Vézina c. Lepinay

2012 QCCQ 2707

JS 1046

 
 COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LONGUEUIL

« Chambre civile »

N° :

505-32-028081-116

 

 

DATE :

Le 5 avril 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CHANTAL SIROIS, J.C.Q.

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BRUNO VÉZINA

et

SYLVIE CÔTÉ

Partie demanderesse

c.

 

NICOLE LEPINAY

et

PIERRE SAVARD

Partie défenderesse

 

et

DANIEL GUILBERT

et

MARIE-REINE DANCAUSE

          Partie appelée

 

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JUGEMENT

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[1]            Les demandeurs Bruno Vézina (Vézina) et Sylvie Côté (Côté) réclament 7 000 $ aux défendeurs Nicole Lepinay (Lepinay) et Pierre Savard (Savard), leur reprochant vices cachés relativement à un immeuble à logements vendu le 13 juin 2007.

[2]            Lepinay et Savard appellent eux-mêmes en garantie leurs vendeurs, Daniel Guilbert (Guilbert) et Marie-Reine Dancause (Dancause).

[3]            Dans un premier temps, Lepinay et Savard plaident n’avoir reçu aucun avis de dénonciation en temps utile en vertu de l’article 1739 C.c.Q. et plaident n’avoir reçu aucune mise en demeure préalable à l’exécution des travaux.

[4]            À cet égard, Vézina témoigne que le 20 juillet 2009, le plafond de la locataire du sous-sol s’est effondré en raison des dommages causés par le bris de tuyau.  Il aurait procédé aux correctifs les 22 et 23 juillet 2009 pour l’essentiel, les travaux devant se terminer en août 2009.

[5]            L’ancienne locataire Nadine St-Onge (St-Onge) présente une preuve contradictoire, puisqu’elle précise que les travaux correctifs n’ont été complétés qu’après son déménagement en juillet 2010. 

[6]            Vézina soutient que c’est en raison de l’urgence qu’il n’aurait pas cherché à communiquer avec Vézina et Côté. 

[7]            La mise en demeure qu’il leur a fait parvenir date du 31 décembre 2010, donc environ dix-huit mois après les problèmes reprochés.

[8]            Concernant la fissure, cette dernière a été réparée le 7 mai 2010 et elle fait l’objet de la même mise en demeure du 31 décembre 2010.

[9]            Les articles 1590 et 1595 C.c.Q. prévoient la nécessité de mise en demeure préalable à l’exécution des travaux:

 

1590.   L'obligation confère au créancier le droit d'exiger qu'elle soit exécutée entièrement, correctement et sans retard.

 

Lorsque le débiteur, sans justification, n'exécute pas son obligation et qu'il est en demeure , le créancier peut, sans préjudice de son droit à l'exécution par équivalent de tout ou partie de l'obligation:

 

1°   Forcer l'exécution en nature de l'obligation;

 

2°   Obtenir, si l'obligation est contractuelle, la résolution ou la résiliation du contrat ou la réduction de sa propre obligation corrélative;

 

3°   Prendre tout autre moyen que la loi prévoit pour la mise en oeuvre de son droit à l'exécution de l'obligation.

 

1595.    La demande extrajudiciaire par laquelle le créancier met son débiteur en demeure doit être faite par écrit .

 

Elle doit accorder au débiteur un délai d'exécution suffisant , eu égard à la nature de l'obligation et aux circonstances; autrement, le débiteur peut toujours l'exécuter dans un délai raisonnable à compter de la demande.

 

(soulignements ajoutés)

 

[10]         L'absence de mise en demeure empêche la partie prétendument fautive de constater le problème et de pouvoir se défendre pleinement ou remédier au problème à moindre coût, le cas échéant.

[11]         L'absence d’envoi de mise en demeure préalable est fatale à l’exercice du recours d'une partie.  Ainsi en a décidé la Cour d’appel dans l'affaire Caron c. Centre Routier inc. [1] , dont les principes doivent aussi être retenus dans le cas de réparations à être effectuées:

 

Je suis d'avis que, lorsqu'on dit que l'acheteur doit non seulement aviser le vendeur de l'existence d'un vice caché mais lui donner l'opportunité de vérifier si un tel vice existe, c'est pour donner au vendeur l'opportunité de prendre les mesures nécessaires pour rectifier la situation, le cas échéant.  En d'autres termes, l'acheteur qui découvre que la chose achetée est affectée d'un vice caché doit mettre son vendeur en demeure de remédier à la situation avant de faire quelque réparation que ce soit .  Décider autrement ouvrirait la porte à de véritables abus.  Prenons l'exemple de l'acheteur qui achèterait un bien usagé.  Quelque temps après son achat, s'il est insatisfait, l'acheteur pourrait faire réparer ou améliorer la chose et ensuite exiger du vendeur le remboursement de ces travaux.  Dans un tel cas, le vendeur n'aurait que bien peu de moyens de contester la nécessité des travaux et n'aurait plus l'opportunité d'effectuer les travaux  à un coût moindre .

 

(soulignements ajoutés)

 

[12]         Cette règle peut faire exception dans le cas d’urgence d’agir [2] .

[13]         Cependant, en l’espèce, la preuve non contredite révèle que Vézina et Côté sont déménagés à peine à 100 pieds de l’immeuble vendu, à la connaissance de Vézina, et que Vézina connaissait leur numéro de téléphone pour les joindre.

[14]         Dans ces circonstances, il est inconcevable que Vézina n’ait pas cherché à communiquer avec Lepinay et Savard avant le 23 novembre 2010, date à laquelle il leur a téléphoné, tout juste avant l’envoi de la mise en demeure du 31 décembre 2010.

[15]         Le moyen d’exception d’urgence soumis par Vézina ne peut donc être retenu et pourrait suffire à lui seul, à faire échec à la présente réclamation.

[16]         Mais il y a davantage.

[17]         Vézina a été le seul témoin à se faire entendre en demande.  Il a produit des factures d’entrepreneurs, mais aucune expertise ni note explicative dans ces factures permettant de déterminer la cause des bris reprochés.

[18]         Il ne suffit pas qu’il y ait bris d’un équipement vendu pour conclure à la responsabilité des vendeurs, encore faut-il que l’acheteur fasse la preuve de vices cachés conformément à l’article 1726 C.c.Q. : 

 

1726.  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

 

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

 

[19]         Les conditions d’application de la garantie légale contre les vices cachés prévues aux articles 1726 et 1739 du Code civil du Québec sont les suivantes: 

·          Le vice doit être grave, c'est-à-dire doit diminuer significativement l'utilité du bien vendu;

·          Le vice doit être inconnu de l'acheteur au moment de la vente;

·          Le vice doit être caché, c'est-à-dire non apparent au moment de la vente;

·          Le vice doit être antérieur à la vente;

·          Il doit s'agir réellement d'un vice et non d'une usure ou d'une détérioration résultant de l'usage normal d'un bien;

·          L’acheteur n’aurait pas acheté ou n’aurait pas donné si haut prix s’il avait connu le vice;

·          Il doit y avoir dénonciation écrite par l’acheteur au vendeur dans un délai raisonnable de la découverte du vice.

[20]         En l’absence d’expertise et du témoignage d’un quelconque entrepreneur, Vézina n’est pas parvenu à se décharger de son fardeau de prouver vice caché de la tuyauterie, plutôt que par exemple vétusté ou autre cause de défectuosité.

[21]         Quant à la fissure, selon la preuve soumise par Lepinay et Savard, il appert qu’un entrepreneur en déneigement a heurté les fondations de la résidence et que cette fissure est apparue à la suite de ce contact.

[22]         Encore là, on ne peut conclure que la fissure constitue un vice caché.

[23]         Vézina ne s’est donc pas déchargé de son fardeau de preuve.

[24]         Cependant, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de 999 $ pour stress et inconvénients, car le stress subi par les défendeurs est celui de tout justiciable poursuivi dans des procédures judiciaires.

[25]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[26]         REJETTE la demande principale, avec les frais judiciaires de 148 $;

[27]         REJETTE l’appel en garantie;

[28]         Rejette la demande reconventionnelle.

 

 

 

 

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CHANTAL SIROIS, J.C.Q.

 

 

 

 

Date d’audience : Le 27 mars 2012

 

 



[1] [1990] R.J.Q. 75 (C.A.), à la page 82.

[2] Coderre c. Ouellette, J.E. 81-920 (C.P.); Caron c. Placements Jean Malo ltée, [1995] R.D.I. 40 (C.S.); Gouge c. Simard, B.E. 97BE-881 (C.Q.); Forget c. Lévesque-Mousseau, B.E. 97BE-1067 (C.Q.); Caron c. Perron, B.E. 98BE-680 (C.Q.).