Radu c. Ebenisterie Michel Crevier enr.

2012 QCCQ 2773

JV0516

 
COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-118171-091

 

 

 

DATE :

 18 avril 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

SUZANNE VADBONCOEUR, J.C.Q .

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SIMION RADU

[…] Montréal (Qc) […]

Demandeur

c.

 

EBENISTERIE MICHEL CREVIER ENR.

130 Rudolph

St-Colomban (Qc) J6K 7K7

Défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Le demandeur réclame de la défenderesse (« ÉBÉNISTERIE ») la somme de 6 500$ en dommages pour ne pas avoir respecté le contrat d'entreprise intervenu entre les parties le 18 mai 2009, de même qu'en remboursement partiel des meubles achetés chez IKEA en remplacement des cabinets commandés auprès de la défenderesse mais demeurés inachevés.

[2]            La défenderesse n'étant pas incorporée, c'est le défendeur personnellement qui constitue la véritable partie défenderesse.  C'est donc sous le nom de ce dernier que nous référerons à la partie défenderesse dans le présent jugement.

[3]            Le défendeur nie devoir ce montant, alléguant que le demandeur a voulu annuler le contrat d'entreprise avant même que le défendeur ait pu compléter ses travaux, ce qu'il ne pouvait faire avant que les prises électriques soient changées et qu'une conduite d'eau soit déplacée.

LES FAITS

[4]            En mai 2009, le demandeur, qui venait de se porter acquéreur d'un immeuble, désirait en refaire la cuisine. 

[5]            Il décide donc de démonter l'ancienne cuisine et contacte un ébéniste sur la foi d'une annonce parue dans le journal.

[6]            Michel Crevier, ébéniste depuis 11 ans, se rend chez le demandeur en mai 2009, prend les mesures de la cuisine et choisit avec le demandeur le type de bois qui servirait à la fabrication des armoires, à partir d'échantillons.

[7]            Monsieur Crevier dessine un plan sommaire dans son agenda.

[8]            Selon le document P-1, le prix sur lequel les parties se sont entendues est de 2 400$ plus taxes et la date de livraison est fixée au 13 juin 2009.

[9]            Quelques semaines après cette première visite, monsieur Crevier revient avec ce que le demandeur appelle le squelette des armoires, c'est-à-dire sans vitres ni portes. 

[10]         Monsieur Radu dit avoir laissé plusieurs messages téléphoniques à monsieur Crevier afin d'obtenir des précisions sur la suite des choses et notamment sur les intentions de ce dernier quant à la façon de poursuivre et de finaliser le contrat auquel il s'était engagé.

[11]         Non seulement n'y avait-il ni portes ni vitres aux armoires mais l'installation proprement dite laissait à désirer puisqu'on pouvait voir plusieurs espaces entre les armoires.

[12]         Dans son témoignage, monsieur Crevier mentionne avoir rappelé le demandeur.  Il ajoute lui avoir laissé le plan sommaire D-1, qui indiquait les endroits où il fallait déplacer des prises électriques et conduites d'eau.  Il ne pouvait donc terminer ses installations avant que ces travaux ne soient effectués. 

[13]         De plus, monsieur Crevier précise que le plancher de céramique n'était pas encore posé, de sorte qu'il ne pouvait pas compléter l'installation de ses armoires.

[14]         Ce dernier volet du témoignage de monsieur Crevier est formellement nié par le demandeur, qui affirme qu'il n'y a jamais eu de plancher de céramique et que le plancher de bois, existant, n'a été que nettoyé, poli et laqué.

[15]         Le 26 juin 2009, le demandeur envoie une première lettre au défendeur (P-2), et une seconde le 2 juillet 2009.  Il y réclame notamment le remboursement du dépôt de 1 000$ donné au début des travaux, le 18 mai 2009.

[16]         Ces lettres n'ont jamais été réclamées par le défendeur.

[17]         Le 8 juillet 2009, monsieur Radu envoie une mise en demeure au défendeur, lui réclamant la somme de 6 485$.

[18]         Puisque monsieur Crevier ne revenait pas, le demandeur a dû aller se procurer de nouveaux meubles chez IKEA (voir facture P-4) qu'il a fait installer par l'entreprise Rénovation Tzake Prestige inc. (« TZAKE ») dont la facture P-5 s'élève à 2 370,37$.

[19]         Monsieur Radu réclame également le coût de tous les repas qu'il a dû prendre au restaurant ou qu'il s'est fait livrer, lesquels s'élèvent à 257,55$ selon l'état de compte P-6 de TD Canada Trust.

[20]         Le demandeur produit enfin des photos en liasse sous la cote P-7, certaines représentant la cuisine laissée inachevée par monsieur Crevier et d'autres, la nouvelle cuisine telle que complétée par TZAKE.

L'ANALYSE

[21]         Dans tout recours en justice, la partie demanderesse doit démontrer au Tribunal, par une preuve prépondérante, le bien fondé de ses prétentions, conformément aux articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec , lesquels se lisent comme suit :

«  2803.   Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

               Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

2804.      La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »

[22]         Nous sommes ici face à un contrat d'entreprise régi par les articles 2098 et suivants du Code civil du Québec .

[23]         En vertu de ce contrat, les services du défendeur ont été retenus par le demandeur aux fins de rénover sa cuisine pour la somme de 2 400$ plus taxes, conformément à la soumission P-1.

[24]         Il appert de la preuve que le défendeur n'a pas respecté ses obligations contractuelles et a résilié son contrat à un moment inopportun.  À cet égard, l'article 2126 C.c.Q. stipule que :

«  2126.  L'entrepreneur ou le prestataire de services ne peut résilier unilatéralement le contrat que pour un motif sérieux et, même alors, il ne peut le faire à contretemps; autrement, il est tenu de réparer le préjudice causé au client par cette résiliation.

Il est tenu, lorsqu'il résilie le contrat, de faire tout ce qui est immédiatement nécessaire pour prévenir une perte.

[25]         Selon les témoignages entendus, il s'avère que monsieur Crevier ne retournait pas les appels de monsieur Radu et lui a livré des armoires sans vitres ni portes.

[26]         Le Tribunal ne croit pas la version de monsieur Crevier lorsque celui-ci affirme qu'il ne pouvait poursuivre ses travaux avant que les prises électriques et l'une des conduites d'eau soient déplacées et avant que le plancher de céramique soit posé.  En effet, le demandeur nie formellement avoir fait des modifications électriques à l'exception des prises extérieures.  Il affirme également ne pas avoir modifié l'emplacement de la conduite d'eau mais uniquement fait raccorder de petits tuyaux de l'évier au tuyau central.  Cela n'empêchait aucunement monsieur Crevier de compléter ses travaux d'ébénisterie.

[27]         De plus, monsieur Radu est catégorique : aucun plancher de céramique n'a été posé, son plancher de bois n'a été que rafraîchi.

[28]         Le Tribunal n'est pas très impressionné par le plan D-1 produit par le défendeur :  si ce plan est à la mesure de la qualité du travail du défendeur, il n'est pas étonnant que le demandeur ait voulu s'adresser ailleurs.  Les photos P-7 sont d'ailleurs assez éloquentes sur ce plan.

[29]         La preuve révèle que monsieur Radu, devant le silence du défendeur, a dû faire appel à une autre entreprise pour compléter l'installation de sa nouvelle cuisine.  L'entreprise Tzake a démonté les armoires partiellement installées, lesquelles ont été conservées durant un an et demi par le demandeur sans qu'il puisse les remettre au défendeur.  Il a finalement dû s'en départir.

[30]         Le Tribunal conclut donc de la preuve que la résiliation du contrat émane du défendeur, qu'elle a été faite à contretemps et que ce dernier est, dès lors, tenu de réparer le préjudice causé au client, le demandeur en l'instance.

[31]         Toutefois, le Tribunal ne saurait octroyer au demandeur plus que le montant forfaitaire prévu à la soumission P-1, puisque ce serait alors de l'enrichissement injustifié pour lui et équivaudrait à l'obtention d'une cuisine sans aucuns frais pour ce dernier.

[32]         Si le demandeur a décidé d'acheter pour 7 000$ de meubles chez IKEA, c'est son affaire, sa décision.  Le défendeur n'a pas à payer pour cela.  La soumission prévoyait une cuisine en MDF peint blanc antique, ce matériau étant du carton pressé selon le témoignage de monsieur Crevier.  Il ne peut être question que le Tribunal rembourse au demandeur des meubles fabriqués avec des matériaux d'une qualité de beaucoup supérieure.

[33]         Le Tribunal accordera donc au demandeur le remboursement de son acompte de 1 000$ versé le 18 mai 2009 (P-3) de même qu'un montant supplémentaire de 1 500$ pour couvrir les retards et inconvénients reliés à l'abandon du chantier par le défendeur et au démontage des armoires par Tzake .  Le Tribunal lui accorde enfin un montant de 150$ pour couvrir certains repas pris à l'extérieur alors qu'il était dans l'impossibilité de se servir de sa cuisine.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL  :

ACCUEILLE en partie la demande du demandeur;

CONDAMNE le défendeur à payer au demandeur la somme de 2 650$ avec l'intérêt au taux légal de 5% l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 26 juin 2009, ainsi que les frais de timbre judiciaire au montant de 156$.

 

 

 

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SUZANNE VADBONCOEUR, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

5 janvier 2012