Gaudreault c. Roy

2012 QCCQ 4058

JD 2679

 
 COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

CHICOUTIMI

« Chambre civile »

N° :

150-32-007516-103

 

 

 

DATE :

18 mai 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE MONSIEUR LE JUGE RICHARD P. DAOUST, J.C.Q.

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VANESSA GAUDREAULT

- et -

PHILIPPE VERREAULT

 

Demandeurs

 

c.

 

YVON ROY

 

Défendeur

 

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JUGEMENT

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[1]            Après avoir acheté la résidence du défendeur, les demandeurs lui réclament 4 986 $ pour vices cachés.

[2]            Le défendeur soumet qu'il ne connaissait pas les vices allégués, qu'il s'agit de l'usure normale et qu'à tout prendre, la réclamation est exagérée.

 

[3]            Trois questions sont soulevées par le litige:

1)  S'agit-il de vices ?

2    Quel montant doit être accordé aux demandeurs pour équivaloir à la diminution du prix de vente ?

3)  Quels dommages doivent être accordés ?

LES FAITS

[4]            Après avoir effectué deux visites de la résidence du défendeur, l'une avec le père de la demanderesse qui est charpentier et l'autre, avec un inspecteur préachat, les demandeurs font une promesse d'achat qui se traduit par une vente devant notaire le 28 octobre 2009.

[5]            L'achat de la résidence s'effectue avec la garantie légale pour 162 000 $.

[6]            Jamais avant l'achat les demandeurs n'ont-ils été informés de quelque problème que ce soit ou d'infiltrations d'eau qu'aurait pu vivre le défendeur qui connaît la résidence depuis sa construction puisqu'il l'a achetée de son père en 1986 et qu'il l'a habitée entre cette période et la vente de 2009.

[7]            Un mois après l'achat, le 30 novembre 2009, les demandeurs constatent de l'eau au sous-sol.

[8]            Le défendeur a été rejoint et a informé alors la demanderesse qu'il avait vécu à une occasion une infiltration d'eau par le drain de plancher alors que sa fille avait jeté un tampon hygiénique dans la cuvette.

[9]            Les demandeurs requièrent les services de la firme Nettoyage Conduits Souterrains inc. (NCS) qui procède à une analyse par caméra de l'égout extérieur de la résidence.  Le 1 er décembre 2009, l'équipe de nettoyage enlève le plancher et les demandeurs constatent une fissure sur le sol qu'ils suivent et qui se rend jusqu'au mur extérieur, recouvert d'une finition.  En enlevant la finition du mur, ils constatent qu'elle est humide dans le bas, qu'il y a présence de moisissure et de pourriture.

[10]         Le 4 décembre 2009, ils constatent encore de l'eau par le drain.  La firme NCS revient passer une caméra en dessous des fondations pour vérifier l'égout sanitaire de la partie intérieure de la maison.

[11]         Le 5 janvier 2010, les demandeurs transmettent un avis de dénonciation des problèmes au défendeur.

[12]         Le 11 janvier 2010, la firme NCS procède à l'évaluation des travaux de correction.

[13]         Faisant suite à l'avis de dénonciation, le 12 janvier 2010, le défendeur requiert l'évaluation des travaux (P-5).

[14]         Les 4 février et 9 mars 2010, les demandeurs transmettent les évaluations des travaux au défendeur concernant la réparation de la fissure, de l'égout extérieur et de l'égout intérieur.

[15]         Les parties discutent et s'entendent sur un règlement à l'amiable de 1 860 $ en avril suivant.

[16]         Lorsqu'elles se rencontrent, le défendeur apporte une quittance préparée par ses avocats (P-6) qui n'avait pas fait partie des discussions de règlement.  Puisqu'une portion des travaux est réalisée aux frais de l'assureur des demandeurs, par précaution, avant d'accepter le texte de la quittance, la demanderesse la soumet à ses assureurs qui recommandent des ajouts notamment pour conserver leurs droits contre le défendeur, ce que ce dernier refuse.

[17]         Il n'y a donc jamais eu accord de volonté entre les parties et aucune transaction n'est intervenue.

[18]         En mai 2010, les travaux se réalisent et sont payés en partie par les demandeurs, en partie par leur assureur.

[19]         Les demandeurs réclament la portion non couverte par leur assurance, leur réclamation se détaillant comme suit:

·         Réparation à la fissure:                                                                         507,93 $

·         Remplacement égout sanitaire extérieur (incluant les taxes):           846,56 $

·         Remplacement de la tuyauterie intérieure (incluant les taxes):      1 439,16 $

·         Franchise de l'assureur:                                                                        500,00 $

·         Augmentation des primes d'assurance sur cinq ans:                     1 435,00  $

·         Total:                                                                                                   4 728,65 $

LES PROBLÈMES

[20]         André Tremblay de la firme NCS témoigne que la résidence est affectée de trois problèmes.

1.   Le tuyau d'égout sanitaire entre la maison et le raccordement de la ville est à la fin de sa vie utile.  Il a été bien posé mais a brisé par l'usage du temps.  Il s'agit d'un tuyau en carton goudronné qui a été posé suivant les normes de l'époque lors de la construction de l'immeuble en 1978.  C'était alors un matériau révolutionnaire.  Aujourd'hui, il semble que des produits de qualité supérieure ont été mis en marché.  Au fil du temps, le carton se détrempe, il se crée des poches, ce qui entraîne des problèmes comme ceux qu'ont vécus les demandeurs.

2.   La tuyauterie en dessous de la résidence est en fonte.  Celle-ci n'est pas rendue à la fin de sa vie utile mais a été mal construite.  C'est un problème de construction qui origine du début de la résidence.  Cela ralentit l'écoulement des eaux et cause par effet combiné les problèmes vécus par les demandeurs.

 3.  Il a vu une fissure dans la fondation qui a entraîné de la pourriture à sa base.

L'ANALYSE

[21]         Pour avoir gain de cause en matière de vices cachés, les demandeurs doivent faire la preuve prépondérante que la résidence est affectée d'un vice, que ce dernier est grave, caché, inconnu d'eux lors de l'achat et antérieur à la vente.

[22]         Les trois problèmes soulevés par l'expert sont graves puisqu'ils entraînent des conséquences importantes sur l'usage, de l'eau pénétrant dans le sous-sol, des moisissures et des champignons ayant d'ailleurs été retrouvés près de la fissure.

[23]         Puisque les problèmes constatés ont engendré des infiltrations d'eau 30 jours après l'achat et qu'aucune modification n'avait été apportée à l'immeuble pendant cette période, les défauts existaient nécessairement avant la vente, ce que confirme d'ailleurs l'expert André Tremblay.

[24]         Jamais le défendeur n'avait-il constaté ces problèmes, lui qui a vécu dans la maison pendant plusieurs années.  Les demandeurs n'avaient pas plus de moyens que le défendeur de les connaître lors de leurs visites auquel cas, ils étaient cachés.

[25]         Non seulement ces vices étaient-ils cachés mais de surcroît, l'expertise préachat ne les révélait pas, pas plus que les renseignements donnés par le vendeur.  Ces problèmes étaient donc inconnus des demandeurs.

[26]         Mais est-ce qu'il s'agit de vices ?

 

 

[27]         1)   S'agit-il de vices  ?

[28]         Comme le précise le professeur Jeffrey Edwards dans son ouvrage [1] , tout bien est soumis aux effets de dégradation en raison du passage du temps.  Un bien jouit d'une durée déterminée par la vie utile des matières qui le composent.  Or, le passage du temps et la manipulation d'un bien engendrent inévitablement son usure, son vieillissement et sa vétusté.

[29]         La détérioration due à l'usure, au vieillissement ou à la vétusté, n'est pas visée par l'usage mentionné à l'article 1726 C.c.Q . car l'acheteur devrait s’y attendre et la prévoir.

[30]         Cela étant, en regard du premier problème découvert par l'expert, il ne s'agit pas d'un vice.  En fait, le bout d'égout sanitaire entre la résidence et le raccordement municipal était rendu à la fin de sa vie utile, son installation et le matériau utilisé n'étant pas en cause.

[31]         Cela étant, il ne s'agit pas d'un vice.

[32]         Par contre, en ce qui a trait à la partie de tuyau en dessous de la maison et à la fissure à la fondation, il s'agit de vices puisqu'il y a un problème de conception qui n'est pas en lien avec le passage du temps.  D'une part, le tuyau en dessous de la maison a été mal construit et d'autre part, un solage bien construit ne doit pas comporter de telles fissures qui laissent pénétrer de l'eau qui fait pourrir la finition intérieure.

[33]         2)   Quel montant doit être accordé aux demandeurs pour équivaloir à la diminution du prix de vente  ?

[34]         Le vendeur est responsable de la réparation du vice même s'il en ignorait l'existence.  Seuls les dommages conséquents aux vices doivent faire l'objet de l'analyse de la connaissance par le vendeur des vices.

[35]         L'assureur a payé la majeure partie de la facture des réparations et cela a coûté 500 $ de franchise aux demandeurs qu'il y a lieu de leur faire rembourser puisqu'il s'agit de coûts inhérents aux réparations des vices.

[36]         Par ailleurs, la réparation de la fissure (507,93 $) et la réparation de l'égout intérieur (1 439,16 $) doivent être entièrement remboursées puisqu'il s'agit des coûts nécessaires à la réparation de ces deux vices.

[37]         Aucune plus value n'est accordée à l'immeuble par ces travaux puisque tant la fondation que la tuyauterie sous la fondation ont normalement la durée de vie de l'immeuble, contrairement à la portion d'égout sanitaire se situant entre la maison et le raccordement municipal.

[38]         3)   Quels dommages doivent être accordés  ?

[39]         Comme le prévoit le dernier paragraphe de l'article 1726 C.c.Q., si le défendeur avait été au courant que la résidence était affectée de vices et qu'il ne les avait pas déclarés, il aurait été condamné aux dommages et intérêts.  En l'espèce, les demandeurs requièrent le paiement à l'avance de l'augmentation de leur prime d'assurance.

[40]         Il n'est pas évident qu'il s'agisse d'un dommage direct mais il n'est pas utile d'en faire l'analyse puisque preuve prépondérante que le défendeur connaissait les vices n'a pas été faite.

[41]         La demanderesse déduit du caractère éminemment contemporain à l'achat l'infiltration d'eau que le défendeur en a eues auparavant.

[42]           L'expert André Tremblay mentionne qu'il est possible que le défendeur n'ait pas vécu d'infiltrations d'eau pendant la période où il a été propriétaire de l'immeuble puisqu'il faut une première fois.

[43]         À la question de savoir s'il est probable qu'il en ait vécu auparavant, André Tremblay dira qu'il n'est pas possible de répondre à cette question.  Bien sûr, toutes les conditions étaient-elles rencontrées pour que le défendeur ait subi des infiltrations d'eau au préalable mais cette démonstration n'a pas été faite, la bonne foi du défendeur n'ayant pas à être mise en doute.

[44]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[45]         ACCUIELLE PARTIELLEMENT   la réclamation.

[46]         CONDAMNE le défendeur à payer aux demandeurs 2 447,09 $ avec intérêts au taux légal de 5% l'an en sus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q . et ce, à compter de la mise en demeure du 12 juillet 2010 et les dépens fixés à 129 $.

 

 

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RICHARD P. DAOUST, J.C.Q.

 

 

Date d’audience :

8 mai 2012

 



[1] Edwards, Jeffrey, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois , Éditions Wilson et Lafleur, 2008 2 e édition, par. 334 et 335