Arbitrage en vertu de l’article 100
du Code du travail (L.R.Q., c. C-27)
Date : le 11 mai 2012
DEVANT L’ARBITRE : GILLES FERLAND |
Ci-après appelé l’« employeur »
Et
TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES UNIS
DE L’ALIMENTATION ET DU COMMERCE, LOCAL 500
Ci-après appelé le « syndicat »
N o de dépôt : 2012-6386
Griefs n os G24495 - Suspension (et avis écrits) de
madame Jocelyne Bourdages
G24567 - Congédiement de madame Jocelyne Bourdages
SENTENCE ARBITRALE |
** * **
LES LITIGES
[1] Le 11 mars 2011, madame Louise Blanchette, gérante de service chez l’employeur, transmet à madame Jocelyne Bourdages la lettre suivante (pièce S-3) :
(…)
« OBJET : Avis de suspension
Mafame,
Après vous avoir remis plusieurs mesures disciplinaires relatives à vos débalancements de caisse : soit un avis verbal en date du 28 octobre 2010, deux avis écrits en date des 4 et 7 décembre 2010, un réentraînement à la tâche en date du 13 décembre 2010, 2 suspensions de respectivement deux (2) et cinq (5) jours en dates respectives des 13 et 15 janvier 2011, ainsi que du 23 au 27 janvier 2011 ainsi qu’un second réentraînement à la tâche le 7 février 2011, c’est avec regret que nous constatons que malgré toutes nos mises en garde, il n’y a pas eu d’amélioration réelle et significative de votre part.
En effet, depuis la remise de la suspension et du second réentraînement en date du 7 février 2011, vous avez de nouveau débalancé pour la semaine se finissant le 5 mars 2011 d’un montant de 10,49$. Après les vérifications d’usage et la réception des rapports de conciliation provenant de notre transporteur de valeur, aucune correction n’est venue minimiser ou enrayer votre débalancement de caisse.
Comme il vous a été expliqué, nous ne pouvons toléger que, par vos débalancements, vous n’affectiez les opérations du magasin et ce malgré que nous vous avons apporté tout le support et le coaching nécessaire afin de vous permettre d’améliorer votre performance et vos méthodes de travail. Le fait que le contenu de la caisse doit correspondre au montant des transactions effectuées est un élément nécessaire au bon fonctionnement de notre entreprise.
Dans les circonstances, nous n’avons d’autre choix que de vous remettre une seconde suspension de cinq (5) jours, que sera purgée du 13 au 19 mars 2011 (sic). Vous recevrez également un réentraînement à la tâche le 21 mars 2011.
Nous vous avisons formellement que cet avis est une dernière chance et sachez que toute récidive de votre part entraînera votre congédiement immédiat.
Nous espérons que vous comprenez le sérieux de notre démarche. »
(…)
[2] Le 21 mars 2011, le syndicat présente à l’employeur le grief suivant (pièce S-2) :
(…)
« Nature du grief :
Violation de la convention collective, entre autres articles 2, 6 et ce, sans s’y limiter. Le ou vers le 13 mars 2011, l’Employeur a suspendu la salariée Jocelyne Bourdages sans cause juste et suffisante et de façon arbitraire. L’Union conteste cette suspension et également tous les avis écrits qui ont été remis à la salariée au cours des derniers 9 MOIS précédant cette suspension.
Règlement requis :
L’Union demande que l’Employeur annule les avis écrits et la suspension imposés à la salariée. De plus, l’Union demande que l’Employeur réintègre la salariée dans ses fonctions en lui remboursant le salaire perdu avec intérêts légaux prévus au code du travail, le tout sans perte de ses droits et privilèges prévus à la convention collective. »
(…)
[3] Le 18 avril 2011, madame Louise Blanchette, gérante de service chez l’employeur, transmet à madame Jocelyne Bourdages la lettre suivante (pièce S-5) :
(…)
« OBJET : Avis de congédiement administratif
Madame,
Après vous avoir remis plusieurs mesures disciplinaires relatives à vos débalancements de caisse soit : un avis verbal en date du 28 octobre 2010, deux avis écrits en date des 4 et 7 décembre 2010, un réentraînement à la tâche en date le 13 décembre 2010, 3 suspensions de respectivement deux (2), cinq (5) et cinq (5) jours aux dates respectives des 13 et 15 janvier 2011, du 23 au 27 janvier 2011 et du 13 au 19 mars 2011 ainsi qu’un second réentraînement à la tâche le 7 février 2011 suivi d’un troisième le 21 mars 2011, c’est avec regret que nous constatons que malgré toutes nos mises en garde, il n’y a pas eu d’amélioration réelle et significative de votre part.
En effet, depuis la remise de votre dernière suspension et de l’avis troisième réentraînement en date du 11 mars 2011, vous avez de nouveau débalancé pour la semaine se finissant le 16 avril 2011. Plus spécifiquement, nous avons constaté un débalancement d’un montant de douze dollars (12,00$) au niveau de vos ventes de valideuse du vendredi 15 avril.
Tel que mentionné dans votre précédent avis, de tels manquements ne peuvent être tolérés, en raison des impacts importants qu’ils engendrent pour notre entreprise. Au fil des derniers mois, nous croyons fermement vous avoir offert tout le soutien nécessaire afin que vous puissiez vous corriger. Malgré ce soutien et notre avis formel d’un congédiement en cas de récidive, nous sommes forcés de constater que vous n’êtes toujours pas en mesure de balancer votre caisse selon les normes.
Dans les circonstances, nous n’avons d’autre choix que de procéder à votre congédiement et ce en date de la présente.
Vous recevrez par conséquent au cours des prochains jours votre relevé d’emploi ainsi que toutes les sommes susceptibles de vous être dues. »
(…)
[4] Le 18 avril 2011, le syndicat présente à l’employeur le grief suivant (pièce S-4) :
(…)
« Nature du grief :
Violation de la convention collective, entre autres articles 2, 6 et ce, sans s’y limiter. Le ou vers le 18 avril 2011, l’Employeur a congédié la salariée Jocelyne Bourdages sans cause juste et suffisante et de façon arbitraire.
Règlement requis :
L’Union demande que l’Employeur annule ce congédiement. De plus, l’Union demande que l’Employeur réintègre dans ses fonctions la salariée en lui remboursant le salaire perdu avec intérêts légaux prévus au Code du travail, le tout en lui accordant tous les droits et privilèges prévus à la convention collective, ainsi que des dommages et intérêts, le cas échéant. »
(…)
LES QUESTIONS PRÉALABLES
[5] Avant d’aborder, s’il y a lieu, le fond des litiges, le soussigné doit trancher deux (2) questions de droit soulevées par les procureurs des parties.
[6] D’une part, le procureur de l’employeur soutient que les mesures prises par l’employeur ne sont pas des mesures disciplinaires, mais des mesures administratives. D’autre part, le procureur du syndicat prétend que l’employeur n’a pas respecté les dispositions de l’article VI de la convention collective concernant l’imposition des mesures disciplinaires.
La qualification juridique des mesures
[7] Dans son argumentation écrite, le procureur de l’employeur justifie ainsi ses prétentions voulant que les mesures prises par l’employeur sont des mesures administratives :
(…)
« La jurisprudence arbitrale a généralement considéré les mesures prises à l’endroit de caissières suite à des balancements de caisse sous l’angle administratif plutôt que sous l’angle disciplinaire.
En effet, il tombe sous le sens commun qu’une caissière ne commet pas volontairement des erreurs conduisant à des débalancements de caisse et qu’il s’agit essentiellement d’une question de compétence ou de capacité à exercer les fonctions de caissière.
Par ailleurs, la jurisprudence constante des tribunaux supérieurs reconnaît qu’il appartient exclusivement à l’arbitre de griefs de qualifier la mesure contestée eu égard à l’ensemble de la preuve administrée à l’audience, et ce, sans égard aux termes utilisés par les parties.
Ainsi, il nous apparaît sans importance que notre cliente ait utilisé l’expression « mesure disciplinaire » dans les avis S-3 et S-5 en référant aux avis antérieurs remis à la plaignante, surtout que lesdits avis étaient clairement intitulés « mesure suite à un débalancement de caisse » sans plus de précisions.
Compte tenu de ce qui précède, Sobeys soumet respectueusement que les mesures contestées en l’instance sont d’abord des mesures « administratives » et, en conséquence, que la juridiction du présent tribunal se limite à examiner si elles sont déraisonnables, abusives ou discriminatoires. »
(…)
[8] En réplique, le procureur du syndicat invoque les arguments suivants :
(…)
« La politique de caisse de Sobeys Québec Inc. (IGA Extra Mascouche) le plus récente applicable dans la présente affaire est donc celle déposée lors de l’audition sous la cote E-10.
Dans la section ‘’Conséquence du non-respect’’ il y est décrit les mesures applicables par l’Employeur qui se lisent comme suit :
Si un premier débalancement de caisse est constaté, il se traduira par un avis verbal qui sera remis à l’employé;
S’il y a récidive à l’intérieur des huit semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un avis écrit qui sera remis à l’employé;
S’il y a récidive à l’intérieur des huit semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un avis de suspension - déterminée par l’Employeur - d’une journée. L’employé recevra un réentraînement aux caisses;
S’il y a récidive à l’intérieur des huit semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un avis de suspension - déterminée par l’Employeur - de trois jours de travail;
S’il y a récidive à l’intérieur des huit semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un avis de suspension - déterminée par l’Employeur - de cinq jours de travail. De plus, l’employé recevra un réentraînement aux caisses;
S’il y a récidive à l’intérieur des huit semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un avis de cessation d’emploi pour le motif en question qui sera remis à l’employé;
La partie syndicale attire l’attention du tribunal sur les points suivants :
(…) il est prévu que pour un premier débalancement un avis verbal sera remis à l’employé.
(…) la politique prévoit que s’il y a RÉCIDIVE des mesures s’appliquent allant de l’avis écrit à l’avis de cessation d’emploi sont prévues.
Il y est question d’avis de suspension d’une journée, de trois jours de travail, de 5 jours de travail et de cessation d’emploi.
Il est aussi question de périodes de réentraînement.
La politique déposée sous la cote E-10 mentionne à 4 reprises le mot RÉCIDIVE .
Dans le dictionnaire canadien des relations de travail (deuxième édition) Les Presses de l’Université Laval Québec, 1986, le mot RÉCIDIVE est défini comme suit :
récidive F - subsequent offence
le fait pour une personne de retomber
dans la même faute, la même erreur,
après avoir déjà subi une mesure disciplinaire
ou une condamnation
À mon avis, les énoncés des paragraphes 4.2 à 4.5 [ de la politique ] démontrent clairement et sans équivoque que l’Employeur a choisi la voie disciplinaire pour corriger un(e) employé(e) pour le non-respect de la politique en matière de balancement de caisses.
Il est intéressant de remarquer que la politique déposée sous la cote E-1 (02/2004) employait aux paragraphes 1 à 6 dans sa section ‘’application’’ la même méthode appliquée pour corriger un ou une employée pour le non-respect des critères établis dans sa politique.
Il faut aussi préciser que dans le document S-3 (11/03/2011) l’Employeur utilise dans son objet les termes ‘’Avis de suspension’’ et ‘’après vous avoir remis plusieurs mesures disciplinaires…’’ dans le premier paragraphe de cette lettre.
Pour ce qui est du document S-5 (18/04/2011) malgré que l’Employeur emploie les termes ‘’Avis de congédiement administratif’’ dans l’objet, il continue à utiliser les termes ‘’après vous avoir remis plusieurs mesures disciplinaires …’’ dans le premier paragraphe de cette lettre.
De plus, dans la politique (E-10) au dernier paragraphe de la section conséquences du non-respect les termes utilisés sont ‘’cessation d’emploi’’ et non congédiement administratif. »
[9] Qu’en est-il exactement ?
[10] Dans les lettres de suspension et de congédiement qu’il a transmises à madame Bourdages, l’employeur lui reproche essentiellement de n’être pas en mesure de balancer sa caisse selon les normes de l’entreprise.
[11] Pour trancher la question de la qualification juridique des mesures prises par l’employeur, il importe de déterminer en premier lieu si le manquement reproché à madame Bourdages constitue de la négligence ou de l’incompétence.
[12] La frontière entre la négligence et l’incompétence n’est pas facile à tracer et à cet égard, la jurisprudence semble partagée, certains auteurs et arbitres considérant même qu’il n’y a pas lieu de faire une telle distinction en matière d’insuffisance professionnelle.
[13] Ainsi, dans leur ouvrage Droit de l’arbitrage de grief 5 e édition , les auteurs Blouin et Morin écrivent ce qui suit à cet égard :
« … par un jugement d’insuffisance professionnelle ou d’une évaluation de travail qualitativement ou quantitativement insuffisante, l’employeur fait critique au salarié d’un acte fautif qui n’en est certes pas de commission, mais d’omission : le salarié n’a pas pris les mesures utiles pour respecter son obligation professionnelle …. Il peut s’agir d’une ignorance imputable au salarié. En ces situations, la distinction entre mesure administrative spécifique et mesure disciplinaire ne peut être alléguée pour justifier l’employeur d’ignorer, le cas échéant le processus disciplinaire. Le salarié doit savoir ce dont il est accusé de façon à préparer une défense pleine et entière ». (1)
[14] Quoi qu’il en soit, le soussigné, tel que l’a souligné à juste titre le procureur de l’employeur, est d’avis « qu’il appartient exclusivement à l’arbitre de griefs de qualifier la mesure contestée eu égard à l’ensemble de la preuve administrée à l’audience, et ce, sans égard aux termes utilisés par les parties ».
[15] Dans leur ouvrage intitulé Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dans les rapports collectifs du travail , les auteurs Bernier, Blanchet, Granosik et Séguin qualifient l’incompétence ou l’insuffisance professionnelle comme un « manquement indépendant de la volonté du salarié » alors que la négligence est le résultat d’« erreurs par manque d’attention, de désintérêt ou la paresse ». (2)
[16] Selon le soussigné, il ressort de la preuve recueillie à l’enquête que les manquements reprochés à madame Bourdages, notamment le dernier, constituent beaucoup plus des erreurs par manque d’attention que de l’insuffisance professionnelle. De l’avis du soussigné, si la prestation de travail de madame Bourdages avait constitué véritablement de l’insuffisance professionnelle, et non un manque d’attention dans l’exécution de son travail, elle aurait répété la même erreur de façon beaucoup plus régulière puisque l’incompétence suppose une incapacité permanente à fournir une prestation adéquate de travail. Pourtant, à plusieurs reprises depuis son embauche, madame Bourdages a réussi à balancer sa caisse, ce qui laisse entendre qu’elle aurait pu, n’eut été son manque d’attention occasionnel, exécuter correctement le travail demandé.
[17] Partant, le soussigné en arrive à la conclusion que les manquements de madame Bourdages, dans l’hypothèse où ils sont prouvés, sont des manquements qui relèvent de la négligence et que par conséquent, il y a lieu de qualifier les mesures prises par l’employeur de mesures disciplinaires et d’appliquer à ces mesures les règles conventionnelles négociées par les parties.
L’objection du syndicat
[18] Dans son argumentation écrite, le procureur du syndicat soutient que l’employeur n’a pas respecté les conditions d’imposition des mesures disciplinaires en ce qui concerne les avis écrits contenus au dossier de madame Bourdages (pièces E-4, E-5, E-6, E- 8 et E-9) en raison du fait que ces avis n’ont pas, contrairement aux dispositions impératives de la clause 6.01 de la convention collective, été remis au délégué syndical, ni adressés au syndicat. Les dispositions de la clause 6.01 se lisent ainsi :
« A) L’Employeur se sert d’un avis écrit pour réprimander officiellement un salarié, s’il y a lieu.
Tout avis doit être remis au salarié, en présence du délégué ou en son absence, de l’assistant-délégué et, ce dernier reçoit copie au même moment; cependant, advenant le cas qu’aucun d’eux n’est présent sur les lieux, le salarié est accompagné d’un autre salarié de son choix présent sur les lieux; dans un tel cas, l’Employeur remet copie de l’avis écrit au délégué dès son retour au travail. De plus, une copie est adressée à l’Union; le salarié peut refuser la présence du délégué ou de l’assistant-délégué ou du salarié.
B) Tout avis de suspension doit indiquer clairement les raisons et la durée d’une suspension à l’exception des suspensions pour fins d’enquête; L’Employeur donne également les raisons et la date d’entrée en vigueur d’un congédiement.
C) Tout avis doit être fait selon les règles établies à l’article VI et doit être transmis au salarié concerné dans les dix (10) jours après que l’Employeur a eu connaissance des faits écrits dans l’avis. Si l’Employeur est dans l’impossibilité de remettre l’avis au salarié en raison de l’absence de ce dernier, il doit le lui remettre dans les dix (10) jours suivant son retour au travail, sinon il est considéré comme nul et irrecevable. »
D) (…)
[19] Selon le procureur du syndicat, seuls les documents S-3 et S-5, soient les lettres de suspension et de congédiement transmises à madame Bourdages, sont admissibles en preuve.
[20] Pour sa part, le procureur de l’employeur a rétorqué dans ses notes écrites :
(…)
« Le moyen procédural invoqué par le procureur syndical et fondé sur l’article 6.01 a) de la convention collective de travail nous laisse pour le moins perplexe.
En effet, en début d’audience, et nos notes le confirment, il a été mutuellement convenu qu’aucun moyen préliminaire n’était soulevé, des admissions ayant été convenues entre les parties, notamment quant au respect des règles entourant l’imposition des mesures contestées.
Bien plus, le moyen procédural plaidé dans la correspondance du 6 février 2012 n’a jamais été annoncé, dénoncé et/ou invoqué au moment de l’audience. Or, il est de jurisprudence constante qu’une partie est forclose à l’égard du vice qu’elle allègue lorsque celle-ci procède sans aucune restriction.
D’avantage, et sans égards à ce qui précède, le moyen procédural invoqué a de quoi surprendre et ne saurait être invoqué de bonne foi par la partie syndicale en l’instance ; en effet, il appert que les avis contestés par les griefs S-2 et S-4 ont, dans les faits, tous fait l’objet de transmission au syndicat, par télécopie, en temps utile .
À cet effet, nous transmettons sous pli au procureur syndical (et uniquement à lui) les preuves de transmission des avis contestés. Dans ce contexte, nous suggérons respectueusement au procureur syndical de retirer promptement et par écrit le moyen procédural invoqué. À défaut, nous n’aurons d’autre alternative que de requérir une réouverture d’enquête afin de faire la preuve desdites transmissions.
À tout événement et toujours sans égards à ce qui précède, nous réitérons que les mesures contestées sont d’abord et avant tout des mesures de nature administrative qui échappent à l’application de la procédure prévue à l’article 6.01 a) de la convention collective, le tout tel que plus amplement soumis dans notre plaidoyer en date du 25 janvier 2012.
Finalement, nous soumettons respectueusement que l’omission de ne pas avoir remis copie à l’union serait, dans tous les cas de figure, tout au plus, un vice de forme qui ne peut invalider la mesure contestée. En effet, le défaut d’envoyer une copie au syndicat n’est pas synonyme de nullité de la sanction puisque cela n’est pas prévue expressément à la convention collective.
En effet, l’économie de l’article 6.01 a) de la convention collective est de faire en sorte que le syndiqué et son syndicat soient informés de la situation ; or la preuve présentée révèle que la syndiquée était, dans la grande majorité des cas, accompagnée d’un délégué syndical ou d’un assistant délégué. D’ailleurs, le fait que les griefs S-2 et S-4 aient été déposés dans les délais prescrits par la convention collective démontre également que la plaignante et/ou le syndicat n’ont subi aucun préjudice en instance. »
(…)
[21] Il importe, afin de statuer sur l’objection du syndicat, de rappeler le déroulement de l’enquête.
[22] Dès la conférence préparatoire, les deux (2) parties ont admis que la procédure édictée à la convention collective a été respectée, tant celle relative à l’imposition des mesures disciplinaires que celle concernant le dépôt du grief et de son renvoi à l’arbitrage.
[23] Puis, après le dépôt par le syndicat des mesures de suspension et de congédiement ainsi que des griefs les contestant, l’employeur, sur qui repose le fardeau de la preuve dans les présents litiges, a fait valoir en premier lieu ses moyens de preuve. Ensuite, une fois que l’employeur eut déclaré sa preuve close, le syndicat, qui avec l’accord du soussigné et de l’employeur, avait déjà fait entendre un témoin pendant le déroulement de la preuve de l’employeur afin de libérer ce dernier le plus rapidement possible, a déclaré sa preuve close. Les parties n’ont pas présenté de contre-preuve, de sorte que les preuves ont été déclarées closes de part et d’autre. Enfin, l’employeur a présenté le premier son argumentation écrite, après quoi le syndicat a suivi avec sa réplique.
[24] Selon les notes recueillies à l’enquête par le soussigné, en aucun moment au cours de l’audition des griefs, le procureur du syndicat n’a fait allusion au fait qu’il entendait soulever un moyen d’irrecevabilité en raison du non-respect par l’employeur de la procédure édictée à l’article VI de la convention collective.
[25] Ce n’est qu’au cours de sa réplique que le procureur du syndicat a soulevé son objection préliminaire.
[26] Or, s’il est bien admis qu’une défense au fond peut être présentée à l’étape de la plaidoirie et n’a pas à être annoncée durant l’enquête, c’est-à-dire durant la partie de l’audience « au cours de laquelle le tribunal entend les témoins et prend connaissance de toute preuve que les parties désirent produire » (3) , il en va autrement des objections préliminaires portant sur le non-respect de la procédure des mesures disciplinaires. Normalement, un tel moyen doit être invoqué au début de l’enquête ou à tout le moins tant que l’enquête n’est pas close, surtout qu’un tel moyen ne vise pas la compétence matérielle ou formelle de l’arbitre. (4)
[27] Quoi qu’il en soit, en l’espèce, les parties, et partant le syndicat, ont formellement admis sans restriction que la procédure d’imposition des mesures disciplinaires avait été respectée.
[28] De l’avis du soussigné, une telle admission sur les faits en début d’audience constitue une renonciation à invoquer ultérieurement une objection qui irait à l’encontre d’une telle admission.
[29] À cet égard, le soussigné partage le point de vue de l’arbitre Serge Brault qui dans l’affaire Héroux inc. et Syndicat des travailleurs et travailleuses en aéronautique de Longueuil (C.S.D.) écrivait ce qui suit :
(…)
« Avec égards, la déclaration initiale des deux parties dénotait chez elles une volonté claire de renoncer à invoquer quelque manquement à la procédure, notamment dans la mesure où leurs propos n’ont absolument pas à nos yeux été prononcés machinalement, compte tenu en particulier de la correspondance qu’elles avaient échangée antérieurement. D’ailleurs, si tel n’avait pas été leur objet, il faudrait dire que ces propos n’auraient servi à rien. En effet, c’est précisément afin d’indiquer de manière officielle et formelle qu’il n’y a pas de litige à cet égard que les procureurs tiennent ces propos, ou au cas contraire, pour annoncer également de manière formelle le sens d’un débat à venir à ce sujet. À nos yeux donc, la déclaration faite en l’espèce par des représentants chevronnés constituait bel et bien une renonciation à soulever par la suite des questions de procédure qui n’auraient pas été identifiées à cette occasion.
Voyons ce qu’écrit l’arbitre Guy E. Dulude dans Matador Convertisseurs Compagnie Ltée et Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (section locale 145, SCEP), [précité] :
« À titre de motif subsidiaire, le Tribunal constate effectivement qu’en début d’audition les parties ont formellement admis que la procédure de grief avait été régulièrement suivie et que l’arbitre était dûment saisi du litige, sous réserve, il est vrai d’un moyen patronal de contestation mais qui portait sur un tout autre objet.
Ceci impliquait une renonciation expresse auprès du Tribunal à invoquer un semblable plaidoyer de prescription ou invoquant de graves irrégularités de procédure .
[…]
L’on se doit donc de constater ici une renonciation expresse et formelle à invoquer tout semblable moyen de droit, d’où son irrecevabilité. » [page 9]
[les caractères gras sont de nous]
Parce que tel est l’état du droit et sûrement dans le meilleur intérêt de la paix industrielle, un échange de propos engageants et explicites entre parties à des relations de travail adultes, intervenu librement dans le contexte d’une déclaration faite à l’ouverture de l’audience d’un tribunal doit être considéré comme, et traité avec, sérieux.
Le Tribunal conclut donc pour toutes ces raisons que les deux moyens préliminaires portant sur des vices de fond doivent être rejetés, les parties y ayant renoncé. » (5)
[30] À l’instar de l’arbitre Brault, le soussigné est également d’avis que dans de telles circonstances, les admissions sur la procédure faites en début d’audience lient les parties.
[31] Pour ces motifs, le soussigné rejette l’objection du syndicat quant au non-respect de la procédure d’imposition des mesures disciplinaires parce que le syndicat a renoncé dès le début de l’audience à invoquer ultérieurement un tel moyen.
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LE FOND DES LITIGES
La preuve
[32] Les principaux éléments de preuve utiles à la compréhension du litige et à la prise de décision du soussigné peuvent être résumés comme suit.
La preuve de l’employeur
[33] - Le premier témoin appelé à déposer par l’employeur est madame Jocelyne Bourdages.
[34] - Madame Bourdages, qui mentionne avoir été embauchée par l’employeur le 3 octobre 2005 à titre de caissière, répond qu’elle était responsable de balancer sa caisse, ajoutant qu’il y avait un écart de 10 $ par semaine qui était autorisé par l’employeur, soit en plus, soit en moins.
[35] - Madame Bourdages reconnaît que le balancement de la caisse fait partie intégrante du travail de caissière et qu’il est important de balancer sa caisse, car soit le magasin perd de l’argent, soit le client perd de l’argent.
[36] - Madame Bourdages mentionne avoir reçu une formation de une (1) semaine lors de son engagement au cours de laquelle on lui a parlé de la politique de balancement de la caisse, ajoutant qu’on lui a remis le texte de la politique en question, qu’elle l’a lu et qu’elle en a compris la teneur et la portée. La politique est ainsi libellée (pièce E-1) :
« POLITIQUE DE CAISSE
A) Préambule
1. Afin d’aider à obtenir le maximum d’exactitude de nos employés et un haut niveau de confiance de notre clientèle, Sobeys Québec inc. a développé une politique qui aidera davantage nos employés à comprendre, développer et maintenir les connaissances requises afin d’opérer efficacement une caisse enregistreuse. Sobeys Québec inc. vise aussi par cette politique à s’assurer que ses employés soient conscients de la gravité de ne pas suivre les procédures adéquates de manipulation de la caisse.
2. L’employé qui a complété sa période de probation ou qui a complété sa période d’essai au poste de caissier est assujetti à la présente politique.
3. En ce qui concerne cette politique, la caisse comprend l’argent en espèces et tous les médias, c’est-à-dire chèques, carte débit, carte crédit, tous les types de coupons, billets de loterie gagnants, ventes de crédit, retours de bouteilles et canettes, remboursements et autres. La caisse comprend également les « loteries sèches » et les billets de valideuse Loto-Québec.
4. L’employé assume l’entière responsabilité de sa caisse, ce qui implique que :
a) Aucune personne ne peut manipuler le contenu de la caisse d’un employé hors de sa présence;
b) Exceptionnellement, en cas d’absence de l’employé, un représentant de l’employeur pourra manipuler le contenu de sa caisse en présence du délégué syndical;
Toute dérogation à ces règles dégagera l’employé de la responsabilité de sa caisse.
5. La politique de caisse doit être portée à la connaissance de l’employé dès le moment où elle lui est applicable. Il doit en recevoir une copie et en accuser réception. Il doit également avoir l’opportunité d’en discuter avec un représentant de l’employeur.
6. Toute modification à cette politique doit être portée à la connaissance de l’employé de la même manière qu’au point # 5.
7. Tout nouveau changement technologique apporté aux caisses devra être communiqué à chaque employé. Chaque employé a droit à une période de familiarisation appropriée dans de tels cas.
8. L’employé doit effectuer un dépôt de ses espèces et chèques lorsqu’il a accumulé un montant déterminé par l’employeur.
9. La procédure de dépôt est effectuée de la façon suivante :
a) L’employé compte le montant des espèces et chèques qu’il dépose et remplit le bordereau de dépôt en présence du représentant de l’employeur;
b) Une fois le bordereau complété, l’employé doit mettre le tout dans l’enveloppe de dépôt;
c) Par la suite, l’employé doit remplir son enveloppe caissier (numéro de dépôt, date, montant);
d) L’employé remet l’enveloppe de dépôt au représentant de l’employeur. Ce dernier vérifie le montant du dépôt et le bordereau de dépôt en présence de l’employé;
e) Le représentant de l‘employeur contresigne le bordereau de dépôt et en remet une copie à l’employé avant de sceller l’enveloppe de dépôt en sa présence;
f) Le représentant de l’employeur doit aussi initialer l’enveloppe caissier.
10. Selon la situation, lorsque l’employé doit laisser sa caisse, il doit la verrouiller ou il doit en retirer le tiroir-caisse afin de le sceller et de le remiser dans un endroit sécurisé.
Lorsqu’un sceau de sécurité doit être apposé, le numéro apparaissant sur ce sceau devra être retranscrit sur le document prévu à cet effet. Lors de la reprise du travail, l’employé et le représentant de l’employeur vérifient le sceau et initialisent le document afin d’attester que le tout est conforme.
11. L’employé doit également faire le décompte de ses médias avant de les remettre au représentant de l’employeur, qui en fera la vérification, dans une enveloppe prévue à cet effet.
12. À la fin de chaque semaine de travail, l’employé doit compter sa caisse et en donner le détail sur l’enveloppe caissier prévue à cette fin avant de placer le contenu de sa caisse dans un endroit sécurisé.
13. En cas d’absence de l’employé à la fin de la semaine de travail, le délégué syndical doit procéder au décompte de la caisse de l’employé suivant la procédure prévue au point # 11 et ce, en présence d’un représentant de l’employeur.
14. L’employé ne peut accepter aucun chèque s’il n’y est pas autorisé par un représentant de l’employeur.
15. Malgré le fait que tous les employés auraient reçu une formation adéquate quant aux procédures de manipulation de la caisse, il pourrait survenir des situations où des recours à une formation supplémentaire et/ou à d’autres mesures seront nécessaires, pouvant aller jusqu’à la cessation d’emploi.
16. Un débalancement de caisse (Positif ou négatif) de plus de 10,00 $ à la fin d’une semaine de travail engendrera un avis de débalancement de caisse qui sera versé au dossier de l’employé et sera valide pendant une période de huit (8) semaines travaillées à compter de la date de l’erreur. Prenez note que si l’employé est absent pour raisons de maladie, accident, vacances, etc, la période de huit (8) semaines sera prolongée de l’équivalent de la période d’absence.
Application
1. Si un premier débalancement de caisse est constaté, il se traduira par un avis verbal qui sera remis à l’employé.
2. S’il y a récidive à l’intérieur des huit (8) semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un avis écrit qui sera remis à l’employé;
3. S’il y a récidive à l’intérieur des huit (8) semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un deuxième avis écrit qui sera remis à l’employé et il recevra un réentraînement aux caisses;
4. S’il y a récidive à l’intérieur des huit (8) semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un avis de suspension de deux (2) jours de travail qui sera remis à l’employé. Les jours de suspension seront déterminés par l’employeur;
5. S’il y a récidive à l’intérieur des huit (8) semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un avis de suspension de cinq (5) jours de travail qui sera remis à l’employé. Les jours de suspension seront déterminés par l’employeur. De plus, l’employé recevra un réentraînement aux caisses;
6. S’il y a récidive à l’intérieur des huit (8) semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un avis de cessation d’emploi pour le motif en question qui sera remis à l’employé.
Nonobstant ce qui précède, dans les cas de débalancements de caisse qui seront jugés majeurs par l’employeur, celui-ci pourra modifier la séquence élaborée ci-haut dans l’application de la politique de caisse.
Prenez note que dans l’éventualité où des corrections de dépôts étaient effectuées, la mesure imposée se verra annulée. Pour les mesures impliquant des jours de suspension, ces journées ne seront imposées que suite à la confirmation des dépôts. »
[37] - Madame Bourdages reconnaît avoir reçu un avis verbal le 28 octobre 2010 pour un débalancement de caisse de 12,27 $ durant la semaine finissant le 21 octobre 2010 (pièce E-4) et répond ne pas nier ce débalancement.
[38] - Madame Bourdages reconnaît avoir reçu un avis écrit le 4 décembre 2010 pour un débalancement de caisse de 37,66 $ durant la semaine finissant le 28 novembre 2010 (pièce E-5) et répond ne pas nier ce débalancement.
[39] - Madame Bourdages reconnaît avoir reçu un avis écrit le 7 décembre 2010 en raison du fait que dans la semaine finissant le 5 décembre 2010, elle a eu un débalancement de caisse de 126,77 $ (pièce E-6) et répond ne pas nier ce débalancement.
[40] - Madame Bourdages répond avoir reçu le réentraînement en question (pièce E-7).
[41] - Madame Bourdages reconnaît avoir reçu une suspension de 2 jours le 29 décembre 2010 pour un débalancement de 14,54 $ dans la semaine finissant le 26 décembre 2010 et répond ne pas nier ce débalancement (pièce E-8).
[42] - Madame Bourdages mentionne que cette suspension n’a pas été contestée par voie de grief.
[43] - Madame Bourdages reconnaît avoir reçu une suspension de 5 jours le 17 janvier 2011 pour un débalancement de 19,83 $ pour la semaine finissant le 11 janvier 2011 (pièce E-9) et répond ne pas nier ce débalancement.
[44] - Madame Bourdages mentionne que cette suspension n’a pas été contestée par voie de grief.
[45] - Madame Bourdages dit qu’elle savait qu’au prochain débalancement, elle serait congédiée.
[46] - Madame Bourdages explique que selon elle, ce sont les loteries additionnelles qui lui causaient des problèmes de balancement et elle a demandé, dit-elle, une formation sur les loteries, ajoutant qu’elle essayait de se concentrer plus à son travail.
[47] - Madame Bourdages mentionne que la politique en matière de balancement de caisses lui a été réexpliquée, car cela coïncidait avec la révision de la politique par l’employeur (pièce E-10). Cette politique révisée se lit ainsi :
« Politique en matière de
balancement de caisses
BUT DE LA POLITIQUE
Afin d’obtenir le maximum d’exactitude de la part de nos employés et un haut niveau de confiance de notre clientèle, Sobeys Québec a conçu une politique qui aidera davantage nos employés à comprendre, développer et maintenir les connaissances requises afin d’opérer efficacement une caisse enregistreuse. Elle vise également à s’assurer que les employés soient conscients de la gravité de ne pas suivre les procédures adéquates en matière de manipulation de la caisse.
PORTÉE
Tous les employés qui ont complété leur période de probation ou leur période d’essai au poste de caissier sont assujettis à la présente politique.
MODALITÉS D’APPLICATION
1. La caisse contient l’argent en espèces et tous les médias, c’est-à-dire chèques, cartes de débit, cartes de crédit, tous les types de coupons, billets de loterie gagnants, ventes de crédit, retours de bouteilles et canettes, remboursements, etc.; elle comporte également les « loteries sèches » et les billets de valideuse Loto-Québec.
2. L’employé assume l’entière responsabilité de sa caisse, ce qui implique :
• Personne ne peut manipuler le contenu de la caisse d’un employé en dehors de sa présence;
• Exceptionnellement, en cas d’absence de l’employé, un représentant de l’employeur pourra manipuler le contenu de sa caisse en présence d’un employé témoin;
• Toute dérogation à ces règles dégagera l’employé de la responsabilité de sa caisse.
3. L’employé doit effectuer un dépôt de ses espèces et des chèques lorsqu’il a accumulé un montant déterminé par l’employeur.
4. La procédure de dépôt est effectuée de la façon suivante :
• Le montant des espèces et chèques déposés est compté et un bordereau de dépôt est complété en présence du représentant de l’employeur;
• Lorsque le bordereau est complété, le tout est déposé dans l’enveloppe de dépôt;
• L’enveloppe caissier est complétée (numéro de dépôt, date, montant);
• L’enveloppe de dépôt est remise au représentant de l’employeur; ce dernier vérifie le montant du dépôt et le bordereau de dépôt en présence de l’employé;
• Le bordereau de dépôt est contresigné par le représentant de l’employeur, qui en remet une copie à l’employé avant de sceller l’enveloppe de dépôt en sa présence;
• Le représentant de l’employeur doit aussi apposer ses initiales sur l’enveloppe caissier.
5. Selon la situation, lorsque l’employé laisse sa caisse, il doit la verrouiller ou en retirer le tiroir-caisse afin de le sceller et le remiser dans un endroit sécurisé.
6. Lorsqu’un sceau de sécurité doit être apposé, le numéro apparaissant sur ce sceau devra être retranscrit sur le document prévu à cet effet. Lors de la reprise du travail, l’employé et le représentant de l’employeur vérifient le sceau et apposent leurs initiales sur le document afin d’attester que le tout est conforme.
7. Le décompte des médias doit être effectué avant de les remettre au représentant de l’employeur - qui en fera la vérification - dans une enveloppe prévue à cet effet.
8. À la fin de chaque semaine de travail, l’employé doit compter sa caisse et inscrire le détail sur l’enveloppe caissier prévue à cette fin avant de placer le contenu de sa caisse dans un endroit sécurisé.
9. En cas d’absence de l’employé à la fin de la semaine de travail, l’employé témoin doit procéder au décompte de la caisse de l’employé, suivant la procédure prévue au point numéro 11, et ce, en présence d’un représentant de l’employeur.
10. L’employé ne peut accepter aucun chèque s’il n’y est pas autorisé par un représentant de l’employeur.
11. Malgré le fait que tous les employés auraient reçu une formation adéquate quant aux procédures de manipulation de la caisse, il pourrait survenir des situations où des recours à une formation supplémentaire et/ou à d’autres mesures seront nécessaires, pouvant aller jusqu’à la cessation d’emploi.
12. Un débalancement de caisse (positif ou négatif) de plus de 10,00 $ à la fin d’une semaine de travail, engendrera un avis de débalancement de caisse qui sera versé au dossier de l’employé et sera valide pendant une période de huit semaines travaillées à compter de la date de l’erreur. Si l’employé est absent pour raisons de maladie, accident, vacances, etc., la période de huit semaines sera prolongée de l’équivalent de la période d’absence.
CONSÉQUENCE DU NON-RESPECT
• Si un premier débalancement de caisse est constaté, il se traduira par un avis verbal qui sera remis à l’employé;
• S’il y a récidive à l’intérieur des huit semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un avis écrit qui sera remis à l’employé;
• S’il y a rédicive à l’intérieur des huit semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un avis de suspension - déterminée par l’Employeur - d’une journée. L’employé recevra un réentraînement aux caisses;
• S’il y a récidive à l’intérieur des huit semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un avis de suspension - déterminée par l’Employeur - de trois jours de travail;
• S’il y a récidive à l’intérieur des huit semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un avis de suspension - déterminée par l’Employeur - de cinq jours de travail. De plus, l’employé recevra un réentraînement aux caisses;
• S’il y a récidive à l’intérieur des huit semaines travaillées suivant le dernier débalancement de caisse, elle se traduira par un avis de cessation d’emploi pour le motif en question qui sera remis à l’employé.
Nonobstant ce qui précède, dans les cas de débalancements de caisse qui seront jugés majeurs, celui-ci pourra modifier la séquence élaborée ci-haut dans l’application de la politique de caisse.
Dans l’éventualité où des corrections de dépôts soient effectuées, la mesure imposée se verra annulée. Pour les mesures impliquant des journées de suspension, ces journées ne seront imposées que suite à la confirmation des dépôts. »
[48] - Madame Bourdages mentionne avoir reçu le 7 février 2011 un nouvel entraînement sur le balancement des caisses au cours duquel, quelques heures ont été consacrées aux loteries (pièce E-11).
[49] - Interrogée sur la nouvelle suspension de 5 jours qui lui a été imposée le 11 mars 2011, madame Bourdages répond ne pas nier le débalancement de 10,49 $ qui lui est reproché dans cet avis de suspension (pièce S-3).
[50] - Madame Bourdages affirme que la superviseure Samantha Hunter faisait beaucoup d’erreurs et qu’il se pouvait que ses débalancements soient dus à l’erreur de quelqu’un d’autre.
[51] - Madame Bourdages mentionne qu’on lui a demandé de refaire la formation ALIMENTOC le 21 mars 2011, au cours de laquelle elle a reconnu que ses débalancements de caisse sont dus à un problème de concentration (pièce E-12).
[52] - Interrogée sur la mesure de congédiement qui lui a été imposée le 18 avril 2011, madame Bourdages répond qu’il est exact que dans la semaine finissant le 16 avril 2011, il y avait un débalancement de 12,00 $ au niveau de ses ventes de valideuse du vendredi 15 avril.
[53] - Madame Bourdages mentionne qu’une cliente lui a demandé 2 Lotto Max avec extra, soit deux billets valant 6 $ chacun pour un total de 12 $. Elle explique que les billets ne sont pas sortis de la valideuse de Loto-Québec et qu’elle a alors dit à la cliente d’aller à la courtoisie à l’avant.
[54] - Madame Bourdages déclare avoir mentionné à l’assistante-gérante Isabelle Renaud le vendredi soir que les billets de Loto-Québec n’étaient pas sortis de la valideuse, ajoutant qu’elle n’avait avisé personne d’autre dans la journée du fait que la valideuse ne fonctionnait pas.
[55] - Madame Bourdages mentionne avoir travaillé le samedi et que le système informatique a « bogué » ce jour-là.
[56] - Interrogée par le procureur du syndicat, madame Bourdages mentionne que c’est vers 17h00 le vendredi qu’elle a avisé l’assistante-gérante Renaud que la valideuse à la caisse n o 4 où elle travaillait ne fonctionnait pas.
[57] - Le deuxième témoin appelé à déposer par l’employeur est madame Louise Blanchette.
[58] - Madame Blanchette mentionne être gérante de service chez Sobeys à Mascouche depuis le mois d’avril 2002. À ce titre, de dire madame Blanchette, elle est responsable de former les employés et de faire respecter les procédures et les politiques.
[59] - Madame Blanchette explique que depuis 2002, il y a toujours eu une politique chez l’employeur (pièces E-1 et E-10) au sujet du balancement des caisses, ajoutant que jamais le syndicat n’a contesté cette politique.
[60] - Madame Blanchette précise que jusqu’à maintenant, il n’y avait jamais eu de congédiement de caissières, madame Bourdages étant le premier cas.
[61] - Madame Blanchette mentionne que la politique en matière de balancement des caisses est expliquée à chaque caissière lesquelles sont rencontrées individuellement.
[62] - Madame Blanchette explique qu’à chaque fois qu’il y a un débalancement de caisse, même de moins de 10$, la caissière concernée est avisée.
[63] - Après avoir relaté les différents entraînements et réentraînements donnés à madame Bourdages, madame Blanchette déclare que celle-ci lui disait qu’elle avait des problèmes de concentration et que c’était la raison pour laquelle elle ne balançait pas.
[64] - Madame Blanchette mentionne qu’à chaque fois que madame Bourdages ne balançait pas sa caisse, cette dernière n’avait pas d’explications pour justifier cela, disant qu’elle ne savait pas et ne comprenait pas.
[65] - Interrogée au sujet des événements du vendredi 15 avril qui ont conduit au congédiement de madame Bourdages, madame Blanchette explique qu’elle a constaté à la fin du quart de travail du vendredi 15 avril que la valideuse de Loto-Québec de la caisse de madame Bourdages ne balançait pas de 12 $.
[66] - Madame Blanchette dit avoir mentionné à madame Bourdages le fait qu’à l’écran la valideuse ne balançait pas de 12 $ et celle-ci, de déclarer madame Blanchette, lui a répondu qu’elle n’avait aucune idée pourquoi il en était ainsi. Madame Blanchette ajoute qu’elle n’a jamais été avisée qu’une valideuse ne fonctionnait pas.
[67] - Madame Blanchette explique qu’il y a eu un « bogue » informatique chez Sobeys le samedi et le dimanche, mais pas le vendredi, ajoutant que plusieurs caisses ne balançaient pas, mais qu’aucun avis n’a été donné aux caissières.
[68] - Madame Blanchette dit que le « bogue » informatique n’a rien eu à voir avec les ventes de valideuses.
[69] - Madame Blanchette raconte que la première fois qu’elle a entendu que la valideuse ne fonctionnait pas le vendredi 15 avril, c’est le lundi 18 avril à 14h55, alors que madame Bourdages lui a mentionné qu’elle en avait parlé à Isabelle Renaud.
[70] - Madame Blanchette dit avoir vérifié cette affirmation de madame Bourdages auprès d’Isabelle Renaud et cette dernière, de dire madame Blanchette, lui a répondu que c’est la première fois qu’elle entendait parler de cela.
[71] - Madame Blanchette explique avoir vérifié toutes les transactions du vendredi, avoir communiqué avec Loto-Québec et après avoir vérifié avec le journal électronique, elle a constaté, dit-elle, que les 2 dernières transactions n’étaient pas entrées au système.
[72] - Madame Blanchette dit avoir ensuite vérifié sur le système de caméras du magasin et avoir constaté que les 2 billets de loterie étaient sortis de la valideuse, mais n’avaient pas été passés au lecteur optique (« scanner ») de sorte qu’ils n’avaient pas été enregistrés.
[73] - Une vidéo est projetée à l’audience (pièce E-15) et on constate qu’une cliente demande des billets de loterie à madame Bourdages, que celle-ci sort deux billets de la valideuse de Loto-Québec, qu’elle les remet à la cliente et qu’elle omet, avant de les lui remettre, de les passer au lecteur optique (« scanner ») n’enregistrant pas ainsi la vente de ces deux billets au montant de 12 $.
[74] - En contre-interrogatoire, madame Blanchette réaffirme que le système de Loto-Québec n’était pas défectueux le samedi 16 avril 2011 et le dimanche 17 avril 2011, le problème informatique, dit-elle, concernant le système de Sobeys.
La preuve du syndicat
[75] Le syndicat, dans le cadre de sa preuve, a fait entendre un seul témoin. Il s’agit de madame Claudia Bossé.
[76] - Madame Bossé mentionne avoir travaillé chez Sobeys à Mascouche du mois d’avril 2009 jusqu'au début de l’année 2011 à titre de caissière-superviseure à temps partiel.
[77] - Madame Bossé dit que le rôle d’une caissière-superviseure consiste, entre autres, à aider les caissières à compter leur caisse pour vérifier si elle balance.
[78] - Madame Bossé mentionne qu’elle était au travail en avril 2011 quand madame Bourdages a été congédiée.
[79] - Madame Bossé explique que le samedi 16 avril 2011, il y a eu un problème d’ordinateur affectant les transactions à partir des caisses pour Loto-Québec. Plusieurs caissières, ajoute-t-elle, n’ont pas balancé ce jour-là, expliquant que c’était probablement dû au système défectueux.
[80] - En contre-interrogatoire, madame Bossé répond qu’on ne lui a pas dit que le problème avec le système informatique avait commencé le vendredi.
** * **
LES DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA CONVENTION COLLECTIVE
[81] Les principales dispositions de la convention collective applicables aux litiges sont les suivantes :
ARTICLE II DROITS DE LA DIRECTION
2.01 Droits de la direction
(…)
L’Union reconnaît que l’Employeur a le pouvoir exclusif de diriger ses affaires et qu’il a le droit entre autres :
(…)
d) d’établir, modifier et amender les politiques et règlements;
(…)
g) de mettre en place et d’établir des niveaux de rendement et de production que les salariés doivent atteindre.
(…)
2.03 L’exercice des droits de la direction est sujet à la procédure de griefs s’ils viennent en contradiction avec les dispositions de la convention ou s’ils résultent en mesure disciplinaire ou s’ils sont utilisés de façon injuste, discriminatoire ou arbitraire.
(…)
ARTICLE VI DISCIPLINE
6.01 A) L’Employeur se sert d’un avis écrit pour réprimander officiellement un salarié, s’il y a lieu.
Tout avis doit être remis au salarié, en présence du délégué ou en son absence, de l’assistant-délégué et, ce dernier reçoit copie au même moment; cependant, advenant le cas qu’aucun d’eux n’est présent sur les lieux, le salarié est accompagné d’un autre salarié de son choix présent sur les lieux; dans un tel cas, l’Employeur remet copie de l’avis écrit au délégué dès son retour au travail. De plus, une copie est adressée à l’Union; le salarié peut refuser la présence du délégué ou de l’assistant-délégué ou du salarié.
B) Tout avis de suspension doit indiquer clairement les raisons et la durée d’une suspension à l’exception des suspensions pour fins d’enquête; L’Employeur donne également les raisons et la date d’entrée en vigueur d’un congédiement.
C) Tout avis doit être fait selon les règles établies à l’article VI et doit être transmis au salarié concerné dans les dix (10) jours après que l’Employeur a eu connaissance des faits écrits dans l’avis. Si l’Employeur est dans l’impossibilité de remettre l’avis au salarié en raison de l’absence de ce dernier, il doit le lui remettre dans les dix (10) jours suivant son retour au travail, sinon il est considéré comme nul et irrecevable.
(…)
6.03 Aucun avertissement écrit inscrit au dossier d’un salarié ne peut être invoqué s’il est daté de neuf (9) mois et plus.
À l’exception d’un avis de suspension ou de congédiement, tout avis écrit de moins de neuf (9) mois inscrit au dossier d’un salarié qui n’a pas été contesté par l’Union selon la procédure de grief, peut être contester (sic) ultérieurement par cette dernière et ce, même au-delà des délais de grief prévus à l’article VII, si l’Employeur invoque cet avis par la suite pour suspendre ou congédier un salarié. Le cas échéant, l’Employeur ne peut soulever d’objections en arbitrage quant aux délais de grief et d’arbitrage en ce qui concerne l’avis écrit.
(…)
** * **
LA DÉCISION
[82] Dans la présente affaire, le soussigné est saisi des deux (2) griefs, l’un par lequel le syndicat conteste la décision de l’employeur d’avoir imposé une suspension de 5 jours à madame Jocelyne Bourdages le 11 mars 2011 et l’autre, d’avoir congédié cette salariée le 18 avril 2011.
[83] Pour trancher un grief en matière disciplinaire, l’arbitre doit d’abord vérifier, à la lumière de la preuve recueillie à l’enquête, l’existence des faits reprochés au salarié au moment de l’imposition de la mesure, puis déterminer si les faits prouvés constituent des faites et si oui, apprécier ensuite la proportionnalité entre la sanction décrétée et la ou les fautes commises et ce, en tenant compte de toutes les circonstances de l’affaire.
La suspension du 11 mars 2011
Les faits reprochés par l’employeur
[84] Il ressort de la lettre de suspension transmise à madame Bourdages que l’employeur a suspendu cette salariée en raison du fait qu’elle « avait de nouveau débalancé [sa caisse] pour la semaine se finissant le 5 mars 2011 d’un montant de 10,49 $ ».
[85] Il appert de la même lettre qu’en plus de cet incident du 5 mars 2011, l’employeur invoque, au soutien de sa mesure de suspension, plusieurs mesures disciplinaires antérieures relatives à des débalancements de caisse :
- un avis verbal en date du 28 octobre 2010 ;
- deux avis écrits en date des 4 et 7 décembre 2010 ;
- deux suspensions de deux (2) et cinq (5) jours aux dates respectives des 13 au 15 janvier 2011 ainsi que du 23 au 27 janvier 2011.
L’existence des faits reprochés
[86] En ce qui a trait à l’incident culminant invoqué par l’employeur, la preuve est claire et sans équivoque. En effet, madame Bourdages a répondu à l’audience ne pas nier avoir eu un débalancement de caisse de 10,49 $ dans la semaine finissant le 5 mars 2011.
[87] Le soussigné considère donc que ce fait qui est reproché à madame Bourdages a été prouvé par l’employeur.
[88] Quant aux faits invoqués par l’employeur au soutien des deux (2) suspensions de deux (2) jours et cinq (5) jours, ils doivent être considérés comme prouvés, puisque les suspensions n’ont pas été contestées par voie de grief.
[89] Qui plus est, madame Bourdages a répondu à l’audience ne pas nier les débalancements qui lui étaient reprochés dans les deux suspensions en question, tout comme elle a répondu ne pas nier avoir eu un débalancement de caisse dans la semaine finissant le 21 octobre 2010, ce qui lui a valu un avis verbal.
[90] Dans son grief (pièce S-2), le syndicat demande aussi d’annuler tous les avis écrits qui ont été remis à madame Bourdages au cours des derniers 9 mois précédant sa suspension.
[91] Pour contester les avis écrits, le syndicat s’appuie sur les dispositions de la clause 6.03 de la convention collective, lesquelles sont libellées ainsi :
« Aucun avertissement écrit inscrit au dossier d’un salarié ne peut être invoqué s’il est daté de neuf (9) mois et plus.
À l’exception d’un avis de suspension ou de congédiement, tout avis écrit de moins de neuf (9) mois inscrit au dossier d’un salarié qui n’a pas été contesté par l’Union selon la procédure de grief, peut être contester (sic) ultérieurement par cette dernière et ce, même au-delà des délais de grief prévus à l’article VII, si l’Employeur invoque cet avis par la suite pour suspendre ou congédier un salarié. Le cas échéant, l’Employeur ne peut soulever d’objections en arbitrage quant aux délais de grief et d’arbitrage en ce qui concerne l’avis écrit. »
[92] En l’espèce, il y a deux (2) avis de moins de 9 mois qui sont invoqués par l’employeur. Il s’agit des avis des 4 et 7 septembre 2010.
[93] Dans le premier avis, on reproche à madame Bourdages de ne pas avoir balancé sa caisse de 37,66 $. Dans le second, de ne pas l’avoir balancé de 126,77 $.
[94] Là encore, la preuve est claire et sans équivoque puisque madame Bourdages a répondu à l’audience ne pas nier avoir eu ces deux débalancements de caisse.
[95] Partant, le soussigné considère également que le dossier disciplinaire antérieur de madame Bourdages invoqué par l’employeur dans la suspension de 5 jours du 11 mars 2011 a été prouvé.
Le congédiement du 18 avril 2011
Les faits reprochés par l’employeur
[96] Il ressort de la lettre de congédiement transmise à madame Bourdages que l’employeur a congédié cette salariée en raison du fait qu’elle avait de nouveau débalancé sa caisse dans la semaine finissant le 16 avril 2011 pour un montant de 12,00 $ au niveau de ses ventes de valideuse du vendredi 15 avril.
[97] Il appert de la même lettre qu’en plus de cet incident du 15 avril 2011, l’employeur a invoqué au soutien du congédiement, plusieurs mesures disciplinaires antérieures relatives à des débalancements de caisse :
- un avis verbal en date du 28 octobre 2010 ;
- deux avis écrits en date des 4 et 7 décembre 2010 ;
- trois suspensions de deux (2) jours, cinq (5) jours et cinq (5) jours aux dates respectives des 13 au 15 janvier 2011, 23 au 27 janvier 2011 et du 13 au 19 mars 2011 (sic).
L’existence des faits reprochés
[98] Madame Bourdages a répondu à l’audience ne pas nier avoir eu un débalancement de caisse de 12,00 $ le vendredi 15 avril 2011.
[99] Madame Bourdages a déclaré dans son témoignage que ce jour-là une cliente lui a demandé 2 billets de Lotto Max avec extra, soit deux billets valant 6 $ chacun pour un total de 12 $, et a expliqué que les billets ne sont pas sortis de la valideuse de Loto-Québec et qu’elle a alors dit à la cliente d’aller les chercher au comptoir de la courtoisie à l’avant du magasin.
[100] Madame Bourdages a ajouté avoir mentionné le vendredi soir à l’assistante-gérante Isabelle Renaud que la valideuse de Loto-Québec était défectueuse ce jour-là.
[101] Or, la preuve présentée par l’employeur a révélé clairement que rien de ce qu’invoque madame Bourdages n’est vrai.
[102] En effet, tant les vérifications effectuées par la gérante du magasin madame Louise Blanchette auprès de Loto-Québec que la bande vidéo présentée en preuve à l’audience contredisent la version de madame Bourdages. Notamment la vidéo projetée à l’audience permet de constater clairement qu’une cliente demande des billets de loterie à madame Bourdages, que celle-ci sort 2 billets de la valideuse de Loto-Québec, qu’elle remet les 2 billets à la cliente et qu’elle omet, avant de les lui remettre, de les passer sur le lecteur optique (« scanner ») n’enregistrant pas ainsi la vente de ces 2 billets au montant de 12 $. La preuve présentée par l’employeur a également révélé qu’il n’y a pas eu non plus de « bogue » informatique avec les valideuses de Loto-Québec le 15 avril ni que madame Bourdages a avisé ce jour-là l’assistante-gérante que la valideuse de la caisse n o 4 ne fonctionnait pas.
[103] Bref, la version de madame Bourdages donnée à l’audience est mensongère et le soussigné ne saurait en aucune façon y apporter quelque crédibilité que ce soit.
[104] Partant, le soussigné considère que le débalancement de caisse de 12 $ reproché à madame Bourdages a été prouvé par l’employeur et qu’il n’y a aucune raison pour expliquer ce débalancement, si ce n’est la négligence de madame Bourdages.
[105] Quant au dossier disciplinaire antérieur invoqué par l’employeur au soutien du congédiement de madame Bourdages, il a également été prouvé comme l’a démontré le soussigné lors de l’analyse de la suspension de 5 jours imposée à cette salariée le 11 mars 2011.
Le caractère fautif des faits reprochés et prouvés
[106] Selon la politique de l’employeur en matière de balancement des caisses (pièce E-1 et pièce E-10), un débalancement de caisse (positif ou négatif) de plus de 10 $ à la fin d’une semaine de travail constitue une faute.
[107] Cette politique, qui n’a jamais été contestée par le syndicat, rencontre tous les critères de validité d’une politique ou d’un règlement d’entreprise. Elle est claire et non équivoque, elle a été portée à la connaissance des employés, dont à celle de madame Bourdages, les employés savent que tout débalancement de plus de 10 $ par semaine entraîne des mesures disciplinaires, y compris le congédiement dans certaines circonstances et il n’y a rien dans la preuve qui permette de considérer que cette politique n’est pas appliquée de façon uniforme à tous les employés.
[108] Le soussigné est également d’avis qu’il n’a aucune raison de considérer cette politique, qui est non contraire à la convention collective, comme une politique déraisonnable ou abusive. Il tombe en effet sous le sens que la responsabilité première d’une caissière est de réussir à balancer sa caisse.
[109] Aussi, le soussigné en arrive à la conclusion que les faits reprochés à madame Bourdages, à savoir d’avoir eu des débalancements de caisse de plus de 10 $ par semaine, constitue des fautes qui peuvent être sanctionnées par l’employeur.
Le caractère approprié des sanctions imposées
[110] Dans la détermination de la sanction appropriée, l’arbitre doit en premier lieu rechercher la mesure disciplinaire qui doit être encourue eu égard à la nature et à la gravité objective de la ou des fautes commises.
[111] En l’espèce, tous les critères généralement retenus par les arbitres pour maintenir une suspension et un congédiement sont présents.
[112] En effet, la preuve révèle qu’en moins de 6 mois de travail, soit du 28 octobre 2010 au 15 avril 2011, madame Bourdages a eu sept (7) débalancements de caisse de plus de 10 $, contrevenant ainsi à la politique de l’employeur, et démontrant en ce faisant qu’elle a négligé de s’acquitter de sa tâche convenablement, ne faisant pas les efforts raisonnables pour bien effectuer son travail.
[113] Il est également en preuve qu’avant de congédier madame Bourdages, l’employeur a appliqué le principe de la progression des sanctions en commençant d’abord par informer madame Bourdages de ses dépassements de caisse par un avis verbal, puis par deux avis écrits, ensuite par une suspension de deux jours et enfin par deux suspensions de cinq jours.
[114] Bref, le soussigné est d’avis que tous les éléments sont réunis en l’espèce pour conclure que la gravité objective des fautes commises par madame Bourdages en moins de six (6) mois de travail peut justifier la suspension de cinq (5) jours du 13 mars 2011 et le congédiement du 16 avril 2011, d’autant plus qu’en décrétant ces mesures, l’employeur a appliqué sa politique en matière de balancement de caisses, politique qui était bien connue de madame Bourdages.
[115] Enfin, le soussigné est d’avis qu’il n’y a aucun facteur qui peut être atténuant dans les circonstances, madame Bourdages et le syndicat n’en ayant d’ailleurs invoqué aucun. Au contraire, la teneur de la version donnée à l’audience par madame Bourdages pour se disculper étant plutôt un facteur aggravant.
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LE DISPOSITIF
[116] Pour tous les motifs qui précèdent, le soussigné rejette les griefs G24495 et G24567 contestant respectivement la suspension de cinq (5) jours de madame Jocelyne Bourdages et son congédiement.
Montréal, le 11 mai 2012
GILLES FERLAND Arbitre |
M e Dominique L’Heureux
procureur de l’employeur
M e Daniel Champagne
procureur du syndicat
Date d’audience : 11 janvier 2012
Dates de réception des 25 janvier 2012, 6 février 2012,
argumentations des parties : 14 février 2012 et 21 février 2012
Date de la décision : 11 mai 2012
NOTES ET RÉFÉRENCES
1. Rodrigue BLOUIN & Fernand MORIN. Droit de l’arbitrage de grief 5 e édition . 2000. Les Éditions Yvon Blais inc., pages 542 et 543.
2. Linda BERNIER et al.. Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dans les rapports collectifs du travail 2 e édition . 2009. Les Éditions Yvon Blais inc., pages III/4-1 et III/4-53.
3. Léo DUCHARME. L’administration de la preuve . 1986. Wilson et Lafleur, page 15.
4. Op. cit., note (1), page 357.
5. Héroux inc. et Syndicat des travailleurs et travailleuses en aéronautique de Longueuil (C.S.D.) . 4 octobre 2000, grief de Sylvain Turenne, M e Serge Brault, arbitre, pages 20 et 21.