie de sa pièce à son collègue X qui lui jouait parfois des tours.
[41] Très tôt après le début de la rencontre, M. Côté questionne les éléments matériels entourant celle-ci. Il se demande pourquoi M me Raymond a en main des questions déjà préparées. Il s’interroge au sujet de la durée prévue de la rencontre, de même que les raisons pour lesquelles M me Joly prend des notes. M me Raymond tente de le rassurer sur tous ces éléments, mais M. Côté élève alors le ton. Il exprime qu’à son avis il s’agit d’une rencontre pour laquelle les règles d’équité procédurale devraient s’appliquer. Il décide d’y mettre fin. Il veut pouvoir être accompagné d’un représentant de l’Alliance des cadres de l’État étant donné les circonstances.
[42] M. Côté exprime de plus au cours de son témoignage ne pas comprendre l’ampleur que son geste a pris. Il ne s’attendait pas à tout ce déploiement. Mais comme il prend la chose très au sérieux, c’est la raison pour laquelle il demande la présence d’un représentant de son Alliance des cadres.
[43] À ce sujet, M me Raymond exprime déplorer la situation puisqu’elle aurait vraiment voulu avoir une bonne discussion avec lui. Il peut se faire accompagner d’un représentant, mais pour elle le contexte devient différent. M. Côté affirme que M me Raymond lui aurait dit que cela risque de faire monter d’un cran les mesures disciplinaires, ce que corrobore M me Joly.
[44] Malgré le fait que la rencontre se soit terminée d’une manière plutôt abrupte, M. Côté affirme s’être excusé à deux reprises. M me Joly ajoute dans son témoignage que M. Côté aurait dit qu’il s’excuse profondément . Elle précise au sujet du ton employé par M. Côté à la rencontre qu’il est bas puisqu’elle le sent malheureux. Pour sa part, M me Raymond témoigne qu’elle n’a pas entendu d’excuses ou du moins qu’elle ne s’en souvient pas.
[45] Les notes personnelles (I-5, A-4 et A-8) rédigées par les trois personnes présentes à cette rencontre sont déposées au cours de leur témoignage. M me Raymond ajoute de plus ses notes de la rencontre préparatoire avec M me Joly (I-4).
[46] Étant donné la tournure prise à la rencontre du 18 mai, M me Raymond décide d’en convoquer une autre qu’elle désire tenir assez rapidement avec le même objectif. Elle la fixe à son bureau à Québec, le 26 mai, à 10 h 30. Elle transmet un courriel d’invitation (I-7), le 24 mai 2011, en fin de journée. Elle demande également à M. Côté une confirmation de sa réception. M mes Joly et Lavoie sont en copie conforme de cette invitation.
[47] Il lui répond (I-7) le lendemain au milieu de la journée. Il indique qu’il n’est pas au travail aujourd’hui , car il a un rendez-vous médical. Il demande de lui donner un délai plus important, car il ne lui est pas possible de se présenter à Québec le lendemain. Cela lui laisse bien peu de délai pour rencontrer le représentant de l’Alliance des cadres et se préparer à la rencontre. M me Lavoie a d’ailleurs reçu un appel d’un représentant de l’Alliance cette journée-là pour signaler qu’il ne pouvait être présent à la rencontre.
[48] M me Raymond répond au courriel de M. Côté en lui indiquant qu’elle a tenté de le joindre sur son cellulaire environ une demi-heure plus tôt. Elle ajoute qu’étant donné qu’il a choisi de se retirer de leur précédente rencontre, alors qu’elle s’était présentée à Montréal, elle lui demande de se présenter à la rencontre du lendemain. Elle ajoute qu’il peut se faire accompagner s’il le désire. Elle termine en lui donnant son numéro de cellulaire pour la joindre. M. Côté ne réplique pas à cette réponse de M me Raymond et il ne l’appelle pas non plus.
[49] Il attend au lendemain pour lui envoyer un courriel (I-7), environ deux heures avant la rencontre, pour lui dire qu’il ne pourra être présent pour les raisons invoquées dans son courriel transmis la veille. Il reprend également le motif relatif à sa présence à la clinique médicale, mais cette fois-ci elle est pour la période de 14 h à 17 h 15 .
[50] Au cours de son contre-interrogatoire, M. Côté est appelé à donner des précisions au sujet de cet échange de courriels concernant l’invitation à la rencontre. Au sujet du moment où il prend connaissance pour la première fois de l’invitation transmise le 24 mai en fin de journée, il répond que c’est peu de temps avant d’y répondre, soit le lendemain en début d’après-midi. Toutefois, une confirmation de lecture du message est déposée (I-11) indiquant que le courriel est lu à 8 h le matin. À cela, M. Côté répond qu’il ne se rappelle pas l’avoir lu à ce moment-là et cela s’expliquerait en raison du fait que le message se trouvait au bas de l’écran de son appareil et que ça lui aurait échappé. À la question de savoir pourquoi il n’appelle pas M me Raymond le 25 mai à la suite de son message dans lequel elle lui dit que la réunion se tient quand même et qu’elle lui donne son numéro de téléphone cellulaire, il répond qu’il n’y a pas pensé. Il ajoute même qu’il ne voulait pas lui faire perdre son temps!
[51] En dépit de l’absence de M. Côté au bureau de la RAMQ à Québec le matin de la rencontre, M me Raymond décide de la tenir tout de même, à l’heure prévue, mais en procédant plutôt par conférence téléphonique à laquelle participe M me Lavoie, M me Joly, M. Côté. Pour sa part, M. Côté se dit surpris que l’on continue encore les démarches concernant cet incident. De plus, comme il n’a pas eu le loisir de rencontrer un représentant de son Alliance des cadres, il n’a pas une vision complète de la situation.
[52] Au sujet de la présence de M me Lavoie à cette rencontre, cette dernière l’explique par le fait que le ton avait monté à la précédente rencontre. Elle est chargée de gérer le climat si cela devait se produire à nouveau. Elle ajoute de plus la situation délicate que vivait M me Raymond en tant que victime profondément touchée et son rôle de gestionnaire. En temps normal, elle ne participe pas à ce type de rencontre.
[53] Quant au but de la rencontre, M me Lavoie explique qu’il s’agit d’obtenir les explications de M. Côté puisqu’il avait mis fin à la première rencontre. Elle constitue pour lui une deuxième chance de faire valoir son point de vue, de lui permettre de prendre conscience des impacts de son geste et de se faire expliquer les attentes de la RAMQ.
[54] En ce qui a trait à son déroulement, M me Lavoie témoigne que très rapidement après le début, M. Côté fait part de sa perception qu’il s’agit d’une rencontre disciplinaire. Elle se rappelle avoir mis beaucoup de temps à expliquer à M. Côté qu’il s’agissait pour lui de donner sa version des faits et qu’il n’était pas question de lui imposer une mesure disciplinaire à la fin de la rencontre.
[55] À un certain moment, M. Côté emploie un ton que M me Lavoie qualifie d’assez impressionnant. Elle ajoute qu’elle-même et M me Raymond ont dû faire un appel au calme à l’endroit de M. Côté, sans que M me Joly n’intervienne en ce sens. M. Côté reconnaît lui-même lors de son témoignage s’être fâché puisqu’il avait été sincère dans sa blague et qu’on le questionnait toujours en mode inquisitif. Il reconnaît qu’il y a eu effectivement un appel au calme. M me Joly explique son absence d’intervention auprès de M. Côté, même si elle est sa supérieure immédiate, par le fait que ce n’est pas elle qui avait initié la rencontre. Pour le ton employé par M. Côté, elle le justifie également par les mêmes questions qui lui sont posées. Elle va même jusqu’à ajouter que quand il parle bas, il a un ton grave, mais quand il parle plus fort, il a un ton aigu.
[56] Une fois le calme rétabli par M mes Lavoie et Raymond, M. Côté admet qu’il n’a pas réfléchi à l’impact que le billet pourrait avoir sur M me Raymond et qu’il voulait simplement jouer un tour.
[57] On aborde également à cette rencontre la question des excuses. M. Côté répond qu’il s’était déjà excusé à la réunion précédente. M me Raymond lui répond alors qu’elle n’a pas entendu ses excuses. C’est alors que M me Joly intervient, et c’est la seule fois qu’elle le fera au cours de la rencontre, pour confirmer qu’elle a effectivement entendu les excuses de M. Côté.
[58] On discute également de l’humour au travail. M. Côté réaffirme qu’il a fait une blague pour détendre l’atmosphère, sans penser aux répercussions. C’est la méthode qu’il utilisait auparavant au MSP et il aurait affirmé ne pas avoir l’intention de changer son approche. Au cours de son témoignage, il précise que cette affirmation allait dans le sens que l’humour rend le climat de travail plus facile. Il ne pouvait pas croire que l’humour n’était pas toléré à la RAMQ. Il reconnaît toutefois que l’humour de bon goût est acceptable et ce n’est pas le cas en l’espèce. Il aurait également affirmé lors de la rencontre apprendre de ses erreurs.
[59] La réunion se termine par un engagement de M. Côté à respecter les valeurs de la RAMQ et il exprime qu’il en tire des leçons, acceptables ou pas.
[60] M me Lavoie dresse le bilan suivant de la rencontre. Elle note tout d’abord que M me Raymond a fait preuve de beaucoup de bienveillance à l’endroit de M. Côté, alors que ce dernier n’évalue pas les impacts de son geste à l’endroit des autres, il le fait uniquement en fonction de lui-même. Il est davantage préoccupé par sa personne que par les autres.
[61] Pour sa part, M me Raymond résume ainsi les divers éléments mis en lumière par toute cette situation. Premièrement, M. Côté n’est pas conscient qu’il est un gestionnaire et de son rôle face aux employés sous sa responsabilité; deuxièmement, il a posé un geste intrusif en fouillant dans ses affaires personnelles; troisièmement, il n’a pas mesuré les conséquences que pourrait avoir ce geste, notamment par rapport à son conjoint; quatrièmement, il s’est permis de l’utiliser pour faire une farce alors qu’elle le connaît très peu et qu’ils ont eu très peu de contacts; cinquièmement, dans la mise en œuvre de sa farce, il a utilisé l’identité d’une autre personne; sixièmement, il n’a pas mesuré les conséquences de son geste par rapport à l’identité de l’employé qu’il usurpait; septièmement, elle s’est senti la tête de Turc de M. Côté puisqu’il s’est servi d’elle pour faire une farce à X.
[62] Pour cette rencontre également, les 4 personnes qui y participent déposent leurs notes personnelles (I-8, I-10, A-5 et A-9) au cours de leur témoignage.
[63] La lettre de suspension (I-1) de M. Côté, signée par le vice-président de la RAMQ, M. Gaétan Thériault, énonce deux motifs de suspension : la note du 11 mai et le courriel d’explications du 13 mai. Il ajoute que ce geste est incompatible avec les valeurs et les comportements attendus, particulièrement pour un membre du personnel d’encadrement.
[64] Pour déterminer la mesure, M me Raymond explique avoir eu des discussions avec le vice-président, de même qu’avec des représentants de la Direction des ressources humaines. Tous ont convenu qu’une suspension d’une journée s’avérait nécessaire afin que M. Côté comprenne le caractère inacceptable de son geste en raison de tous les éléments qu’elle mentionne précédemment. Les autorités de la RAMQ ne pouvaient passer l’éponge. Bien qu’au départ on avait envisagé une suspension de deux jours, selon l’information communiquée à M me Joly lors de la rencontre du 18 mai, elle est finalement réduite à une journée.
[65] M me Lavoie ajoute que la décision n’a pas été prise sous le coup de l’émotivité et qu’il s’agissait d’une situation qui n’était pas facile et loin d’être banale. La sanction a été prise à la hauteur de la gravité des gestes et en tenant compte des valeurs de l’organisation. En contre-interrogatoire, elle va même jusqu’à rajouter que la réaction de la RAMQ aurait pu être beaucoup plus cinglante.
[66] Selon la RAMQ, la Commission doit répondre aux deux questions suivantes : premièrement, l’employeur a-t-il prouvé les faits ? Deuxièmement, la suspension constitue-t-elle une mesure raisonnable en tenant compte des circonstances ? Les faits étant admis, il ne reste que la deuxième question du caractère raisonnable de la mesure.
[67] La RAMQ est d’avis que la réponse à cette question est oui puisqu’il s’agit d’un geste inadmissible, surtout de la part d’un cadre.
[68] La RAMQ s’attarde ensuite aux explications fournies par M. Côté pour justifier son geste. Étant donné les circonstances dans lesquelles il glisse le billet dans la valise de M me Raymond, l’explication de M. Côté de vouloir détendre l’atmosphère ne tient tout simplement pas la route. En réalité, il s’est servi de M me Raymond pour faire une blague à X. De plus, son geste ne peut faire autrement que d’être réfléchi et il ne pouvait ignorer les impacts que cela pouvait avoir.
[69] La RAMQ met également en lumière plusieurs facteurs aggravants. Le premier est le fait que M. Côté introduit le billet dans la valise contenant les effets personnels de M me Raymond. Cela constitue une atteinte à sa vie privée. Deuxièmement, la trame des évènements après le dépôt du billet constitue également un facteur aggravant. Au nombre de ces évènements, il y a d’abord les circonstances dans lesquelles, M. Côté a transmis son courriel d’explications le 13 mai. Pour l’employeur, il est clair qu’il y a eu une intervention auprès de M. Côté pour lui indiquer les répercussions qu’avait eues sa blague sur M me Raymond. On ajoute également le fait que M. Côté ne collabore pas lors de la rencontre du 18 mai puisqu’il quitte tout simplement la rencontre. Enfin, le fait qu’il ne se présente pas à celle du 26 mai constitue également un facteur aggravant. Les explications de M. Côté pour justifier son absence sont bien peu crédibles du point de vue de la RAMQ.
[70] Le constat final est que M. Côté ne manifeste aucun repentir et qu’il n’est pas conscient de son geste.
[71] Quant à ses excuses qu’il aurait formulées lors de la rencontre du 18 mai, si vraiment il en avait faites, pourquoi alors ne pas les avoir répétées lors de la conférence téléphonique du 26 mai alors qu’il sent bien que le ton monte.
[72] Dans l’ensemble, les éléments pris en considération dans le choix de la sanction sont les impacts de son geste à l’endroit de M me Raymond qu’il connaît très peu, l’intrusion dans sa vie privée en déposant le billet dans sa valise et l’atteinte aux valeurs de respect de la RAMQ. Le fait qu’il soit un cadre, à l’emploi de la RAMQ depuis seulement trois mois lorsqu’il se permet de poser ce geste, s’ajoute à ces éléments.
[73] Même sans les politiques et les directives déposées en preuve (I-12 à I-14), il y a tout simplement la règle du bon sens. M. Côté ne présente aucun remords et il banalise son geste.
[74] La RAMQ soumet que la suspension d’une journée de M. Côté ne constitue pas dans les circonstances une mesure déraisonnable. C’est uniquement lorsqu’une mesure présente ce caractère que la Commission intervient. Elle demande donc de rejeter la plainte de M. Côté.
[75] D’entrée de jeu, M. Côté soumet trois remarques préliminaires. Premièrement, le but du processus disciplinaire, selon la doctrine et la jurisprudence, n’est pas de punir, mais de s’assurer de la réadaptation et que les gestes reprochés ne se reproduisent plus. Deuxièmement, l’objet de la sanction porte sur une blague que tous reconnaissent de mauvais goût et inappropriée. Cependant, il s’agit d’un geste qui n’a pas été prémédité, mais réalisé sous le coup du moment. Il rappelle les deux objectifs de cette blague : jouer un tour à X et détendre M me Raymond. Troisièmement, M. Côté est un gestionnaire au dossier disciplinaire vierge. Et la RAMQ attache peu d’importance à ce dernier élément.
[76] Il soutient par la suite que son geste ne présente pas une gravité objective qui constitue une question factuelle. À cet égard, son argumentation s’appuie principalement sur le processus utilisé par la RAMQ alors qu’on lui aurait dit, à plusieurs reprises, qu’il n’y aurait pas de mesures disciplinaires qui seraient imposées. On affirme une chose et on fait le contraire. Il s’appuie en cela sur les notes personnelles de M me Joly des rencontres du 18 mai et 26 mai déposées au cours de son témoignage (A-8 et A-9).
[77] M me Joly possèderait par ailleurs une crédibilité à toute épreuve et le détachement nécessaire pour porter un jugement adéquat sur les événements, contrairement à M me Raymond puisqu’elle est juge et partie. Les constats qu’elle fait sont dictés par les émotions. M me Joly est de plus la mieux placée pour juger du comportement de M. Côté puisqu’elle le connaît davantage.
[78] Il soulève également que certains faits collatéraux soulevés par la RAMQ n’ont pas été signalés à M. Côté, on le fait uniquement devant la Commission, plus particulièrement son absence de collaboration aux rencontres. Pour celle du 26 mai, on décide de la tenir, malgré l’absence du représentant de son Alliance des cadres.
[79] Il complète en soutenant que la mesure disciplinaire dans les circonstances est disproportionnée. Il dépose également un extrait de doctrine et une décision de la Commission. [1]
[80] Pour la question de l’absence de preuve par rapport à la gravité objective de la faute en lien avec le processus où on aurait affirmé à M. Côté qu’il n’y aurait pas de mesures disciplinaires, la RAMQ a simplement indiqué au cours des rencontres qu’il n’y aurait pas de lettre de mesures disciplinaires remise à la fin de celles-ci.
[81] Au sujet de la tenue d’une rencontre d’équité procédurale, cette obligation n’existe pas pour les cadres, comme il ressort de l’arrêt Dunsmuir [2] .
[82] Quant au dossier disciplinaire vierge de M. Côté, la RAMQ souligne que M. Côté travaille pour cet organisme depuis trois mois seulement.
[83] Pour la communication des facteurs aggravants, la RAMQ répond que la lettre de suspension n’a pas à les énoncer puisqu’ils font partie du processus intellectuel pour déterminer la mesure disciplinaire appropriée aux circonstances.
[84] M. Côté est d’accord avec la RAMQ qu’elle n’avait pas à l’informer avant de lui imposer la mesure disciplinaire, mais la situation ici est la suivante : on dit une chose et on fait le contraire.
[85] Étant donné que M. Côté admet avoir déposé le billet dans la valise de M me Raymond, la Commission doit d’abord déterminer si sa conduite justifie la mesure disciplinaire et, si oui, la suspension sans traitement d’une journée constitue-t-elle une mesure déraisonnable ?
[86] Au sujet de la conduite de M. Côté, la RAMQ soulève les deux éléments suivants dans sa lettre de suspension : le billet déposé dans la valise de M me Raymond et le courriel d’explications.
[87] D’entrée de jeu, la Commission mentionne que son analyse repose sur les témoignages entendus et qu’elle fait abstraction des notes personnelles déposées au soutien de ceux-ci, en regard des rencontres des 18 et 26 mai, pour le motif que certaines d’entre elles ne présentent pas vraiment une facture correspondant au qualificatif de notes personnelles.
[88] Au sujet du billet déposé dans la valise de M me Raymond, M. Côté admet qu’il s’agit d’une blague de mauvais goût et inappropriée. Il ajoute que son geste n’était pas prémédité et l’avoir fait sur le coup du moment. Dans son courriel d’explications (I-3), il affirme poursuivre deux objectifs. Il voulait jouer un tour à X, puisqu’il lui en doit plusieurs. De plus, il voulait détendre M me Raymond qui lui est apparue stressée cette journée-là.
[89] Ce second objectif, teinté d’empathie à l’endroit de M me Raymond, sonne faux pour ne pas dire qu’il est invraisemblable. Comment peut-il tenter de convaincre qu’il poursuivait cet objectif de détendre M me Raymond alors qu’elle n’avait vraisemblablement aucune raison au cours de sa journée de travail d’ouvrir sa valise contenant ses effets personnels et de découvrir le billet en question! De plus, nul besoin d’être un humoriste aguerri pour savoir qu’une blague pour détendre l’atmosphère, si vraiment on peut l’appeler ainsi, doit produire un effet immédiat. Par contre, la preuve ne permet pas de convaincre la Commission qu’en déposant ce billet M. Côté commet un geste qui constitue une intrusion dans la vie privée de M me Raymond.
[90] Ainsi, il ne reste que l’objectif de jouer un tour à X parce qu’il lui en doit plusieurs, comme M. Côté l’exprime lui-même. A cet égard, la Commission partage entièrement la perception de M me Raymond qui dit se sentir la tête de Turc de M. Côté. Il est également permis de croire qu’une autre personne dans la même situation aurait la même perception.
[91] La Commission reconnaît que l’humour n’est pas incompatible avec le travail, mais il faut savoir qu’il a pour mission de faire du bien aux gens, non de les blesser. L’humour mal utilisé peut devenir une arme dangereuse. C’est ce qui s’est produit dans les circonstances présentes.
[92] M. Côté ne peut justifier sa démarche humoristique en se retranchant derrière son expérience professionnelle antérieure au MSP. Il est d’ailleurs en cela fortement appuyé par sa supérieure immédiate, M me Joly. En se référant à leur passé respectif, les deux tentent de défendre l’indéfendable.
[93] Au sujet de la transmission du courriel d’explications de M. Côté à M me Raymond, deux jours après sa blague, les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles il le fait, de même qu’une certaine mention dans ce document, laissent la Commission perplexe quant au caractère spontané de sa démarche.
[94] Cette journée-là, M. Côté n’est pas au travail, il passe la journée à la clinique médicale. À 9 h, il envoie son courriel en pensant subitement ne pas vouloir, comme il l’écrit, que vous ( M me Raymond) passiez la fin de semaine en pensant à ceci , alors que la veille, présent au travail, il ne pense pas à sa blague. M me Joly de son côté parle à M me Raymond dans les minutes qui précédent l’envoi du courriel. Au cours de la conversation, elle perçoit l’embarras de M me Raymond face à la situation. Même si M. Côté et M me Joly affirment tous les deux ne pas s’en être parlé, la Commission croit plutôt que quelqu’un est intervenu pour que M. Côté se manifeste, de façon maladroite, est-il besoin de le dire.
[95] La Commission est d’avis que les gestes reprochés à M. Côté illustrent des manquements concrets aux règles élémentaires de savoir-vivre et de respect des autres, dont on doit s’attendre qu’une personne en situation de gestion en connaisse bien la portée, sans qu’il ne soit nécessaire d’épiloguer davantage. En conséquence, la conduite de M. Côté justifie une mesure disciplinaire.
[96] Pour sa part, M. Côté soutient que la faute objective n’est pas démontrée puisque la RAMQ lui aurait indiqué à quelques reprises qu’il n’y aurait pas de sanction disciplinaire. La Commission retient de la preuve administrée par le biais des témoignages de M me Raymond et de M me Joly que dès la rencontre préparatoire du 18 mai une sanction disciplinaire est envisagée par la RAMQ, mais la décision n’est pas prise encore. La Commission croit plutôt que M. Côté a pris ses désirs pour des réalités. Il fait tout pour minimiser la situation et il voudrait que la RAMQ fasse la même chose.
[97] Pour évaluer si la suspension d’une journée de M. Côté s’avère déraisonnable, il convient maintenant d’examiner toutes les autres circonstances de cette affaire.
[98] Au chapitre des excuses que M. Côté aurait formulées lors de la réunion du 18 mai, M me Raymond dit qu’elle ne les a pas entendues ou qu’elle ne s’en souvient pas. M. Côté fait valoir qu’ils sont deux, lui et M me Joly, à affirmer qu’il en a exprimées. Il insiste également sur la crédibilité et le dégagement de M me Joly par rapport à toute la situation, contrairement à M me Raymond.
[99] À l’opposé de M. Côté, la Commission ne perçoit pas un réel dégagement de M me Joly dans le regard qu’elle porte sur toute cette affaire, malgré le lien d’autorité qu’elle détient sur M. Côté et qui devrait colorer son jugement. Plusieurs éléments contribuent à la perception de la Commission. Au nombre de ceux-ci, il y a d’abord le fait qu’elle passe sous silence leurs relations professionnelles antérieures aux autorités de la RAMQ lorsqu’elle recommande son embauche. La Commission veut bien croire qu’il était le meilleur candidat, mais ce type d’information est normalement dévoilé dans des circonstances semblables. De plus, la Commission entretient des doutes sur son intuition, comme elle l’exprime, qui lui permet de croire que M. Côté a fait une blague, sans qu’ils ne s’en parlent. Ensuite, dès la rencontre préparatoire du 18 mai, M me Joly prend immédiatement parti en faveur de M. Côté, en se retranchant notamment derrière l’humour qu’ils ont vécu tous les deux dans leur travail au sein des établissements de détention, et avant même qu’il s’exprime devant M me Raymond. Par la suite, au cours de la rencontre du 26 mai, sa seule intervention est pour se porter à la défense de M. Côté au sujet des ses excuses, alors que lui-même reconnaît avoir haussé le ton et s’être fâché.
[100] Cela étant dit, la Commission ne croit pas utile de déterminer si oui ou non M. Côté s’est excusé. Même s’il avait effectivement prononcé des paroles d’excuses, il n’adopte pas l’attitude du profil bas qui correspond davantage à une personne qui se repend vraiment de son geste. Au contraire, il met fin prématurément à la rencontre au cours de laquelle il se serait excusé, à peine 15 à 20 minutes après le début, alors que M me Raymond s’est déplacée de Québec à Montréal pour le rencontrer. Pour la rencontre suivante, il ne se présente tout simplement pas. Malgré le fait qu’elle ait été convoquée dans un délai plutôt court, il utilise des prétextes pour tenter d’y échapper, mais la réalité le rattrape par la voie des moyens techniques d’une conférence téléphonique. Au cours de celle-ci, il reconnaît s’être fâché parce qu’il ne comprend pas les raisons pour lesquelles on discute encore de son comportement.
[101] La RAMQ range avec raison au chapitre des facteurs aggravants le comportement de M. Côté à ces rencontres. Il aurait voulu passer l’éponge rapidement et il ne comprend pas pourquoi la RAMQ ne le fait pas. Bref, il refuse de faire face à la réalité.
[102] M. Côté a posé des gestes qui ne sont pas dignes du comportement attendu d’un gestionnaire et la trame des événements qui s’en est suivie constitue des facteurs aggravants.
[103] En conséquence, la Commission est d’avis qu’il n’y a pas lieu d’intervenir puisque la sanction disciplinaire imposée à M. Côté n’est pas déraisonnable dans les circonstances.
[104] POUR CES MOTIFS , la Commission rejette l’appel de M. Martin Côté.
Original signé par :
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_____________________________ M e Denise Cardinal, Commissaire |
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M e Pascale Racicot |
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Procureure pour l’appelant |
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M e Micheline Tanguay |
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Procureure pour l’intimée |
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Lieu de l’audience : |
Québec |
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Dates des audiences : |
18 novembre 2011 et le 9 décembre 2011 |
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[1] D’AOUST, Claude, LECLERC, Louis et TRUDEAU, Gilles. Les mesures disciplinaires : étude jurisprudentielle et doctrinale , Montréal, École de relations industrielles, Université de Montréal, 1982, p. 190-191 ; Bérubé c. Ministère des Transports , [2007] 24 n°1 R.D.C.F.P. 169.
[2]
Dunsmuir
c.
Nouveau-Brunswick