Section des affaires économiques

 

 

Date : 4 avril 2012

Référence neutre : 2012 QCTAQ 03901

Dossier : SAE-M-190578-1110

Devant les juges administratifs :

FRANÇOIS BOUTIN

ODETTE LACROIX

 

9190-7121 QUÉBEC INC.

Partie requérante

c.

RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX

Partie intimée

 

 


DÉCISION


 


 


L’objet du recours

[1]               La requérante, 9190-7121 Québec inc., conteste la décision n o 40-0382440-001 rendue le 6 octobre 2011 par la Régie des alcools, des courses et des jeux, ci-après, la Régie, qui suspend pour une période de trois jours les permis de bar n os 9491374, 9491382, 9491390, 9510520, 9652595 dont elle est titulaire

[2]               La Régie impose cette suspension pour sanctionner la saisie du 28 janvier 2009 de 10 contenants de boissons alcooliques avec des insectes dans trois pièces différentes de l’établissement de la rue St-Denis à Montréal.

Les prétentions et arguments de la requérante

[3]               La requérante admet les faits reprochés lors de la saisie du 28 janvier 2009, mais soutient que la sanction imposée par la Régie est trop sévère eu égard aux actions qu’elle a entreprises pour contrôler la présence d’insectes dans les boissons alcooliques de l’établissement.

[4]               Lors de son témoignage, monsieur Apostolatos fait valoir qu’il n’avait aucun intérêt, à titre de directeur général de la compagnie, de tolérer la présence d'insectes dans les boissons alcooliques du commerce « Les 3 brasseurs » situé sur la rue St-Denis alors que ce type de problèmes pouvait affecter l'image de l’ensemble de cette chaîne.

[5]               Dans les faits, monsieur Apostolatos possède une expérience de plus de 20 ans dans l’exploitation de ce type de commerce et est conscient que les mouches peuvent entrer dans les bouteilles de boissons alcooliques. Cependant, il soutient que toutes les bouteilles de boissons alcooliques ont toujours été munies d’un système de becs verseurs communément appelé « système berg » et son équipe et lui croyaient que ce système de valve assurait une protection contre l’introduction d’insectes dans les bouteilles.

[6]               À la suite de la saisie du 28 janvier 2009, il dit, à titre de représentant de la titulaire des permis de bar, avoir agi avec diligence pour diminuer la présence d'insectes dans son établissement et mettre en place des actions et des procédures de contrôle pour empêcher l’introduction d’insectes dans les contenants des boissons alcooliques.

[7]               M. Robert Aoudé, responsable des procédures de contrôle de la compagnie, affirme qu’il était présent dans l’établissement lors de la saisie. Avec plus de 15 années d’expérience dans le domaine de la restauration, il s’est dit très surpris de la découverte d’insectes dans les boissons alcooliques lors de la visite des policiers et de la méthode utilisée pour les détecter, soit l’utilisation de la lampe de poche.

Les prétentions et arguments de la Régie

[8]               À la lecture des transcriptions de l’audience devant la Régie, la procureure de cette dernière prétend que le témoignage de monsieur Apostolatos est clair selon lequel la titulaire des permis de bar connaissait bien la problématique des insectes dans le commerce.

[9]               Vu la grande expérience que monsieur Apostolatos possède dans la gestion de ce type de commerces, elle invoque que la titulaire a été négligente alors qu’il est reconnu que le « système berg » vise à contrôler le volume d’alcool et non à assurer une protection contre les insectes.

[10]            Par le dépôt de six décisions, dont quatre de la Régie [1] et deux du Tribunal administratif du Québec [2] , la procureure de la Régie prétend que la durée de suspension imposée au présent dossier est raisonnable et respecte la ligne décisionnelle de la Régie.

L’analyse du Tribunal

[11]            Les dispositions applicables au présent litige et sur lesquelles la Régie fonde sa décision sont l’article 86 de la Loi sur les permis d’alcool [3] , ci-après, « LPA », et l’article 108 de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques [4] , ci-après, « LIMBA » .

86.  La Régie peut révoquer ou suspendre un permis si:

[ ]

  9° le titulaire du permis ou, dans le cas où ce titulaire est une société ou une personne morale visée dans l'article 38, une personne mentionnée dans cet article, a été déclaré coupable d'une infraction à la présente loi ou aux règlements, à la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques (chapitre I-8.1), à une loi sur la sécurité, l'hygiène ou la salubrité dans les édifices publics ou sur la qualité de l'environnement ou à un règlement adopté en vertu d'une telle loi,

[ ]

108.  Quiconque étant muni d'un permis:

[ ]

 2.1° garde ou tolère qu'il soit gardé dans son établissement une boisson alcoolique contenant un insecte, à moins que cet insecte n'entre dans la fabrication de cette boisson alcoolique;

[ ]

commet une infraction

[ ]

[12]            Le responsable de la titulaire des permis d’alcool ne nie pas les faits qui sont survenus lors de la saisie le 28 janvier 2009. Toutefois, le Tribunal comprend des témoignages entendus que différentes actions ont été entreprises afin de mettre en place des procédures de contrôle plus rigoureuses dans les différentes succursales de l’entreprise afin de s’assurer que les boissons alcooliques soient de meilleure qualité et conservées dans des conditions d’hygiène plus adéquates.

[13]            En fait, le témoignage de Robert Aoudé démontre que l’équipe de monsieur Aspostolatos a pris différentes mesures afin d’empêcher qu’une telle situation ne se reproduise.

[14]            Pour ce faire, Robert Aoudé affirme avoir transmis une correspondance ( pièce R-1 [5] ) à tous les gérants des succursales « Les trois Brasseurs » pour les sensibiliser à l’importance de mettre en place des procédures améliorées de contrôle quant à la présence d'insectes dans les boissons alcooliques au moyen d’une lampe de poche.

[15]            Pour diminuer le problème à la source, Robert Aoudé fait valoir que son employeur a rapidement mandaté la compagnie ABELL (pièce R-2 [6] ) spécialisée dans le contrôle antiparasitaire pour inspecter les lieux du commerce, appliquer des répulsifs et mettre en place des appâts dans les drains de plancher pour capter les insectes.

[16]            Le 2 mars 2009, Robert Aoudé soutient que les gérants des différentes succursales « Les trois Brasseurs » se sont réunis (pièce R-4 [7] ) pour convenir de l’application de nouvelles procédures de contrôle des boissons alcooliques à être réalisées par les employés des bars de chaque commerce. Cette procédure indique que les employés des bars doivent inspectés toutes les bouteilles de boissons pour vérifier la présence de mouches et notifier les résultats de l’inspection dans le rapport mensuel.

[17]            Lors de cette rencontre, Robert Aoudé indique également que les gérants ont convenu d’appliquer une pellicule plastique sur le bec verseur pour sceller l’ouverture de chaque bouteille de boisson alcoolique à la fin de chaque soirée pour assurer une protection adéquate contre l’introduction d’insectes. Il ajoute que cette façon de faire était avant tout une mesure temporaire dans l’optique d’obtenir de nouveaux becs verseurs efficaces contre les insectes.

[18]            Il conclut que les becs verseurs ont été changés en avril 2009 sur toutes les bouteilles de boissons alcooliques par un nouveau qui assure une protection adéquate contre les insectes.

[19]            À la lecture attentive des transcriptions du témoignage de monsieur Apostolatos et de l’appréciation de son témoignage devant le Tribunal, ce dernier est d’opinion que la titulaire n’a pas agi de mauvaise foi dans cette affaire, mais aurait dû savoir que les risques associés à la présence de mouches dans le commerce pouvaient avoir un impact sur la salubrité des boissons alcooliques vu les méthodes utilisées pour protéger l’ouverture des contenants de boissons alcooliques.

[20]            Dans cette présente affaire, le Tribunal est d’avis qu’il y a lieu de considérer que la requérante a mis en place un certain nombre de mesures pour corriger la situation, mais il n’en demeure pas moins que dix contenants de boissons alcooliques ont été saisis dans trois endroits différents et que la titulaire a commis une infraction. Dans les circonstances, une sanction s’impose.

[21]            À la lecture de la jurisprudence soumise par la requérante, le Tribunal constate que cette dernière a soumis deux cas similaires à la présente affaire où la Régie impose des suspensions de permis de deux jours.

[22]            Dans les affaires Resto-Bar Le Club Sandwich [8] et Houston’s Steak et Côtes Levées [9] , le Tribunal constate qu’une suspension de deux jours est imposée aux titulaires de permis de bar pour avoir respectivement gardé ou toléré 30 et 19 contenants de boissons alcooliques contenant des insectes.

[23]            Dans les circonstances, le Tribunal est d’avis qu’une suspension des permis d’alcool d’une durée de (2) deux jours est plus raisonnable et justifiée.

PAR CES MOTIFS , le Tribunal :

ACCUEILLE partiellement le recours;

INFIRME la partie de la décision n o 40-0382440-001 rendue le 6 octobre 2011 par la Régie portant sur la durée de suspension des permis de bar;

SUSPEND pour une période de (2) deux jours , les permis de bar n os 9491374, 9491382, 9491390, 9510520, 9652595 dont 9190-7121 Québec inc. est titulaire, et ce, à compter de la mise sous scellés des boissons alcooliques par un inspecteur de la Régie ou par le corps de police dûment mandaté à cette fin;

ORDONNE la mise sous scellés des boissons alcooliques se trouvant sur les lieux par un inspecteur de la Régie ou par le corps de police dûment mandaté à cette fin pour la période de la suspension ci-dessus mentionnée.


 

FRANÇOIS BOUTIN, j.a.t.a.q.

 

 

ODETTE LACROIX, j.a.t.a.q.


 

Phillips, Friedman, Kotler

Me Nathalie A. Markatos

Procureure de la partie requérante

 

Firlotte, Asselin

Me Bianca Catherine Rossi

Procureure de la partie intimée


 



[1]    RACJ c. Restaurant Buffet la Stanza , 40-1574227-001, 5 avril 2005; RACJ c. Restaurant La Fonderie enr., 40-0170787-001, 20 juillet 2005; RACJ c. Homard Plus enr., 40-0649954-001, 21 juin 2007; RACJ c. 3266133 Canada inc., 40-1433606-001, 3 mai 2005.

[2]    TAQ c. Homard Plus enr., SAE-M-133546-0706, 10 janvier 2008; TAQ c. 326-6133 Canada inc., SAE-M-104528-0505, 26 avril 2006.

[3]    L.R.Q.,c. P-9.1.

[4]    L.R.Q., c. I-8.1.

[5]    Courriel datée du 30 janvier 2009.

[6]    Facture datée du 27 février 2009.

[7]    Document interne qui s’intitule « Manager Meeting - March 2 nd , 2009 ».

[8]    RACJ c. Resto-Bar le Club Sandwich , 40-0773069-001, le 30 juillet 2004.

[9]    RACJ c. Houston’s Steak et Côtes Levées , 40-0001257, le 23 mars 2006.