Motifs de décision

 

 

Michel Brunet,

 

requérant,

 

et

 

Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier,

 

intimé,

 

et

 

Fun Télécom inc.,

 

employeur.

 

Dossier du Conseil : 28410-C

Référence neutre : 2011 CCRI 560

Le 5 janvier 2011

                                                                                   

 

 

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) se composait de M e Claude Roy, Vice-président, ainsi que de MM. Daniel Charbonneau et Patrick J. Heinke, Membres.

 

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I - Relations du travail) (le Code ) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher l’affaire sans audience.

 

 


 

Représentants des parties au dossier

 

M. Michel Brunet, en son propre nom;

M. Olivier Carrière, pour le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier;

M e Gérard Morency, pour Fun Télécom inc.

 

Les présents motifs de décision ont été rédigés par M e Claude Roy, Vice-président.

 

I - Nature de la demande

 

1                Le 6 octobre 2010, M. Michel Brunet (le requérant), représentant un certain nombre d’employés de Fun Télécom inc. (l’employeur), a présenté une demande en vertu de l’article 38 du Code , en vue d’obtenir une ordonnance révoquant l’accréditation du Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (l’agent négociateur accrédité ou le syndicat) à titre d’agent négociateur des employés de Fun Télécom inc.

 

II - Les faits

 

2                Le 6 février 2009, le Conseil a accrédité le syndicat à titre d’agent négociateur d’une unité d’employés de l’employeur par suite d’une vente partielle d’entreprise au sens de l’article  44 du Code (ordonnance n o 9602-U). À la date à laquelle la demande de révocation en l’espèce a été présentée, l’unité de négociation visée par l’accréditation comprenait :

 

tous les techniciens et techniciennes qui travaillent pour Fun Télécom inc., à l’exclusion de tous ceux automatiquement exclus par la loi.

 

3                Le syndicat et l’employeur sont parties à une première convention collective couvrant la période du 1 er  septembre 2009 au 31 octobre 2010. Le Conseil est d’avis que cette demande de révocation a été présentée dans le délai prescrit au paragraphe 38(2) et à l’article  24 du Code .

 

 


4                La demande de révocation est signée par M. Michel Brunet à titre de conseiller pour les employés de Fun Télécom inc. Il joint à sa demande une liste d’employés et des déclarations confidentielles dûment signées indiquant que ceux-ci ne veulent plus être représentés par le syndicat, déclarations qui lui permettent d’alléguer que le syndicat ne représente plus la majorité des employés de l’unité visée par l’accréditation rendue par le Conseil.

 

5                Le requérant n’est pas un employé de Fun Télécom inc. et son nom n’apparaît pas sur la liste des employés qu’il a jointe à la demande de révocation ni sur celle fournie par l’employeur le 14 octobre 2010.

 

6                Le 7 octobre 2010, le Conseil a transmis au requérant une lettre d’instructions indiquant la procédure à suivre en matière de révocation, à laquelle il a joint deux copies d’un formulaire devant être signé par le requérant, pour attester l’exactitude des interventions confidentielles appuyant la demande. Dans sa lettre, le Conseil désignait également l’agent enquêteur chargé de faire enquête et de vérifier tous les documents et déclarations présentés par les parties dans le cadre de la demande de révocation.

 

7                Ce certificat d’exactitude devant être signé par le requérant et attesté par un témoin énonce de la manière suivante les critères que doit remplir le requérant qui présente une demande de révocation :

 

1. Que j’ai pris connaissance du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles . [Vous pouvez vous procurer le Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles et le Code canadien du travail (Partie I - Relations du travail) sur le site Web du Conseil à l’adresse suivante : www.ccri-cirb.gc.ca]

 

2. Que je suis un(e) employé(e) de l’employeur intimé dans l’unité de négociation visée par la présente demande.

 

3. Que je représente la majorité des employés de l’unité de négociation.

 

4. Qu’à ma connaissance, tous les signataires appuyant la présente demande expriment leurs vrais désirs.

 

5. Que je comprends que l’agent enquêteur possède l’autorité de faire enquête et de vérifier tous les documents et déclarations présentés par les parties à la présente demande.

 

6. Que je comprends que toute fausse représentation ou irrégularité dans la preuve fournie à l’agent enquêteur pourrait entraîner le rejet d’une partie ou de la totalité de la preuve soumise et le rejet de la demande.


 

8                Le même jour, le Conseil a informé l’employeur de la demande de révocation et lui en a transmis une copie tout en respectant la confidentialité de la volonté des employés prescrite par l’article 35 du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement ). Il lui a ordonné d’afficher l’avis aux employés pendant sept jours, de remplir l’attestation d’affichage jointe à la lettre du Conseil (article 11 du Règlement ) et de lui transmettre une liste des employés en date du 6 octobre 2010, date de la présentation de la demande de révocation, ce qu’il a fait le 14 octobre 2010.

 

9                Le Conseil a également informé la même journée l’agent négociateur accrédité de la présentation de la demande de révocation.

 

10            Le 14 octobre 2010, le requérant a transmis au Conseil les déclarations confidentielles des employés de Fun Télécom inc. portant les dates du 9 et du 13 octobre 2010, qui l’autorisent à présenter une demande de révocation en leur nom, et selon lesquelles chaque employé :

 

... approuve le mandat accordé à Monsieur Michel Brunet afin de déposer une requête de révocation syndicale au nom des employés de Fun Télécom et de nous représenter devant le Conseil canadien des relations industrielles.

 

11            Le 20 octobre 2010, l’employeur a transmis au Conseil le document attestant que l’affichage avait été fait du 7 au 19 octobre 2010 dans les trois établissements qu’il possède.

 

12            Le 22 octobre 2010, l’agent négociateur accrédité a fait connaître sa position au Conseil dans les termes suivants :

 

Faisant suite à votre lettre du 7 octobre 2010, la présente est pour vous aviser que nous n’avons pas l’intention de fournir une réplique à la requête en question compte tenu de l’effort considérable déployé par l’employeur et leurs représentants dans la démarche entreprise par le requérant.

 

Considérant le fait que le Conseil est plus que familier avec l’employeur et ses représentants, nous laissons au bon jugement du Conseil d’évaluer la volonté des employés.

 

 

 


13            Le 25 octobre 2010, le requérant a transmis au Conseil le certificat d’exactitude dûment signé et attesté par un témoin. La particularité de ce document, c’est que le requérant a rayé d’un trait le paragraphe 2 du certificat qui énonce :

 

2. Que je suis un(e) employé(e) de l’employeur intimé dans l’unité de négociation visée par la présente demande.

 

14            Le requérant a indiqué clairement qu’il n’est pas un employé de Fun Télécom inc.

 

III - Le droit

 

15            L’article 38 du Code prévoit ce qui suit en ce qui concerne les demandes de révocation :

 

38.(1) Tout employé prétendant représenter la majorité des employés d’une unité de négociation peut, sous réserve du paragraphe (5), demander au Conseil de révoquer par ordonnance l’accréditation du syndicat à titre d’agent négociateur de l’unité.

 

(2) La demande visée au paragraphe (1) peut être présentée :

 

a ) si l’unité de négociation est régie par une convention collective, seulement au cours de la période pendant laquelle il est permis, aux termes de l’article 24, de solliciter l’accréditation, sauf consentement du Conseil pour un autre moment;

 

b ) en l’absence de convention collective, à l’expiration du délai d’un an suivant l’accréditation.

 

(3) Dans les cas où l’agent négociateur partie à une convention collective n’a pas été accrédité par le Conseil, tout employé prétendant représenter la majorité des employés de l’unité de négociation régie par la convention peut, sous réserve du paragraphe (5), demander au Conseil de rendre une ordonnance déclarant que l’agent négociateur n’a pas qualité pour représenter les employés de cette unité.

 

(4) La demande visée au paragraphe (3) peut être présentée :

 

a ) si la convention collective en vigueur est la première conclue par l’employeur et l’agent négociateur :

 

(i) à tout moment au cours de la première année d’application de la convention,

 

(ii) par la suite, sauf consentement du Conseil à l’effet contraire, seulement au cours de la période pendant laquelle il est permis, aux termes de l’article 24, de solliciter l’accréditation;

 

b ) dans les autres cas, sauf consentement du Conseil à l’effet contraire, seulement au cours de la période pendant laquelle il est permis, aux termes de l’article 24, de solliciter l’accréditation.

 

(5) Sauf consentement du Conseil à l’effet contraire, les demandes prévues aux paragraphes (1) ou (3) ne peuvent être présentées au cours d’une grève ou d’un lock-out - non interdits par la présente partie - des employés de l’unité de négociation représentée par l’agent négociateur.

 


16            L’article 36 du Règlement précise les exigences relatives aux déclarations confidentielles attestant la volonté des employés :

 

36.(1) En plus des renseignements exigés pour toute demande présentée aux termes des articles 10 ou 33, la demande présentée par un employé sous le régime de l’article 38 du Code est accompagnée d’une déclaration confidentielle distincte signée par chacun des employés que le demandeur prétend représenter, portant qu’ils ne souhaitent pas être représentés par l’agent négociateur et qu’ils autorisent le demandeur à agir en leur nom.

 

(2) La déclaration visée au paragraphe (1) indique le nom, la date de la signature de chaque employé, laquelle ne peut être antérieure de plus de six mois à la date de dépôt de la demande.

 

17            En ce qui concerne la représentation des employés, l’alinéa 6 (1) c ) et le paragraphe 6 (2) du Règlement prévoient que :

 

6.(1) Sont habilités à signer toute demande, réponse, réplique ou demande d’intervention déposée auprès du Conseil :

 

...

 

c ) lorsqu’elle émane d’un employé, l’employé lui-même ou toute autre personne physique autorisée par l’employé.

 

(2) Pour l’application du paragraphe (1), le Conseil peut exiger le dépôt d’autorisations écrites.

 

18            De plus, l’article 39 du Règlement stipule ce qui suit relativement à une demande subséquente de révocation :

 

39. Tout employé qui s’est vu refuser une demande de révocation d’accréditation doit attendre six mois avant de présenter une nouvelle demande concernant la même unité de négociation.

 

19            Également, l’alinéa 16 m ) et l’article 114 du Code prévoient que :

 

16. Le Conseil peut, dans le cadre de toute affaire dont il connaît :

 

...

 

m ) abréger ou proroger les délais applicables à l’accomplissement d’un acte, au dépôt d’un document ou à la présentation d’éléments de preuve;

 

...

 

114. Les procédures prévues par la présente partie ne sont pas susceptibles d’invalidation pour vice de forme ou de procédure.


 

IV - Analyse et décision

 

20            La demande de révocation présentée le 6 octobre 2010 par M. Brunet au nom des employés de Fun Télécom inc. doit être rejetée.

 

21            Le requérant n’est pas un employé de Fun Télécom inc., contrairement aux prescriptions de l’article 38 du Code et de l’article 36 du Règlement . Dans l’affaire Ken Robinson , 2003 CCRI 209, le Conseil a précisé que :

 

[34] Il est bien établi qu’une demande visant à mettre fin aux droits de négocier d’un syndicat doit satisfaire à certaines conditions. Elle doit être présentée par un employé de l’unité de négociation, dans les délais prescrits par le Code , et sans quelque ingérence que ce soit de la part de l’employeur (voir Mike Schembri et autres (1998), 106 di 68; 40 CLRBR (2d) 257; et 98 CLLC 220-040 (CCRT n o 1221); et Uli Henssler et autres (1997), 105 di 45; 38 CLRBR (2d) 96 ; et 98 CLLC 220-003 (CCRT n o 1211)). Des conditions supplémentaires s’ajoutent lorsqu’une première convention collective n’a pas encore été conclue (voir Jean-Claude Harrison et autres (1983), 53 di 85; et 4 CLRBR (NS) 258 (CCRT n o 417); et Donald Nosworthy (1981), 45 di 153 (CCRT n o 330)).

 

22            Dans l’affaire Coopérative agricole Grains d’Or , 2010 CCRI 509 , le Conseil a également précisé que la demande de révocation devait être présentée par un employé.

 

23            La demande de révocation est présentée par M. Michel Brunet, qui n’est pas un employé de Fun Télécom inc. Le texte-même des déclarations confidentielles signées par des employés qui ne souhaitent plus être représentés par le syndicat mentionne que chacun d’eux :

 

... approuve le mandat accordé à Monsieur Michel Brunet afin de déposer une requête de révocation syndicale au nom des employés de Fun Télécom et de nous représenter devant le Conseil canadien des relations industrielles.

 

 

24            Ayant obtenu le mandat de représenter les employés, M. Brunet lui-même signe cependant le 25 octobre 2010 le certificat d’exactitude en rayant d’un trait le paragraphe 2 relatif à la qualité d’employé exigée.

 

25            Cette demande ne respecte donc pas les prescriptions de l’article 38 du Code et du paragraphe  36 (1) du Règlement qui exigent que la demande soit présentée par un employé.


 

26            Subsidiairement, le Conseil s’est questionné sur l’application de l’alinéa 6 (1) c ) du Règlement au cas en l’espèce qui mentionne :

 

6.(1) Sont habilités à signer toute demande, réponse, réplique ou demande d’intervention déposée auprès du Conseil :

 

...

 

c ) lorsqu’elle émane d’un employé, l’employé lui-même ou toute autre personne physique autorisée par l’employé.

 

27            Si tant est que cette disposition du Règlement aurait pu s’appliquer en l’espèce, ce que le Conseil ne décide toutefois pas, la demande de révocation aurait également été rejetée.

 

28            En effet, le paragraphe 36 (1) du Règlement prévoit que la demande de révocation présentée par un employé doit être accompagnée d’une déclaration confidentielle distincte, signée par chacun des employés, portant qu’ils ne souhaitent pas être représentés par l’agent négociateur et qu’ils autorisent le requérant à agir en leur nom. L’obligation est donc double, à savoir que la volonté soit exprimée de ne plus être représentés par l’agent négociateur et qu’une autorisation soit donnée au requérant de les représenter, pour présenter cette demande au Conseil. Ce qui est clairement exigé, c’est que cette déclaration confidentielle des employés concernant leur volonté et l’autorisation qu’ils donnent au requérant accompagne la demande de révocation au moment où elle est présentée.

 

29            À la date de la présentation de la demande de révocation, le 6 octobre 2010, tout ce que le dossier contient sont les déclarations confidentielles des employés selon lesquelles ils démissionnent du syndicat. Ce n’est que le 14 octobre 2010 que M. Brunet présente au Conseil les déclarations des employés de Fun Télécom inc. qui l’autorisent à présenter une demande de révocation en leur nom. Il était astreint à l’obligation de présenter en même temps que la demande de révocation la déclaration confidentielle des employés manifestant leur volonté de ne plus être représentés par le syndicat et les autorisations à présenter cette demande en leur nom si tant est qu’il aurait pu le faire.

 

 

 


 

30            Ce que le Conseil constate de plus, c’est que les autorisations signées par les employés sont datées des 9 et 13 octobre 2010, donc elles n’étaient pas signées à la date de la présentation de la demande de révocation le 6 octobre 2010. Par conséquent, M. Brunet n’était pas autorisé à présenter la demande au moment où il l’a fait. De plus, toutes les autorisations ont été présentées le 14 octobre 2010 alors que la demande de révocation a été présentée le 6 octobre 2010, contrairement au paragraphe 36 (1) du Règlement .

 

31            C’est à la date de la présentation de la demande de révocation que le Conseil doit vérifier si un employé est autorisé à agir au nom des autres employés. Dans l’affaire Danielle Ferguson , 2008 CCRI 427, le Conseil a bien précisé à cet effet que :

 

[15] Il est évident que le 3 octobre 2008, date à laquelle elle a présenté la demande de révocation fondée sur l’article 38, M me Ferguson n’était pas la personne autorisée à le faire par les employés qu’elle prétendait représenter. Les pétitions que M me Ferguson a déposées le 3 octobre désignaient dans tous les cas M. Lee à titre de représentant autorisé. La demande de M. Lee était alors en instance, le Conseil ne lui ayant pas encore accordé l’autorisation de la retirer. La tentative de la requérante de déposer de nouvelles pétitions qui l’autorisaient à représenter ces employés ne peut être acceptée, parce que la date de signature de chacune des nouvelles pétitions est postérieure à la date à laquelle la présente demande de révocation a été présentée. En conséquence, la demande de M me Ferguson fondée sur l’article 38 ne satisfait pas aux exigences prévues au paragraphe 36 (1) du Règlement . M me Ferguson n’étant pas la représentante autorisée des employés de l’unité de négociation à la date à laquelle elle a présenté sa demande de révocation, celle-ci n’a pas été présentée de la manière prescrite au Conseil et elle doit par conséquent être rejetée.

 

32            La demande n’étant pas présentée par un employé et l’absence des déclarations confidentielles autorisant le requérant à agir au nom des employés à la date de la présentation de la demande de révocation ne sont pas des vices de forme visés par l’article 114 du Code . Il s’agit de vices de fond. De plus, le Conseil ne pourrait en conséquence accepter la présentation hors délai et irrégulière de ces autorisations en vertu de l’alinéa 16 m ) du Code .

 

 

 

 

 

 


V - Conclusion

 

33            La demande de révocation est par conséquent rejetée.

 

34            De plus, vu les autorisations signées par les employés et les déclarations confidentielles ayant trait à leur volonté de ne plus être représentés par l’agent négociateur, le délai de six mois prévu à l’article  39 du Règlement , pendant lequel aucune demande de révocation subséquente ne peut être présentée, s’applique à l’unité de négociation en l’espèce.

 

35            Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

 

 

 

 

 

 

                                                                             

Claude Roy

Vice-président

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Daniel Charbonneau                                                                                        Patrick J. Heinke

Membre                                                                                                         Membre