TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N o de dépôt : |
2012-7145 |
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Date : |
22 mai 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
ANDRÉ SYLVESTRE , avocat |
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SYNDICAT DU TRANSPORT DE MONTRÉAL |
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SOCIÉTÉ DU TRANSPORT DE MONTRÉAL |
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DANS UN GRIEF LOGÉ AU NOM DE MONSIEUR ABDELILAH KHOUMANI |
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Monsieur JEAN-PHILIPPE DIONNE |
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Procureur du Syndicat |
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Me PIERRE G. HÉBERT |
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Procureur de l'Employeur |
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SENTENCE ARBITRALE |
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LA PREUVE[1] Le grief conteste le congédiement de monsieur Khoumani annoncé par cette lettre du 12 août 2011 signée par monsieur Lafleur, le surintendant de la Division de l’entretien sanitaire :
« OBJET Lettre de fin d’emploi
La présente fait suite à la suspension sans solde qui vous a été imposée le 21 juin dernier.
Nous avons procédé à l’analyse de votre dossier. Les faits démontrent que vous avez soumis à l’assureur de fausses déclarations sur votre état de santé dans le but de vous prévaloir d’indemnités d’assurance salaire auxquelles vous n’aviez pas droit. Durant cette période d’absence, vous avez occupé des fonctions similaires à celles effectuées en tant que préposé à l’entretien, en accomplissant des activités d’entretien ménager dans des résidences privées. Ces fautes sont très sérieuses et portent directement atteinte à votre devoir de loyauté.
De plus, ces événements font suite à une entente signée le 3 mai 2011 laquelle signifiait que vous étiez suspendu pour une période de trois mois en raison de vol de temps, et qui vous avisait formellement que pour toute récidive de même nature, vous seriez passible de congédiement. Compte tenu de la gravité du manquement et qu’il s’agit d’une récidive, vous avez compromis définitivement le lien de confiance qui vous lie à votre employeur.
Par conséquent, je vous informe de la décision de la Société de transport de Montréal de procéder à votre congédiement et ce, en date du 1 er août 2011. »
[2] Me Hébert a produit le plaignant comme premier témoin. L’employeur l’a embauché le 13 février 2005, dans un poste de préposé à l’entretien. Il l’a d’abord assigné au garage Crémazie durant le quart de nuit où il a travaillé comme manœuvre durant trois à six mois. De là, on l’a transféré au garage La Salle, toujours dans le même emploi, à se charger du nettoyage d’autobus. Il y est resté pendant un an avant son affectation à la station du Métro Henri-Bourassa pour une courte période de trois mois. On l’a ensuite affecté à l’immeuble du 2000, rue Berri, grâce à son ancienneté et même s’il était temporaire. De là, il a connu un transfert à la station du Métro Iberville, toujours comme préposé à l’entretien et ce, pendant de trois à six mois. Après avoir pris un congé parental au Maroc, il a été affecté à la station du Métro Langelier-Rosemont et obtenu sa permanence. Il y est demeuré jusqu’en 2008. Finalement, il a obtenu un poste au 2000, rue Berri et qu’il a conservé jusqu’à son congédiement en août 2011. Du fait de sa faible ancienneté, il héritait des étages dont ses collègues de travail ne voulaient pas. [3] Le plaignant voyait à nettoyer les toilettes, buvettes, cuvettes, armoires, comptoirs et robinets et à passer la serpillière sur les planchers. Il opérait l’aspirateur dans les corridors et les étages qui lui étaient dévolus, voyait à l’époussetage dans les bureaux, vidait les poubelles et nettoyait la face intérieure des vitres. Enfin, dans la cafétéria, il déplaçait les tables pour laver les planchers, nettoyer les comptoirs et passer la cireuse rotative sur les planchers. À l’occasion et avec l’aide d’un coéquipier, il se chargeait de tâches particulières tels tel que le changement des néons et le nettoyage des escaliers de secours. [4] Le 22 septembre 2010, les parties ont signé cette lettre d’entente :
« OBJET : RETOUR AU TRAVAIL DE MONSIEUR ABDELILAH KHOUMANI Matricule […] / Préposé à l’entretien
CONSIDÉRANT la condition médicale de monsieur Khoumani, laquelle entraîne les limitations fonctionnelles permanentes suivantes (classe 1 IRSST).
Ø Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de : 1. soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 à 25 kg; 2. travailler en position accroupie; 3. ramper, grimper; 4. effectuer des mouvements avec amplitudes extrêmes de flexion, extension ou torsion de la colonne lombaire; 5. subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale.
CONSIDÉRANT que l’évaluation déjà effectuée paritairement sur le poste de préposé à l’entretien sanitaire au 2000 Berri (section 69570) démontre que toutes les tâches à effectuer respectent majoritairement les limitations fonctionnelles ci-haut mentionnées.
CONSIDÉRANT l’obligation d’accommodement prévue à la Loi incombant aux parties.
LES PARTIES CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :
Du retour au travail de monsieur Khoumani sur son poste de préposé à l’entretien sanitaire au 2000 Berri (section 69570) sur le quart de soir à compter du 20 septembre 2010 tout en respectant les limitations fonctionnelles énumérées.
Advenant tout changement de la présente situation médicale de monsieur Khoumani, les parties se rencontreront de nouveau pour réévaluer le bien-fondé de la présente entente.
Finalement, la présente entente constitue un cas d’espèce et ne peut être invoquée à titre de précédent par l’une ou l’autre des parties. »
[5] Cette entente a prévalu jusqu’au mois d’août 2011. On l’a affecté au quart de soir ou de nuit. Avant le 20 septembre 2010, il s’était absenté suite à un accident de travail subi en mars précédent, lorsqu’il s’était blessé au dos. Il s’agissait de la récidive d’un accident de travail survenu en 2008 alors qu’il pelletait de la neige à la station du Métro Radisson. Le 3 mars, il passait une serpillière sur le plancher d’un local du 7 ième étage. Elle s’était coincée sous la patte d’un bureau et, en la tirant, il s’était infligé une lésion au dos. Le médecin consulté avait relié cette condition à une récidive de la lésion subie en 2008. [6] Le 3 mai 2011, les parties et lui-même ont signé cette seconde lettre d’entente:
« Objet : règlement d’un litige
CONSIDÉRANT que l’employé a détourné du temps de travail à des fins personnelles entre le 1 er octobre 2010 au 9 février 2011 et que cela équivaut à du vol de temps;
CONSIDÉRANT qu’il s’agit d’une faute grave qui ébranle sérieusement le lien de confiance entre un employeur et son employé;
CONSIDÉRANT que l’employé émet des regrets sincères en regard aux faits reprochés;
Les parties conviennent de ce qui suit :
1. L’employé est suspendu sans salaire du 9 février 2011 au 8 mai 2011 compte tenu des faits reprochés.
2. L’employé sera de retour au travail à compter du 9 mai 2011.
4. L’employé comprend les implications de cette entente et s’engage à adopter un comportement qui respecte les exigences de la Société. Il s’engage à fournir une prestation de travail complète et à respecter son horaire de travail.
5. La Société a avisé l’employé que toute récidive ou incident de même nature pourrait entraîner son congédiement.
6. Conformément à l’article 13.04, la présente entente demeure au dossier de l’employé pour une période de douze (12) mois suivant sa signature.
7. L’employé et le Syndicat s’engagent à ne déposer aucun grief, aucune plainte ou réclamation et à n’exercer aucun recours de quelque nature que ce soit auprès de quelque organisme que ce soit en regard à la mesure disciplinaire imposée par la présente.
8. La présente constitue un cas d’espèce et ne pourra être invoquée à titre de précédent pour un cas semblable ou de même nature.
9.
La présente
constitue une transaction au sens des articles
[7] Comme prévu dans l’entente, la direction attendait le retour au travail de monsieur Khoumani le 9 mai. Or, le 3 mai, jour de sa signature, il souffrait d’une dépression nerveuse depuis le 23 mars. Le syndicat avait vu à aviser à l’avance ses supérieurs de son absence du 9 mai en invoquant sa difficulté d’adaptation. D’ailleurs, son médecin l’avait placé en arrêt de travail depuis le 22 mars. Donc, le 3 mai, il savait qu’il ne serait pas en mesure de reprendre ses tâches la semaine suivante. Incidemment, il avait reçu du syndicat le projet de la lettre d’entente, le 15 avril, pour le mettre au courant de son contenu. [8] Le 9 mai 2011, le plaignant a rempli et signé la première page d’un document destiné à l’assureur La Capitale et intitulé « Demande de prestations - assurance invalidité courte et/ou longue durée - demande initiale ». La deuxième page portait la signature de son médecin, le docteur Michèle Alcindor. Monsieur Khoumani a transmis ce document par courriel à madame Poulin, la responsable de son dossier chez La Capitale, l’assureur de la STM. Il avait rencontré le docteur Alcindor le 10 mai, suite à une augmentation de la douleur dans le dos ressentie à tout le moins depuis le 3 mai. Il consultait ce médecin depuis novembre 2008. Celle-ci a fait part d’un double diagnostic :
« Principal : hernie discale L5-S1 Secondaire : lombosciatalgie. »
[9] Auparavant, le plaignant avait fréquenté, pour le suivi de ses malaises, la Clinique musculo-squelettique de Longueuil où consultait le physiatre Rhéaume. Le 9 mai, il s’y est présenté pour le voir, mais il n’y était plus car il avait pris sa retraite. D’ailleurs, il avait téléphoné à cette clinique, deux ou trois jours plus tôt, et on lui avait appris cette nouvelle. Malgré tout, le 9 mai, il a décidé de s’y rendre, à 10h00, et la réceptionniste lui a confirmé le départ de son médecin. Par ailleurs, si un autre physiatre était présent, il n’aurait pu le recevoir. Elle lui a conseillé, dans les circonstances, de consulter un généraliste ou un spécialiste d’un autre centre musculo-squelettique, d’où sa visite du lendemain à la clinique du docteur Alcindor. [10] Par la suite, cette généraliste a assuré le suivi de sa condition et placé son nom sur la liste d’attente du Centre de traitement de la douleur de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Il s’y est rendu, les 19 et 26 juillet, pour recevoir un traitement pour ses malaises au dos. Ainsi, entre le 10 mai et le 19 juillet, il était toujours souffrant. Enfin, en août 2011, une préposée de l’Hôpital Pierre-Boucher lui a téléphoné et fixé un rendez-vous le 5 octobre, pour recevoir un bloc facettaire. [11] Le 10 mai, le docteur Alcindor l’a questionné pour ensuite procéder à l’examen de son dos et l’exercice a pu durer une trentaine de minutes. Il lui a appris qu’il ressentait des engourdissements à la jambe gauche et elle lui a alors prescrit un médicament pour les combattre. Le niveau de cette douleur, sur une échelle de 1 à 10, atteignait souvent 7 sur 10, mais pouvait varier de 5 ou 6 sur 10. Les effets secondaires de ses médicaments, un facteur de stress, ont été la cause de son absence du travail, le 9 mai, et qui a entraîné sa suspension. De plus, ces mêmes médicaments ne neutralisaient pas complètement ses douleurs qui persistaient encore en juin et en juillet. [12] Suite à sa visite du 10 mai chez le docteur Alcindor, monsieur Khoumani y est retourné le 14 juin et cette dernière a confirmé un arrêt de travail d’une durée indéterminée et prescrit du Celebrex et du Clonazepam. Il a remis ce document au docteur Trudeau, le médecin de l’employeur, qui a procédé à un examen médical, le 16 juin. À l’occasion de sa rencontre du docteur Alcindor, le 14 juin, la douleur ressentie était toujours présente et venait par à-coups, même lorsqu’il était au lit. Cependant, son intensité avait diminué pour s’établir à 4 sur 10. [13] Dans sa demande de prestations datée du 9 mai, monsieur Khoumani a répondu, à la question 12, qu’il n’avait pas « exercé une autre occupation » suite à son accident de travail. Pourtant, lorsqu’il a rencontré les représentants de la STM, il leur a reconnu avoir exécuté des travaux de ménage dans des résidences privées et ce, depuis le mois d’avril. Or, ce n’était pas lui-même mais plutôt son épouse qui avait recherché et déniché ces clients et accepté d’exécuter des tâches de cette nature. [14] Le plaignant a lui-même exécuté des travaux de ménage dans certaines résidences même si, à sa rencontre avec les représentants de la STM, il a pu leur apprendre que son épouse s’en chargeait et non pas lui-même. En fait, il a commencé à s’en acquitter au début de juin. Jusqu’alors, il accompagnait son épouse chez les clients car elle ne sait pas conduire, d’autant plus qu’elle était enceinte depuis le mois d’avril. Comme, en mai et en juin, car elle se sentait fatiguée, il a commencé à lui prêter un coup de main. La date prévue de son accouchement était le 20 octobre. Elle était encore active en mai mais lui-même voyait à entrer et à sortir le matériel requis dans le coffre de sa voiture puis à exécuter toutes les tâches requises par un ménage de maison. [15] Monsieur Khoumani a débuté sa suspension le 9 février 2011. Son épouse a démarré son entreprise de ménages domestiques en avril car elle voulait améliorer la situation financière précaire que leur couple traversait. Il ne se souvenait pas d’avoir, en avril, donné un coup de main à son épouse, à faire des ménages mais il a pu commencer à mettre la main à la pâte en mai, lorsqu’elle a eu à desservir de quatre à cinq clients domiciliés à Montréal et à Repentigny. De juin à août, elle devait couvrir trois clients par semaine respectivement domiciliés à Repentigny, Pointe-aux-Trembles et Montréal. En avril, son épouse a travaillé avec des amis de Longueuil qui détenaient une franchise pour leur prêter assistance. À la même époque, monsieur Khoumani était en détresse psychologique. Puis, à partir de mai, il a voituré son épouse et l’a aidée. En effet, leur ami Hassan lui avait proposé d’accepter du travail à l’extérieur du secteur de la Rive-Sud. En avril, son épouse a conclu un contrat de franchise avec un dénommé Roy, le directeur exécutif de la société « Les Entreprises Roy » . Le plaignant n’était pas à ses côtés lors de la signature de ce contrat. Ce fut à partir de cette époque qu’il a commencé à la voiturer. [16] À partir de mai, le plaignant a aidé sa femme à exécuter les tâches domestiques dont elle se chargeait, de deux à quatre fois par semaine. En juin et en juillet, ce volume hebdomadaire s’est maintenu. Les domiciles desservis étaient des maisons familiales, donc aucun condo ou commerce. Chaque ménage qu’il effectuait en compagnie de son épouse pouvait lui prendre au moins une heure et demie mais, plus souvent, exiger de deux à trois heures de travail et, à l’occasion, jusqu’à quatre heures. Son épouse facturait de 75$ à 90$ par ménage et même jusqu’à 120$, à la veille d’une noce. Ces travaux demandaient de passer la serpillière et l’aspirateur et d’épousseter, de laver les fenêtres, les comptoirs de la cuisine et les planchers, bref d’exécuter des tâches d’entretien courantes. Parfois, si son épouse éprouvait des malaises, elle appelait une amie pour lui prêter assistance. Cela est peut-être arrivé deux ou trois fois en juin mais il ignorait si elle a fait la même demande d’assistance en juillet et en août. Par ailleurs, en août, la condition de sa femme lui a pratiquement interdit de travailler de sorte qu’il s’est chargé de la remplacer avec l’assistance d’un ami. [17] Le 10 mai, monsieur Khoumani est entré en contact avec madame St-Onge, la représentante de La Capitale, qui s’occupait de ses demandes d’indemnité pour invalidité. Précédemment, madame Poulin, de la STM, l’avait secondé dans ses démarches. Le 28 mai, il a rejoint cette dernière qui l’a avisé que l’assureur avait refusé sa demande. La STM avait changé le code et utilisé un code erroné mais qu’elle-même n’avait pas le pouvoir de le modifier. Le 30 mai, le plaignant a rejoint son représentant syndical pour lui soumettre son cas mais celui-ci lui a répondu ne pouvoir rien faire pour l’aider. Cependant, le lendemain, monsieur Lavallée, le responsable patronal du dossier des accidentés de travail de la STM, l’a assuré qu’il s’occuperait de son dossier. [18] Le 13 juin, madame St-Onge l’a contacté pour lui dire regretter sa situation et lui demander de lui adresser un rapport biomédical. Le lendemain, il a demandé au docteur Alcindor de lui fournir ce document mais elle lui a répondu ignorer la nature d’un tel rapport. De son côté, il avait déjà répondu aux nombreuses questions posées par madame St-Onge sur son état de santé. Par la suite, celle-ci ne l’a plus rappelé jusqu’à la date du refus de l’assureur. Il n’a plus eu de contacts avec elle à partir du 13 juin. [19] Le plaignant n’a jamais informé mesdames St-Onge et Poulin qu’il avait un autre emploi rémunéré, les travaux de ménage dans des résidences. De son côté, le docteur Alcindor était au courant qu’il prêtait ce coup de main à son épouse et, elle lui a même confié, à une occasion, que le fait de travailler pouvait l’aider à combattre sa dépression. Cependant, il n’a pas fait part de cette information aux enquêteurs de la STM à la rencontre du 5 juillet. [20] Au jugement de monsieur Khoumani, le mot « occupation » utilisé dans la demande de prestation d’invalidité adressée à l’assureur est synonyme d’ « emploi rémunéré » . Or, lorsqu’il prêtait assistance à son épouse, il ne recevait aucune rémunération. En effet, il n’a jamais touché un cent du travail accompli car tout paiement allait à cette dernière. Les clients payaient par chèque mais au nom de son épouse qui les déposait dans son compte de banque. Monsieur Khoumani savait, depuis le 5 juillet, date de l’enquête disciplinaire, qu’on l’avait filmé en train de faire des ménages. Cependant, on ne lui a pas appris les dates. De leur côté, ses représentants syndicaux ont visionné ces bandes-vidéo mais sans lui apprendre ce qu’ils avaient vu. [21] Après le 3 mai, le plaignant a continué à faire des ménages car, au plan psychologique, il n’était pas prêt à revenir dans son milieu de travail. En effet, durant les semaines précédant la signature de cette entente, il consommait des médicaments en quantité industrielle. Il avait décidé d’y mettre un terme avant de reprendre le collier. Le 10 mai, il n’a fait part au docteur Alcindor que de ses maux de dos. Le fait que, précédemment, on l’avait accusé de vol de temps, l’avait sérieusement affecté au plan psychologique. [22] Le 11 avril 2011, l’épouse du plaignant a signé un contrat pour utiliser une marque de commerce et devenir licenciée. Lui-même était absent à l’occasion de cette signature et il n’a été mis au courant de son existence qu’au mois d’août, lorsque son épouse le lui a appris suite à son congédiement, une nouvelle catastrophique. Ce fut à son retour à la maison qu’elle lui a exhibé ce contrat pour démontrer la fausseté des accusations portées contre lui. [23] Suite à la signature de la lettre d’entente, le 3 mai 2011, le plaignant a avisé la direction qu’il ne reviendrait pas au travail à cause de son mal de dos et des médicaments qu’il devait consommer. Le 22 mars, il s’était absenté à cause de sa condition dépressive. Le 9 mai, il n’était toujours pas rétabli car il était en arrêt de travail depuis le début de son absence. [24] À l’audience du 27 septembre, le plaignant a répondu connaître le sens du mot « occupation » . Il a tenté de contacter madame St-Onge pour en connaître la signification et a même consulté un dictionnaire, pour la même fin. Il en a compris que, pour revêtir ce sens, une « occupation » doit être rémunérée. Donc, le fait d’aider son épouse bénévolement ne pouvait équivaloir à détenir une occupation. [25] D’autre part, il a déjà demandé à la responsable de La Capitale copie des rapports des entrevues téléphoniques qu’il avait eues avec elle, les questions posées et les réponses données. Ses explications données à madame St-Onge mettaient l’emphase sur ses difficultés psychologiques causées par une dépression nerveuse. Par ailleurs, il pouvait cependant supporter la douleur causée par une hernie discale. Il a fait cette demande, le 12 juillet, et madame St-Onge lui a expédié la copie requise: « Revoit le médecin traitant le 14 juin 2011 . Fait des traitements en physiothérapie depuis 3 mois.
Prend du Celebrex depuis un an; Clonazepam à renouveler.
A rendez-vous à la clinique de la douleur le 19-20 juillet 2011.
Toujours en attente pour bloc facettaire : en date de mai 2011, 3 à 6 mois d’attente.
Poste a été évalué par un ergothérapeute : recommande micro pause d’environ 10 secondes.
L’employeur a appliqué les recommandations de l’ergothérapeute.
Condition s’améliore mais il a toujours des douleurs dans le bas du dos sous forme de coups et pincements; à la marche, OK, mais la position assise lui cause une augmentation de la douleur.
Le moral est en baisse.
Problèmes avec l’employeur et le syndicat : vol de temps.
CSST en mars 2010 : hernie discale aggravation d’un accident de 2008.
Dossier consolidé ».
[26] Suite à la réception de ce document, le plaignant a rejoint madame St-Onge pour se plaindre du fait que ses notes n’étaient pas représentatives de tous les propos qu’il lui avait tenus. Il a logé cet appel deux jours après la réception du document et lui a demandé de lui adresser un rapport plus complet. Elle lui a répondu que c’était impossible car elle ne pouvait se souvenir de tous les détails de leur conversation. [27] Monsieur Desrochers est ensuite passé à la barre. Policier à la retraite depuis juin 2001, il avait été au service du SPVM pendant 30 ans. Depuis son départ, il agit comme enquêteur privé et se charge exclusivement de la filature de sujets d’intérêt, à pied, en voiture ou en métro. Il s’est chargé de la filature de monsieur Khoumani les 15, 16 et 17 juin 2011. Le mandat reçu de la STM était de suivre le plaignant qu’on soupçonnait d’avoir une seconde occupation durant la période de son invalidité. [28] Le 15 juin, avec ses collègues Lewis et Massé, le témoin a débuté sa journée à 5h00 et l’a terminée à 16h00 mais n’a rien noté de particulier. [29] Le 16 juin, accompagné des deux mêmes compagnons, le témoin a constaté, à 11h47, que le plaignant est sorti de son domicile en transportant un paquet dans les mains et un sac en bandoulière sur l’épaule gauche. Il a rangé le tout dans le coffre arrière de sa voiture. Il est retourné à son domicile pour revenir à son véhicule mais les mains vides. À 12h25, monsieur Khoumani a stationné sa voiture devant une résidence de la rue Notre-Dame, à Repentigny. Il a sorti du coffre un aspirateur et d’autres objets non identifiés qu’il a transportés à l’intérieur de la résidence. À 14h32, le plaignant, en position accroupie, a passé l’aspirateur sur le plancher de l’entrée principale de la résidence. Le témoin a remarqué qu’il marchait et se déplaçait sans difficulté apparente. Devant la porte d’entrée, il a passé l’aspirateur, puis il s’est penché pour manipuler un tapis. Le plaignant a quitté à 16h08 au volant de son véhicule, en direction ouest. Après un arrêt pour une visite dans une caisse populaire vers 17h00, il était de retour chez lui à 17h09. La filature s’est terminée à 17h30. [30] Le vendredi 17 juin, monsieur Khoumani a quitté la maison à 7h58 muni de quelques accessoires utiles pour les ménages, dont une balayeuse électrique. Il se déplaçait toujours avec aisance et sans difficulté apparente. Il était accompagné d’un collègue et d’une compagne. Après quelques arrêts, à 8h49, il a garé sa voiture devant une résidence privée de la rue Ponsard, à Repentigny. Le trio est sorti de la voiture, le plaignant transportant un sac noir, son compagnon, l’aspirateur et, leur compagne, un autre sac. À 12h27, ces deux derniers ont quitté la résidence, suivis par monsieur Khoumani tenant une serpillière et un seau rouge qu’il a rangés dans le coffre de sa voiture. La filature a pris fin à 13h30. [31] Monsieur Lewis a suivi comme témoin et il a été admis qu’il corroborerait la version de monsieur Desrochers sur les incidents des 16 et 17 juin. Le 21 juin, le témoin était en compagnie de son collègue Pelletier. Ce jour-là, il a observé le plaignant sortir de son domicile à 7h37, muni d’un aspirateur et de divers autres objets dont un balai, un seau et des guenilles qu’il a déposés dans le coffre de son véhicule. À 7h44, un compagnon l’a rejoint et ils ont quitté à bord de sa voiture. À 8h40, le plaignant s’est garé devant la même résidence que la semaine précédente située rue Notre-Dame, à Repentigny. Ils y sont entrés avec l’aspirateur et les autres accessoires de ménage, pour en ressortir à 10h58 et quitter les lieux à 11h00. À 11h29, monsieur Khoumani a garé sa voiture devant un immeuble de la rue Jean-Pierre Ronfard. Son compagnon et lui se sont munis de leur matériel de travail pour entrer dans l’immeuble. Son compagnon en est ressorti à 13h50 et a rangé un sac et l’aspirateur dans le coffre de la voiture. À 13h56, le plaignant l’a rejoint, muni d’une serpillière et d’un seau rouge, qu’il a également déposés dans le coffre. À 14h09, les deux compagnons sont arrivés devant le domicile familial et le témoin a mis fin à la filature à 15h00. [32] Me Hébert a ensuite produit monsieur Roy. Le 11 avril 2011, il a signé avec madame Moutassadik, l’épouse du plaignant, un document intitulé « Contrat d’utilisation d’une licence de marque de commerce » . Il représentait la « Société Gestion Sani-Terra » dont il est le président. Celle-ci accorde des contrats dans différents territoires à des franchisés, surtout des femmes qui agissent comme travailleurs autonomes. La société leur fournit un site Internet, de la publicité et un centre d’appels que les clients rejoignent, et leur octroie tel ou tel territoire. Chacun facture son client et la société n’intervient pas à ce stade. Par ailleurs, elle s’assure de la qualité du service, vend aux franchisés les produits d’entretien, dont l’ensemble de démarrage comprenant un petit aspirateur, un seau, une serpillière et des produits d’entretien ménager, pour leur suffire pendant quelques mois. Une voiture leur est nécessaire pour s’acquitte de ce travail. [33] La rémunération de la société du témoin consiste à percevoir un prix de démarrage au coût de 1000$ et des frais lorsque les revenus de travail du franchisé ont atteint un certain niveau, par exemple 50$ par semaine si ce dernier touche 1500$ par mois. Madame Moutassadik a effectivement versé au témoin la somme de 1000$, en comptant, au jour de la signature du contrat. Monsieur Roy ignorait alors la grossesse de celle-ci et il ne l’a appris qu’à la fin de mai ou en juin, lorsqu’elle s’est retirée du travail pour cette raison. Le contrat s’est signé au domicile de monsieur Khoumani. À son souvenir, ce dernier étant présent au moment de la signature. [34] Contre-interrogé, monsieur Roy n’avait conservé qu’un vague souvenir des circonstances entourant la signature du contrat, le 11 avril. Il ne pouvait donc affirmer catégoriquement si le mari de sa nouvelle franchisée était sur place. [35] Réinterrogé, le témoin a cependant reconnu avoir croisé monsieur Khoumani durant les phases de démarrage. En effet, il rencontre ses nouveaux licenciés pour les encadrer et les former aux travaux à effectuer. Il a donc dû côtoyer le plaignant en se rendant à son domicile ou le rencontrer sur les lieux de travail et ce, à raison de deux ou trois fois par semaine, durant les premières semaines, surtout pour fournir sa nouvelle franchisée en produits d’entretien et lui transmettre de la formation. [36] Madame Poulin a été le prochain témoin. Occupant un poste d’agente à l’assurance-salaire à la STM depuis le 15 novembre 2010, elle agit comme intermédiaire entre l’employeur et l’assureur à qui elle adresse toute la correspondance pertinente dans chaque dossier d’employé qu’elle doit traiter, complète les formulaires requis et assure le suivi des dossiers. [37] La demande de prestations d’assurance invalidité remplie par le plaignant, le 10 mai 2011, lui est passée entre les mains. Elle en a traité le dossier et lui a parlé à deux occasions et ce, par téléphone. Monsieur Khoumani l’a contactée une première fois pour s’assurer qu’elle était bien en charge de sa demande et avait reçu les documents requis. Elle le lui a confirmé. À la seconde occasion, il lui a demandé si elle avait obtenu une réponse de l’assureur et s’il continuerait à recevoir ses prestations. Durant ces deux appels, il n’a pas discuté d’autres questions avec elle et n’a jamais fait état de ses activités. Il ne l’a jamais interrogée sur le sens de la notion d’ « occupation » apparaissant dans le formulaire. [38] Contre-interrogée, madame Poulin a affirmé catégoriquement n’avoir eu que ces deux conversations avec le plaignant. Il n’a jamais été question du code Kronos, d’autant plus qu’elle n’y a pas accès. Par ailleurs, elle a reconnu avoir consulté le logiciel SAP utilisé dans la préparation de la paie des employés pour compléter la partie du formulaire relevant de l’employeur. Lorsque cet employé a fait sa demande, avant d’être en maladie, il était déjà sous enquête. En effet, on avait saisi des codes, d’abord d’enquête mais elle ignorait ce dont il s’agissait car c’est confidentiel, suivis par des codes de maladie. Au moment de sa demande, son code en vigueur était celui de maladie. Le terme « enquête » signifie que la direction procède à des vérifications sur un de ses employés, mais le témoin en ignore la raison. Un numéro correspond à chaque code. Quant au code « enquête » , il peut le plus souvent être sans solde. [39] Me Hébert a ensuite produit le docteur Alcindor, un médecin omnipraticien pratiquant sa profession depuis 35 ans. Monsieur Khoumani était un de ses patients depuis deux ou trois ans. Il l’a consultée une première fois, le 12 décembre 2008, et a agi comme son médecin traitant depuis cette date. Elle exerce en médecine de groupe à la Clinique médicale populaire où chaque médecin assure des journées de présence. On y consigne le dossier de chaque patient. Elle y exerce presque exclusivement les mardis et complète sa semaine dans son propre cabinet. D’avril à septembre 2011, elle n’a rencontré ce patient qu’à la clinique et non pas à son bureau. Avant sa visite du 22 mars 2011, il l’avait consultée pour la dernière fois en mars 2010. Le plaignant l’a également consultée, le 11 mai 2011, après avoir été référé au docteur Rhéaume, un spécialiste, par le docteur Payne. [40] Sa visite du 10 mai 2011 a pu durer, comme habituellement, de 30 à 45 minutes. À cette occasion, son patient a fait état d’une vive douleur ressentie au bas du dos. Cependant, monsieur Khoumani affiche de la résistance à se soumettre à des radiographies. Elle lui a prescrit des Lyrica pour prévenir l’engourdissement et diminuer ses problèmes neurologiques. Lorsqu’elle a revu ce patient, le 6 décembre 2011, il lui a appris qu’elle devrait comparaître devant un tribunal administratif et elle l’a prévenu qu’elle ne s’y soumettrait pas. Le 14 juin 2011, elle ne se souvenait pas avoir procédé à l’examen de ce patient car elle connaissait déjà sa condition, d’autant plus qu’il était suivi par un physiatre et un autre médecin. [41] Le 11 mai, le docteur Alcindor a rempli la partie réservée au médecin de la demande de prestations du plaignant. Elle a inscrit, comme diagnostic principal, une hernie discale et, comme diagnostic secondaire, une lombosciatalgie. Son patient avait déjà été suivi par le docteur Rhéaume mais, comme celui-ci avait pris sa retraite, il lui était revenu. Elle ignorait ce qui s’est passé le 12 juillet 2011 car elle n’en a pas pris de note. La « nouvelle lettre » était celle de madame Clermont datée du 21 juin 2011. Le 9 août, monsieur Khoumani lui a appris que l’employeur lui reprochait d’avoir fait une fausse déclaration, une situation qui lui causait un malaise. Elle lui a apporté du support, tant au niveau physique que psychologique. Elle ne comprenait pas ce qu’il voulait dire en mentionnant une « fausse déclaration » . En effet, à cette époque, la hernie discale de son patient était connue de longue date et constatée par l’imagerie médicale et les docteurs Payne et Rhéaume. [42] Son patient lui a décrit le harcèlement subi au travail. Ainsi, le 9 février, en matinée, il avait signé une entente avec ses supérieurs et, pourtant, durant l’après-midi de la même journée, on l’avait suspendu. Le docteur Alcindor a revu le plaignant le 18 octobre et il lui a fait mention de l’arbitrage. À l’époque, l’intensité de sa douleur avait diminué car il avait reçu un bloc facettaire, le 5 octobre, et sa douleur était passée de 7 sur 10 à 4 sur 10. Le 1 er novembre, le témoin a noté que la condition psychologique de son patient ne s’était pas améliorée. L’employeur lui avait demandé de faire une copie du contrat signé par son épouse. De plus, on lui avait déjà reproché d’avoir volé du temps, ce qui n’était pas fondé. En effet, étant de religion musulmane, il n’avait fait que ses prières. De plus, on l’avait filmé alors qu’il accompagnait son épouse chargée de faire des ménages. Enfin, on lui avait fait signer une entente dans laquelle il reconnaissait ses torts mais il n’avait eu aucun choix que d’y consentir car ses patrons lui avaient dit « tu signes ou tu te retrouves dehors » . Enfin, dans une expertise datée du 14 juillet 2011 et que le docteur Alcindor a reçue le 2 août, la psychiatre Girard, consultée par son patient, a écrit, entre autres commentaires, qu’il lui fallait travailler un peu à l’extérieur pour l’empêcher de devenir fou. [43] Le 14 juin, le témoin n’a pas rédigé un autre rapport biomédical destiné à l’assureur. Elle a suivi son patient, en novembre, non pas à cause ses douleurs au dos, car des médicaments s’en chargeaient, mais à cause de ses difficultés financières qui entraînaient des problèmes psychologiques. De plus, le stress et les préoccupations causées par l’arbitrage augmentaient ses douleurs dorsales. La situation était encore la même, le 6 décembre, mais il ne parlait plus de son dos. [44] Monsieur Lafleur, un employé doté de 24 ans de service chez l’employeur, a été le prochain témoin. Il occupe le poste de surintendant à l’entretien sanitaire du réseau du Métro. Le 6 juin, le témoin a logé une demande d’enquête sur monsieur Khoumani au motif d’une « possibilité d’autres occupations (emploi) » . Il a donné mandat à des enquêteurs de procéder par filature et vidéo les 9, 10, 12, 15 et 16 juin. Cet employé, alors en maladie, alléguait souffrir de douleurs au dos. Il présentait, comme limitations, celles « d’éviter de soulever, de pousser et de tirer des charges de 15 à 25 kg, de ne pas travailler de façon accroupie et d’éviter des mouvements extrêmes de flexion ou extension de la colonne. » . Monsieur Lafleur a eu la puce à l’oreille lorsqu’une responsable du service médical lui avait appris qu’on avait téléphoné chez lui et que quelqu’un avait répondu qu’il serait de retour à 21h00. Plus tard, donc à une autre occasion, une responsable de la dotation a téléphoné chez lui concernant un affichage mais on lui a répondu qu’il était au travail. [45] Suite à sa demande d’une enquête, monsieur Lafleur devait quitter pour vacances le 17 juin. Le 16 juin, on l’a informé que son employé avait travaillé, la même journée, à faire un ménage dans une résidence privée. Ce fut sa remplaçante, madame Clément, qui a rédigé la lettre de suspension pour fins d’enquête. Monsieur Lafleur est revenu de vacances, le 27 juin, et a pris connaissance du rapport de filature. Le lendemain, il a convoqué le plaignant à une enquête formelle, le 5 juillet. Incidemment, celui-ci devait être de retour au travail dès le 9 mai, tel que convenu dans l’entente. On l’avait prévenu, le 3 mai, que monsieur Noiseux, son représentant syndical, avait avisé une responsable qu’il serait incapable d’assumer ses tâches à cause d’un mal de dos. [46] La rencontre formelle s’est effectivement déroulée le 5 juillet. Monsieur lafleur a posé les questions et madame Pelletier a rédigé ce compte-rendu :
« Questionnaire enquête Monsieur Abdelhia Khoumani Préposé à l’entretien, matricule #[…] Entretien sanitaire métro
Le 5 juillet 2011 à compter de 13h00
Partie syndicale Partie patronale
Stéphane Gravel, Jean-Marc Lafleur, Surintendant Directeur syndical Karine Pelletier, conseillère Ressources humaines
Expliquer le déroulement : - Nous vous posons des questions - Vous répondez aux questions
But de la rencontre : Obtenir des réponses honnêtes et franches aux questions au sujet de votre absence pour invalidité depuis votre suspension.
1. Monsieur Khoumani, expliquez-nous pourquoi vous n’êtes pas revenu au travail suite à votre suspension de 3 mois ? Quel était le motif de votre absence?
Parce que j’étais malade. J’ai comme peur de revenir ici (2000 Berri). Parce que dans l’entente que vous m’avez fait signer au point 7, je n’ai pas le droit de faire aucune plainte. J’ai des documents médicaux du 22 mars 2011 qui attestent d’un diagnostic d’anxiété. J’avais envoyé ces documents à Robert Lavallée pour mon accident de travail harcèlement. Mon médecin m’a mis en arrêt de travail pour mon dos, je prends toujours du celebrex et de la clorazipine pour mon anxiété (je ne peux pas couper ce médicament, je dois réduire la dose et je suis rendu que j’ai coupé de moitié). J’ai peur de retourner, j’ai peur de vous (JM Lafleur). Les médicaments me donnent de l’insomnie et je ne peux pas me plainte (entente).
Monsieur Lafleur dit qu’on lui a donné une chance de revenir au travail via l’entente du 3 mai 2011; il dit qu’au point 4, si je retourne, je ne peux pas donner ma prestation de travail et au point 7 : qu’est-ce que je dois mettre dans ma déclaration d’assurance? Le syndicat m’a dit que je peux pas me plaindre. Alors pas mis psychologique harcèlement.
2. Qu’est-ce qui vous empêche de revenir au travail? Êtes-vous encore en invalidité? Avez-vous encore de la douleur? Prenez-vous de la médication?
Les effets secondaires du médicament. Je commence à être bien et avoir confiance. J’ai été référé au centre de la douleur à Maisonneuve pour mon dos. Mon dos ne m’empêche pas de venir travailler. C’est mes problèmes psychologiques.
3. Êtes-vous capable de faire des activités? Si oui, lesquelles? Si non pourquoi?
Je fais de la natation 2 fois par semaine. J’écris mes souffrances pour faire un livre (mes 4 derniers mois sans salaire). J’assiste aussi ma femme qui fait le ménage chez des amis. Il faut continuer à vivre. Je l’amène sur place. Je n’ai jamais eu d’assurance salaire. J’ai appelé Robert Lavallée pour lui dire que je n’avais pas eu de chèque. Il m’a dit qu’il regarderait ça. J’ai appelé la fille de la compagnie d’assurance disant que je peux travailleur depuis 1 an (mars 2010), mais que l’employeur n’accepte pas mes pauses prolongées.
4. Vous êtes allé voir Dr Trudeau le 16 juin dernier, comment s’est passé votre visite? Qu’avez-vous dit au médecin?
Le Dr Trudeau m’a dit qu’il ne savait pas pourquoi j’étais là. J’ai parlé de mes limitations, du poste adapté et de mes problèmes psychologiques. Je dois payer les factures. Je pouvais travailler. Ce qui m’a fait mal, c’est le fait de ne pas avoir été averti pour le vol de temps par vous M. Lafleur, vous auriez pu m’appeler. Je suis capable de faire le travail, mais je ne suis pas revenu car j’étais malade (psychologique). J’ai comme une obsession des caméras, je pense que je suis suivi tout le temps. J’ai essayé d’appliquer ailleurs, mais ça n’a pas marché.
5. Votre médecin signe un arrêt de travail le 14 juin pour une durée indéterminée. Pourquoi? Quel est le motif de votre absence?
Je l’ai présenté à l’assureur. Le Médecin a rempli les papiers pour douleur au dos.
6. Vous souvenez-vous avoir signé le présent document (signé le 3 mai) lors de votre retour au travail prévu le 9 mai dernier?
Oui.
7. Cette entente prévoit que toute récidive ou incident de même nature pourrait entraîner le congédiement. Considérez-vous avoir contrevenu à cette entente?
Non, j’ai fait de mon mieux pour ne pas aller à l’encontre de ça.
8. Avez-vous occupé une autre occupation durant votre invalidité du 9 mai jusqu’à maintenant?
J’assiste ma femme qui fait des ménages. Je vais la conduire en voiture et être là pour l’aider. Je respecte mes limitations. Ma femme souffre de cette situation. Non, je ne travaille pas, c’est à son nom à elle. Le ménage prend de 2 à 3 heures par appartement. Je l’aide, je ne prends pas de poids. On est écrasé par les factures. Je passe l’aspirateur. C’est dans des maisons privées. Elle a fait ça et je n’’étais même pas au courant (depuis avril dernier).
9. Si oui, quelle était cette occupation? Quels sont les tâches? Est-ce que cela respecte vos limitations? Si non, avez-vous effectué un travail rémunéré pour quelqu’un?
Oui, ça respecte mes limitations. Je passe la moppe Vileda, avec le sceau, je fais l’époussetage et je passe l’aspirateur. Ce n’est pas rémunéré, juste ma femme (560$ par mois). On fait 8 ménages par mois - 3 à 2 par semaine. C’est des amis qui ont proposé à elle, vu qu’ils connaissaient notre situation. C’est une femme à Longueuil, une québécoise. Tout ça sans que je sois au courant.
10. Sur le formulaire de demande d’indemnisation vous indiquez que vous n’occupez pas d’autre occupation puisque vous avez coché non à la case prévue à cet effet. Pourquoi? Avez-vous averti l’assureur que vous travaillez?
Non, je ne considère pas ça comme une occupation, c’est ma femme qui reçoit l’argent. Moi je ne suis pas d’accord avec elle. On doit vivre. C’est plus fort que moi, je ne pouvais pas revenir.
11. Si vous êtes apte à travailler, pourquoi ne pouvez-vous pas travailler pour la STM?
C’est dur à cause des caméras qui me suivent. Je ne suis pas capable. JML : Selon vous, est-ce que nous suivons tous nos employés? Peut-être.
JML : Dans votre cas, il y avait eu vol de temps et votre carte d’employé attestait du temps indu dans un local au 2000 Berri. C’est à partir de là qu’il y eu une enquête. Nous ne suivons pas nos employés.
Travaillez-vous sans votre femme?
Une fois, le vendredi 17 juin, elle était malade et elle est allée chez le médecin. J’ai appelé une amie pour m’accompagner. Et peut-être le 16 juin…
Avez-vous quelque chose à ajouter?
Je suis intéressé, je veux retourner. Je suis prêt à me laisser une autre chance. Je me suis rendu malade. C’est le syndicat qui m’a dit que j’étais mieux de mettre mal dans le dos.
JML : Êtes-vous bien à la STM? Pourquoi ne pas quitter si vous n’êtes pas bien?
Il faut commencer quelque part. Je voulais monter dans les échelons. Quand j’ai commencé comme préposé, j’étais en forme. Je devais faire vivre ma famille. J’ai toujours voulu aller plus loin (ambitieux). J’aime bien mon travail. J’ai eu des problèmes psychologiques à cause de mon ancien contremaître. J’ai bien aimé M. Tremblay, c’est quelqu’un de compréhensif.
JML : Le lien de confiance n’est plus là.
Mettez-vous à ma place.
Nous avons adapté le poste pour votre condition personnelle.
Je ne peux pas dépasser 3 heures de travail. Nous avons eu une entente au lieu d’une fin d’emploi.
Si vous voulez m’aider, me donner une promesse, je crois à votre parole. Donnez-moi une autre chance pas de caméras. Ça fait des problèmes dans ma tête.
Nous avons aucune promesse à vous faire. Les caméras sont là pour la sécurité et non pas pour surveiller les employés.
Votre femme a répondu au téléphone disant que vous étiez parti travailler.
Non, c’est mon fils de 5 ans. Je lui avais dit « tu ne dois pas répondre » .
Concernant les micros-pauses, j’avais besoin de temps. On m’a informé en janvier alors que l’ergonome était passé en octobre. Je revois mon médecin le 12 juillet et le 19, j’ai mon premier rendez-vous au centre de la douleur. J’ai dit à mon médecin que je pouvais travailler et lui, il a dit ce qui l’intéressait était ma santé.
Syndicat : aucun commentaire.
M. Khoumani termine en disant que c’était peut-être de la fraude, mais que ça ne contrevenait pas à ce qu’il avait signé dans l’entente.
Nous analyserons les faits et nous vous informerons de la décision . »
[47] Au début de l’entrevue, le témoin a expliqué à cet employé que le personnel de la direction du 2000, rue Berri n’était pas en place pour suivre son personnel à la trace. Cependant, comme il s’agit d’un lieu névralgique, on a installé des caméras un peu partout, comme dans les autres centres semblables. Cependant, cet équipement n’a pas comme but d’espionner les employés. [48] Suite à la signature de la lettre d’entente du 3 mai, la direction a donné au plaignant la chance de revenir au travail car elle faisait suite à une suspension imposée pour un vol de 96 heures de temps, et dont une mince partie avait été consacrée à sa pratique religieuse. De plus, à cette occasion, il a émis des regrets sincères et s’est engagé à s’amender. Il s’agissait d’une entente de dernière chance. Or le plaignant a expliqué ne pouvoir revenir au travail à cause de sa consommation de Celebrex qui lui causait de l’insomnie. Il avait quelques activités comme la natation et la conduide en voiture de sa conjointe pour lui permettre d’effectuer des ménages dans des résidences privées. [49] Le 16 juin, le plaignant a visité le docteur Trudeau à qui il avait expliqué ne pas être en condition de revenir au travail. Or le médecin ignorait la raison de sa visite. Lorsqu’il l’a appris, il a reproché à monsieur Lafleur de ne pas l’avoir appelé pour lui parler du vol de temps. [50] Le 10 mai, le docteur Alcindor a remis à son patient un certificat médical confirmant son mal de dos. Jusqu’alors, monsieur Lafleur n’avait jamais entendu parler d’une atteinte psychologique chez cet employé. Lorsque le témoin lui a rappelé son engagement à ne pas récidiver, monsieur Khoumani n’a mentionné que son mal de dos pour se justifier. Par ailleurs, il a admis détenir une autre occupation lui permettant d’aider son épouse à faire des ménages domestiques. Elle en était la responsable et la seule à en toucher la rémunération. De toute façon, il ne pouvait retourner au travail car la présence des caméras l’effrayait. Dans l’exécution de son travail, monsieur Khoumani respectait ses limitations. Un ergothérapeute lui avait taillé des tâches sur mesure de sept heures par jour mais il prétendait ne pouvoir travailler que trois heures. L’ergothérapeute avait cependant prévu des micro-pauses de 15 à 20 secondes quand il se sentait fatigué et qu’il pouvait gérer. [51] Suite à cette enquête, le témoin a consulté, sur la décision à prendre, mesdames Pelletier, des ressources humaines, et Ouellet, du secteur corporatif. Or, comme il en était à sa dernière chance, monsieur Lafleur a recommandé son congédiement. [52] Monsieur Dionne a contre-interrogé le témoin. Madame Pelletier l’a informé que le service médical lui avait souligné que le plaignant ne s’était pas présenté au travail, comme prévu, le 9 mai. Au début de juin, il devait être vu par le docteur Trudeau, le médecin de l’employeur. Un responsable a téléphoné chez lui pour lui apprendre le moment du rendez-vous mais il s’est fait répondre qu’il serait de retour à 16h00. Quant aux dates de la filature, une seule était importante, celle du 16 juin car elle correspondait au rendez-vous chez le docteur Trudeau. La demande de filature de monsieur Lafleur, d’abord référée au service de surveillance, a finalement été transférée à l’externe. Il n’a pas été en contact avec cette firme. [53] Le témoin n’a jamais été informé des problèmes psychologiques du plaignant avant le 5 juillet. Cependant, en mai, il avait logé une plainte auprès de la CSST concernant des problèmes de harcèlement subi au travail. Durant la rencontre formelle du 5 juillet, il y a été question des points 4 et 7 de l’entente. Selon l’interprétation du plaignant, suite à la recommandation de ses représentants syndicaux, il lui était interdit de parler de ses problèmes psychologiques, d’où sa référence à des maux de dos. De plus, mais monsieur Lafleur n’en avait jamais entendu parler, cet employé, en mars, avait rempli un rapport d’accident industriel. Suite à l’entente sur le vol de temps, monsieur Khoumani aurait été ébranlé par les lettres de suspension relatives à la réception des lettres de février, d’où sa plainte de harcèlement. Cependant, il n’en a pas été question à la signature, le 3 mai. [54] Madame Ouellet a été le prochain témoin. Elle agit, chez l’employeur, à titre de conseillère principale en relations professionnelles depuis 2006. Elle s’est impliquée dans le dossier de monsieur Khoumani. [55] Durant la semaine précédant le 9 mai 2011, monsieur Noiseux, le responsable syndical du dossier, l’a contactée pour l’aviser que le plaignant venait de signer l’entente du 3 mai mais qu’il ne pourrait rentrer au travail, le 9 mai, car il était la victime d’un sérieux mal de dos. Son interlocuteur était catégorique sur ce qu’il avançait. Le 9 mai était le premier jour prévu de travail du plaignant suite à sa suspension de trois mois. Monsieur Noiseux lui a demandé d’aviser le gestionnaire que le plaignant quitterait en assurance-salaire. Sur ce, elle a appelé madame Pelletier et monsieur Lafleur pour leur apprendre la nouvelle que les conditions de santé de cet employé semblaient sérieuses car son problème de dos venait de s’aggraver et qu’il n’y avait aucune simulation, de sa part, du moins selon son représentant syndical. Dans le cadre du travail du témoin, l’entente signée avait fait l’objet de négociations. Au départ, la direction avait envisagé le renvoi pur et simple de monsieur Khoumani mais, les responsables syndicaux avaient infléchi cette position. Finalement, la direction avait décidé de lui donner une dernière chance. [56] Madame Ouellet est plus tard intervenue dans le dossier lorsque madame Pelletier l’a informée que cet employé travaillait ailleurs, qu’une rencontre disciplinaire avait eu lieu et qu’on l’avait suspendu pour fins d’enquête. Elle lui demandait conseil sur le déroulement du processus. Peu après, mais avant le 11 juillet, elle a reçu un appel du plaignant. Il voulait la rencontrer pour faire pencher la décision en sa faveur. Elle lui a demandé s’il ne préférait pas être accompagné d’un représentant syndical et il lui a répondu par la négative. Elle a accepté de le recevoir. [57] Leur rencontre a eu lieu dans son bureau, à 11h00, le 11 juillet, Ils ont discuté pendant de 30 à 45 minutes. Le plaignant a débuté la conversation en faisant état de son mauvais état de santé, dont ses problèmes de nature psychologique. Il pouvait contrôler son mal de dos en consommant des médicaments et il avait deux rendez-vous fixés, en juillet, au Centre anti-douleur. Au chapitre de ses activités, il l’a assurée qu’il ne travaillait pas et ignorait que sa femme avait démarré une entreprise de ménage domestique depuis que des amis de Longueuil l’avaient mise en contact avec une société pour l’achat d’une franchise. Or seule sa femme y travaillait sauf le ménage qu’il avait dans une demeure privée à une seule occasion, le 17 juin, alors que son épouse avait un rendez-vous dans une clinique d’obstétrique. Leur couple avait déjà un enfant et celle-ci était enceinte d’un second. Enfin, comme elle ne détenait pas un permis de conduire, il devait la voiturer chez ses clients où elle se chargeait d’abattre tout le travail et ce, depuis plus ou moins un mois. [58] Par la suite, madame Ouellet a contacté madame Pelletier car, lorsque monsieur Khoumani lui avait expliqué son cas, il l’avait secouée par ses accents de sincérité. Elle voulait s’assurer que la direction ne commettrait pas d’erreur. Sa collègue lui a relaté d’autres faits que ceux qu’il lui avait rapportés. Madame Ouellet a vite conclu à la fausseté des propos de cet employé, par exemple qu’il avait travaillé à d’autres occasions que le 17 juin et en faisait davantage que de voiturer son épouse. En fait, il travaillait plus souvent que son épouse. De plus, il lui avait confié qu’il ne recevait jamais d’argent, ce qui était faux car un des DVD permettait de l’observer toucher une rémunération. Finalement, le témoin en a conclu que le plaignant lui avait menti. [59] Contre-interrogée, madame Ouellet a reconnu avoir donné des conseils à madame Pelletier dans le dossier. Il n’a cependant pas été question, entre elles, des problèmes psychologiques de monsieur Khoumani car, à l’époque, ses seules plaintes concernaient ses maux de dos. Enfin, son interlocutrice lui a donné le compte-rendu de la rencontre du 5 juillet. Durant leur rencontre du 11 juillet, le plaignant a pourtant soulevé, outre ses maux de dos, ses problèmes psychologiques. Par la suite, elle a demandé à madame Pelletier de vérifier, auprès du docteur Trudeau, si la consommation du Clonazepam pouvait invalider cet employé. Celle-ci lui a appris qu’après vérification, ce médecin lui a confirmé qu’il était tout à fait en mesure de revenir au travail et que le médicament en question n’était pas incapacitant. Selon ce qu’en savait madame Ouellet, le plaignant avait fait mention au docteur Trudeau de ses problèmes psychologiques mais ce dernier avait conclu qu’il n’en était rien. [60] À l’occasion de la rencontre du 11 juillet, le témoin savait que monsieur Khoumani était en arrêt de travail, non pas à cause d’un problème psychologique mais, plutôt, de maux de dos déclarés à l’assureur. Durant cette discussion, il lui a confié n’avoir identifié que ce dernier problème à l’assureur, croyant que l’entente lui interdisait de déclarer son problème psychologique à l’employeur. Par la suite, elle a appris qu’il avait retiré une plainte de harcèlement psychologique logée auprès de la CSST. [61] Monsieur Dionne, pour répondre à la preuve patronale, a produit monsieur Du Cap comme premier témoin. Fort d’une ancienneté de 10 ans, il détient un emploi de magasinier. Il a tour à tour occupé, au sein du syndicat, les responsabilités de délégué, directeur, représentant des travailleurs accidentés, secrétaire de l’exécutif élu à la fin de 2010, et, enfin agent de griefs depuis mai 2011. En cette qualité, il est libéré à temps plein. L’assemblée l’a élu en avril mais il a été officialisé comme agent de griefs le 4 mai. Durant cette courte période de temps, il a travaillé avec monsieur Noiseux qu’il devait remplacer. [62] Le témoin connaissait monsieur Khoumani pour s’être impliqué dans son dossier depuis sa suspension pour fins d’enquête et jusqu’à son congédiement. Comme à l’époque, monsieur Noiseux était encore en poste, ils ont travaillé à deux dans cette affaire. Monsieur Du Cap a eu à rencontrer le plaignant, la première fois peu avant son retour au travail. Il a été aussi signataire de l’entente en présence de ce dernier. Monsieur Noiseux lui avait parlé avant le 3 mai et, lui-même l’a fait à cette date. Grosso modo, il lui a expliqué le contenu de l’entente et rappelé la date de son retour au travail, celle du 9 mai. Le plaignant lui a alors fait part qu’il ne serait pas prêt à reprendre le travail ce jour-là, car il était la victime de harcèlement et qu’il devait prendre des médicaments pour combattre ses maux de dos. Il se sentait harcelé par l’employeur suite à sa suspension. À ce sujet, le témoin ignorait si la plainte qu’il avait logée auprès de la CSST tenait toujours mais il lui a expliqué que ses supérieurs, en le suspendant, avaient exercé leur droit de gérance. Il ne s’agissait donc pas d’une manifestation de harcèlement. Monsieur Khoumani lui a aussi parlé de la consommation de médicaments, pour vaincre ses maux de dos, de sorte qu’il ne pourrait se présenter à son poste, le 9 mai, pour cette raison. Le témoin lui a alors conseillé de loger sa demande auprès de l’assureur pour vérifier s’il était éligible. Ce fut la fin de leur discussion avant la signature de l’entente du 3 mai. Plus tard, le plaignant a été suspendu sans solde pour fins d’enquête et monsieur Du Cap a alors discuté de cette décision avec la direction pour en obtenir les informations nécessaires. [63] Me Hébert a contre-interrogé le témoin. L’entente du 3 mai a été signée dans les bureaux du syndicat. Quelques jours plus tôt, monsieur Noiseux avait rencontré le plaignant durant la phase de transmission des dossiers. Par la suite, le témoin a visionné le DVD et lu le rapport de filature, ce dont il a fait part au plaignant dans les grandes lignes. Il pouvait difficilement préciser la date du visionnement du DVD mais ce fut vers la fin de juin et au début de juillet, en présence de mesdames Pelletier et Ouellet, donc durant la suspension sans solde, au 2000, rue Berri. Sa rencontre du 3 mai avec le plaignant, tout juste avant la signature de l’entente, a pu durer environ une heure. Monsieur Khoumani alléguait de sérieuses douleurs au dos qui l’empêchaient de travailler. Le témoin l’a référé à l’assureur pour loger sa demande d’une indemnité. Enfin, les négociations des termes de l’entente se sont déroulées entre monsieur Noiseux et madame Ouellet, suite à quoi son collègue lui a transféré le dossier. [64] Monsieur Khoumani est revenu dans la boîte. En février 2008, il était affecté à la station de Métro Radisson. Il pelletait de la neige lorsqu’il s’est blessé au dos. Une radiographie a identifié une lombalgie car la vertèbre L5 avait été touchée. Au départ, le médecin lui a appris, à la réception des radios, qu’on l’appellerait si son dos présentait une atteinte. Puis, comme il n’en a pas reçu de nouvelles, il a conclu qu’il n’avait pas subi de lésion. Cependant, à chaque fois qu’il ressentait de la douleur, il consommait des comprimés d’Advil. Il a enduré ce mal pendant deux ans. Le 3 mars 2010, en faisant le ménage dans une salle de conférence du 2000, rue Berri, sa serpillière est passée sous la patte d’une table. En la retirant, il a ressenti une vive douleur dans le dos et il en a avisé son contremaître en laissant un message dans sa boîte vocale. [65] Le lendemain, il a rencontré le docteur Payne à qui il a rappelé son malaise ressenti au dos depuis l’accident de 2008 dont il avait conclu qu’il n’y avait rien de sérieux car on ne l’avait pas rappelé. Le médecin lui a demandé de consulter les images prises à cette époque et le rapport du radiologiste. Or ce rapport mentionnait « lombalgie… et L5 touchée ». Le docteur Payne a commandé d’autres radios lesquelles ont confirmé l’atteinte à L5 et un début de lésion à L4. Il lui a alors prescrit un test par résonnance magnétique et dont le résultat a confirmé une hernie discale à L4 et L5. Monsieur Khoumani a alors été placé en arrêt de travail du 3 mars au 13 juillet 2010. Au début de juin, le plaignant a rencontré le docteur Ho, un neuro-chirurgien attaché à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Celui-ci, après examen, lui a expliqué qu’il n’avait pas besoin d’une intervention chirurgicale mais lui a prescrit du Celebrex et deux mois de physiothérapie. Il l’a aussi référé au Centre du traitement de la douleur du même hôpital. [66] À l’époque, la CSST a refusé de reconnaître qu’il s’agissait d’un accident de travail. Le plaignant est entré en contact avec monsieur Develey, le délégué syndical aux accidents de travail. Celui-ci l’a référé au docteur Gauthier, de la Clinique musculo-squelettique de Longueuil. Ce médecin l’a rencontré, le 3 juin 2010, et diagnostiqué une hernie discale et un nouvel accident de travail car une lombalgie ne peut se transformer en une hernie discale. Il lui a prescrit un ONG et un examen par la radiographie pour une infiltration et l’a référé au docteur Rhéaume de la même clinique. Monsieur Khoumani a donc continué à consulter ce médecin jusqu’au 24 janvier 2011. Celui-ci a constaté que l’état de son patient était stable mais avec une limitation fonctionnelle permanente. Il lui a prescrit du Celebrex et du Lyrica, pour combattre l’engourdissement. [67] Le 7 mars 2011, monsieur Khoumani a rencontré le docteur Gauthier à qui il a appris que ce nouveau médicament lui causait de l’insomnie. Ce médecin l’a dirigé vers l’hôpital Pierre-Boucher pour un bloc facettaire et conseillé de ne revenir le voir que s’il y avait urgence car, après ce traitement, ce ne serait plus utile. Or, à cet hôpital, on lui a fixé un délai d’attente de trois à six mois et, de fait, on l’a appelé le 5 octobre 2011 pour subir un bloc facettaire. [68] Le plaignant était toujours suivi par le docteur Ho. En octobre 2010, la Clinique de physiothérapie de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont l’a appelé pour lui prodiguer des traitements et auxquels il a eu droit pendant deux mois. Les 19 et 26 juillet 2011, il s’est rendu à la Clinique du traitement de la douleur du même hôpital où on l’a informé de l’origine de la douleur et de l’effet des médicaments. [69] Le plaignant a signé la première lettre d’entente en septembre 2010, après son retour aux travaux légers. Il a pris connaissance du texte de la seconde lettre d’entente une première fois, lorsque monsieur Develey la lui a adressée par Internet en signalant qu’il s’agissait d’une dernière chance donnée par l’employeur. Il était alors sous le coup d’une suspension sans solde. Il a informé son représentant syndical qu’il logerait une plainte auprès de la CSST car cette sanction n’était nullement justifiée. Celui-ci lui a conseillé de n’en rien faire car la direction acceptait de lui imposer une suspension plutôt que le renvoi. Il ne devait donc pas jeter de l’huile sur le feu. Au début d’avril, il avait déposé une plainte de harcèlement auprès de la CSST. Il n’en avait pas remis copie à l’employeur, ni adressé ses rapports médicaux à la CSST:
« DESCRIPTION DE L’ÉVÉNEMENT Le 9 février 2011 , à 11 heures du matin, j’ai donné mon accord au représentant syndical, M. Guillaume Develey pour entamer une conciliation devant la CLP concernant mes causes pendantes M373176-71-0909-O et M-413462-71-1006-O. Ce même jour, le 9 février 2011 , à 16 heures , à ma grande surprise, et après la tenue de la conciliation, j’ai appris de l’employeur lui-même, par l’intermédiaire de monsieur Marcel TREMBLAY, que j’étais suspendu sans solde pour fins d’enquête. Jusqu’alors, aucune décision n’a été prise malgré mes demandes répétées. En effet, j’ai téléphoné tous les jours à mon représentant syndical, qui n’avait aucune information à me donner. Le 7 mars 2011 j’ai parlé avec le contremaître, monsieur Marcel TREMBLAY et je lui ai expliqué la situation extrêmement précaire dans laquelle je me trouve. Il m’a informé que monsieur Jean-Marc LAFLEUR avait le dossier et que je devais lui téléphoner. Le 8 mars 2011 , j’ai téléphoné à mon surintendant, monsieur Jean-Marc LAFLEUR à deux ou trois reprises sans résultat. En effet, après lui avoir exposé ma situation précaire et la nécessité d’avoir une décision rapide de leur part, ce dernier, m’a rappelé pour me dire sèchement que le dossier suivait son cours et qu’il n’avait aucune date à m’annoncer. Cette dernière conversation, ainsi que l’état permanent d’attente dans lequel je suis m’a rendu très dépressif et ayant des pensées les plus sombres, je suis allé consulter un médecin, le 22 mars 2011 qui m’a mis en arrêt de travail. Cette situation de harcèlement que j’ai vécue depuis le 9 février 2011 et dont la dernière manifestation est en date du 8 mars 2011 m’a conduit à la dépression nerveuse. Cette attitude de l’employeur à mon égard, qui a négocié de mauvaise foi le 9 février 2011, qui maintient mes représentants syndicaux dans l’ignorance de mon dossier et qui ne donne que des réponses d’attente à mes appels a pour objectif malicieux de me maintenir dans un état d’extrême précarité et d’incertitude. »
[70] Le 22 mars, le docteur Alcindor lui avait remis cette attestation médicale : « Rx Consultation en psychiatrie au D 2 Re : Harcèlement au travail et détresse face à situation subséquente. Avis : Recommandation : prise en charge Arrêt de travail pour raisons de santé.»
[71] Le plaignant était alors sous le coup de la suspension pour fins d’enquête. Son médecin l’a rencontré, à cette date, car il éprouvait de vifs malaises. Il avait téléphoné à monsieur Lafleur qui lui avait appris ne pas avoir de décision à prendre car le dossier devait suivre son cours administratif. Le 31 mars, monsieur Lavallée, le conseiller en gestion des lésions professionnelles, a adressé un courriel à monsieur Khoumani : « RE : Attestation, médicale Monsieur Khoumani, Personnellement je n’ai pas pu ouvrir le document médical, mais l’une des destinataires m’en a remis une copie. Je prends connaissance d’un document médical CSST du docteur Alcindor portant sur un événement survenu le 9 février 2011 avec une première visite médicale le 22 mars 2011. Or, la section Gestion des lésions professionnelles de la STM n’a jamais été informée d’un événement survenu le 9 février 2011. Vous devez rapporter personnellement la survenance de cet accident à votre gestionnaire et comme vous le savez, pour l’avoir fait à plusieurs reprises dans le passé, lui remettre une copie du Rapport d’accident industriel, ce qui ne semble pas avoir été fait. Par contre, votre fiche d’absence mentionne que depuis le 9 février 2011 vous êtes suspendu sans solde pour enquête formelle. Dans les circonstances, nous sommes plutôt perplexe face à votre réclamation. Sur réception d’une déclaration d’accident établissant clairement un lien entre le diagnostic médical et un accident du travail nous traiterons votre réclamation. Nous vous remercions de votre compréhension. Pour plus de précision, n’hésitez pas à communiquer avec le soussigné. »
[72] Avant de signer la lettre d’entente, le 3 mai, il avait discuté du contenu du document avec monsieur Noiseux qui voulait savoir s’il était d’accord après en avoir pris connaissance. Le 19 avril, il avait eu une longue conversation avec lui. Il lui avait appris qu’il n’acceptait pas d’être traité de voleur et qu’il trouvait injuste qu’on ne l’ait jamais averti. Le plaignant avait aussi parlé avec madame Ouellet qui avait consenti à ramener la fin de la suspension du 9 juin au 9 mai. Monsieur Noiseux, sur ce, lui avait conseillé de signer l’entente car, s’il préférait loger un grief, il en prendrait de 12 à 18 mois pour passer devant l’arbitre. Finalement, il avait accepté de signer l’entente. Par ailleurs, comme sa condition physique s’était détériorée, il ne pourrait pas reprendre le travail, le 9 mai. Monsieur Noiseux, sur ce, l’avait assuré que l’employeur n’y verrait aucun problème. Le plaignant lui avait aussi demandé de voir à le délocaliser car il ne voulait plus travailler sous l’autorité de monsieur Lafleur. Il désirait aussi rencontrer madame Ouellet pour lui apprendre tous les détails de sa situation. Monsieur Noiseux, le lui avait déconseillé, d’autant plus qu’il devait signer la lettre avant le 9 mai, ce qu’il a fait le 3 mai. Ce jour-là, il a appris à monsieur Du Cap que monsieur Noiseux verrait à le relocaliser. De fait, son représentant a adressé à la direction un avis à cet effet. [73] Durant la période du 3 au 9 mai, monsieur Khoumani voulait travailler mais il avait peur de monsieur Lafleur. De plus, il ressentait de vives douleurs. Il n’est donc pas retourné au travail le 9 mai. Cependant, pour y reprendre le collier dans les meilleurs délais, il avait coupé sa médication et faisait de la natation. Le 8 mai, il avait toujours espoir de travailler mais sa condition s’était détériorée. Sans Celebrex, ses douleurs demeuraient intenses. Il est retourné à la clinique de Longueuil mais le docteur Rhéaume venait de prendre sa retraite. Sa secrétaire lui a alors conseillé de retourner consulter le docteur Alcindor, ce qu’il a fait, le 10 mai. Il lui a demandé de remplir le questionnaire de la demande adressée à l’assureur. À ce moment-là, il n’a pas eu à retourner au travail. Il n’y a pas mentionné ses problèmes psychologiques à la suggestion des représentants syndicaux car, selon eux, cette information transgressait les termes de l’entente du 3 mai. Le docteur Alcindor lui a donné un autre rendez-vous pour le 14 juin. Enfin, le 24 avril, monsieur Develey lui avait adressé ce courriel : « Bonjour,
Voici en pièce jointe l’entente que la STM vous propose. C’est une dernière chance qu’il vous donne.
Vous pouvez appeler Sylvain Noiseux pour dire si vous l’acceptez ou si vous voulez aller en grief.
… »
[74] Monsieur Develey a été le dernier témoin entendu. Embauché vers 2001 comme mécanicien-réparateur-électricien, il siège, depuis quatre ans, au comité de défense des accidentés du travail. Il a déjà eu à travailler en cette qualité dans le dossier de monsieur Khoumani et lui a donné un coup de main dans ses contestations. Il n’a pas participé à la rédaction de la lettre d’entente du 3 mai mais a rencontré le plaignant, à ce sujet, en compagnie de monsieur Du Cap. Grosso modo, ils lui ont expliqué qu’auparavant, il avait bénéficié d’une lettre d’entente analogue, un renvoi transformé en suspension. Cependant, il était le seul à décider de son sort. De son côté, le plaignant expliquait éprouver de sérieux problèmes de santé qui entraveraient son retour au travail. Le témoin lui a néanmoins conseillé de revenir à son poste compte tenu de toutes les circonstances. Par la suite, il a fait parvenir des papiers médicaux au syndicat mais le témoin n’avait pas vraiment souvenir du diagnostic identifié. Enfin, il prétendait qu’un retour au travail le rendait nerveux.
POSITION DES PARTIES [75] Me Hébert, d’entrée de jeu, a rappel qu’au jour de son congédiement, monsieur Khoumani n’était doté que d’une faible ancienneté, soit de six ans. Il a aussi souligné qu’il travaillait durant le quart de soirée, en l’absence de son contremaître, à faire le ménage des lieux, donc sans supervision. [76] Le plaignant, le 9 février, a subi une suspension pour vol de temps. Cette situation a pris fin, le 9 mai, soit six jours après à la signature d’une lettre d’entente dans laquelle il a déclaré émettre des regrets sincères. Il a affirmé qu’on l’avait presque obligé à démissionner. Pourtant, il avait pris connaissance du contenu de ce document, dès le 15 avril, et ses représentants syndicaux lui avaient expliqué qu’il valait mieux s’engager de la sorte, ce qu’il a fait, car il s’agissait d’une dernière chance. [77] Or, une semaine plus tard, le plaignant a signé le formulaire d’une demande d’indemnité pour une période d’invalidité causée par un mal de dos remontant au 9 mai. Dans ce document, il a affirmé n’exercer aucune autre occupation. Pourtant, la preuve a démontré le contraire. Monsieur Khoumani n’a jamais confié à quiconque, tant auprès de l’employeur que de l’assureur, travailler à faire des ménages. Il a avancé en avoir parlé au docteur Alcindor mais celle-ci n’a pas porté cette information dans ses notes. [78] Le témoignage du plaignant était truffé d’invraisemblances et de faussetés. Par exemple, s’il avait déclaré à l’assureur qu’il exerçait une occupation rémunérée, celui-ci aurait conclu qu’il n’était pas malade. Il a affirmé ignorer que sa femme avait signé un contrat et ne l’avoir appris qu’au mois d’août. Pourtant, monsieur Roy a affirmé le contraire lorsqu’il a relaté lui avoir donné de la formation, pendant un certain temps, à raison de trois ou quatre fois par semaine. [79] Le 15 avril, le plaignant a reçu et pris connaissance du projet de la lettre d’entente et en a aussitôt compris qu’il devrait être au poste le 9 mai. Or il a appris à monsieur Noiseux, qui en a informé madame Ouellet, qu’il ne pourrait s’y présenter à cause d’un mal de dos. Il s’est est plaint au docteur Alcindor qui l’a mis à l’écart du travail pour cette raison. [80] Enfin, l’arbitre devrait maintenir le congédiement pour plusieurs raisons dont celles qu’il a manqué de franchise en témoignant devant lui et qu’il n’a jamais témoigné de remords en préférant tenter de justifier l’injustifiable. [81] En réponse, monsieur Dionne a d’abord invoqué le mauvais état de santé de monsieur Khoumani car la preuve a clairement établi l’historique des violents maux de dos qui l’affligeaient. Au départ, le docteur Rhéaume l’a suivi pendant quelque temps. Il s’est aussi rendu à des rendez-vous au Centre de la douleur de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Malgré les maux ressentis, il a réduit sa consommation de médicaments mais la douleur est évidemment revenue. Il n’a eu d’autres choix que de consulter un autre médecin et ce fut le docteur Alcindor dont le dossier confirmait les dires de son patient. Ces lésions dataient de bien avant les accusations de vol de temps et des réclamations d’assurance-salaire, soit depuis le printemps 2008. La preuve a donc établi qu’il était tout à fait probable que les choses se soient déroulées de la façon dont le plaignant les a décrites. [82] D’ailleurs, lorsqu’il a rencontré le docteur Trudeau, le 16 juin, et alors qu’il en était au plein milieu de la filature, le plaignant a admis qu’il était apte à travailler. Cependant, il éprouvait de sérieux problèmes au niveau psychologique, d’où l’arrêt de travail, pour cette raison, du 22 mars 2011. D’ailleurs, le docteur Alcindor l’a dirigé vers une psychiatre qui a confirmé ce diagnostic. Lorsque monsieur Khoumani a signé la lettre d’entente, il en a compris, des points 4 et 7, qu’il ne pouvait invoquer le désordre psychologique dont il était la victime. De son côté, le docteur Alcindor n’a pas inscrit ce diagnostic dans les certificats qu’elle a signés pour la même raison. Ainsi, selon la partie syndicale, le plaignant n’a jamais agi de façon frauduleuse. Le 9 mai, monsieur Khoumani était de toute bonne foi lorsqu’il s’est mis en arrêt de travail. Par la suite, son invalidité s’est poursuivie et a été constatée par des médecins. [83] De son côté, monsieur Roy a établi que l’épouse du plaignant a entrepris de faire des ménages suite à l’invitation de certains amis. Elle a signé un contrat, en avril, et, au souvenir de ce témoin, probablement en l’absence de son mari. [84] Par ailleurs, monsieur Khoumani, appelé à témoigner par Me Hébert, a tenté du mieux possible de répondre à une tempête de questions. On ne pouvait accorder à sa version tout le sens invoqué par la partie patronale. D’ailleurs, la logique permet d’écarter le reproche de fraude que lui a adressé l’employeur. En effet, le 9 mai, ne recevant aucun salaire, il aurait été beaucoup plus intéressant pour lui, n’eût été son mal de dos, de reprendre le collier plutôt que de faire des ménages. De toute façon, il n’y consacrait pas 40 heures par semaine et, plutôt, entendait assister son épouse enceinte pour lui permettre de toucher un revenu d’appoint. [85] Donc, en l’espèce, on ne retrouvait pas une récidive ou un comportement frauduleux mais, plutôt, le cas d’un individu éprouvant des problèmes psychologiques à un tel point qu’il était dépassé par les événements. Bref, la preuve a clairement démontré qu’il a été maladroit mais qu’il n’a jamais nourri une intention frauduleuse. MOTIFS ET DÉCISION [86] L’embauche de monsieur Khoumani remontait à 2005. De cette époque à l’hiver 2008, rien de notable ne s’est produit. Puis, en février 2008, il s’est blessé au dos en pelletant de la neige mais, après avoir consulté un médecin dont il n’a plus reçu de nouvelles, il n’a rien réclamé. Il en éprouvait des douleurs, à l’occasion, mais qu’il maîtrisait en consommant des comprimés d’analgésique. [87] Le 3 mars 2010, le plaignant a posé un geste brusque qui lui à nouveau causé une vive douleur au dos. Il a consulté un médecin, le docteur Payne, qui a diagnostiqué une atteinte aux vertèbres L4 et L5. Finalement, en juin, le docteur Gauthier, un spécialiste, a conclu à une hernie discale. Monsieur Khoumani s’est absenté pour raison d’invalidité et est revenu à son poste en septembre suivant. Les parties ont alors conclu une entente dans laquelle elles ont reconnu que sa condition médicale entraînait ses limitations fonctionnelles et convenu de son retour au travail, le 20 septembre 2010, dans son poste de préposé à l’entretien ménager mais en respectant les limitations fonctionnelles identifiées. [88] De septembre 2010 à février 2011, le plaignant a repris le travail et est resté en poste jusqu’en février, lorsque la direction l’a suspendu indéfiniment pour fins d’enquête. On lui a reproché d’avoir volé 96 heures de temps, pendant la période du 1 er octobre au 9 février, soit l’équivalent de plus de deux semaines de travail. Cependant, une mince fraction de ce temps avait été consacrée à des moments de prière imposés par la religion musulmane. [89] Le 22 mars 2011, le plaignant a consulté le docteur Alcindor, un médecin généraliste, et s’est dit victime de harcèlement psychologique. Ce médecin, après avoir discuté avec lui de sa condition, l’a mis en arrêt de travail pour raisons de santé. Dans un certificat médical, elle a mentionné que son patient était victime de « harcèlement au travail et détresse face à (une) situation subséquente » et recommandé une prise en charge. [90] Les représentants syndicaux du plaignant se sont occupés de faire avancer son dossier. Lui-même a discuté de son sort avec madame Ouellet qui a consenti à reporter du 6 juin au 6 mai la fin de sa suspension. Le 15 avril, monsieur Noiseux lui a fait parvenir le projet d’une lettre d’entente le réintégrant dans son poste le 9 mai. Le 18 avril, il a eu une longue conversation avec ce représentant syndical. Il n’acceptait pas l’accusation d’avoir volé du temps et lui a appris avoir logé une plainte auprès de la CSST. Monsieur Noiseux l’a vivement incité à accepter les termes de la lettre, puisqu’il s’agissait d’une entente de dernière chance, et conseillé de retirer sa plainte pour ne pas jeter d’huile sur le feu. Le 24 avril, monsieur Develey lui a adressé un courriel lui rappelant que la lettre d’entente était sa dernière chance. [91] Mais monsieur Noiseux n’a pas fait des pressions que sur le plaignant. En effet, à la fin d’avril ou au début de mai, il a téléphoné à madame Ouellet et a défendu avec vigueur les intérêts de monsieur Khoumani. Celui-ci l’avait convaincu que les violents maux de dos qu’il subissait l’empêcheraient de reprendre le travail aussi tôt que le 9 mai. Dans sa plaidoirie, il s’est montré si convaincant que madame Ouellet a rejoint madame Pelletier et monsieur Lafleur pour les prévenir que la condition de santé du plaignant lui interdisait d’occuper son poste, le 9 mai. Finalement, le 3 mai, monsieur Du Cap a pris la relève de monsieur Noiseux. Il a maintenu la position de ses collègues que le plaignant devait signer la lettre d’entente s’il voulait conserver son emploi. Malgré ses réticences, le plaignant a consenti à poser ce geste. [92] L’arbitre souligne qu’hormis la conversation qu’il avait eue avec le docteur Alcindor concernant son désarroi psychologique, le 24 mars, il n’avait pas été question avec les représentants syndicaux et ceux de la direction de son état dépressif. Selon lui, il ne pouvait invoquer cette condition car ce geste aurait dérogé aux points 4 et 7 de la lettre d’entente. Il s’est donc limité à invoquer ses maux de dos pour justifier son incapacité à revenir au travail à partir du 9 mai. L’arbitre ne peut retenir cette explication. S’il souffrait de dépression, à cette époque, rien ne l’empêchait de dévoiler cette condition. Mais il y a davantage. Le 10 mai, le plaignant s’est rendu à la Clinique populaire pour consulter le docteur Alcindor. Or, plutôt que d’insister auprès de son médecin traitant sur son incapacité psychologique à reprendre son emploi, il s’est borné à invoquer ses douleurs au dos. [93] À la mi-avril, son épouse est devenue licenciée d’une entreprise dont monsieur Roy était le président. Selon le plaignant, elle ne lui aurait appris s’être engagée par contrat qu’en août, suite à son congédiement. L’arbitre ne peut croire cette explication. Même, comme il en a attesté, s’il était absent de son domicile lorsque son épouse a signé le contrat, le témoignage non contredit de monsieur Roy a établi que, durant les quelques semaines qui ont suivi, il l’a rencontré à plusieurs reprises dans les lieux de travail alors qu’il entendait lui donner et à son épouse la formation nécessaire et les fournir en produits d’entretien ménager. [94] La preuve n’a pas clairement établi l’époque à laquelle monsieur Khoumani a commencé à faire des ménages. Cependant, il a accompagné son épouse à chaque fois qu’elle visitait un client car, comme elle était dépourvue d’un permis de conduire, il devait la voiturer. Il a aussi reconnu que l’assistance qu’il lui prêtait a pu débuter en mai et qu’elle s’est poursuivie en juin, à raison de trois ou quatre ménages par semaine. Or, dans le formulaire destiné à l’assureur, il a déclaré ne pas avoir eu une autre « occupation » . [95] Selon lui, cette information était tout à fait justifiée car le terme « occupation » est synonyme de celui de travail rémunéré. Comme il ne touchait pas un cent des ménages qu’il a pu faire, il ne détenait donc pas une occupation. Il s’est fié au dictionnaire pour obtenir cette information mais l’arbitre ne peut retenir son explication. En effet, le Petit Robert définit l’ « occupation » comme « ce à quoi on consacre du temps » ou « du travail susceptible d’occuper ». Selon le plaignant, il remettait tout à sa femme. Or, le 16 juin, le DVD le montrait recevant un salaire, sous forme d’un chèque, puis visitant une caisse populaire quelques minutes plus tard. Lorsque interrogé par ses supérieurs, le 5 juillet, il a admis aider sa femme à faire des ménages, en passant l’aspirateur, en nettoyant les lieux en se servant d’un seau et d’une serpillière et en faisant de l’époussetage, exactement les mêmes tâches qu’il devait exécuter lorsqu’en poste à la STM. Or, il a justifié sa réticence à revenir au travail en invoquant, entre autres raisons, sa peur de monsieur Lafleur . [96] L’arbitre, devant l’ensemble de la preuve, doit conclure que monsieur Khoumani a frauduleusement tenté de tirer profit de deux sources, une rémunération obtenue à faire des ménages à raison de deux à quatre fois par semaine payés de 60$ à 120$, et des indemnités versées par l’assureur en répondant, faussement, à une question du formulaire, qu’il ne détenait pas une occupation. Pourtant, durant toute cette période de temps, il aurait été à même d’abattre le même travail, créé sur mesure pour lui, au 2000, rue Berri. L’employeur, le 12 août, a décidé de congédier le plaignant au motif de cette fausse déclaration faite à l’assureur sur son état de santé, pour en toucher des indemnités auxquelles il n’avait pas droit. Il s’agissait d’une faute extrêmement sérieuse et reconnue comme telle par une abondante jurisprudence.
[97]
Parmi les sentences à cet effet, figure cette décision de l’arbitre
Harvey Frumkin,
Ville de Montréal
c.
Association des Pompiers de
Montréal inc.
,
« (97)
Selon une jurisprudence abondante,
le congédiement constitue la réponse
qui s’impose lorsqu’un employé falsifie ou présente de manière inexacte un
état de santé dans le but de justifier un congé ou son prolongement tout en
touchant des prestations d’assurance salaire. On y a considéré que ce genre
de comportement constituait une inconduite très grave
. Dans la décision
rendue dans l’affaire
Métallurgistes unis
d’Amérique, section locale 8917
et
Tilco
International Inc.,
(…)
« Quant au fond, la jurisprudence arbitrale est à l’effet qu’un employé a l’obligation de se présenter au travail suivant son horaire de travail à moins qu’il en soit incapable pour des raisons sérieuses. Un employé malade ou accidenté doit prendre les moyens nécessaires pour assurer sa guérison. Évidemment, un employé qui se déclare accidenté au travail et qui ne l’est pas commet un geste répréhensible de la nature d’une fraude, encore plus s’il reçoit des prestations de la C.S.S.T. que son Employeur devra, en bout de ligne, payer par des cotisations. La jurisprudence est unanime à reconnaître dans de tels cas, la sanction appropriée est le congédiement parce que le lien de confiance est irrémédiablement rompu. Cette conclusion s’infère à partir de la nature même de l’infraction. »
(98) Dans la
cause
Aliments Culinar inc.
et
Teamsters - Québec, section locale 973,
(…)
« Les cas d’abus en matière d’accidents du travail sont encore trop nombreux.
Ces abus, non seulement lèsent l’employeur qui, en définitive, finance seul le système de compensation qui s’y rattache mais spolient également les véritables accidentés du travail dont les prestations, souvent inadéquates, pourraient être autrement majorées si seuls en bénéficiaient ceux qui y ont vraiment droit.
De plus, ce genre d’abus, lorsque celui qui s’y adonne, revendique une incapacité non détectable objectivement, est extrêmement difficile à mettre à jour.
Il est normal que lorsqu’un salarié se fait prendre au jeu il doive en payer le prix, indépendamment de son dossier antérieur ou de son ancienneté ».
[98] Or, le plaignant n’en était pas à sa première incartade importante. En effet, du 9 février au 8 mai 2011, il avait subi une suspension, pour vol de 96 heures de temps. Il avait échappé de peu au congédiement car ses représentants syndicaux avaient convaincu l’employeur de le réintégrer suite à la signature d’une lettre d’entente. Ce document mentionnait que la faute reprochée avait sérieusement ébranlé le lien de confiance entre l’employeur et le plaignant et que celui-ci émettait des regrets sincères eu égard aux faits reprochés. De plus, il s’engageait à adopter un comportement respectant les exigences de l’employeur et à fournir une prestation de travail complète. Or, la journée même prévue pour son retour, il a signé une demande frauduleuse adressée à l’assureur. Il est clair qu’il a ainsi dérogé à l’entente du 3 mai, ébranlé de façon définitive le lien de confiance et affiché un comportement tout à fait à l’opposé de celui qu’il s’était engagé à adopter.
[99] Pour toutes ces raisons, l’arbitre doit rejeter le grief.
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________________________________ __ ANDRÉ SYLVESTRE , avocat
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