Section du territoire et de l'environnement

 

 

Date : 12 juin 2012

Référence neutre : 2012 QCTAQ 06131

Dossier  : STE-M-187222-1107

Devant les juges administratifs :

SUZANNE LÉVESQUE

LOUIS A. CORMIER

FRANÇOIS BOUTIN

 

GUY BOURGEOIS

            et

MANON DAVIS

Parties requérantes

c.

MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DE L'ENVIRONNEMENT ET DES PARCS

Partie intimée

 

 


DÉCISION


 



[1]               Le 26 juillet 2011, les requérants, M. Guy Bourgeois et M me Manon Davis, ont déposé devant le Tribunal une requête introductive d’un recours, au motif que la délimitation de la ligne hydrique établie par la Loi concernant la délimitation du domaine hydrique de l’État et la protection de milieux humides le long d’une partie de la rivière Richelieu [1] , ci-après la Loi 28, n’était pas fondée en faits et en droit.

[2]               Les requérants veulent obtenir la pleine grandeur de leur terrain.

[3]               L’intimé a présenté une requête en irrecevabilité sous prétexte que le Tribunal n’avait pas juridiction pour statuer sur le recours des requérants.

Analyse

[4]               L’intimé fonde ses prétentions sur le fait que la propriété des requérants n’était pas visée par la Loi 28.

[5]               C’est sur cette base que le Ministre a refusé, le 8 juin 2011, leur demande de correction.

[6]               Le Tribunal constate que la localisation de la ligne séparatrice est définie, tel le prévoit l’article 4 de la Loi 28 :

4.     À compter du 19 juin 2009, la limite du domaine hydrique de l’État le long de la partie de la rivière Richelieu visée par la présente loi est établie à la ligne figurant sur la carte prévue à l’article 2.

Les dispositions du premier alinéa s’appliquent malgré les articles 919 , 965 et 966 du Code civil et malgré toute autre disposition générale ou spéciale de ce code, d’une autre loi, d’un titre, d’un acte, d’un jugement ou d’un autre document.

[7]               Et l’article 9 de la Loi 28 prévoit la demande de correction mineure ainsi que le recours au Tribunal :

9.     Le ministre peut, avant le 19 juin 2011 et avec l’accord du propriétaire concerné, apporter une correction mineure à la ligne établie par l’article 4 en vue de résoudre une difficulté technique ou de préciser sur le territoire la délimitation du domaine hydrique de l’État.

Un avis des modifications apportées est publié à la Gazette officielle du Québec . En plus de décrire sommairement les modifications apportées, l’avis précise auprès de qui toute personne peut s’adresser pour prendre connaissance ou obtenir copie, dans sa version informatique ou sur support papier, de la nouvelle version de la carte élaborée intégrant les modifications apportées. Les dispositions de l’article 3 s’appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, à toute carte ainsi modifiée.

Toute décision rendue par le ministre refusant une demande de correction qui lui est adressée et toute décision de ne pas accueillir la correction demandée telle que formulée peuvent être contestées par la personne concernée devant le Tribunal administratif du Québec, dans les 30 jours qui suivent la décision rendue par le ministre.

Toute décision rendue par le ministre en vertu du premier alinéa portant sur une demande de correction qui lui est adressée doit être communiquée par envoi recommandé à la personne concernée. En cas de décision défavorable, elle doit informer la personne concernée de son droit d’appel devant le Tribunal administratif du Québec.

[8]               La preuve démontre que la propriété des requérants n’est pas située dans la partie de la rivière Richelieu visée par la Loi 28.

[9]               La décision du Ministre, du 8 juin 2011, apparaît donc bien fondée en faits et en droit.

[10]            L’article 34 de la Loi sur la justice administrative [2] , ci-après la LJA, concerne les recours relevant de la Section du territoire et de l’environnement et réfère à l’annexe III pour l’énumération de ceux-ci :

34.     La section du territoire et de l'environnement est chargée de statuer sur des recours portant notamment sur des décisions ou ordonnances prises quant à l'utilisation, au lotissement ou à l'aliénation d'un lot, à son inclusion ou à son exclusion d'une zone agricole, à l'enlèvement du sol arable, à l'émission, au dépôt, au dégagement ou au rejet de contaminants dans l'environnement, à l'exercice d'une activité susceptible de modifier la qualité de l'environnement ou à l'installation de certaines publicités commerciales le long des routes, lesquels sont énumérés à l'annexe III.

ANNEXE III

L A SECTION DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT

La section du territoire et de l'environnement connaît des recours suivants :

          0.1°     les recours contre les décisions de la Commission de protection du territoire agricole, formés en vertu de l'article 34 de la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidants (chapitre A-4.1);

          1°        (paragraphe abrogé);

          1.1°     (paragraphe abrogé);

          1.2°     les recours contre les décisions ou ordonnances de la Communauté métropolitaine de Montréal ou, en cas de délégation, d'un directeur de service ou d'un fonctionnaire formés en vertu des articles 159.2 ou 159.14 de la Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal (chapitre C-37.01);

          1.3 °     les recours contre les décisions ou ordonnances de la Ville de Québec ou, en cas de délégation, du comité exécutif ou d'un directeur de service formés en vertu de l'article 104 de la Charte de la Ville de Québec (chapitre C-11.5);

          1.4°     les recours contre les décisions ou ordonnances de la Ville de Gatineau ou, en cas de délégation, du comité exécutif ou d'un directeur de service formés en vertu de l'article 66 de la Charte de la Ville de Gatineau (chapitre C-11.1);

          2°        les recours contre les décisions ou ordonnances de la Commission de protection du territoire agricole du Québec, formés en vertu de l'article 21.1 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (chapitre P-41.1);

          2.1°     les recours contre les décisions prises par le ministre des Transports, formés en vertu de l'article 10.1 de la Loi sur la publicité le long des routes (chapitre P-44);

          3°        les recours contre les décisions ou ordonnances rendues par le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, formés en vertu de l'article 9 de la Loi concernant la délimitation du domaine hydrique de l'État et la protection de milieux humides le long d'une partie de la rivière Richelieu (L.Q. 2009, c. 31) , des articles 24 et 64 de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel (chapitre C-61.01), des articles 31.100 , 96 ou 96.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement (chapitre Q-2) ou de l'article 68 de la Loi sur les pesticides (chapitre P-9.3);

          4°       les recours contre les décisions du ministre prises en vertu des articles 12, 14, 17, 23 et 25 de la Loi sur la sécurité des barrages (chapitre S-3.1.01);

          5°       (paragraphe abrogé);

          6 °       les recours formés en vertu de l'article 27 de la Loi sur la voirie (chapitre V-9).

[notre soulignement]

[11]            Selon ces dispositions, force est de reconnaître qu’il n’y a aucun autre recours devant le Tribunal que celui prévu à l’article 9 au sujet de la Loi 28.

[12]            Comme certains auteurs le décrivent, la compétence d’un tribunal administratif est une compétence d’attribution :

« Il faut donc, aussi bien en droit québécois qu’en droit fédéral, examiner avec attention le libellé de la disposition créant le recours, pour savoir quelles décisions de quelles autorités sont sujettes à recours, sur quels motifs le recours peut être fondé, sous quelles conditions - notamment de délai - il peut être introduit, s’il suspend l’application de la décision qu’il vise, et de quels pouvoirs dispose le tribunal administratif quant à la réception d’éléments de preuve et au contenu de sa décision. [3]  »

« Les tribunaux administratifs n’ont pas de compétence générale qui serait fondée sur le droit administratif; ils ne disposent que de la compétence d’attribution que leur accorde la loi. [4]  »

[13]            L’article 14 de la LJA, qui crée le Tribunal, reconnaît le principe de compétence d’attribution à son deuxième alinéa :

14.     Est institué le « Tribunal administratif du Québec ».

Il a pour fonction, dans les cas prévus par la loi, de statuer sur les recours formés contre une autorité administrative ou une autorité décentralisée .

Sauf disposition contraire de la loi, il exerce sa compétence à l'exclusion de tout autre tribunal ou organisme juridictionnel.

[notre soulignement]

[14]            En conséquence, le Tribunal fait donc droit à la requête en irrecevabilité de l’intimé pour le motif d’absence de juridiction.

 

[15]            POUR CES MOTIFS , le Tribunal

ACCUEILLE la requête en irrecevabilité; et

REJETTE le recours des requérants.

 


 

SUZANNE LÉVESQUE, j.a.t.a.q.

 

LOUIS A. CORMIER, j.a.t.a.q.

 

 

FRANÇOIS BOUTIN, j.a.t.a.q.


 

Bernard, Roy (Justice-Québec)

Me Pierre R. Latulippe

Procureur de la partie intimée


 



[1]     L.Q. 2009, c. 31.

[2]     L.R.Q., c. J-3.

[3]     Pierre ISSALYS et Denis LEMIEUX, L’action gouvernementale, Précis de droit des institutions administratives, 2 e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 362.

[4]     Y. OUELLETTE, Les Tribunaux administratifs au Canada , procédure et preuve . Éditions Thémis, Cowansville, 1997, p. 177.