Boulet c. Dupuis |
2012 QCCQ 5141 |
||||
JT-1425
|
|||||
Division des petites créances |
|||||
CANADA |
|||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||
DISTRICT D'ABITIBI Localité de Chibougamau |
|||||
Chambre civile |
|||||
N° : |
170-32-000040-117 |
||||
|
|||||
DATE : |
30 mai 2012 |
||||
______________________________________________________________________ |
|||||
|
|||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L'HONORABLE DORIS THIBAULT, J.C.Q. |
|||||
______________________________________________________________________ |
|||||
|
|||||
|
|||||
SONIA BOULET,
|
|||||
Demanderesse; |
|||||
c. |
|||||
MARION DUPUIS,
|
|||||
Défenderesse. |
|||||
|
|||||
______________________________________________________________________ |
|||||
|
|||||
JUGEMENT |
|||||
______________________________________________________________________ |
|||||
|
|||||
[1] La demanderesse réclame à la défenderesse une somme de 1 297,47 $ à titre de dommages alléguant que cette dernière est responsable du dégât d'eau causé à l'immeuble qu'elle lui a vendu.
[2] La défenderesse s'oppose à la réclamation plaidant qu'elle est mal fondée et qu'elle a dénoncé le problème d'humidité dans l'offre d'achat signée par les parties.
Les faits
[3] Le 25 août 2011 la demanderesse visite l'immeuble (maison mobile) de la défenderesse situé au […] à Chibougamau.
[4] Lors de la visite de l'immeuble la demanderesse s'informe auprès de la défenderesse de l'âge et de la condition du réservoir d'eau chaude. La demanderesse lui représente qu'elle l'a acquis et fait installer il y a environ deux ans.
[5] Il doit être mentionné que le réservoir d'eau chaude est situé dans un espace réduit dont la porte est constituée d'un panneau retenu par un cadre de bois cloué sur le montant.
[6] Lors de la visite de l'immeuble la demanderesse ne juge pas opportun d'ouvrir ce réduit.
[7] Dans les jours suivants elle procède à une inspection de l'immeuble. L'expert remarque, en examinant le dessous de la maison mobile, qu'à un certain endroit le plancher semble humide mais qu'il n'est pas moisi.
[8] Le 29 août 2011 les parties signent une offre d'achat dans laquelle la défenderesse précise:
"…
L'acheteur a été avisé d'un dégât d'eau au printemps 2011 causé par le bris du by-pass sous la maison mobile, terrain sous la maison a eu beaucoup d'eau. Le terrain devenu boueu a fait travailler les cages de soutient et le plancher avait du être remis au niveau au milieu de notre pouvoir. Plancher sous le réservoir d'eau chaude a probablement déjà été mouillé; mais semble pas pourri. Nouvelle planche a été installée en juin 2011. (sics)
MD. 2011-08-29
…" [notre soulignement]
[9] Lorsqu'elle prend possession de l'immeuble le 3 septembre, la demanderesse ouvre le réduit contenant le réservoir d'eau chaude et découvre que de l'eau a dégoutté sur le plancher suite à la rupture d'un joint d'alimentation du réservoir d'eau chaude.
[10] Elle en informe immédiatement la défenderesse.
[11] Il lui en coûte 797,47 $ pour réparer le joint d'alimentation qui est la source de l'accumulation d'eau sur le plancher.
[12] Le 12 octobre 2011 elle expédie une mise en demeure à la demanderesse lui réclamant la somme de 797,47 $.
[13] Dans sa requête elle réclame une somme de 500 $ en dommages qu'elle justifie par le fait qu'elle a dû refaire le plancher de la salle de bain en entier et qu'elle a vécu du stress en lien avec cet événement.
[14] La défenderesse plaide sa bonne foi. Elle témoigne avoir déclaré à la demanderesse le problème d'humidité existant et ajoute que le fait qu'un joint de soudure se rupture sur une maison de trente ans relève de l'usure et ne peut être qualifié de vice caché.
Le droit et l'analyse
[15]
La demanderesse initie son recours sur la base d'une réclamation en
dommages suite à une faute commise. L'assise de sa requête est l'article
" Art. 1457 Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde. "
[16] Pour réussir sur la base de cette disposition légale la demanderesse doit faire la preuve de la faute commise par la défenderesse, des dommages subis ainsi que du lien entre la faute et les dommages.
[17] La preuve de la demanderesse ne respecte pas les conditions donnant ouverture à cette disposition légale.
[18] La demanderesse allègue dans sa requête que la faute a été commise le 1 er janvier 2011 mais aucune preuve n'est administrée sur cet élément. En effet, la demanderesse n'a fait la preuve d'aucune faute commise par la défenderesse qui aurait pu occasionner les dommages qu'elle allègue.
[19] Donc, sans preuve d'acte fautif, pas de responsabilité et sur ce seul motif la requête de la demanderesse devrait être rejetée.
[20] Cependant le Tribunal tient à disposer du recours dans l'éventualité d'une nouvelle requête fondée sur la garantie légale afin d'éviter aux parties des frais et une perte de temps.
[21]
Le Tribunal est d'avis que même si la demanderesse alléguait la garantie
contre les vices cachés prévue à l'article
[22]
En effet l'article
" Art. 1726 Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert."
[23] Dans un premier temps il importe de déterminer si la situation reprochée par la demanderesse est un vice caché au sens de cet article. À cet effet le juge Richard Landry dans l'affaire Fortier c. Beaudry ( [1] ) détaille avec pertinence les critères qui encadrent l'analyse du Tribunal:
"Ainsi, plusieurs critères permettent de faire la distinction entre un vice caché ou un vice apparent:
1) le vice doit posséder une certaine gravité
L'acheteur doit prouver que le vice caché rend le bien "impropre à l'usage auquel on le destine" ou "diminue son utilité" au point où l'acheteur "ne l'aurait pas acheté" ou "n'aurait pas donné si haut prix".
Est donc écarté le vice mineur ou de peu d'importance qui n'aurait pas empêché un acheteur raisonnable d'acquérir le bien ou n'aurait pas entraîné une réduction significative du prix convenu.
Pour apprécier la gravité du vice, le Tribunal peut tenir compte du coût des travaux de réparations, l'importance de la nuisance ou des inconvénients subis par l'acheteur, la diminution réelle de la valeur du bien et le temps que l'acheteur a pris pour le faire réparer.
2) le vice doit être antérieur à la vente
L'acheteur doit démontrer que le vice était présent au moment où il a acquis le bien, ce qui comprend le vice qui existait à l'état latent ("en germe") avant la vente mais dont la manifestation ne survient qu'après la vente. Par contre, cela exclut le vice qui prend naissance après la vente et dont seul l'acheteur assume le risque.
La survenance d'un vice peu après la prise de possession de l'acheteur peut créer une présomption de l'existence antérieure d'un vice.
3) le vice doit être inconnu de l'acheteur
Si l'acheteur a été informé de l'existence d'un vice avant la vente, ce vice ne peut être "caché". C'est le cas où le vendeur, l'agent d'immeuble, les documents contractuels, la fiche descriptive de l'immeuble ou le rapport d'inspection pré-achat dénonce l'existence d'un vice quelconque. La connaissance suffisante du vice par l'acheteur doit être prouvée par le vendeur.
4) le vice doit être caché (occulte)
Par "caché", on entend un vice qui ne peut être découvert par un acheteur prudent et diligent malgré un examen raisonnable, attentif et sérieux de l'objet de la vente ." [notre soulignement]
[24] Le premier élément à considérer est la gravité du vice allégué.
[25] La norme minimale de gravité du vice qui permet l'ouverture de la garantie de qualité est d'établir que l'acheteur aurait, s'il avait connu l'existence du vice, exigé une diminution du prix de vente ou n'aurait pas acheté.
[26] Pour apprécier la gravité du vice le Tribunal peut tenir compte du coût des travaux de réparation, de l'importance de la nuisance ou des inconvénients subis par l'acheteur, de la diminution réelle de la valeur du bien et du temps que l'acheteur a pris pour le faire réparer ( [2] ) .
[27] Les travaux de correction ont coûté 797,47 $. Le Tribunal ne croit pas que la demanderesse n'aurait pas acheté ou aurait demandé une réduction du prix de vente pour une telle somme eu égard au prix qu'elle a payé pour l'immeuble si elle avait connu l'existence de la problématique.
[28] Le vice allégué ne rencontre pas le critère de gravité exigé pour faire droit à une action pour vices cachés.
[29] Également le caractère caché du vice n'est pas rencontré. En effet il était facile pour la demanderesse de découvrir la source d'humidité. Elle n'avait qu'à ouvrir le cagibi, ce qui ne nécessitait pas de mesures exceptionnelles.
[30] Le fait qu'elle ait été informée par la vendeuse de l'existence de traces d'humidité sous le réservoir d'eau chaude ajouté aux commentaires de son inspecteur qui a attiré son attention sur les traces d'humidité qu'il a constaté, ces deux éléments auraient dû justifier la demanderesse de procéder à un examen plus poussé de l'immeuble.
[31] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[32] REJETTE la requête de la demanderesse avec dépens.
|
|
|
__________________________________ DORIS THIBAULT Juge à la Cour du Québec |
|
|
/ng |
|
|
|
Date d'audience : 30 avril 2012 |