Cimon c. Pouliot

2012 QCCQ 4399

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT  D'

ABITIBI

LOCALITÉ DE

VAL-D’OR

« Chambre civile »

N° :

615-32-003426-119

 

 

 

DATE :

4 mai 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

MONSIEUR LE JUGE   

CLAUDE BIGUÉ, J.C.Q.

 

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ALEXANDRE CIMON

Demandeur

c.

DIANE POULIOT

Défenderesse

 

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JUGEMENT

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[1]            Le Tribunal est saisi d’une réclamation d’honoraires professionnels par un avocat.

QUESTION EN LITIGE :

[2]            Lors de la rencontre initiale avec le bureau d’avocats, un montant de 2 500,00 $ a été exigé comme condition pour l’acceptation du mandat.

[3]            S’agit-il là d’une entente pour une rémunération forfaitaire à 2 500,00 $, comme le soutient la défenderesse?

[4]            Ou s’agit-il d’un acompte applicable sur une facture à être établie en fonction du temps consacré au dossier, comme le prétend le demandeur?

LES FAITS  :

[5]            Me Alexandre Cimon est avocat au sein de l’étude Cain Lamarre Casgrain Wells. Membre du Barreau depuis novembre 2010, il en était au début de sa pratique quand il a rendu des services professionnels à la défenderesse Diane Pouliot, soit de janvier à mai 2011.

[6]            Mme Pouliot était âgée de 57 ans lorsqu’elle a requis les services des avocats de la firme Cain Lamarre Casgrain Wells pour présenter une requête en rétractation à l’encontre d’un jugement de divorce prononcé contre elle par défaut.

[7]            Après avoir connu des mésententes avec ses deux avocats précédents, Mme Pouliot a été mise en contact avec une avocate du même bureau, Me Josée Rodrigue, par l’entremise du service de référence de l’Association des avocats et avocates de Province.

[8]            C’est Me Rodrigue qui fait la première entrevue avec Mme Pouliot. Celle-ci était accompagnée d’une représentante du RAIDDAT (Ressource d’Aide et d’information en défense des droits de l’Abitibi-Témiscamingue) et aussi d’une représentante du Centre L’Érige, un organisme voué au soutien des femmes en difficulté, qui œuvre à La Sarre.

[9]            Après la première rencontre avec Me Rodrigue, tous les services professionnels sont rendus par Me Cimon.

[10]         La requête en rétractation de jugement est présentée pour réception devant le juge Jocelyn Geoffroy. Elle est rejetée.

[11]         Les honoraires d’avocat ici en cause sont facturés le 2 mars 2011.

[12]         La facture considère la somme de 2 500,00 $ comme un acompte. Mme Pouliot prétend au contraire avoir payé à l’avance tous les services professionnels, avec son versement de 2 500,00 $. Elle nie devoir le solde facturé, soit 3 527,23 $.

[13]         Mme Pouliot ne s’est pas prévalue du service de conciliation des comptes d’honoraires du Barreau du Québec. Le litige est maintenant soumis à la division des petites créances de la Cour du Québec.

ANALYSE :

[14]         La version de Mme Pouliot est corroborée par les deux personnes qui l’accompagnaient lors de la rencontre initiale avec Me Rodrigue. Les deux dames soutiennent que l’avocate s’était engagée à présenter une requête en rétraction de jugement, pour des honoraires de 2 500,00 $.

[15]         Même si aucune convention d’honoraires n’a été signée, un contrat de services est intervenu entre les parties. Ce sont les articles 2098 et suivants du Code civil du Québec qui régissent la situation.

[16]         En vertu de l’article 2100 du Code civil du Québec , le prestataire de services doit informer le bénéficiaire de l’étendue des services que comporte le mandat confié, et aussi du coût de ceux-ci. Cela n’a pas été fait.

[17]         Le Code de déontologie des avocats [1] est encore plus précis quant au devoir d’un avocat de s’assurer que le client a reçu toute l’information nécessaire relativement  aux honoraires :

s.s.8  Fixation et paiement des honoraires (…)

3.08.03 L’avocat doit, avant de convenir avec le client de fournir des services professionnels, s’assurer que ce dernier a toute l’information utile sur la nature de ces services ainsi que sur les modalités financières de leur prestation et obtenir son accord à ce sujet, sauf s’il peut raisonnablement présumer que ce client en est déjà informé. (D.351-2004, art 56).

[18]         Les parties ont discuté de la première étape des procédures en matière de rétractation de jugement. La proposition de Mme Pouliot à l’effet que les 2 500,00 $ exigés au départ couvraient cette première étape des procédures n’est pas déraisonnable. Elle est de plus appuyée par deux témoins dont Mme Pouliot avait exigé la présence en tout temps pour l’assister dans ses procédures judiciaires.

[19]         Il est peu fréquent qu’une cliente se fasse accompagner de deux personnes pour la rassurer et la supporter lors de rencontres avec un avocat. Mme Pouliot est une personne très inquiète de nature, aux prises avec des problèmes personnels qui fragilisent sa santé. En tout temps pendant ses rencontres au bureau d’avocats, et ses présences au Palais de justice, elle s’est fait accompagner par les deux dames.

[20]         Les avocats savaient que Mme Pouliot avait des moyens financiers limités, et qu’elle avait dû faire un emprunt de 2 500,00 $ auprès de sa parenté afin de pouvoir verser cette somme au bureau d’avocats. Dans ces circonstances, il aurait été plus prudent de prévoir une convention d’honoraires écrite.

[21]         Il n’est pas inhabituel qu’un avocat demande un montant d’argent à titre de dépôt. Quand un montant substantiel est exigé à titre de dépôt ou d’acompte, l’avocat a avantage à préparer une convention d’honoraires prévoyant la prestation de services selon un tarif horaire, ou au moins, à remettre un reçu qui précise que le montant est versé à titre de dépôt ou d’acompte.

[22]         Le Code de déontologie des avocats prévoit la possibilité d’une rémunération forfaitaire pour des services professionnels, à être convenue par écrit [2] . C’est à l’avocat d’informer la cliente de ces dispositions du Code de déontologie des avocats , si elles s’appliquent. Si l’avocat ne désire pas qu’une rémunération forfaitaire s’applique au mandat à lui être confié, il doit le préciser, et le meilleur moyen est encore l’écrit.

[23]         Vu que Me Cimon n’a pas fourni un autre ordre de grandeur des honoraires, reliés aux services à être rendus et en l’absence d’une convention d’honoraires écrite, le Tribunal retiendra le montant de 2 500,00 $ pour les honoraires. La réclamation des honoraires facturés en surplus de cette somme sera donc rejetée.

[24]         Cependant, à moins qu’il y ait une précision contraire comme pour le prix de l’essence à la pompe, les taxes sont toujours en sus des prix affichés ou annoncés. Il en va de même pour les déboursés.

[25]         Le Tribunal accordera le coût des déboursés, soit 388,12 $ en déboursés taxables et 91,00 $ en déboursés non taxables.

[26]         Le Tribunal accordera aussi le montant des taxes, celles-ci étant calculées de la façon suivante :

Ø   Honoraires :                                                                 2 500,00 $

Ø   Déboursés taxables :                                                    388,12 $

SOUS-TOTAL :                                  2 888,12 $

T.P.S. (5 %) :                                         144,41 $

T.V.Q. (8.5 %) :                                      257,77 $

TOTAL :                                               3 290,30 $

[27]         La réclamation est accueillie comme suit :

Ø   Déboursés non taxables (paragraphe 25) :                  91,00 $

Ø   Déboursés taxables (paragraphe 25) :                                   388,12 $

Ø   T.P.S. (5 %) (paragraphe 26) :                                                 144,41 $

Ø   T.V.Q. (8.5 %) (paragraphe 26) :                                              257,77 $

TOTAL accordé :                                   881,30 $

 

[28]         Il n’y a pas d’entente écrite pour le paiement d’intérêts à 15 % l’an sur les comptes en souffrance; ce taux n’est pas applicable ici.

[29]         Normalement, c’est la partie qui succombe qui paie les dépens, y inclus les frais de témoins. Les deux dames qui accompagnent la défenderesse travaillent pour des organismes qui supportent les personnes en difficulté et elles sont payées pour ce faire, y inclus pour aller en Cour. En vertu de l’article 477 du Code de procédure civile , le Tribunal aurait pu faire supporter les frais de témoins par la défenderesse, mais dans les présentes circonstances, elles n’y sera pas tenue.

[30]         La défenderesse Diane Pouliot sera limitée à payer, à titre de dépens, les droits de greffe à 129,00 $.

[31]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[32]         ACCUEILLE la demande en partie.

[33]         CONDAMNE la défenderesse Diane Pouliot à payer au demandeur Alexandre Cimon la somme de 881,30 $, avec intérêts au taux légal de 5 % l’an plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec depuis le 11 octobre 2011.

[34]         CONDAMNE la défenderesse Diane Pouliot aux dépens de 129,00 $.

 

 

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CLAUDE BIGUÉ, J.C.Q.

 

 

 

Me Alexandre Cimon, avocat

Cain Lamarre Casgrain Wells

Demandeur

 

Madame Diane Pouliot

Défenderesse

 

 

Date d’audience :

21 février 2012

 



[1] R.R.Q. c. B-1 , r.3, art. 3.08.01 à 3.08.08.

[2] Code de déontologie des avocats , précité, note 1, article 3.08.04.01.