IMM-5047-11
IMM-5048-11
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 16 avril 2012
En présence de madame la juge Gleason
ENTRE :
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JOSE MIGUEL GARCIA RODRIGUEZ JAIME GARCIA RODRIGUEZ
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La Cour est saisie des demandes de contrôle judiciaire de Pedro Jose Garcia Obispo [M. Obispo] et ses trois enfants adultes, Luis Enriqué, José Miguel et Jaime Garcia Rodriguez [les demandeurs], qui visent à faire annuler les décisions, datées du 26 juin 2011, par lesquelles un agent [l’agent] de la Section de l’immigration du Canada à Saint-Domingue, République dominicaine, a refusé de leur accorder le statut de résident permanent au titre de la catégorie du regroupement familial [les décisions].
[2]
M. Obispo a cherché à parrainer
ses fils au titre de la catégorie du regroupement familial. Né en République
dominicaine, il est maintenant citoyen canadien. Il a été parrainé par son ex-épouse
en 1995. Il n’avait pas à cette époque déclaré dans sa demande de
résidence permanente qu’il avait des enfants à charge. Par conséquent, aucun des
demandeurs n’a fait l’objet d’un contrôle dans le cadre du traitement de la
demande. En vertu de l’alinéa
117.(9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes […] :
d ) […] dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle. |
117.(9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if …
(d) … the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined. |
[3]
Les demandeurs ont demandé, sur le
fondement du paragraphe
[4] Les décisions sont consignées dans trois lettres et dans les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration [STIDI] de l’agent. Ce dernier a envoyé aux demandeurs trois lettres au contenu identique dans lesquelles il rejette leurs demandes. L’agent y conclut que l’exemption ne saurait être justifiée par des motifs d’ordre humanitaire étant donné que les réponses des demandeurs aux questions concernant leur père [ traduction ] « ne démontraient pas l’existence d’une relation continue avec ce dernier ». L’agent y précise également que pour prendre sa décision, il a tenu compte de la relation suivie que les demandeurs avaient avec leur mère, leurs grands-parents et leurs frères et sœurs en République dominicaine.
[5] Dans les notes du STIDI, l’agent souligne les incohérences entre les réponses fournies par les trois demandeurs relativement au moment où leur père avait immigré au Canada, à la fréquence de ses rencontres avec eux en République dominicaine (l’un des frères a répondu chaque année, un autre aux quatre ans et le troisième, une seule fois au cours des neuf années précédentes) et à la question de savoir si M. Obispo vivait dans une maison ou dans un appartement. L’agent mentionne que les seules photos soumises en preuve étaient d’une part les photos prises lors d’une visite de M. Obispo en République dominicaine en 2010 et, d’autre part, des photos beaucoup plus anciennes. L’agent évoque en outre la difficulté qu’ont eue tous les demandeurs à fournir des détails au sujet de la vie de leur père et de la période pendant laquelle ce dernier a attendu avant de les parrainer. Il renvoie à la preuve qui lui a été soumise relativement aux sommes que M. Obispo versait à ses fils. Il tient compte également de la situation des demandeurs en République dominicaine, soulignant qu’ils travaillaient ou fréquentaient un établissement d’enseignement, et il fait ressortir la solidité des liens qui les unissaient aux autres membres de la famille en République dominicaine. Il conclut qu’aucun élément de preuve ne donnait à penser qu’ils aient fait l’objet de contrainte.
[6]
Les demandeurs et M. Obispo soutiennent
que les décisions devraient être annulées, alléguant qu’elles sont déraisonnables.
Ils invoquent principalement deux motifs à l’appui de leur allégation : premièrement,
l’agent n’a pas tenu compte de l’objet de l’alinéa
Qualité de demandeur de M. Obispo
[7]
Abordons d’abord la question de la
qualité pour agir. Le paragraphe
[8]
À mon avis, les décisions
Douze
et
Carson
font autorité et, pour cette raison, elles doivent être suivies.
Comme l’indiquait la juge Tremblay-Lamer au paragraphe 15 de la
décision
Douze
, pour déterminer si une partie est directement touchée au
sens du paragraphe
Norme de contrôle
[9]
Les deux parties soutiennent que la norme
de contrôle applicable par la Cour à l’égard des présentes demandes est celle
de la décision raisonnable. Je suis d’accord. Au paragraphe 18 du récent
arrêt
Kisana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)
,
[10]
La norme de la décision raisonnable suppose
une grande retenue judiciaire et son application exige que le tribunal de
révision n’intervienne que si la décision n’est pas justifiée, que le processus
décisionnel n’est ni transparent ni intelligible
et
que la décision ne
fait pas partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard
des faits et du droit (
Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick
,
L’agent a-t-il commis une erreur susceptible
de contrôle en interprétant incorrectement les exigences de l’alinéa
[11]
Passons maintenant au bien-fondé de
ces demandes. Les demandeurs soutiennent d’abord que les décisions devraient
être annulées parce qu’elles sont déraisonnables étant donné que l’agent n’a
pas pris en compte l’objet de l’alinéa
[12] Cet argument pose plusieurs problèmes. Premièrement, il n’a pas été soumis à l’agent et il n’est pas non plus étayé par la preuve. En effet, comme preuve des motifs pour lesquels les demandeurs n’avaient pas été déclarés comme personnes à charge par leur père en 1995, l’agent ne disposait que de l’explication selon laquelle M. Obispo n’était pas certain des raisons pour lesquelles il avait omis de les déclarer et que c’est peut-être parce qu’ils n’allaient pas vivre avec lui au Canada. Il n’existe tout simplement aucun élément de preuve permettant de croire que les demandeurs n’ont pas été mentionnés dans la demande de 1995 par suite d’un simple oubli de M. Obispo. De la même façon, la Cour ne dispose d’aucun élément de preuve en ce sens. En fait, dans son affidavit déposé à l’appui de sa demande, M. Obispo précise simplement qu’il [ traduction ] « ne se rappelle pas exactement pour quelles raisons ses enfants n’ont pas été déclarés dans la demande [de 1995] ». L’absence de preuve au soutien de cet argument suffit pour le rejeter.
[13]
Cet argument présente aussi des failles
sur le plan des principes. Bien qu’un agent puisse remédier aux effets de l’alinéa
[14]
Il n’y a donc rien de déraisonnable
dans la façon dont l’agent a traité les raisons pour lesquelles M. Obispo
a omis en 1995 d’inscrire le nom des demandeurs dans sa demande de résidence
permanente. L’agent n’a pas non plus mal compris les considérations d’intérêt
public qui sous-tendent l’alinéa
L’agent a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle dans son examen de la preuve?
[15]
Le même raisonnement s’applique au deuxième
argument. Les demandeurs soutiennent en second lieu que l’agent a commis une
erreur en concluant que les considérations d’ordre humanitaire ne suffisaient
pas pour accorder aux demandeurs le statut de résident permanent. Plus précisément,
ils allèguent que, dans son appréciation des facteurs énumérés au paragraphe
[16] Le défendeur soutient pour sa part que les décisions doivent être examinées dans leur ensemble, que l’agent a bien apprécié tous les facteurs pertinents et que sa décision est raisonnable. Le défendeur ajoute que l’agent n’avait pas à énumérer tous les éléments de preuve dont il a tenu compte et que les demandeurs demandent à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve, ce que ne doit pas faire le tribunal saisi d’une demande de contrôle judiciaire, surtout dans un cas où la norme de la raisonnabilité s’applique.
[17] À mon avis, l’agent n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle dans le traitement de la preuve. En effet, il a tenu compte des facteurs pertinents, ses conclusions étaient raisonnables et il n’était pas tenu de mentionner spécifiquement tel ou tel élément de preuve dans ses décisions.
[18] Au paragraphe 33 de l’arrêt Kisana , la Cour d’appel fédérale a résumé les divers facteurs à considérer dans un contexte de séparation géographique des membres d’une même famille. L’agent devrait tenir compte des :
[...] liens réels qu’entretiennent les membres de la famille, c’est-à-dire les relations actuelles par opposition au simple lien biologique, de la question de savoir s’il y a eu des périodes de séparation auparavant et, dans l’affirmative, pendant combien de temps et pourquoi, du degré de soutien psychologique et émotif par rapport aux autres membres de la famille, de la possibilité pour la famille de se retrouver ensemble dans un autre pays, de la dépendance financière et des circonstances particulières des enfants.
[19] L’examen des lettres et des notes du STIDI révèle que chacun des facteurs pertinents a été examiné et soupesé par l’agent. Voici un extrait des notes du STIDI rédigées par l’agent :
[ traduction ] […] j’ai examiné soigneusement toute la preuve dans chaque cas afin de me préparer aux entrevues […] et j’ai conclu que je devrais me concentrer sur les motifs d’ordre humanitaire, préciser les relations entre les demandeurs et M. Obispo, de même que les relations familiales entre les demandeurs et leur mère, leurs grands-parents et leurs frères et sœurs en République dominicaine. Cette évaluation permettra alors de déterminer s’il existe suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour remédier à l’exclusion ayant fait suite à l’omission par M. Obispo de déclarer les demandeurs au moment où il a émigré au Canada.
[20] Après les entrevues, l’agent a conclu que les demandeurs n’avaient pas fait la preuve de l’existence d’une relation suffisamment suivie avec M. Obispo pour justifier la prise en compte de motifs d’ordre humanitaire et que, inversement, la solidité des liens qu’ils entretenaient avec les autres membres de leur famille en République dominicaine permettait de croire qu’ils ne seraient pas sans ressources si leurs demandes étaient rejetées.
[21]
Les conclusions de l’agent sont
amplement étayées par la preuve. L’agent n’a mentionné aucun élément de preuve
en particulier (sauf le contenu des discussions au cours des entrevues), mais il
n’avait pas à le faire. S’exprimant au nom des juges unanimes dans l’arrêt de
la Cour suprême,
Newfoundland and Labrador Nurses Union c. Terre-Neuve-et-Labrador
(Conseil du Trésor),
Il se peut que les motifs ne
fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives,
précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y
lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme
de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas
tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du
raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale (
Union
internationale des employés des services, local
n
o
333 c. Nipawin District Staff
Nurses Assn
., 1973 CanLII 191 (CSC),
[22] En ce qui concerne la conclusion de l’agent relativement à l’importance des liens unissant M. Obispo et les demandeurs, je suis plutôt d’accord avec les demandeurs pour dire que les adolescents et les jeunes hommes n’ont pas nécessairement une connaissance détaillée du travail et du cadre de vie de leurs parents si ces derniers vivent dans une autre ville et que cela ne signifie pas nécessairement que ces jeunes hommes ou ces adolescents n’ont pas de relation suivie et forte avec leurs parents. Cependant, l’agent disposait de suffisamment d’autres éléments de preuve quant à l’absence de liens entre M. Obispo et les demandeurs pour étayer sa conclusion, entre autres que M. Obispo avait émigré au Canada en laissant les demandeurs derrière lui, qu’il avait renoncé à en avoir la garde et que, au cours des dernières années, il ne leur avait rendu visite qu’occasionnellement, peu importe les motifs. Il n’est donc pas possible de dire que la conclusion de l’agent au sujet de l’absence d’une relation suffisamment approfondie était déraisonnable.
[23] Quant à la conclusion de l’agent au sujet de la force des liens unissant les demandeurs et les membres de leur famille en République dominicaine, elle est étayée par l’ensemble de la preuve. En effet, chacun des demandeurs a souligné en entrevue que les liens qu’il avait avec les membres de sa famille en République dominicaine, y compris la mère, étaient solides. Cette conclusion est donc elle aussi raisonnable.
[24] Vu ce qui précède, les décisions étaient tout à fait raisonnables et, par conséquent, les présentes demandes de contrôle judiciaire seront rejetées.
[25]
Aucune question à certifier en vertu de l’article
[26] Conformément à l’ordonnance du protonotaire Aalto dans le dossier de la Cour IMM-5046-11, en date du 8 septembre 2011, les dossiers de la Cour IMM-5046-11, IMM-5047-11 et IMM-5048-11 sont regroupés. Une copie du présent jugement et des motifs du jugement sera déposée dans chaque dossier.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
1. Le nom du demandeur Pedro Jose Obispo est rayé de l’intitulé de l’instance dans les dossiers IMM-5046-11, IMM-5047-11 et IMM-5048-11.
2. Les présentes demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.
3. Aucune question de portée générale n’est certifiée.
4. Aucuns dépens ne sont adjugés.
Traduction certifiée conforme
Édith Malo, LL.B.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS : IMM-5046-11, IMM-5047-11 et IMM-5048-11
INTITULÉ :
LUIS
ENRIQUÉ GARCIA RODRIGUEZ, JOSÉ MIGUEL GARCIA RODRIGUEZ, JAIME GARCIA
RODRIGUEZ c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 28 mars 2012
MOTIFS DU jugement
DATE des motifs : Le 16 avril 2012
COMPARUTIONS :
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POUR LES DEMANDEURS
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Sally Thomas Alex Kam
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocat
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POUR LES DEMANDEURS
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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