Cistellini c. Jinchereau

2012 QCCS 1776

 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

N°:

200-17-013043-104

 

 

 

DATE :

  Le 27 avril 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE FRANÇOIS HUOT, J.C.S.

(JH 5330)

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CRISTINA CISTELLINI,

et/

NICOLAS GAGNON,

 

Demandeurs

c.

 

JOCELYNE JINCHEREAU,

et/

PAUL MARTEL,

           

            Défendeurs

 

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JUGEMENT

 

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[1]            Cristina Cistellini et Nicolas Gagnon demandent au Tribunal de condamner les défendeurs Jocelyne Jinchereau et Paul Martel à leur payer 97 867,46 $ à titre de réduction du prix de vente d'un immeuble acquis par les demandeurs en septembre 2007, lequel serait grevé de divers vices cachés.

I- LES FAITS

[2]            Le 28 septembre 2007, les demandeurs achètent des défendeurs une maison construite en 1987 et dont madame Jinchereau et monsieur Martel étaient propriétaires depuis le 8 mai 1991.

[3]            Le prix initial demandé pour cette résidence était de 458 000,00 $.

[4]            Suite à une première offre d'achat au montant de 360 000,00 $, formulée le 14 août 2007, les défendeurs répliquent par une contre-offre de 395 000,00 $.

[5]            Après une inspection pré-achat réalisée le 20 août, les parties conviennent de conclure la transaction pour 385 000,00 $, somme prenant en considération divers travaux à réaliser au toit et aux fenêtres de l'immeuble.

[6]            Au début de l'été 2009, les demandeurs entreprennent la réfection du plancher de la galerie ceinturant une bonne partie de la résidence.

[7]            Lors de ces travaux, madame Cistellini et monsieur Gagnon découvrent de la pourriture affectant la solive de contour et certaines solives du plancher du rez-de-chaussée. [1]

[8]            Le même jour, il dénonce verbalement la situation aux défendeurs, enjoignant ces derniers de venir prendre connaissance de la situation.

[9]            Paul Martel se présente à la propriété dès le lendemain. Il prend acte de l'état des solives et confirme qu'il n'était pas au courant de ce vice au moment de la transaction.

[10]         En août, les demandeurs mandatent Claude Céré, architecte, pour  analyser le problème et fournir son opinion sur les causes de la pourriture.

[11]         Dans les semaines suivantes, monsieur Céré procède à diverses analyses.  À l'aide d'un hygromètre, il effectue des lectures de taux d'humidité sur les autres façades du bâtiment et y détecte des résultats anormaux suggérant la présence d'infiltrations d'eau et d'une humidité excessive dans les murs.

[12]         Suite à ces démarches, l'architecte convient avec les propriétaires de procéder à des percées dans les murs.  Celles-ci sont réalisées par des employés de l'entreprise Menuisart, propriété de l'entrepreneur général Daniel Tessier, et confirment la décomposition de plusieurs éléments de la structure.

[13]         Le 18 septembre, les demandeurs dénoncent par écrit les vices découverts aux défendeurs. [2]

[14]         Monsieur Martel retourne donc sur les lieux le 30 septembre et reçoit de Claude Céré diverses explications relativement à son analyse et ses constats.

[15]         Le 29 septembre, Daniel Tessier observe lui-même l'état de pourriture avancé caractérisant le côté Nord de la résidence. Grâce aux percées, il note également une décomposition importante de la charpente sur les trois autres façades.

[16]         Dans son rapport [3] , l'architecte Céré décrit ainsi la détérioration observée:

Ø   La solive ceinturant le plancher du rez-de-chaussée est pourrie à plusieurs endroits sur toutes les façades de la résidence;

Ø   Les solives du plancher supportant la galerie et installées en porte-à-faux depuis l'intérieur de la résidence sont également atteintes de pourriture;

Ø   Certaines solives du plancher montrent une détérioration grave et une perte d'intégrité structurale;

Ø   Les structures de bois formant la partie inférieure des murs en contact avec la fondation sont également affectées de pourriture;

Ø   Les sections de bois formant le pourtour des ouvertures de portes et fenêtres, ainsi que les cadres en bois de plusieurs portes-patio et fenêtres sont également atteintes de pourriture. [4]

[17]         À la fin octobre, les employés de Menuisart effectuent les réparations les plus urgentes sur la façade Nord de l'immeuble.  Ils remplacent notamment la solive de rive et injectent, en prévision de la période hivernale, de l'uréthane dans les percées.

[18]         Le 15 décembre 2009, Cristina Cistellini et Nicolas Gagnon mettent les défendeurs en demeure de leur rembourser 80 000,00 $ à titre de réduction du prix de vente pour vices cachés. [5]

[19]         Les présentes procédures sont entamées le 14 mai 2010, date correspondant également au début des travaux correctifs, qui s'échelonneront jusqu'en octobre suivant.

[20]         Bien que l'entrepreneur Tessier évalue l'étendue des dommages structurels à environ 50% du périmètre [6] , les demandeurs choisissent, à sa suggestion, de dégarnir complètement la structure, tant sur la façade principale que sur les trois autres murs.

[21]         Dès le début des travaux, une colonie de fourmis charpentières est localisée dans la partie supérieure du mur du garage, du côté Est de la maison. L'état de décomposition y est à ce point avancé qu'il n'existe pratiquement plus de charpente derrière le revêtement de stuc.

[22]         Dans les semaines suivantes, d'autres nids de fourmis charpentières et pharaons sont détectés dans d'autres parties de la structure, ce qui oblige  les demandeurs à recourir aux services d'un exterminateur à six reprises. [7]

[23]         Les travaux de dégarnissement révèlent que la charpente de la maison est atteinte de degrés de pourriture variables selon les endroits.

[24]         Les emplacements les plus altérés correspondent aux coins Sud-Est et Sud-Ouest, de même qu'à la partie inférieure de l'immeuble, où la décomposition est parfois si avancée qu'il n'existe pratiquement plus de structure de bois derrière le revêtement.  D'autres endroits, comme la partie supérieure de la façade Sud, sont par contre moins affectés.

[25]         L'architecte Céré décrit ainsi les dommages observés:

« Des dommages ont été constatés sur toutes les façades de la maison ainsi que sur les murs extérieurs du garage.  À plusieurs endroits, la lisse d'assise de la fondation, la solive de rive du plancher du rez-de-chaussée ainsi que l'extrémité portante de certaines solives du rez-de-chaussée sont sérieusement détériorées par la pourriture.

En plus, la lisse basse et l'extrémité de certains colombages formant l'ossature des murs extérieurs sont également atteints par cette décomposition. La structure du plancher est tellement détériorée à proximité de l'entrée principale, que des affaissements sont maintenant visibles à l'intérieur de la maison. » [8]

[26]         L'importance de la dégradation est confirmée par Nelson Larrivée, architecte et expert pour les défendeurs. Dans son rapport, monsieur Larrivée mentionne notamment ce qui suit:

« Lors des visites que nous avons effectuées à la propriété, nous avons constaté des dommages importants à la structure de cette maison.  Plusieurs des composantes internes des murs extérieurs sont affectées par la détérioration du bois par de la pourriture.  Nous avons fait les constatations suivantes:

Ø   Les solives de la galerie de l'étage principal qui pénètrent dans le mur au niveau du plancher sont détériorées.

Ø   Plusieurs éléments de la charpente en bois sont également détériorés, notamment, les colombages, les solives de rives, les lisses basses et les fourrures.

Ø   Les dommages sont concentrés dans la partie inférieure des murs au niveau de la terrasse localisée sur la gauche et près du sol. » [9]

[27]         En raison de l'importance de la pourriture, une partie de la charpente doit être refaite au cours de la période estivale.

[28]         On procède également à la modification de la structure de la galerie, la configuration initiale de cette dernière (installation en porte-à-faux depuis l'intérieur de la résidence) étant en partie responsable des infiltrations d'eau.

[29]         Lors des travaux de rénovation, la fille des demandeurs doit être hospitalisée en raison d'un bronchospasme. Madame Cistellini et monsieur Gagnon retiennent donc les services de la firme « Airmax Environnement», afin de réaliser à une analyse de la qualité de l'air à l'intérieur de la résidence.

[30]         L'étude révèle une concentration élevée de moisissures, généralement considérées comme allergènes, possiblement attribuables aux poussières générées par les travaux effectués à l'extérieur de l'immeuble. [10]

[31]         Airmax recommande aux demandeurs de compléter les travaux d'enlèvement et de remplacement des matériaux pourris et un nettoyage avant de réintégrer leur domicile. [11]

[32]         Le garage de la résidence comporte deux étages.  Le premier sert de pièce de rangement. Le second est quant à lui utilisé comme espace de stationnement.

[33]         Lors de leur inspection, les employés d'Airmax remarquent une odeur de moisissure au premier étage du garage, ainsi que de l'efflorescence au plafond et sur le plancher de béton de cette partie de l'immeuble. [12]

[34]         Après avoir enlevé le gypse de la pièce de rangement, les défendeurs constatent des dommages à la structure et la présence d'une fissure dans le solage.

[35]         Selon les auteurs du rapport d'étude de la qualité de l'air, la présence d'efflorescence sur le béton est un signe d'infiltration d'eau:

« Ainsi, la présence d'efflorescence dans un environnement intérieur n'est pas à négliger. En effet, l'efflorescence est un dépôt visible de sels minéraux sur des surfaces comme le béton. Ces sels sont présents dans l'eau qui traverse le béton et s'accumule sur la surface où cette eau s'évapore, ce qui laisse une poudre blanche. Si de la poussière se retrouve sur ce même mur, il peut y avoir développement de moisissures, car la poussière et l'humidité favorisent la croissance des micro-organismes. Cette situation est donc à surveiller, car elle peut favoriser la présence de moisissures dans l'air. » [13]

[36]         On recommande donc à monsieur Gagnon et madame Cistellini d'identifier « les sources d'infiltration d'eau, toutes les fuites d'eau ou sources d'humidité excessive (fissures dans la fondation, drain français non fonctionnel etc.) ayant causé la présence d'efflorescence au plafond et sur le plancher du  premier étage » et de corriger tout problème éventuel avant qu'une décontamination des surfaces concernées ne soit entreprise. [14]

[37]         Le 5 octobre 2010, les demandeurs avisent les défendeurs de ce nouveau vice par l'entremise de leurs procureurs respectifs [15] .

II- LE DROIT

[38]         L'article 1716 du Code civil du Québec énonce les obligations du vendeur, soit celles de délivrer un bien conforme, de garantie du droit de propriété et de qualité.  Ces trois garanties existent de plein droit.

[39]         La garantie de qualité porte sur l'usage normal du bien vendu. [16] Elle a pour objet d'en assurer le plein usage. [17] Le Législateur la définit ainsi à l'article 1726 C.c.Q.:

" Art. 1726   Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert."

[40]         Pour mettre en oeuvre la garantie de qualité, le vice doit à la fois être grave, avoir existé au moment de la vente, être caché et inconnu de l'acheteur. [18]

[41]         Le défaut doit d'abord comporter un certain degré de gravité rendant le bien impropre à l'usage auquel il est destiné ou en diminuant tellement l'utilité que son acheteur n'en aurait pas fait l'acquisition au même prix. Il n'est pas nécessaire que le vice empêche toute utilisation du bien, mais simplement qu'il en réduise l'utilité de façon importante. [19] Le Tribunal prendra notamment en considération le coût des travaux de réparation, l'ampleur des inconvénients subis par l'acheteur, la variation de la valeur du bien et le temps que l'acheteur a dû consacrer aux travaux de réfection.

[42]         Le vice doit exister au moment de la vente, et ce, bien entendu, pour éviter d'imputer au vendeur la responsabilité d'une déficience découlant d'une utilisation anormale du bien par l'acheteur. [20]

[43]         Le vice doit également être caché en fonction d'une norme objective. Le Tribunal doit déterminer si un acheteur prudent et diligent de même compétence l'aurait constaté avant d'en faire l'acquisition. [21]

[44]         Finalement, le défaut doit être inconnu de l'acheteur selon une norme subjective. Aucune présomption de connaissance ne pèse sur lui.  Il est toujours présumé de bonne foi. Le fardeau de prouver la connaissance réelle du vice repose ainsi sur le vendeur. [22]

[45]         Dans Lavoie c. Comtois [23] , l'honorable juge Rochon, siégeant alors à la Cour supérieure, formulait les commentaires suivants en rapport avec cette disposition législative et le concept d'"acheteur prudent et diligent":

"Cette disposition écarte la controverse quant à la nécessité d'avoir recours à un expert. Cette obligation n'apparaissant pas aux dispositions du Code civil du Bas-Canada (art. 1522 et ss). Ce sont les tribunaux qui avaient en matière immobilière défini le vice caché à partir d'un concept objectif: le vice sera caché s'il échappe à l'examen visuel de l'expert sans investigation poussée ou destruction partielle des éléments du bâtiment. L'absence de recours à l'expert n'était pas fatale si la partie établissait que pareille assistance n'aurait été d'aucune utilité. L'obligation de recourir à un expert était également modulée suivant différents critères dont l'âge du bâtiment.

Ceci étant dit, comment doit-on interpréter les dispositions du Code civil du Québec à cet égard?

L'acheteur prudent et diligent d'un immeuble procède à un examen visuel attentif et complet du bâtiment. Il est à l'affût d'indice pouvant laisser soupçonner un vice. Si un doute sérieux se forme dans son esprit, il doit pousser plus loin sa recherche . D'une part, on ne peut exiger d'un acheteur prudent et diligent une connaissance particulière dans le domaine immobilier. D'autre part, on ne peut conclure aux vices cachés si le résultat d'un examen attentif aurait amené une personne prudente et diligente à s'interroger ou à soupçonner un problème . À partir de ce point l'acheteur prudent et diligent doit prendre les mesures raisonnables, selon les circonstances, pour connaître l'état réel du bâtiment. Il ne saurait se replier sur son manque de connaissance si son examen lui permet de soupçonner une anomalie quelconque.

Il faut donc examiner, suivant chaque cas d'espèce, la conduite d'un acheteur prudent et diligent. Antérieurement à 1994 on exigeait également de l'acheteur qu'il soit prudent et diligent. Sans revenir à l'ancienne règle jurisprudentielle au sujet des experts, il est possible dans certains cas que le fait de ne pas recourir à un expert pourra être perçu en soi, comme un manque de prudence et de diligence. Le tribunal ne veut pas réintroduire dans notre droit une exigence spécifiquement exclue par le législateur en 1994. Par ailleurs, cette exclusion ne saurait être interprétée comme autorisant l'acheteur à agir de façon insouciante ou négligente. Cet acheteur ne fera pas preuve de prudence et de diligence alors qu'il existe des indices perceptibles pour un profane, s'il ne prend pas les moyens (y compris le recours à des experts le cas échéant) de s'assurer que l'immeuble est exempt de vice ." [24] (Nos soulignements)

[46]         Il convient donc d'évaluer la conduite de l'acheteur en fonction de celle qu'aurait adoptée un acheteur raisonnable placé dans les mêmes circonstances. [25]

[47]         Le juge Richard Poudrier j.c.q. résume bien les qualités requises de l'examen réalisé par l'acheteur:

« Selon la doctrine et la jurisprudence, l'examen de l'acheteur a été qualifié de différentes façons: ainsi on a exigé qu'il soit tantôt attentif, tantôt normal, tantôt raisonnable ou sérieux, sans être approfondi. Les Tribunaux ont aussi précisé qu'en l'absence d'indice visible qui soulève des soupçons, l'acheteur n'a pas à ouvrir un mur ou creuser des fondations pour constater l'état du bien. » [26]

[48]         Il en va de même d'une inspection pré-achat exécutée par un inspecteur en bâtiment, laquelle ne saurait être assimilée à une expertise:

« Par ailleurs, l'inspection pré-achat n'est pas une expertise . En principe, cet examen doit être attentif et sérieux quoique plutôt rapide et non approfondi. En l'absence d'un indice révélateur , l'acheteur ou l'inspecteur n'a pas à ouvrir les murs ou creuser autour des fondations. » [27] (Nos soulignements)

[49]         Lorsque l'acheteur a déjà fait appel à un expert, la présence de signes annonciateurs d'un vice potentiel oblige celui-ci à procéder à une inspection plus approfondie, à défaut de quoi le vice sera jugé apparent.

[50]         Par contre, lorsque l'acheteur procède, seul ou avec un inspecteur en bâtiment, à l'inspection du bien convoité, l'existence d'indices précurseurs doit l'inciter à requérir l'assistance d'un expert. [28]

[51]         Dans St-Louis c. Morin , la Cour d'appel mentionne en effet ce qui suit:

« Dans le cas où un immeuble présente des signes sérieux de vice potentiel, un acheteur prudent et diligent a d'ailleurs l'obligation de s'adjoindre un expert sinon il risque de se voir opposer le caractère apparent du vice:

[ … ] l'obligation de recourir à un expert, aujourd'hui, ne pourrait se justifier d'après nous que dans des circonstances bien particulières, lorsque l'examen initial fait par l'acheteur révèle un indice sérieux de vice potentiel que seul un expert peut identifier: [ … ].

En résumé, lorsque l'immeuble présente un indice permettant de soupçonner l'existence d'un vice potentiel, l'acheteur prudent et diligent, qui n'a pas fait appel à un expert, doit le faire ou vérifier autrement et de façon satisfaisante ce qui est suspect. Dans le cas où l'acheteur a déjà fait appel à un expert, la présence de signes annonciateurs d'un vice potentiel oblige l'expert à faire une inspection plus approfondie.  S'il ne l'a fait pas et qu'un vice est mis à jour, la conclusion que le vice n'était pas caché s'imposera; » [29]

[52]         En d'autres termes, l'acheteur prudent et diligent doit, en présence d'indices perceptibles, entreprendre les démarches nécessaires pour découvrir l'importance du problème, dut-il recourir aux services d'un expert. [30] À défaut de ce faire, il ne pourra par la suite invoquer son ignorance.

[53]         Par ailleurs, il est particulièrement important en l'espèce de souligner qu'un vice peut être connu tout en étant sous-estimé par l'acheteur.  Il ne peut être qualifié de « caché » du simple fait que l'acquéreur n'ait su en apprécier la gravité. [31]

[54]         Il appartient évidemment à l'acheteur de prouver, par prépondérance de preuve, les conditions donnant ouverture à la garantie. [32] S'il réussit, le vendeur sera considéré responsable, indépendamment de sa bonne foi et de son ignorance du vice.  Il incombera alors au vendeur de démontrer, par prépondérance de preuve, qu'un acheteur prudent et diligent aurait constaté les signes précurseurs du vice. [33]

III- ANALYSE

[55]         Dans la présente affaire, les demandeurs ne remettent aucunement en question la bonne foi des défendeurs.  Jamais ne leur ont-ils imputé une quelconque rétention d'informations. Jocelyne Jinchereau et Paul Martel ne peuvent être tenus au paiement de dommages-intérêts en vertu de l'article 1728 C.c.Q.

[56]         Les défendeurs admettent d'emblée la gravité des vices, leur existence au moment de la vente de même que le fait qu'ils étaient inconnus des acheteurs au moment de l'acquisition.

[57]         Madame Jinchereau et monsieur Martel plaident cependant que le nombre et la gravité des indices apparents étaient suffisants pour inciter un acheteur prudent et diligent à se livrer à une vérification supplémentaire de la structure, en faisant appel aux services d'un expert. Ayant négligé de suivre les recommandations de l'inspecteur en bâtiment quant à la conduite d'inspections additionnelles, les demandeurs ne sauraient aujourd'hui prétendre que les défauts affectant leur nouvelle résidence correspondent à des vices cachés.

A)  La pourriture affectant la charpente de la maison

[58]         La preuve révèle que la pourriture affectant la charpente de la maison tire principalement son origine des facteurs suivants:

Ø   L'absence de scellement adéquat autour des solives en porte-à-faux de la galerie, permettant à l'eau de s'infiltrer autour des solives jusque dans le mur et dans la structure du plancher. [34]

Ø   L'absence, à plusieurs endroits, de solins à la jonction des murs extérieurs et de la fondation, privant d'une étanchéité suffisante le joint entre le mur extérieur et la fondation [35] .

Ø   La mise en place d'un solin inadéquat dans d'autres parties du mur, à la jonction de la fondation et des murs extérieurs [36] .

Ø   Le mauvais positionnement du solin au-dessus de la porte d'entrée principale et de certaines fenêtres, rendant le solin inefficace pour évacuer l'eau ou la condensation [37] .

[59]         Les experts des deux parties conviennent également que l'absence de dégagement suffisant entre le sol et le bas du revêtement de stuc a contribué, de manière secondaire, à l'apparition de la pourriture constatée dans la partie inférieure des murs du sous-sol.

[60]         Dans son rapport, monsieur Céré affirme:

« [ … ] je ne crois pas que cette cause soit pas [sic] la raison principale expliquant la pourriture constatée dans les parties inférieures des murs du sous-sol, elle peut toutefois y avoir contribué. »

[61]         Selon Nelson Larrivée, « il est très difficile de déterminer dans quelle mesure elle aurait pu y contribuer. »

[62]         L'expert des défendeurs précise qu'il était évident, lors de son inspection des solives supportant la galerie, qu'une partie importante de ces dernières était en état de décomposition. [38]

[63]         Malgré l'opinion contraire exprimée par l'architecte Céré, le Tribunal reconnaît avec monsieur Larrivée que les photographies 9 à 12 produites en annexe 1 de son rapport démontrent une altération qui aurait dû alerter un acheteur prudent et diligent. L'expert des défendeurs souligne au surplus que l'absence de scellement au périmètre des solives était manifeste. Un tel manque ne pouvait qu'engendrer une infiltration d'eau.

[64]         L'absence de solin était également évidente pour un observateur attentif.  Monsieur Céré précise que le solin devait être muni d'un larmier permettant à l'eau de s'égoutter vers le sol. L'absence d'un tel larmier pouvant être facilement détectée, il s'agit donc d'un autre défaut apparent.

[65]         Nelson Larrivée souligne de plus que le positionnement inadéquat du solin au-dessus de certaines ouvertures empêchait une évacuation adéquate de l'eau, la lame d'air n'étant pas suffisamment ventilée.  Selon ses dires, cette constatation pouvait également se faire visuellement. [39] Il n'est aucunement contredit à cet égard par l'expert de la partie adverse. [40]

[66]         Les deux architectes reconnaissent également que la proximité du revêtement extérieur avec le sol était facilement décelable, particulièrement du côté gauche du garage de la résidence. [41]

[67]         Préalablement à l'achat, les demandeurs ont visité l'immeuble à deux reprises. Nicolas Gagnon remarque que le revêtement de stuc a été refait par endroits. [42]   Il est alors à sa connaissance que ce type de surface est sujet à certaines détériorations. [43] Il mentionne d'ailleurs expressément aux vendeurs:

« Bien oui, je comprends que du stuc ça se doit d'être entretenu, il faut regarder les fissures. » [44]

[68]         Madame Cistellini reconnaît pour sa part avoir constaté une fissure sur le mur de soutènement, lors de sa première visite. Jacques Martel a également attiré son attention sur cette brèche lors de la seconde visite.

[69]         Les demandeurs concèdent de plus que l'inspecteur les avait  prévenus que plusieurs fenêtres pouvaient être pourries et nécessiter un remplacement à brève échéance.

[70]         Monsieur Gagnon a également noté que la galerie était dans un état « avancé ».  Il envisageait d'ailleurs d'en changer le revêtement au printemps de l'année suivante. [45]

[71]         Il s'était aussi aperçu que le sol était, à certains endroits, très près de cette structure.  Il s'attendait même à ce que le bois soit attaqué par la pourriture:

« R.  Et de fait, je crois qu'il avait changé un petit peu de bois ici, pratiquement pas nulle part. Mais là, à partir d'ici, c'était moins beau parce que plus que la terre rapprochait du dessous de la galerie, c'était là un environnement normal à ce que le bois soit plus attaqué.

Q.  Hum hum.

R.  OK. Et ça, finalement, on s'en attendait, même si on n’a jamais senti une structure insécure… » [46]

[72]         L'entrepreneur Tessier confirme la facilité avec laquelle on pouvait constater la proximité du sol et de la galerie. [47]

[73]         Avant d'acquérir l'immeuble, monsieur Gagnon et madame Cistellini ont fait examiner celui-ci par un inspecteur en bâtiment.  Ils l'ont accompagné tout au long de cet exercice. Ils ont ensuite reçu de celui-ci copie d'un rapport dont ils ont pris connaissance.

[74]         Monsieur Gagnon déclare n'avoir interprété aucune donnée de ce document comme un signe d'avertissement [48] .  Madame Cistellini s'est quant à elle  davantage attardée à la section « Récapitulatif  » du rapport.

[75]         Au chapitre « Structure » de ce compte rendu, les fondations font l'objet des commentaires suivants:

Fondations:  fissures, efflorescence, réparations antérieures; inspection supplémentaire requise sans délai.

[76]         Madame Cistellini soutient avoir présumé que la mention  « fissures » référait à celle indiquée à la section « Extérieur » du rapport pré-inspection [49] , soit à la brèche située sur le mur soutenant le garage, derrière un treillis.

[77]         Avec égard, cette explication n'est pas logique.  Pour quelle raison l'inspecteur aurait-il fait référence à la même craquelure, dans deux sections différentes de son rapport?  De plus, on retrouve à l'item 3.3 du compte rendu la mention suivante: 

« L'INSPECTEUR et LE CLIENT ont pu constater lors de l'inspection des fondations quelque s fissure s  » (Nos soulignements).

[78]         Jacques Martel confirme avoir recommandé une inspection supplémentaire des fondations en raison d'un risque élevé d'infiltration d'eau.  Semblables infiltrations s'étaient en outre déjà manifestées au sous-sol de la résidence.

[79]         Le revêtement de la maison suscite les remarques suivantes de l'inspecteur:

« Revêtement de stuc: courbures, mortier, fissure s , réparations antérieures; inspection supplémentaire requise sans délai. » [50] (Nos soulignements)

[80]         Martel déclare au Tribunal qu'il demandait une expertise additionnelle en raison de « plusieurs signes évidents ».  Le revêtement était fissuré à plusieurs endroits, les fenêtres étaient pourries et il y avait déjà eu une accumulation d'eau au sous-sol.  Il formule les précisions suivantes:

« Nous sommes en présence d'une propriété d'un certain âge.  Selon la qualité des matériaux originaux et de la ventilation du sous-sol, vide sanitaire, certaines pièces de structure ont pu vieillir prématurément, se fissurer et même avoir de la pourriture. » [51]

[81]         L'entrepreneur Tessier ajoute que toute construction devrait normalement comporter des chantepleures pour faciliter l'évacuation d'eau, et ce, peu importe le type de revêtement concerné.  La résidence des acheteurs n'en était pourtant pas munie.

[82]         Claude Céré s'exprime ainsi quant au revêtement de l'immeuble:

« Lorsque j'ai moi-même inspecté le revêtement de cette maison en juillet 2009, j'ai bien vu quelques réparations effectuées à la surface du crépi et quelques fissures à réparer.  Ces fissures sont fréquentes sur un revêtement de cette nature [ … ]  il est donc nécessaire occasionnellement, lorsque les fissures prennent de l'ampleur, de colmater ces fissures afin de maintenir l'intégrité du revêtement et s'assurer que ce dernier protège la membrane Pare-air/Pare-pluie (TYVEC) assurant l'étanchéité de l'enveloppe extérieure.

Rien à l'extérieur ne laissait paraître les déficiences de construction observées compromettant l'étanchéité du mur et tous les dommages qui en résultent.  Aucune des parties endommagées par la pourriture n'était visible de l'extérieur, il n'était donc pas possible pour les acheteurs de savoir qu'un problème de cette importance se cachait sous l'enveloppe extérieure de cette maison. » [52] (Nos soulignements)

[83]         Le Tribunal en conclut que de l'aveu même de l'expert des demandeurs, ces derniers pouvaient pressentir, suite à leurs observations, qu'un vice pouvait affecter la charpente de la résidence, sans cependant en connaître nécessairement l'ampleur.

[84]         Dans le chapitre « Extérieur », de son rapport, Jacques Martel note les points suivants:

Soffite et bordures de toit: pourriture, rongées, peinture, ventilation. [53]

Portes, fenêtres et garnitures:  mal fixées, pourriture, rongées, peinture/teinture, calfeutrage. [54]

Surface des murs:  jointement, mortier, fissures, endommagée, inspection du deuxième étage à partir du sol. [55]

Balcons, perrons, abri d'auto et galerie:  pourriture, tassement, peinture/teinture. [56]

[85]         Pour l'inspecteur, l'examen du soffite et de la bordure de toit est rendu nécessaire par la présence de traces de pourriture.  Les risques d'infiltration d'eau sont très élevés.

[86]         Il conseille du reste une inspection supplémentaire immédiate des portes et fenêtres et précise, dans son « Récapitulatif », que plusieurs fenêtres sont à remplacer et que les autres doivent être vérifiées. [57]

[87]         L'expert Céré réplique qu'un cadre de fenêtre peut être pourri sans que le mur qui l'entoure soit nécessairement affecté du même vice.  Cette affirmation, certes exacte, ne dispense pas pour autant l'acheteur de procéder à certaines vérifications.

[88]         L'inspecteur pré-achat requiert également un examen immédiat de la surface des murs, en raison des risques d'infiltration et du fait que, n'ayant pas d'échelle, il lui a été impossible de procéder à l'inspection des murs du deuxième étage.

[89]         La demanderesse répète à cet égard qu'elle croyait que le terme « fissures » se rapportait à la seule brèche du mur de soutènement.  Tel que déjà mentionné, cette explication n'est pas compatible avec la mention « fissure dans les murs » qu'on retrouve au chapitre « Récapitulatif » du rapport [58] .

[90]         Quant à la galerie, le demandeur admet que monsieur Martel lui avait souligné que cette dernière était en porte-à-faux. [59]   Il ajoute que lors de l'inspection, Jacques Martel ne s'est pas couché sur le sol pour examiner le dessous de la structure. [60]   Il a cependant noté que la terre se trouvait à proximité de cette dernière.

[91]         Le témoignage de monsieur Gagnon semble cependant contredit par celui de la demanderesse, qui affirme que l'inspecteur leur aurait mentionné que l'espace était bien aéré.

[92]         Quoi qu'il en soit, l'inspecteur préconise un examen supplémentaire immédiat de la galerie en raison d'un risque élevé de manque d'étanchéité. [61]   L'expert Larrivée ajoute pour sa part qu'il lui a été facile de constater l'absence d'un scellement adéquat autour des solives.

[93]         Au « Récapitulatif » du compte rendu, monsieur Martel inscrit les mentions suivantes:

« Extérieur:  plusieurs fenêtres à remplacer (pourriture). Les autres à faire vérifier.

Structure:  mur extérieur à vérifier (endommagé). Bas des murs à réparer et vérifier. »

[94]         De façon générale, Claude Céré estime que la pourriture affectant la charpente de la maison constitue un vice caché, puisqu'aucun indice apparent ne laissait présager un état généralisé de pourriture sous le revêtement.  Il décrit les fissures au mur comme étant superficielles et normales pour un immeuble d'une vingtaine d'années.  Il convient cependant que le crépi était « franchement boursoufflé » et que le « stucco était en contact avec le sol ».  Ces éléments lui paraissent plus préoccupants.  De même, il note une pente négative du stationnement vers l'immeuble.  Dans son rapport, il précise ainsi sa pensée:

« Cela constitue sans aucun doute dans mon esprit, un vice caché.  Les parties endommagées ne sont aucunement visibles à moins de faire des percées exploratoires comme je l'ai fait dans mon mandat. Il n'était donc pas possible pour les acheteurs ou pour l'inspecteur en pré-achat de présumer que cette maison était affectée d'un vice aussi important lors de son achat. Il n'y avait pas de symptôme apparent permettant de suspecter un problème de cette importance à la structure. » [62]

[95]         L'architecte Larrivée soutient qu'en dépit de l'impossibilité d'évaluer exactement l'ampleur des dommages internes, « il y avait suffisamment d'indices pour qu'un expert suspecte certains problèmes potentiellement graves. » [63]   La détérioration des composantes en bois des murs extérieurs résulte d'une mauvaise conception de l'enveloppe. [64] Plusieurs indices du vice affectant la structure ont été dénoncés par Jacques Martel, qui a suggéré aux demandeurs d'effectuer certaines expertises additionnelles. Les demandeurs s'étant abstenus de suivre ces recommandations, le vice doit être considéré comme apparent.

[96]         En l'espèce, le nombre et la gravité des indices apparents étaient suffisants pour alerter un acquéreur prudent et diligent et commander une vérification approfondie de la structure par un expert. [65]

[97]         L'acheteur raisonnable qui constate la présence de signes précurseurs d'un vice caché doit en effet prendre les dispositions nécessaires pour vérifier le bien fondé de ses soupçons:

« À mon avis, le juge de première instance n'a commis aucune erreur en énonçant la règle de droit qu'un acheteur prudent et diligent qui constate des indices laissant soupçonner l'existence d'un vice caché affectant le bien faisant l'objet de la vente doit vérifier si ces soupçons sont fondés ou non. » [66]

[98]         Si les demandeurs s'étaient livrés à un examen un tant soit peu vigilant de la surface de revêtement, ils y auraient vu des signes laissant présager un problème plus important, ce qui aurait ouvert la voie à une investigation plus poussée. [67]

[99]         Au surplus, l'inspecteur Martel avait conseillé une investigation supplémentaire des fondations, du revêtement, des portes, fenêtres et garnitures, de la surface des murs et de la galerie. Il précisait même que ces expertises devaient être réalisées sans délai.

[100]      Le Tribunal estime que les demandeurs auraient dû se conformer à ces recommandations pour conserver leur droit de qualifier d'« occulte » le vice (pourriture) affectant la structure du bâtiment. [68]   Les indications de Jacques Martel ne pouvaient en effet laisser croire à monsieur Gagnon et madame Cistellini que leur nouvelle résidence était exempte de vices. [69]

[101]      La présente affaire se distingue nettement des faits énoncés dans l'arrêt St-Louis c. Morin , où l'inspecteur n'avait aucune raison de suspecter un vice caché dans les parties basses de l'entretoit, en raison de l'apparence saine d'un toit récemment rénové, du bon état d'entretien général de la maison et de sa croyance justifiée en l'absence d'accès au toit. [70]

[102]      De même, dans Marcoux c. Picard, aucun indice ne permettait de soupçonner l'état de dégradation et de pourriture des murs d'une résidence âgée de neuf ans seulement. Bien que l'inspecteur avait noté certaines fissures sur le revêtement, il ne les avait pas retenues dans son « Récapitulatif » des éléments importants et avait de surcroît indiqué que ces défauts devraient être réparés « dans un délai indéterminé ».  Plusieurs des fissures n'avaient par ailleurs été identifiées par les experts qu'un an et demi après l'inspection pré-achat, suite à un examen minutieux. [71]

[103]      En plus d'une fissure au mur de soutènement du garage, les demandeurs étaient ici confrontés à des fenêtres pourries qui laissaient entrer l'eau depuis plusieurs années, à des solives qui permettaient une infiltration d'eau dans l'enveloppe du bâtiment, à une absence évidente de solin à plusieurs endroits, de même qu'à des solins posés à des endroits inappropriés.

[104]      L'ensemble de ces indices justifiait pleinement la conduite des investigations supplémentaires suggérées par l'inspecteur Martel.  Cette conclusion est d'autant plus fondée que ni l'un ni l'autre des acheteurs n'avait de compétence particulière en construction. [72]

[105]      Pour les raisons déjà mentionnées, il importe peu que monsieur Gagnon et madame Cistellini aient été dans l'impossibilité d'apprécier exactement l'ampleur des dommages affectant la structure du bâtiment.

[106]      Le Tribunal considère que la témérité des demandeurs s'explique certainement en partie par leur désir d'acquérir une propriété dans le secteur du Parc Beauvoir, à Sillery. [73]   Malheureusement, les indices ci-haut mentionnés auraient mené un acheteur prudent et diligent à la découverte probable du vice, conférant ainsi un caractère « apparent » à ce dernier. [74]

B)  La fissure dans le mur de la pièce sous le garage

[107]      Le demandeur admet qu'au cours d'une visite pré-achat, Paul Martel lui a exhibé certaines fissures sur le plancher du garage. Celles-ci étaient évidentes au point où on se « barrait les pieds dedans » [75] .

[108]      Madame Cistellini ajoute que le vendeur leur avait mentionné que la dalle coulait et devait être refaite, ce qui fut confirmé par l'inspecteur Martel lors de son examen.

[109]      Le Tribunal doit ici en arriver à la même conclusion que celle énoncée relativement à la décomposition de la charpente. Les fissures détectées sur le plancher du garage auraient normalement dû inciter les demandeurs à procéder à un examen plus approfondi [76] du garage, d'autant plus que l'inspecteur Martel conseillait une inspection supplémentaire [77] et une réparation immédiates de la dalle de béton [78] .

[110]      Les demandeurs avaient manifestement connaissance d'un important indice laissant présager l'existence du vice, ce qui rend le recours irrecevable sur ce second aspect.

C)  Les fourmis

[111]      Les défendeurs ne contestent pas vraiment, à juste titre selon nous, le fait que le vice engendré par la présence d'une colonie de fourmis charpentières dans la partie supérieure du mur du garage soit caché.  Il en va de même des nids de fourmis charpentières et pharaons découverts dans d'autres parties de la structure.

[112]      Aucun indice ne permettait en effet aux demandeurs, préalablement à l'acquisition de l'immeuble, de soupçonner la présence de ces insectes dans la charpente.

[113]      Comme le rappelle le juge Bélanger, j.c.s. dans l'affaire Dussault c. Beaudoin :

« La présence de nids de fourmis au moment de la vente constitue un vice caché car, à la longue, les fourmis font des ravages au bois en s'y frayant un chemin. » [79]

[114]      Il n'est pas inutile de rappeler qu'il n'est pas nécessaire que le vice empêche toute utilisation du bien. Il suffit simplement qu'il en réduise l'utilité de façon importante par rapport aux attentes légitimes d'un acheteur prudent et diligent. [80]

[115]      La réclamation de 1 128,75 $, taxes incluses, pour l'extermination des fourmis sera accueillie avec intérêts et indemnités additionnelles depuis la mise en demeure, soit depuis le 14 mai 2010. [81]

IV- LES FRAIS D'EXPERTISE DE CLAUDE CÉRÉ

[116]      Les demandeurs ont produit un premier relevé concernant les honoraires professionnels de l'architecte Claude Céré pour la période comprise entre le 27 octobre 2009 et le 11 avril 2010.  La somme totale de ces frais s'élève à 4 419,06 $, taxes incluses. [82]

[117]      La pièce P-21(b) décrit par ailleurs les honoraires de monsieur Céré pour la préparation et la tenue du procès.  Ce montant se chiffre à 3 799,40 $, taxes incluses.

[118]      Les demandeurs ont donc assumé des frais d'expert totalisant 8 218,46 $.

[119]      Les défendeurs plaident que l'expertise de monsieur Céré, qui n'a porté d'aucune façon sur la présence de fourmis dans la charpente, doit être considérée comme inutile.  Ils ne devraient donc pas être tenus d'en assumer les coûts.

[120]      Bien qu'il ait déterminé que les vices affectant la structure de la maison et le mur de la pièce située sous le garage étaient apparents, le soussigné considère que plusieurs des explications fournies par l'architecte Céré ont été utiles dans la résolution du présent litige.

[121]      Pour cette raison, et considérant l'article 477 C.p.c., les défendeurs devront assumer une partie des frais d'expertise de l'architecte Céré, pour un montant de 5 000,00 $.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[122]      ACCUEILLE en partie la requête;

[123]      CONDAMNE les défendeurs à payer aux demandeurs la somme de 1 128,75 $ avec intérêts et indemnités additionnelles depuis le 14 mai 2010;

[124]      LE TOUT avec dépens, incluant la taxation pour les frais d'expertise de Claude Céré, architecte, pour un montant de 5 000,00 $ en capital et taxes.

 

 

 

__________________________________

FRANÇOIS HUOT, J.C.S.

 

 

Me Karine Dionne (Casier 14)

STEIN MONAST

Procureurs des demandeurs

 

Me Philippe Morisset (Casier 6)

JOLI-COEUR LACASSE

Procureurs des défendeurs

 

 

 

Date d'audience: 19, 20, 21 et 22 septembre 2011

Nature:   Civile

 



[1] Pièce P-3.

[2] Pièce P-4.

[3] Pièce P-5.

[4] Pièce P-5, p. 2-3.

[5] Pièce P-6.

[6] Pièce P-13.

[7] Pièce P-9; voir aussi: Interrogatoire avant défense de Nicolas Gagnon, 30 juillet 2010, p. 92 lignes 1-7, p. 94 lignes 10-21.

[8] Pièce P-5, p. 9.

[9] Pièce D-2, p. 4.

[10] Pièce P-10, p. 19.

[11] Pièce P-10, p. 20-22.

[12] Pièce P-10, p. 3.

[13] Pièce P-10, p. 19.

[14] Pièce P-10, p. 20.

[15] Pièce P-16.

[16] Cultiva Électroniques inc. c. CMC Électronique inc. , 2009 QCCS 1591 , par. 457.

[17] P.-G. Jobin et M. Cumyn , La vente, Édition Yvon Blais, (3 e ed.), p. 195.

[18] ABB inc. c. Domtar inc., [2007] A.C.S. No 50, par. 51 à 54; Marcoux c. Picard , 2008 QCCA 259 , par. 15; Cultiva Électroniques inc. c. CMC Électronique inc. , préc., note 17, par. 467.

[19] ABB inc. c. Domtar inc., [2007] A.C.S. No 50, par. 52.

[20] Id., par. 53.

[21] Id., par. 51.

[22] Id., par. 54.

[23] [2000] R.D.I. 36 (C.S.).

[24] Id. , p. 38.

[25] ABB inc. c. Domtar inc., préc., note 19, par. 42; St-Louis c. Morin , 2006 QCCA 1643 , par. 27-28; Marcoux c. Picard, préc., note 19, par. 17 et 20.

[26] Garage Yves Collins St-Tite , s.e.n.c. c. Carpentier, 2006 QCCQ 12608 , par. 36; voir aussi Deschênes c. Desparois, 2007 QCCS 1081 , par. 101.

[27] Marcoux c. Picard , préc., note 19, par. 21.

[28] Cultiva Électroniques inc. c. CMC Électronique inc. , préc., note 17, par. 479; Garage Yves Collins St-Tite s.e.n.c. c. Carpentier, préc., note 27, par. 37.

[29] 2006 QCCA 1643 , par. 38-39.

[30] TAPP Immobilier inc. c. Séguin, 2008   QCCS 1506 , par. 103; Garage Yves Collins St-Tite s.e.n.c. c. Carpentier, préc., note 27, par. 38-39.

[31] Cultiva Électroniques inc. c. CMC Électronique inc. , préc., note 17, par. 481; Garage Yves Collins St-Tite s.e.n.c. c. Carpentier, préc., note 27, par. 40.

[32] Beaupré c. Falstrault, [2000] J.Q. No 3098 (C.A.), par. 19 et 23; Cultiva Électroniques inc. c. CMC Électronique inc. , préc., note 17, par. 471.

[33] Dunn c. Lanoie, J.E. 2002-1420 (C.A.), par. 46.

[34] Rapport d'expertise de Claude Céré, p. 3; Rapport d'expertise de Nelson Larrivée , p. 7.

[35] Rapport d'expertise de Claude Céré, p. 4; Rapport d'expertise de Nelson Larrivée, p. 7.

[36] Rapport d'expertise de Claude Céré, p. 4-5; Rapport d'expertise de Nelson Larrivée, p. 8.

[37] Rapport d'expertise de Claude Céré, p. 5; Rapport d'expertise de Nelson Larrivée, p. 8.

 

[38] Rapport d'expertise de Nelson Larrivée , p. 7.

[39] Id., p. 8.

[40] Rapport d'expertise de Claude Céré, p. 5.

[41] Rapport d'expertise de Nelson Larrivée, p. 9; Rapport d'expertise de Claude Céré, p. 7 et 11.

[42] Interrogatoire de Nicolas Gagnon, p. 13 lignes 20-21 - p. 14 ligne 20 - p. 15 ligne 3.

[43] Id., p. 15 lignes 5-8.

[44] Id.,  p. 35 lignes 9-11.

[45] Id., p. 59 lignes 12-24.

[46] Id., p. 64 lignes 1-11.

[47] Pièce P-5.1, p. 6.

[48] Interrogatoire de Nicolas Gagnon, p. 50 lignes 7-9.

[49] Pièce D-1, p. 11.

[50] Id., p. 8 - item 6.3.

[51] Id., p. 8, section « Remarques ».

[52] Rapport d'expertise de Claude Céré , p. 8.

[53] Pièce D-1, p. 9, item 3.0.

[54] Id .

[55] Id., p. 9, item 4.0.

[56] Id., p. 9, item 5.0.

[57] Id., p. 11.

[58] Id.

[59] Interrogatoire de Nicolas Gagnon, p. 43 ligne 15 - p. 44 ligne 20.

[60] Id., p. 46 ligne 23 - p. 47 ligne 6.

[61] Pièce D-1, p. 8, item 5.0.

[62] Rapport d'expertise de Claude Céré,  p. 8.

[63] Rapport d'expertise de Nelson Larrivée, p. 12.

[64] Id., p. 4.

[65] Blanchard c. Guertin, REJB 2004-61005 (C.A.), par. 15.

[66] Vachon c. Routhier, 2005 QCCA 631 , par. 15.

[67] Blanchard c. Guertin, préc., note 66, par. 18 et 21.

[68] Dussault c. Beaudoin, 2011 QCCS 3079 , par. 55 et 68 à 74.

[69] Deschênes c. Desparois, 2007 QCCS 1081 , par. 109, 113-114.

[70] St-Louis c. Morin, 2006 QCCA 1643 , par. 31.

[71] Marcoux c. Picard, 2008 QCCA 259 , par. 23.

[72] Interrogatoire de Nicolas Gagnon, p. 5, lignes 2-4.

[73] Id., p. 5 lignes 10-17, p. 6 lignes 22-24.

[74] Vachon c. Routhier, préc., note 67, par. 6.

[75] Interrogatoire de Nicolas Gagnon, p. 38 ligne 17, p. 39 ligne 15; voir aussi p. 56 ligne 22 - p. 57 ligne 2.

[76] Beaupré c. Falstrault, [ 2000 ] J.Q. No 3098, par. 18-23.

[77] Pièce D-1, p. 9, item 8.0.

[78] Id., p. 8, item 5.10.

[79] 2011 QCCS 3079, par. 127; voir également Paquet c. Forgues, SOQUIJ AZ-50187881 (C.S.); Pigeon c. Beaudry, J.E. 97-828 (C.S.).

[80] Martin c. Pierre St-Cyr Auto Caravane Ltée , 2010 QCCA 420 .

[81] Pièce P-7.

[82] Pièce P-11.