Labrecque c. Montréal (Ville de)

2012 QCCA 1016

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-021396-114

(500-17-055622-107)

 

DATE :

17 juillet 2012

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

ALLAN R. HILTON, J.C.A.

GUY GAGNON, J.C.A.

JACQUES R. FOURNIER, J.C.A.

 

 

DANIEL LABRECQUE

APPELANT - Requérant

c.

 

VILLE DE MONTRÉAL

INTIMÉE - Intimée

et

COMMISSION DES RELATIONS DE TRAVAIL,

JACQUES VIGNOLA, ès qualités de commissaire, Commission des relations de travail

MIS EN CAUSE - Mis en cause

 

 

ARRÊT RECTIFICATIF

 

 

[1]            ATTENDU qu'une erreur d'écriture s'est glissée dans le procès-verbal d'audience du 29 mai 2012;

[2]            ATTENDU qu'il y a lieu de corriger cette erreur pour refléter la volonté des membres de la formation et rendre le texte de l'arrêt conforme aux motifs prononcés oralement;

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[3]            RECTIFIE le texte de l'arrêt porté au procès-verbal d'audience du 29 mai 2012;

[4]            ORDONNE que le paragraphe [14] de l'arrêt soit libellé de la manière suivante :

[14]    C'est donc à tort que l'appelant soutient que le mis en cause a violé la règle audi alteram partem . La CRT et ensuite le juge de la Cour supérieure ont eu raison de conclure que le commissaire avait la compétence voulue pour délimiter le cadre du litige 11 . Il pouvait, comme il l'a fait, refuser d'entendre une preuve non pertinente qui en l'espèce constituait une invitation à confondre les véritables enjeux soulevés par les plaintes de l'appelant avec des éléments dont le lien avec l'objet principal du contentieux était manifestement trop ténu et distant pour être qualifié de preuve pertinente.

 

 

 

 

ALLAN R. HILTON, J.C.A.

 

 

 

 

 

GUY GAGNON, J.C.A.

 

 

 

 

 

JACQUES R. FOURNIER, J.C.A.

 

Me Mark Savard

Centre Légal Fleury, s.e.n.c.

Pour l'appelant

 

Me Pierre G. Hébert

Dufresne Hébert Comeau inc.

Pour l'intimée

 

Date d’audience :

29 mai 2012

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

__________________________

11     Université du Québec à Trois-Rivières c. Larocque , [1993] 1 R.C.S. 471 .


Labrecque c. Montréal (Ville de)

2012 QCCA 1016

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE MONTRÉAL

 

N o :

500-09-021396-114

 

(500-17-055622-107)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE:

29 mai 2012

 

CORAM:   LES HONORABLES

ALLAN R. HILTON, J.C.A.

GUY GAGNON, J.C.A.

JACQUES R. FOURNIER, J.C.A.

 

APPELANT

AVOCAT(S)

DANIEL LABRECQUE

Me Mark Savard

CENTRE LÉGAL FLEURY

 

 

 

INTIMÉE

AVOCAT(S)

VILLE DE MONTRÉAL

Me Pierre G. Hébert

DUFRESNE, HÉBERT, COMEAU INC.

 

 

 

MIS EN CAUSE

AVOCAT(S)

COMMISSION DES RELATIONS DE TRAVAIL

 

JACQUES VIGNOLA, en sa qualité de commissaire, Commission des relations de travail

 

 

 

En appel d'un jugement rendu le 6 janvier 2011 par l'honorable Gilles Hébert de la Cour supérieure, district de Montréal.

 

NATURE DE L'APPEL :

Révision judiciaire - décision de la Commission des relations de travail.

 

Greffière: Marcelle Desmarais

Salle: Antonio-Lamer

 

 

AUDITION

 

 

9 h 31 Argumentation par Me Mark Savard.

10 h 06 Fin de l'argumentation de Me Mark Savard.

10 h 06 Suspension de la séance.

10 h 08 Reprise de la séance.

PAR LA COUR:

Arrêt - voir page 3.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Marcelle Desmarais

Greffière d'audience

 


PAR LA COUR

 

 

ARRÊT

 

 

[1]        L'appelant interjette appel d'un jugement de la Cour supérieure [1] (l'honorable Gilles Hébert), rendu le 6 janvier 2011, qui rejette la demande de révision judiciaire de la décision de la Commission des relations de travail (« CRT ») [2] , rendue le 15 décembre 2009 qui, quant à ses aspects principaux, confirmait la décision du mis en cause, le commissaire Jacques Vignola, rendue le 30 juin 2009 [3] .

[2]            Ce dernier a rejeté une plainte de l'appelant portée contre l'intimée le 7 février 2008 en vertu de l'article 72 de la Loi sur les cités et villes («  LCV  ») [4] (destitution) et une autre déposée le jour suivant en vertu de l'article 122.1 de la Loi sur les normes du travail («  LNT  ») [5] (congédiement). Il faut aussi savoir que l'appelant avait, dès le 23 novembre 2007, déposé devant la CRT une autre plainte où il se disait victime de harcèlement psychologique (123.6 LNT ).

[3]            Une juge de la Cour a autorisé l'appelant à se pourvoir [6] que sur les moyens d'appel articulés autour de la question de la violation de la règle audi alteram partem .

[4]            Le mis en cause a décidé lors d'une conférence préparatoire que les faits relatifs à la plainte de harcèlement psychologique étaient peu pertinents à l'égard des motifs de congédiement reprochés à l'appelant. Il a donc choisi de réunir, dans le cadre d'une même audition, les plaintes de destitution et de congédiement tout en excluant de son analyse le dossier de harcèlement psychologique dont il demeurait toutefois saisi.

[5]            Essentiellement, l'appelant plaide avoir été privé du droit de présenter toute sa preuve. Ce faisant, il n'a pu établir que son congédiement était le résultat d'une enquête administrative abusive motivée par des considérations politiques.

[6]            Dans sa plainte selon l'article 72 de la LCV , l'appelant allègue avoir été l'objet de harcèlement de la part de travailleurs placés sous sa direction ainsi que de la part de collègues de travail, de fausses accusations de corruption et d'atteinte à sa réputation. Par sa plainte pour congédiement illégal (article 122.1 LNT ), l'appelant reproche de plus à l'employeur de ne pas avoir rempli ses obligations lorsqu’il était l'objet de harcèlement psychologique et d'accusations injustifiées de corruption.

[7]            La plainte pour harcèlement psychologique (article 123.6 LNT ), quant à elle, s'articule autour de 3 volets : l'appelant soutient avoir été victime d'une fausse plainte de harcèlement sexuel orchestrée par des travailleurs et des collègues de travail, d'avoir été l'objet d'une enquête administrative abusive et, finalement il soutient que son congédiement n'est qu'une excuse mise en place par les autorités municipales dans le but de préserver l'image de l'administration.

[8]            Tout d'abord, il faut dire que la preuve au soutien de la destitution est particulièrement accablante. L'appelant n'a, par ailleurs, pas été autorisé dans le cadre de ce pourvoi à remettre en question les déterminations de faits ayant conduit à ce résultat.

[9]            L'enquête administrative a révélé que l'appelant avait effectué au printemps 2007 un voyage de golf au Portugal en compagnie de l'un des fournisseurs de l'intimée alors que cette dernière était en plein processus d'appels d'offres publics. Les relevés de communication du téléphone cellulaire mis à sa disposition par son employeur démontrent que durant une période stratégique allant du 1 er mars 2007 au 8 novembre 2007, au moment où les appels d'offres au public avaient cours et auxquelles le fournisseur concerné était particulièrement intéressé, l'appelant a contacté ce dernier à 131 reprises alors que durant la même période ce fournisseur contactait le fonctionnaire municipal à 156 occasions. Ces appels se sont tenu sur les heures régulières de travail, le soir et les fins de semaine, voire même dans les instants précédents le départ de l'appelant en direction du Portugal. De l'avis du commissaire, cette preuve démontrait un lien étroit et soutenu entre ces deux personnes.

[10]         La preuve a de plus révélé que l'appelant dans le cadre de ses fonctions a cherché à octroyer ou a effectivement octroyé un avantage à ce fournisseur. Le mis en cause a conclu qu'il s'était placé volontairement en situation de conflit d'intérêts. Les explications qu'a tenté d'apporter l'appelant n'ont pas été crues, le mis en cause se disant d'avis qu'elles n'étaient pas crédibles lorsque appréciées à la lumière de l'ensemble de la preuve.

[11]         L'appelant, malgré tout, soutient que la raison véritable de son congédiement repose sur son initiative de déposer une plainte à l'égard de son employeur pour harcèlement psychologique et qu'il aurait donc dû être entendu sur cette question.

[12]         La Cour est d'avis qu'il n'a pas été démontré que le refus par le mis en cause d'entendre la preuve relative à la plainte de harcèlement psychologique a eu un impact sur l'équité du processus au point de conclure en la présence d'une violation de la justice naturelle [7] .

[13]         Le dossier ne fait pas voir en effet que la preuve au soutien de cette plainte était susceptible d'influer sur le sort réservé aux deux autres plaintes, et ce, pour les raisons suivantes :

1.     L'allégation contenue à la plainte de harcèlement psychologique, selon laquelle l'appelant a été victime d'une fausse plainte de harcèlement sexuel, implique des tiers, en l'occurrence, les employés placés sous sa responsabilité. Il n'existe donc aucun lien rationnel entre cet incident et les motifs de congédiement, d'autant plus que cet événement ne concerne pas l'intimée.

2.     L'appelant ne peut prétendre avoir été l'objet d'une enquête abusive puisque la justification de cette procédure a été amplement démontrée par la preuve des circonstances établissant les motifs de son congédiement.

3.     Les arguments d'ordre politique invoqués par l'appelant, selon lesquels il serait en quelque sorte le bouc émissaire d'une situation tendue ayant conduit à son congédiement dans le but de préserver l'image de l'administration [8] , ne trouvent aucune assise dans la preuve. Ces allégations sont exprimées en termes si vagues et généraux qu'elles ne peuvent constituer un moyen de défense sérieux. C'est d'ailleurs pour cette raison que le juge de première instance écrit : « À cet égard, le Tribunal souligne avoir refusé l'invitation de Labrecque de s'avancer sur le terrain périlleux de la politique locale et le Tribunal a choisi de s'en tenir au dossier et au droit » [9] .

4.     L'appelant ne peut plaider que le dépôt de la plainte pour harcèlement psychologique le 23 novembre 2007 constitue une mesure de représailles ayant mené à son congédiement puisque l'enquête administrative avait déjà été mise en place le 9 novembre 2007 et portait sur des faits qui étaient tous antérieurs à la date du dépôt de la plainte pour harcèlement psychologique.

5.     L'appelant a su dès le 25 janvier 2008, soit le jour de la conférence préparatoire, que la plainte pour harcèlement psychologique ne serait pas entendue en même temps que les plaintes de destitution et de congédiement. Le dossier ne fait pas voir qu'il ne s'est en aucun moment opposé à cette décision ou qu'il a requis que son opposition soit consignée au procès-verbal d'audition. Ce n'est que dans le cadre de sa demande de révision de la décision du mis en cause que l'appelant invoque pour la première fois devant la CRT une violation à la règle audi alteram partem . Or, non seulement l'appelant ne s'est pas objecté aux modalités régissant l'administration de la preuve telles qu'établies par le mis en cause, mais de toute manière sur cette question la CRT a déterminé, à raison d'ailleurs, que « […] le requérant ne fait qu'invoquer que cette façon de procéder lui a causé préjudice sans aucunement le démontrer. […] » [10] .

[14]         C'est donc à tort que l'appelant soutient que le mis en cause a violé la règle audi alteram partem . La CNT et ensuite le juge de la Cour supérieure ont eu raison de conclure que le commissaire avait la compétence voulue pour délimiter le cadre du litige [11] . Il pouvait, comme il l'a fait, refuser d'entendre une preuve non pertinente qui en l'espèce constituait une invitation à confondre les véritables enjeux soulevés par les plaintes de l'appelant avec des éléments dont le lien avec l'objet principal du contentieux était manifestement trop ténu et distant pour être qualifié de preuve pertinente.

[15]         L'appelant n'a donc pas démontré que la décision interlocutoire du premier décideur lui a causé un préjudice ou qu'elle a eu un quelconque impact sur l'équité du processus décisionnel tenu devant la CRT.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[16]         REJETTE l'appel, avec dépens.

 

 

 

 

ALLAN R. HILTON, J.C.A.

 

 

 

GUY GAGNON, J.C.A.

 

 

 

JACQUES R. FOURNIER, J.C.A.

 

 



[1]     Labrecque c. Montréal (Ville de) , 2011 QCCS 22 (« jugement dont appel »).

[2]     Labrecque c. Ville de Montréal , 2009 QCCRT 0544 .

[3]     Labrecque c. Ville de Montréal , 2009 QCCRT 0283 .

[4]     L.R.Q., c. C-19.

[5]     L.R.Q., c. N-1.1.

[6]     Labrecque c. Montréal (Ville de), 2011 QCCA 395 .

[7]     Association des réalisateurs de Radio-Canada c. Sylvestre , J.E. 2001-806 (C.A.).

[8]     Voir sommaire des faits préparé par le plaignant déposé devant le mis en cause, allégations 99, 100 et 101.

[9]     Jugement dont appel, paragr. 51.

[10]    Labrecque c. Ville de Montréal , supra , note 2, paragr. 59.

[11]    Université du Québec à Trois-Rivières c. Larocque , [1993] 1 R.C.S. 471 .