Lu c. 1440 Mackay Ventures inc.

2012 QCCQ 3108

COUR DU QUÉBEC

Division de pratique

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

Montréal

LOCALITÉ DE

Montréal

« Chambre civile  »

N° :

500-80-020156-114

 

 

 

DATE :

27 avril 2012

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JEAN-F. KEABLE

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

ZHOUWEI LU

Locataire-requérant

c.

 

1440 MACKAY VENTURES INC.

Locatrice-intimée

et

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Mise en cause

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR UNE REQUETE POUR PERMISSION D'APPELER D'UNE DÉCISION DE LA RÉGIE DU LOGEMENT

(articles 91 à 94 de la Loi sur la régie du logement , L.R.Q., c. R-8.1)

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La décision de la Régie du logement du 30 juin 2011

[1]            Le locataire Zhouwei Lu demande la permission d'appeler d'une décision de la Régie du logement (la Régie) rendue en son absence le 30 juin 2011.  Cette décision de la Régie concerne le logement où habite le locataire au […], à Montréal.

[2]            Après avoir identifié la « locataire-partie défenderesse » comme Wei Zhou Lu , le régisseur Serge Adam écrit :

[1]  La locatrice demande la résiliation du bail et l'expulsion du locataire, le recouvrement du loyer (99 $) ainsi que le loyer dû au moment de l'audience, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel.

[2]  Il s'agit d'un bail du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011 au loyer mensuel de 709 $, payable le premier jour de chaque mois.

[3]  La preuve démontre que le locataire doit 108 $, soit 9 $ pour chacun des mois entre les mois de juillet 2010 et juin 2011 inclusivement.

[4]  Le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail est donc justifiée par l'application de l'article 1971 C.c.Q.

[5]  Le bail n'est toutefois pas résilié si le loyer dû, les intérêts et les frais sont payés avant jugement, conformément aux dispositions de l'article 1883 C.c.Q.

[6]  Le préjudice causé à la locatrice ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 L.R.L.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[7]   RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion du locataire et de tous les occupants du logement;

[8]   CONDAMNE le locataire à payer à la locatrice la somme de 108 $ plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 25 mai 2011 sur la somme de 99 $, et sur le solde à compter de l'échéance de chaque loyer, plus les frais judiciaires de 72 $;

[9]   RÉSERVE à la locatrice tous ses recours;

[10]   REJETTE la demande quant aux autres conclusions. [1]

La demande de rétractation devant la Régie

[3]            M. Zhouwei Lu formule alors une demande de rétractation selon l'article 89 de la Loi sur la régie du logement [2] (la Loi ) dont l'effet est de suspendre l'exécution de la décision de la Régie du 30 juin 2011 et de suspendre le délai d'appel devant la Cour du Québec :

89.  Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

[…]

Délai.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement.

Demande de rétractation.

La demande de rétractation suspend l'exécution de la décision et interrompt le délai d'appel ou de révision jusqu'à ce que les parties aient été avisées de la décision.

1979, c. 48, a. 89; 1984, c. 47, a. 139.

La décision de la Régie sur la demande de rétractation

[4]            Le 21 septembre 2011, la Régie rejette la demande de rétractation de Zhouwei Lu après avoir apprécié une preuve contradictoire dans le contexte où le locataire était représenté par un avocat.  La régisseure, Marie-Louisa Santirosi, s'exprime ainsi :

[1]   Le tribunal est saisi d’une demande de rétractation d’un jugement daté du 30 juin 2011, qui condamne le locataire à verser 108 $ en loyer impayé et résilie son bail.

[2]   L’audition s’est déroulée en son absence.  Il prétend ne pas avoir reçu d’avis de convocation à son nom.

[3]   La preuve établit ce qui suit :

[4]   Le locataire a signé un bail au nom de M. Zhouwei Lu pour le logement concerné.

[5]   Le 15 mars 2010, le tribunal fixe le loyer de M. Zhouwei Lu à 709 $ par mois, pour une période débutant le 1er juillet 2010. [3]   Le locataire ne s’était pas présenté à l’audience.

[6]   En juillet 2010, le locataire n’ajuste pas son paiement de loyer. 

[7]   La gestionnaire de l’immeuble est présente au bureau administratif au mois d’avril 2011.  Elle lui explique le jugement en anglais et en français.  Ce dernier quitte le bureau en affirmant que cela ne le concerne pas.

[8]   En mai 2011, le locateur introduit une demande de résiliation pour non-paiement de loyer.  Le nom du locataire est alors inscrit comme étant Wei Zhou Lu.

[9]   La signification se fera personnellement à son logement en date du premier juin 2011.

[10]   Le locataire explique que malgré l’inscription au rapport, l’huissier a laissé le document à son jeune fils de 7 ans.  Lors du contre-interrogatoire, il soutient que l’huissier est demeuré à l’extérieur du logement.  Son fils a ouvert la porte et le huissier lui a indiqué qu’il s’agissait d’une demande de résiliation pour non-paiement de loyer.

[11]   L’huissier était grand, gros et très agressif.  Le locataire avait peur et a préféré laisser son jeune fils de 7ans recevoir la procédure.

[12]   Lorsqu’il a réalisé que le nom sur la demande était « M. Wei Zhou Lu », il n’a pris aucune chance et a retourné le document au bureau chef du locateur.  Il explique ne pas s’appeler Wei Zhou Lu mais bien Zhouwei Lu, son prénon étant Zhouwei et son patronyme Lu.

[13]   Il montre deux pièces d’identité dont une est au nom de Zhou Wei Lu et l’autre Zhouwei Lu.  Le prénom Zhou Wei peut s’écrire d’une manière ou l’autre mais pas en invertissant les prénoms.

Discussion

[14]   En vertu de l’article 5 du code civil du Québec, toute personne exerce ses droits civils sous le nom qui lui est attribué et qui est énoncé dans son acte de naissance.

[15]   Ainsi, chaque individu a non seulement le droit de porter le nom qui lui est attribué dans son acte de naissance mais a l’obligation de le porter dans l’exercice de ses droits civils. Le nom identifie l’individu et le personnalise.

[16]   Dans notre dossier, le nom est conforme à celui du locataire mais l’erreur provient de l’inversion des prénoms. 

[17]   Il ne s’agit pas d’une erreur déterminante puisque le locataire a pu constater que l’adresse dont le numéro d’appartement était identique au sien. L’inversion des prénoms n’est pas susceptible d’engendrer un doute sur l'identité de la partie qu'on avait l'intention de poursuivre .

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[18]   REJETTE la demande de rétractation. [4]

[5]            Le Tribunal constate que la décision de la Régie du 21 septembre 2011 comporte deux erreurs matérielles sans incidence sur le fond du litige.  En effet, au paragraphe 5 de sa décision, la Régie réfère à une décision antérieure du 15 mars 2010 dans le dossier no 31 100401 051 F.  Ce dossier a plutôt fait l'objet d'une décision le 15 mars 2011 [5] , maintenue le 9 novembre 2011, lors du rejet d'une demande de rétractation [6] .  De plus, au paragraphe 6 de sa décision, la Régie réfère à un ajustement de loyer en juillet 2010; il s'agit évidemment d'un ajustement qui aurait dû être rétroactif en juillet 2010 puisque la fixation de l'augmentation de loyer résulte de la décision de la Régie du 15 mars 2011, dont la rétractation a été refusée le 9 novembre 2011.

 

La requête pour permission d'appeler

[6]            La requête pour permission d'appeler du locataire est entreprise en Cour du Québec le 30 septembre 2011; le 4 octobre 2011, le juge Lareau ordonne la suspension de l'exécution de la décision de la Régie du 30 juin 2011, alors que l'avocat de la locatrice s'engage à maintenir le statu quo jusqu'à ce qu'un jugement final intervienne sur la requête pour permission d'appeler.

[7]            La requête pour permission d'appeler est amendée le 23 janvier 2012 et réamendée le 5 avril 2012.  Sa présentation est remise à 7 reprises, parfois de consentement.

Analyse

[8]            Malgré les nombreux amendements, la question en litige se résume aux conséquences de l'inversion du ou des prénoms de M. Lu.  Celui-ci reconnaît qu'il s'identifie comme Zhouwei Lu ou Zhou Wei Lu, mais refuse de se reconnaître dans l'inversion de ses prénoms qui le désigne comme Wei Zhou.

[9]            Après l'examen de différents témoignages, la Régie constate, le 21 septembre 2011, l'erreur dans l'ordre des prénoms, tant dans la demande du locateur que dans la décision de la Régie du 30 juin 2011.  La Régie conclut, aux paragraphes 14 à 17 cités auparavant [7] , que cette erreur n'était pas déterminante.

[10]         Cette décision de la Régie du 21 septembre 2011 ne comporte aucune faiblesse apparente, d'autant plus que la requête pour permission d'appeler ne fait pas valoir un risque de confusion de l'identité du locataire en démontrant, par exemple, la présence de plusieurs MM. Lu dans l'immeuble où se trouve son logement.

[11]         Le simple réexamen de l'évaluation d'une preuve, par ailleurs assez simple, ne justifie pas l'octroi de la permission d'appeler selon les critères qui régissent l'appel sur permission selon l'article 91 de la Loi.

[12]         La mise en œuvre des conclusions de la décision de la Régie du 30 juin 2011 est donc justifiée et elle deviendra effective le 30 e jour suivant la signification du présent jugement, sans qu'il ne soit nécessaire de recourir de nouveau à un bref d'expulsion selon l'article 565 du Code de procédure civile.

                                           POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

REJETTE la requête pour permission d'appeler;

CONFIRME la décision de la Régie du logement du 30 juin 2011, portant le numéro 31 110525 019 G, maintenue par une autre décision de la Régie du logement du 21 septembre 2011, portant le numéro 31 110525 019 T 110728;

 

 

 

ORDONNE que l'expulsion du locataire et de tous les occupants du logement situé au […], Montréal (QC), puisse s'effectuer à compter du 30 e jour suivant la signification de ce jugement, sans qu'il ne soit nécessaire de recourir de nouveau à un bref d'expulsion selon l'article 565 C.p.c.

Avec dépens.

 

 

__________________________________

L'Hon. Jean-F. Keable, j.c.q.

 

 

 

M. Zhouwei Lu

[…], Montréal (QC)  […]

Se représente personnellement

 

Me Elizabeth Ouaknine

3488A, ch. De la Côte-des-Neiges, Montréal (QC)  H3H 2M6

Avocate de la locatrice-intimée

 

Date d’audience :

24 avril 2012

 



[1]     1440 MacKay Ventures inc. c. Lu , 2011 QCRDL 25599 , régisseur Serge Adam, 30 juin 2011.

[2]     L.R.Q., c. R-8.1.

[3]     Dossier 31 100401 051 F.

[4]     Lu c. 1440 MacKay Ventures inc., 2011 QCRDL 34429 , régisseure Marie-Louisa Santirosi, 21 septembre 2011.

[5]     1440 Mackay Ventures inc. c. Zhou, 2011 QCRDL 9873 , Me Grégor Des Rosiers.

[6]     Lu c. 1440 MacKay Ventures inc., 2011 QCRDL 41558 , Me Isabelle Hébert.

[7]     Voir le paragraphe 4 du présent jugement.