Rhéaume c. Picard-Chénard

2012 QCCQ 4875

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

DRUMMOND

LOCALITÉ DE

DRUMMONDVILLE

« Chambre civile  »

N° :

405-80-000609-126

 

 

 

DATE :

20 juin 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

SERGE CHAMPOUX, J.C.Q.

 

 

 

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GILLES RHÉAUME, faisant affaires sous la raison sociale de:

VISION LAURENTIENNE

Demandeur

c.

KEVIN PICARD-CHÉNARD

-et-

VYVIANNE FRENETTE

-et-

ANGIE PICARD-CHÉNARD

-et-

NICOLE PICARD

Défendeurs

 

 

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JUGEMENT SUR REQUÊTE POUR PERMISSION D'APPELER

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[1]            Le demandeur présente une demande en vue d'obtenir la permission d'appeler d'une décision de la Régie du logement rendue le 6 mars 2012.

[2]            Alors que la requête apparaissait au rôle le 13 juin 2012 pour procéder à l'adjudication sur cette requête, il semble que les parties aient plutôt compris que le dossier venait au rôle pour décision sur son mérite.  Il y a lieu de corriger cette méprise.

[3]            Ainsi donc, par le présent jugement, le Tribunal ne se prononcera que sur la permission d'appeler.

 

 

 

[4]            L'article 91 de la Loi sur la Régie du logement, L.R.C. chapitre R-8.1 édicte que la Cour accorde la permission si " la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour du Québec ".

[5]            Le critère généralement appliqué est celui qui consiste à examiner la ou les questions soulevées et déterminer si elles sont sérieuses, nouvelles, controversées ou d'intérêt général.

[6]            L'erreur ici alléguée serait d'avoir conclu qu'en cas de déguerpissement des locataires, les obligations corrélatives au paiement du loyer seraient éteintes automatiquement dès cet événement.  Selon le requérant, la Régisseure Leclerc aurait ainsi conclu que le déguerpissement des locataires met fin au bail  en vertu de l'article 1975 C.c.Q. et que ceux-ci étaient de ce fait dispensés de l'obligation de payer leur loyer dès ce moment.

[7]            Selon lui, il s'agit d'une erreur fondamentale.  Cette erreur conduirait à créer un droit pour un locataire d'être dispensé de toute obligation future envers son locateur, simplement en quittant son logement avant terme.

[8]            Cette prétention est loin d'être dénudée de fondement, particulièrement si l'on considère l'article 1946 du Code civil du Québec, lequel se lit comme suit:

1946     Le locataire qui n'a pas reçu du locateur un avis de modification des conditions du bail peut éviter la reconduction d'un bail à durée fixe ou mettre fin à un bail à durée indéterminée, en donnant au locateur un avis de non-reconduction ou de résiliation du bail, dans les mêmes délais que ceux que doit respecter le locateur lorsqu'il donne un avis de modification.

[9]            En effet, il est bien établi que le locataire qui veut éviter le maintien dans les lieux ainsi que la reconduction automatique de son bail doit en aviser le propriétaire dans un certain délai, à défaut de quoi, ses obligations seront prolongées. Si le déguerpissement était une alternative viable à l'envoi d'un avis, dans les délais légaux, l'article 1946 perdrait son sens.

[10]         Quoi qu'il en soit, le Tribunal n'est pas saisi du fond du dossier.  À ce stade, seule la décision de la Régisseure est à considérer et, sur cette base, il est difficile d'en saisir le fondement. 

[11]         Cette décision est extrêmement courte.  Elle comporte deux paragraphes et quatre considérants avant les conclusions.  Les voici:

[1]        Le tribunal est saisi d'une demande dûment signifiée en résiliation de bail et expulsion immédiate de la partie-locataire, en recouvrement de loyer, avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle selon l'article 1619 du Code civil du Québec, en remboursement des frais judiciaires et en exécution provisoire.

[2]        Les parties ont conclu un bail, pour lequel Mme Nicole Picard s'est portée caution, au loyer mensuel de 645$, payable le premier jour du mois pour la période de 1 er juillet 2011 au 30 juin 2012, mais les locataires ont quitté au mois de novembre 2011 alors que la locataire Angie Picard-Chénard a quitté au mois d'octobre 2011.

CONSIDÉRANT que la partie-locatrice réclame la somme de 2 580$ à titre de loyer pour les mois de novembre 2011 à février 2012 inclusivement;

CONSIDÉRANT que le bail a été résilié de plein droit conformément à l'article 1975 C.c.Q. à compter du déguerpissement, soit au mois de novembre 2011;

CONSIDÉRANT la preuve administrée;

CONSIDÉRANT que la solidarité des locataires et de la caution a expressément été prévue au bail et au contrat de cautionnement tel que stipulé à l'article 1525 C.c.Q.

[12]         Suit la condamnation à payer uniquement la somme de 645$ avec intérêts et frais.

[13]         On y constate donc qu'au-delà de la résiliation du bail, la décision rejette essentiellement la demande de compensation du locateur pour les mois qui suivent le déguerpissement.  La décision elle-même ne dit pas que le déguerpissement justifie l'absence de compensation du locateur pour la fin prématurée du bail.  Elle ne dit pas le contraire non plus.

[14]         La lecture de la décision démontre par contre les lacunes au niveau de sa motivation, ce qui justifie l'intervention de la Cour ( Tir c. Dion 2010 QCCQ 1351 , Beaudin c. Akhtar 2009 QCCQ 11388 ).  L'obligation de motiver est celle de fournir des explications au lecteur qui justifient la décision.  À la lecture de cette décision, on ignore pourquoi la demande du locateur est rejetée pour tout ce qui excède le mois impayé où les locataires ont occupé le logement.

[15]         L'obligation de motiver découle des règles de justice naturelle de même que de l'article 79 de la Loi sur la Régie du logement.

EN CONSÉQUENCE ET POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[16]         ACCORDE la requête pour permission d'appeler de la décision rendue le 6 mars 2012 par Me Micheline Leclerc, Régisseure, numéro de dossier 16 120109 009 G;

[17]         AUTORISE l'appel de cette décision afin de disposer des questions suivantes:

1.         Cette décision est-elle une décision motivée au sens de l'article 79 de la Loi sur la Régie du logement;

2.         Le cas échéant, le locateur avait-il droit au montant qu'il réclamait.

[18]         LE TOUT SANS FRAIS.

 

 

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Serge Champoux, J.C.Q.

 

 

 

 

 

Date d’audience :

13 juin 2012