Roy, Morissette & Associés inc. c. Axa Assurances |
2012 QCCQ 4115 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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LOCALITÉ DE |
QUÉBEC |
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« Chambre civile » |
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N°: |
200-32-054019-111 |
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DATE : |
11 mai 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE PIERRE A. GAGNON, J.C.Q. |
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ROY, MORISSETTE & ASSOCIÉS INC. 1685, route de l'Aéroport L'Ancienne-Lorette (Québec) G2G 2P3
Demandeur
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c.
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AXA ASSURANCES 2020, rue University, bureau 700 Montréal (Québec) H3A 2A5
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Roy, Morissette & Associés inc. («Morissette») réclame d'Axa Assurance («Axa») une somme de 7 000 $, en exécution d'une cession de créance.
[2] Axa oppose de nombreux moyens de défense que le Tribunal analysera plus loin. En particulier, Axa soulève un moyen fondé sur l'absence de compétence de la Cour du Québec, division des petites créances, en raison du nombre de personnes liées à Morissette par contrat de travail.
Les faits:
[3] Le 1er septembre 2003, l'immeuble de Michel Gendron («Gendron») est incendié alors qu'Axa assure cet immeuble.
[4] Le 22 septembre 2003, Gendron conclut un contrat de service avec Morissette (le «contrat de service»). Gendron retient les services de Morissette comme expert en sinistre suite aux dommages causés à son immeuble. Il convient de payer à Morissette une rémunération de 15% «de toute perte sur le bâtiment, sur le contenu et autres, excluant les frais de subsistance».
[5] Le contrat de service prévoit spécifiquement que Gendron cède à Morissette son indemnité d'assurance jusqu'à concurrence du montant de sa rémunération («la cession de créance»):
Je cède et transporte à Roy, Morissette & Associés inc. le produit de mes assurances jusqu'à concurrence de la valeur de rémunération prévue au présent mandat. Par cette cession, j'autorise et ordonne mon (mes) assureur(s) d'inscrire le nom de Roy, Morissette & Associés Inc. sur tous les chèques qui me seront versés en vertu du présent mandat. En cas de nécessité d'utiliser les services d'un avocat pour quelques raisons que ce soit, ces frais additionnels sont à la charge du client et ne modifie en rien les honoraires prévus au présent mandat.
(Reproduction intégrale)
[6] Le 1 er octobre 2003, Axa paye 10 000 $ à Gendron en avance sur l'indemnité d'assurance.
[7] Le 8 octobre 2003, Morissette dénonce son contrat de service à l'expert en sinistre d'Axa, Morin Bourget & Denys («Morin»). Le même jour, Morin accuse réception du contrat de service.
[8] Le 17 mars 2004, Morissette remet les documents et transmet les informations pertinentes aux avocats Tremblay Bois Mignault qui représentent Gendron.
[9] Le 14 octobre 2004, Morissette transmet une lettre à Axa lui rappelant la cession de créance transmise à Morin le 8 octobre 2003 et exprimant son attente à ce qu'Axa respecte la cession de créance.
[10] Le 6 novembre 2007, Gendron et Axa concluent une transaction par laquelle Axa paye à Gendron une somme de 40 000 $ « en règlement complet et final de toute réclamation qu'il pourrait avoir ou prétendre avoir en regard d'un incendie survenu le ou vers le 1 er septembre 2003 et qui détruisit l'immeuble dont il était propriétaire, sis au 435, Route 170 à Sagard, incluant également le contenu de tel immeuble ». De plus, Axa renonce à recouvrer la somme de 10 000 $ payée à Gendron à titre d'acompte le 1 er octobre 2003.
[11] Le 3 septembre 2008, Morissette apprend qu'Axa et Gendron ont transigé. Morissette tente, avec l'aide d'une agence de crédit, de localiser Gendron, sans succès.
[12] Le 21 février 2011, Morissette dépose sa demande devant la Division des petites créances. Il réclame d'Axa 15% du montant de la transaction, soit 6 000 $, en appliquant la cession de créance. Il réclame également 1 000 $ en dommages-intérêts compte tenu qu'Axa n'a pas respecté la cession de créance.
[13] Sur réception de la demande, Axa vérifie l'état des renseignements du registre des entreprises. Elle découvre que Morissette a déclaré, dans sa déclaration annuelle déposée le 31 juillet 2010, qu'il a entre 6 et 10 employés.
Analyse et motifs:
I La Division des petites créances a-t-elle compétence pour entendre le litige entre les parties, compte tenu de la déclaration de Morissette au Registraire des entreprises?
[14] Axa prétend que Morissette ne peut se prévaloir du Livre VIII «Demandes relatives à des petites créances» du Code de procédure civile , puisqu'il a déclaré qu'il a entre 6 et 10 employés dans sa déclaration annuelle au Registraire des entreprises, déposée le 31 juillet 2010.
[15]
Le dernier alinéa de l'article
953. (…)
Une personne morale, une société ou une association ne peut, à titre de créancier, se prévaloir des dispositions du présent livre que si, en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède la demande, elle comptait sous sa direction ou son contrôle au plus cinq personnes liées à elle par contrat de travail .
[nous soulignons]
[16]
Morissette déclare dans sa demande du 21 février 2011, qu'en tout temps,
du 21 février 2010 au 21 février 2011, il compte au plus cinq personnes liées à
lui par contrat de travail. Si tel est le cas, Morissette respecte les critères
du dernier alinéa de l'article
[17] Le nombre de personnes liées à la personne morale par contrat de travail est, avant tout, une question de faits. La preuve révèle à cet égard ce qui suit:
[18] Le 21 février 2010, M. Paul Morissette, M. Simon-Michel Morissette, Mme Brigitte Poyet et Mme Céline Beaulieu sont employés à temps plein et salariés de Morissette.
[19] Le 26 février 2010, Mme Céline Beaulieu quitte son emploi.
[20] Mme Jessica Breton, étudiante, se joint à Morissette de temps à autre. Elle travaille comme salariée du 21 juin 2010 au 27 août 2010.
[21] Le 17 janvier 2011, M. Marc Labrecque débute ses fonctions au sein de Morissette.
[22] Le 21 février 2011, date du dépôt de la demande, Morissette a quatre salariés:
§ Paul Morissette;
§ Simon-Michel Morissette;
§ Brigitte Poyet;
§ Marc Labrecque.
[23] Ainsi, Morissette n'a jamais plus de cinq personnes liées à lui par contrat de travail pendant toute la période du 21 février 2010 au 21 février 2011.
[24] Toutefois, au 1 er février 2010, Morissette a six employés, soit Paul Morissette, Simon-Michel Morissette, Brigitte Poyet, Claude Morissette, Céline Beaulieu et Jessica Breton. On comprend mieux sa déclaration du 31 juillet 2010 qu'il a entre 6 et 10 salariés.
[25] Ainsi, Morissette a prouvé, par prépondérance de preuve, avoir, en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède la demande, au plus cinq personnes liées à lui par contrat de travail.
II La demande est-elle prescrite?
[26] Axa prétend que l'action est prescrite [1] depuis le 12 novembre 2010, soit trois ans après la date de la transaction du 12 novembre 2007.
[27] Puisque Morissette n'a eu connaissance de cette transaction que le 3 septembre 2008, la prescription ne peut commencer à courir avant cette date [2] . L'action contre Axa n'est prescrite qu'à compter du 3 septembre 2011. La demande est déposée le 21 février 2011 et donc en temps utile.
III Le contrat de service est-il nul parce que contraire à l'ordre public?
[28]
Axa prétend que le contrat de service intervenu entre Morissette et
Gendron est nul et partant, la cession de créance qui y est contenue est
également nulle. Elle s'appuie sur l'article
[29]
L'article
48. L'expert en sinistre qui offre ses services à un sinistré doit lui présenter deux contrats, dont l'un prévoit une rémunération sur une base horaire et l'autre une rémunération sur la base d'un pourcentage. Le client choisit le contrat qui lui convient.
[30]
Le contrat de service déposé comprend trois pages dont la deuxième est
un modèle de contrat à l'heure, que les parties ont biffé et ont paraphé. La
preuve prépondérante démontre que Morissette a respecté les dispositions
impératives de l'article
IV Morissette a-t-il droit à une rémunération même si, au moment de la transaction, il n'était pas le mandataire autorisé à négocier avec Axa?
[31] Axa prétend que Morissette n'a pas droit à une rémunération puisque des avocats représentaient Gendron au moment de la transaction.
[32] Ce motif est mal fondé. Le contrat de service prévoit spécifiquement que Morissette a droit à sa rémunération même s'il est nécessaire d'utiliser les services d'un avocat.
V La quittance de Gendron en faveur d'Axa est-elle opposable à Morissette?
[33] Axa prétend qu'elle ne doit plus rien à quiconque, compte tenu de la quittance obtenue de Gendron. Ce moyen est mal fondé. Morissette n'est pas partie à la transaction et n'a pas accordé de quittance à Axa. L'acte de Gendron lui est inopposable [5] .
[34] Dans la mesure où la cession de Gendron est opposable à Axa, celle-ci doit la respecter [6] .
VI Quel montant Morissette peut-il réclamer d'Axa?
[35] La cession est opposable au débiteur dès que le débiteur a reçu une copie ou un extrait pertinent de l'acte de cession ou, encore, une autre preuve de la cession qui soit opposable au cédant [7] .
[36] En l'espèce, Morin, l'expert en sinistre d'Axa, a reçu le contrat de service contenant la cession de créance le 8 octobre 2003. De plus, Morissette a réitéré à Axa l'existence de la cession de créance le 14 octobre 2004.
[37] La cession est opposable à Axa dès le 8 octobre 2003.
[38] Le débiteur peut opposer au cessionnaire tout paiement fait au cédant avant que la cession ne lui ait été rendue opposable [8] .
[39] En l'espèce, Axa a payé à Gendron une avance de 10 000 $ le 1 er octobre 2003. Ce paiement fait avant le 8 octobre 2003 est opposable à Morissette.
[40] Par contre, le paiement de 40 000 $ fait en conséquence de la transaction du 12 novembre 2007 a été fait après le 8 octobre 2003. Axa se devait de prendre en compte la cession de créance et de prévoir à la transaction que 15% de la somme de 40 000 $ soit payée au bénéfice de Morissette. C'est ainsi qu'Axa aurait dû payer 6 000 $ à Morissette, soit par elle-même ou soit au moyen de la transaction. Cela n'a pas été fait. Elle doit donc le payer à Morissette.
[41] Enfin, les ennuis et inconvénients de Morissette, qui découlent du défaut d'Axa de respecter la cession de créance, ne découlent pas d'un abus d'Axa. Ils ne donnent pas ouverture à indemnisation.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
CONDAMNE
la défenderesse
Axa Assurances à payer au demandeur Roy Morissette & Associés inc. la somme
de 6 000 $ avec intérêts au taux de 5% l'an et l'indemnité
additionnelle prévue à l'article
CONDAMNE la défenderesse Axa Assurances à payer au demandeur Roy Morissette & Associés inc. les frais judiciaires de 207 $.
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__________________________________ PIERRE A. GAGNON, J.C.Q. |
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Dates d’audience : |
17 janvier 2012 et 14 février 2012. |
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[1]
Article
[2]
Article
[3] R.R.Q., D-9.2, r. 4.; c'est plutôt le code de déontologie en vigueur lors de la conclusion du contrat en 2003 qu'il faut appliquer, soit le Code de déontologie des experts en sinistre entré en vigueur le 8 septembre 1999, lequel ne contient aucune disposition spécifique sur ce sujet.
[4] L.R.Q., c. D-9.2.
[5]
Article
[6]
Article
[7]
Article
[8]
Article