Cassidian Communications Corp. c. Aubin

2012 QCCS 3183

JT1417

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

HULL

 

N° :

550-17-006576-126

 

 

 

DATE :

3 juillet 2012

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

SUZANNE TESSIER, J.C.S.

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CASSIDIAN COMMUNICATIONS CORP.

 

REQUÉRANTE

c.

PATRICK AUBIN

-et-

SOLACOM TECHNOLOGIES INC.

 

INTIMÉS

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TRANSCRIPTION DES MOTIFS DE L’ORDONNANCE DE

SAUVEGARDE RENDUE ORALEMENT LE 26 JUIN 2012. [1]

______________________________________________________________________

[1]            Cassidian Communications Corporation (Cassidian) présente une demande de sauvegarde dans le cadre d’une ordonnance d’une requête en injonction interlocutoire et permanente contre son ex-employé Patrick Aubin (P. Aubin), un technicien en système informatique qui a démissionné de son poste le 23 avril 2012.

[2]            Solacom Technologies Inc. (Solacom) est partie intimée à titre de nouvel employeur de P. Aubin, lequel avait souscrit un engagement de non-concurrence et à la non-sollicitation pour une durée d’un an sur le territoire de la province de l’Ontario et du Québec.

[3]            La présente sauvegarde recherche une ordonnance enjoignant P. Aubin de cesser de travailler directement ou indirectement pour l’intimée Solacom et que cette dernière cesse de retenir les services P. Aubin directement ou indirectement, à titre d’employé, consultant, travailleur autonome, associé ou autrement dans la province de Québec et la province de l’Ontario pour une période d’un an.

[4]            Les parties ont déjà fait l’objet le 23 mai 2012 d’un jugement en injonction interlocutoire provisoire, lequel faisait droit aux prétentions de la requérante.

[5]            Le 18 juin 2012, lors de l'audience sur les mesures de sauvegarde, le Tribunal a eu le bénéfice de prendre connaissance d’affidavits complémentaires et de la déposition de l’interrogatoire sur affidavit de Jeroen de Witte, représentant de la requérante.

[6]            L’injonction interlocutoire est fixée au 26 septembre 2012 du consentement des parties et la présente mesure de sauvegarde aura donc pour effet de valoir jusqu’à l’audition.

[7]            Les faits tels que relatés aux procédures et aux affidavits se résument essentiellement comme suit:

Les parties.

[8]            La requérante Cassidian fabrique du matériel informatique ainsi que les logiciels de télécommunication pour les services d’urgence et de sécurité publique (911) desservant les villes, les aéroports, l'armée intérieure et outre-mer et autres organismes publics. Elle offre également le service après-vente. Selon la requérante, il s’agit d’un marché des télécommunications pointu, qui connaît une évolution fulgurante et elle y consacre d’importantes ressources à la recherche et au développement de nouveaux produits et services et d'applications de ses produits. Elle utilise les produits informatiques Sentinel Patriot.

[9]            Cassidian a plus de 20 000 employés répartis en Amérique du Nord et 65% des effectifs canadiens sont concentrés dans le domaine de la recherche et le développement. P. Aubin est l’un des 150 employés à son emploi à Gatineau, Québec, au service technique.

[10]         L’intimée, Solacom, tout comme la requérante, œuvre dans le domaine des télécommunications incluant les services d’urgence et de sécurité publique (911). Cela comprend une panoplie de services. Leur société s’est spécialisée dans les services d’urgence 911, les entités publiques, les commandes militaires et les autres missions. Elle exerce ses activités partout en Amérique du Nord et leur clientèle relève du domaine public, incluant villes, municipalités et sécurité publique.

[11]         Elle allègue que les produits et les solutions sont différents que ceux offerts par la requérante puisqu’elle utilise le système informatique Sentinel et Vesta et ses produits sont exclusifs connus sous les noms Guardian et Liberty. Selon elle, il y a une différence significative entre les produits offerts entre les deux sociétés.

[12]         Elle allègue que les contrats octroyés dans ce domaine se font généralement par un processus d’offre et demande de soumission puisqu’ils visent des entités publiques soumises à leur propre réglementation et ouvert seulement aux sociétés qualifiées, elles-mêmes réglementées par leur association.

[13]         P. Aubin détient un diplôme collégial en informatique. Dès la fin de ses études en 1992, il est à l’emploi de la requérante dans le département d’expédition et par la suite il est affecté au soutien technique. En 1998, il est promu superviseur en sécurité publique. En 2007, PLANT acquiert CML Technologies et son poste devient soutien technique. Il est à leur emploi depuis près de 20 ans.

Les faits.

[14]         Le 28 mars 2012, 6 des 11 employés selon P. Aubin ou 6 des 14 selon Genny Findly, du soutien technique de Cassidian à Gatineau sont licenciés.

[15]         P. Aubin conserve son emploi, mais s’inquiète de son avenir et celui de son secteur, d’autant plus que le soutien technique relevait d’un gestionnaire du centre de la Californie, É.U.

[16]         Dans cette nouvelle réorganisation, il est réaffecté à d’autres tâches. Selon lui, son poste est aboli et une offre d’emploi lui est soumise laquelle modifiait ses tâches en ajoutant un volet vente qu’il ne connaît pas et au surcroît ne l’intéresse pas. Il était technicien et ne voulait pas être assigné au poste d’ingénieur vendeur.

[17]         Le requérant allègue plutôt que son poste n’est pas aboli, mais lui offre de se joindre au poste Solution Engineer, qui selon eux est une promotion. Après maintes discussions avec l'employeur et après avoir convenu d’une période de réflexion de 6 mois, P. Aubin remet sa démission le 23 avril 2012 avec un préavis de deux semaines.

[18]         Dans les minutes suivantes, il est escorté vers la sortie. L'ordinateur portable fourni par son employeur lui donnant accès à de l'information telle la liste des clients, lui est confisqué.

[19]         P. Aubin gagnait un revenu approximatif de 100 000 $ tenant compte du surtemps.

[20]         À cette même époque, vers la fin du mois d’avril 2012, d'autres employés quittent Cassidian et travaillent actuellement pour Solacom dont Moustapha Hassan, ingénieur, du département de recherche et de développement et Scott Ward du département technique.

[21]         P. Aubin est le seul visé par la présente demande en injonction.

[22]         Il a été remplacé dans ses fonctions peu après son départ par un autre technicien. Son poste décrit comme soutien technique relève dorénavant de la Californie-Temecula. [2]

[23]         C’est dans ce contexte que Cassidian allègue avoir été la cible de recrutement de la part de sa concurrente Solacom.

Les clauses en litige.

[24]         Le 1 er janvier 2003, P. Aubin signe un contrat d’emploi contenant une clause de confidentialité, de non-compétition et de non-sollicitation dont nous reprenons les clauses en litige. [3]

1. Confidential Information

1.1 The Employee agrees that during the Employee's employment with the Company, and upon and for a period of one (1) year after leaving the employ of the Company for any reason whatsoever , the Employee shall not, for any purpose whatsoever, directly or indirectly, divulge or disclose to any person or entity any confidential information which was obtained by the Employee as a result of the Employee's employment with the Company or any trade secrets of the Company, but shall hold all of the same confidential and inviolate. Confidential information shall include, for the purposes of this Agreement the Company's confidential and proprietary information of a special and unique nature and value relating to such matters as, but not limited to, the Company's business operations, internal structure, financial affaires, programs, software, including source codes, systems procedures, manuals, confidential reports, lists of clients and prospective clients and sales and marketing methods, as well as the amount, nature and type pf services, equipment and methods used and preferred by the Company's customers. Confidential information shall not include information that is generally or easily know.

1.2 All contracts, agreements, financial books, records, instruments and documents; client lists; memoranda; reports; programs; software; tapes; rolodexes; telephone and address books; letters; research; card decks; listings; programming; and any other instruments, records or documents relating or pertaining to the Company's products, the services rendered by the Employee for and on behalf of the Company, or the business of the Company (collectively, the "Records") shall at all times be and remain the property of the Company. Upon termination of the Employee's employment with the Company for any reason whatsoever, the Employee shall return in the Company all Records (whether furnished by the Company or prepared by the Employee), and the Employee shall neither make or retain any copies of such Records after such termination.

2. Non-Competition and Non-Solicitation.

2.1 The employee covenants that for a period of one (1) year the Employee voluntarily ceases the Employee's employment with the Company, the Employee shall not, without the prior written consent of the Company, directly or indirectly:

(a) Offer to render any services or solicit the rendition of any services, within the Province of Ontario or Quebec, which were rendered by the Employee during the one-year period immediately preceding such cessation of the Employee's employment with the Company to any entity that competes or proposes to compete, directly or indirectly, with the Company in the public safety market.

(b) Render or attempt to render any services, within the Province of Ontario or Quebec, which were rendered by the Employee during the one-year period immediately preceding such cessation of the Employee's employment with the Company to any entity that competes or proposes to compete, directly or indirectly, with the Company in the public safety market.

La position des parties.

[25]         Essentiellement, la requérante soutient avoir un droit apparent à ce que P. Aubin respecte ses obligations contractuelles et plus particulièrement la clause de non-concurrence et de non-sollicitation auprès d’une entreprise qui lui livre concurrence.

[26]         Depuis son embauche, Solacom est en mesure de tirer profit de renseignements confidentiels et P. Aubin peut faire valoir au profit de Solacom, les inventions, les développements, les innovations et les solutions réalisées et en cours de réalisation. Elle croit que P. Aubin utilise de manière abusive et fautive les relations qu’il a établies avec la requérante dont la ville de Washington, la ville de Hampton en Virginie, les départements de police et d’incendie de la ville de Milwaukee ainsi que les secrets commerciaux qu’il a acquis de celle-ci pour détourner la clientèle.

[27]         P. Aubin réplique que le contrat ne constitue pas un engagement libre et volontaire, lequel fut signé à la suite de la prise en charge par une autre compagnie. De plus, son départ de l’entreprise ne fut pas volontaire, mais plutôt forcé par l’abolition de son poste et la création d’un nouveau poste qui ne répondait pas entièrement à sa formation et à son expérience. Selon lui, il s’agissait d’une résiliation de poste.

[28]         L’intimée prétend le contraire. Son employé-clé a eu une période de réflexion de 6 mois pour accepter un poste qu’elle considère une promotion. Il était donc toujours lié par le contrat d’emploi qu’il a signé. D’ailleurs, le poste a été comblé par une autre personne.

[29]         Selon P. Aubin, les motifs pour lesquels il a dû quitter font en sorte de rendre inopposable la stipulation de non-concurrence signée, laquelle devient caduque lors d’une résiliation émanant de l'employeur. De plus, la portée territoriale de la clause de non-concurrence devient inusitée dans un contexte de haute technologie ou les postes peuvent être comblés aussi bien en Californie qu’à Gatineau. Il considère inopposables les engagements restrictifs d’emploi.

[30]         De plus, selon la requérante, il est allégué que le rôle principal de P. Aubin était de résoudre les problèmes techniques des clients et de connaître les qualités, les défauts et les limites des produits. Il travaillait régulièrement avec l’équipe de recherche et de développement pour répondre aux besoins de la clientèle.

[31]         Ainsi, son employé connaît bien Sentinel Patriot, système intégrant le matériel informatique et les logiciels de Cassidian. Il avait, dans ce contexte, accès à la liste des clients, des systèmes en place, l’âge des systèmes, les dates de remplacement de ces systèmes. Il desservait une clientèle située au Québec, en Ontario et aux États-Unis dont la ville de Washington.

[32]         C’est ce savoir que la requérante craint qu’il partage avec son compétiteur et à une clientèle potentielle qui pourrait réévaluer ses options au moment opportun quant au choix de leur système informatique. [4]

[33]         Selon P. Aubin, il n’avait aucune connaissance quant aux codages ou à l’ingénierie ou l’infrastructure des systèmes, ce domaine étant réservé au secteur de recherche et de développement qui est un secteur complètement distinct du service technique. À titre de soutien technique, il occupait un rôle de soutien aux divers clients au sein de l’équipe technique visant à répondre à tout problème technique lié aux systèmes vendus. Cela comprenait entre autres, reléguer l’information et prioriser les demandes à la division de recherche et de développement des problèmes soulevés par les clients qui dépassaient le simple ajustement au niveau de l’interface d’utilisation.

[34]         Solacom, quant à elle, allègue essentiellement que sa technologie et ses produits sont distincts et par conséquent, ils ne peuvent avoir de transmission d’information utile. De plus, la clientèle visée pour les contrats en sécurité publique n’est pas sollicitée sur une base personnelle, mais généralement octroyée par contrat par le processus d’appel d’offre et de soumission ce qui élimine toute prétention que P. Aubin pourrait entretenir des relations avec des clients potentiels.

[35]         Bref, Solacom est un tiers et n’a aucune obligation envers Cassidian.

Le droit.

[36]         Les critères d’octroi d’une ordonnance de sauvegarde sont identiques à ceux qui s’appliquent à l’émission d’une injonction provisoire. Trois critères sont donc examinés dans le cadre d’une ordonnance de sauvegarde. L’urgence, l’apparence sérieuse de droit, un dommage sérieux et irréparable. Lorsque les droits invoqués posent un doute, la balance des inconvénients est considérée.

Urgence.

[37]         En ce qui concerne le premier critère, le juge Wery dans l’affaire Ubi Soft Divertissements Inc. c. Electronic Arts reprenant la doctrine et la jurisprudence écrit sur le sujet : [5]

[27] « CONSIDÉRANT que dans son ouvrage sur l'injonction [GERVAIS Céline, L'injonction, Points de droit, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, 58] l'auteure, s'appuyant sur l'arrêt de la Cour d'appel dans Société Asbestos ltée c. Société nationale de l'amiante , [1979] C.S. 848 , écrit :

Par ailleurs, l'urgence peut résulter non seulement de faits connus qui laissent croire à l'imminence d'un geste, mais également du fait qu'un geste  appréhendé puisse être posé de façon imprévisible et qu'une fois posé, on ne puisse y remédier.»

[38]         Il semble apparent qu’il y a urgence. D’une part, la requérante recherche des conclusions contre son ex-employé lui ordonnant de se conformer à ses obligations contractuelles en vertu de son contrat de travail et d’autre part, l’imminence qu’il puisse divulguer des informations privilégiées.

Apparence de droit.

[39]         Le deuxième critère consiste à examiner si la requérante paraît ou non avoir un droit à l’ordonnance recherchée. Il faut se rappeler qu’à cette étape des procédures, le Tribunal est devant une preuve sommaire, quoique plus étoffée.

[40]         La Cour d'appel dans l'affaire UBI Soft Divertissements Inc., jugement prononcé le 10 octobre 2003, résume bien l’état du droit quant à l’apparence de droit. [6]

[41]         Dans cette affaire Ubi Soft et l'intimée Electronic Arts se livraient une concurrence dans le domaine des jeux vidéo interactifs. Les intimés employés étaient tous liés à Ubi Soft par un contrat de travail comportant une clause de non-concurrence et une clause de confidentialité.

[42]         Elle écrit sur les clauses relatives à la non-concurrence contenues dans un contrat de travail.

«Le droit civil québécois prévoit expressément le droit d'interdire contractuellement la concurrence après la fin de l'emploi (article 2089 C.c.Q.).

[16]            En l'espèce, la clause interdit aux intimés de travailler en Amérique du Nord pour une entreprise concurrente à celle de l'appelante pendant une durée d'un an suivant la fin de leur emploi.

[17 ]            Il n'appartient pas à un juge de première instance, saisi d'une demande en vue de l'émission d'une ordonnance de sauvegarde, de se prononcer sur le fond du litige, mais plutôt de décider si la requérante a une apparence de droit ici, au respect de la clause de non-concurrence.

 [18]            La Cour est d'avis qu'à la lumière de la preuve présentée, le juge de première instance devait conclure prima facie à la validité de la clause de non-concurrence quant à sa durée, au territoire visé et aux activités concernées.   En effet, les questions que les intimés soulèvent quant à la validité de cette clause sont légitimes, mais elles ne permettent pas de conclure prima facie à son caractère clairement déraisonnable.

[19]            De l'avis de cette Cour, l'appelante disposait donc d'une apparence de droit suffisante au respect de la clause de non-concurrence par ceux des intimés qui s'y sont engagés contractuellement.

[20]            Dans un monde où la signature d'un contrat veut dire quelque chose, la Cour ne peut pas fermer les yeux sur une situation où une partie paraît transgresser délibérément et indifféremment ses engagements contractuels»                                         Les soulignés sont les miens.

[43]         Le juge Wery précise …«En 1987 dans Vidéotron Ltée c. Industries Mirolec produits électroniques inc., la Cour d'appel ajoute qu'il suffit de décider si les faits sont assez sérieux pour permettre aux requérants de faire valoir leurs droits pour adjudication ultérieure sur le mérite de l'action. Il faut toutefois retenir qu'une apparence sérieuse de droit n'est pas synonyme de droit clair». [7]                                    Citations omises.

[44]         Dans la présente affaire, le Tribunal constate que chaque partie soulève des arguments quant à la validité de la clause de non-concurrence. P. Aubin nie que le contrat constitue un engagement libre et volontaire.

[45]         Au stade d’une mesure de sauvegarde, le Tribunal n'a pas à statuer l'ensemble des éléments contradictoires dont entre autres, s’il s’agit d’un contrat valide ou d’une démission ou d’une résiliation de poste. Le Tribunal «doit se limiter à vérifier si le requérant paraît avoir droit au remède recherché, laissant au juge du fond le soin de trancher définitivement les prétentions des parties.» [8]

[46]         Le Tribunal est d’avis que la requérante a fait cette démonstration. Accepté la position de l'intimé à ce stade signifie écarter tout simplement la clause relative à la non-concurrence et à la non-sollicitation contenue au contrat de travail signé par l’intimé ce que le Tribunal n'est pas prêt à faire compte tenu de la preuve sommaire au dossier.

Préjudice sérieux

[47]         Le troisième critère est un préjudice sérieux.

[48]         «Dans le cadre d’un contrat de travail contenant une clause de non-concurrence une possibilité sérieuse de préjudice peut suffire pour rendre nécessaire l’injonction.» [9]

[49]         Le Tribunal doit donc se poser la question suivante : Est-ce qu’il existe une possibilité sérieuse qu'il se produise un état de faits ou de droit auquel le jugement final ne pourra pas remédier ?

[50]         Le Tribunal considère que cette possibilité existe. À ce stade, pour reprendre les propos du juge Wery, il est plausible que l’intimée fasse :«usage d’une façon ou d’une autre d’information confidentielle acquise alors qu’ils étaient à l’emploi». [10]

[51]         De l'avis du Tribunal, Cassidian et Solacom sont des compétiteurs. Ils offrent des produits technologiques lesquels visent par leur fonction et leurs services du moins pour le service 911 un produit qui intéresse une clientèle ciblée et restreinte en Amérique du Nord. Il n'existe que huit sociétés, les incluant, qui œuvrent dans le domaine des télécommunications pour les services d’urgence et de sécurité publique en Ontario et au Québec. [11]

[52]         Les connaissances informatiques en sécurité publique de l’intimé proviennent de son seul employeur, Cassidian, lesquelles ont été acquises dans le cadre de son emploi. Le savoir informatique ne se limite pas au produit vendu. De l'avis du Tribunal, occuper un emploi chez un concurrent et un compétiteur peut conduire à un préjudice sérieux si l'ordonnance de sauvegarde n'est pas émise.

La balance des inconvénients.

[53]         Au stade d’une mesure de sauvegarde, le statu quo ante favorise le respect de la clause de non-concurrence. Pour reprendre les propos du juge Wery dans Ubi Soft. [12]

[41] CONSIDÉRANT que la conservation du statu quo ante impose qu'on ordonne à aux intimés visés par une clause de non-concurrence de ne pas travailler pour le compte d'Electronic Arts et que tous les intimés ne puissent utiliser les informations confidentielles d'Ubi Soft pendant le temps qu'il faudra pour permettre à un Tribunal de se pencher sur les droits des parties à la lumière d'une preuve plus complète que celle présentée au niveau d'une ordonnance de nature provisoire;

[42]      CONSIDÉRANT qu'il appert qu'une fois utilisées ou révélées au profit d'Electronic Arts, les informations confidentielles d'Ubi Soft perdraient alors irrémédiablement cette qualité. Les dommages qui lui seraient alors causés risqueraient d'être impossibles à quantifier ou à établir. Par contre, si, dans les semaines qui viennent, les intimés devaient avoir gain de cause, ils pourront alors reprendre leur travail et leurs dommages seraient alors limités et quantifiables;

[54]         P. Aubin était certes au courant de ses obligations contractuelles. Il peut exercer des activités dans un domaine autre que celui de la sécurité publique. La durée de l'ordonnance de sauvegarde est de deux mois avant que les parties soient entendues.

[55]         La prépondérance des inconvénients joue en faveur de la requérante.

[56]         Il n’y aura pas d’ordonnance envers Solacom, laquelle n'est pas signataire de la clause de non-concurrence.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[57]         ACCUEILLE l'ordonnance de sauvegarde contre Patrick Aubin;

[58]         ÉMET une ordonnance de sauvegarde pour valoir jusqu'au 26 septembre 2012 enjoignant à l'intimé Patrick Aubin:

a)         de cesser immédiatement et ce, jusqu'au 26 septembre 2012, de travailler, directement ou indirectement pour l'intimée Solacom dans la province de Québec la province de l'Ontario, à titre d'employé, consultant, travailleur autonome, associé ou autrement;

b)         de cesser immédiatement et ce, jusqu'au 26 septembre 2012, de travailler, directement ou indirectement à titre d'employé, consultant, travailleur autonome, associé ou autrement pour toute entreprise qui concurrence la Requérante dans la province de Québec la province de l'Ontario dans le domaine de la sécurité publique;

c)         de retourner à la Requérante tout document ou copie de document, sur quelque support que ce soit, contenant de l'information confidentielle appartenant à la Requérante y compris l'information concernant ou ayant trait aux affaires de la Requérante, à ses opérations, sa structure interne, ses programmes, ses logiciels, ses systèmes, ses procédures, ses manuels, ses listes de clients et clients prospectifs, ses équipements, ses services, ses inventions (ci-après les «Informations confidentielles»);

[59]         LE TOUT AVEC DÉPENS.

[60]         REJETTE l'ordonnance de sauvegarde contre Solacom Technologies Inc.;

[61]         LE TOUT AVEC DÉPENS.

 

 

 

 

__________________________________

      SUZANNE TESSIER, J.C.S.

 

Me Alexandre Sami

Gowling Lafleur Henderson

Procureurs de la requérante Cassidian Communications Corp.

 

Me Benoît Duclos

Letellier Gosselin

Procureurs de l'intimé Patrick Aubin

 

Me Joëlle Maurais

Beaudry, Bertrand

Procureurs de l'intimée Solacom Technologies Inc.

 

Date d’audience :

18 juin 2012

 



[1] Comme le permet Kellogg's Company of Canada c. P.G. du Québec , [1978] C.A. 258 , 259-260, le Tribunal s'est réservé le droit au moment de rendre sa décision d'en modifier, amplifier et remanier les motifs.  La soussignée les a remaniés pour en améliorer la présentation et la compréhension.

 

[2] Selon les postes disponibles auprès de Cassidian produit sous EC-6.

[3] P-1.

[4] Interrogatoire sur affidavit de Jeroen De Witte.

[5] Ubi Soft Divertissements Inc. c. Electronic Arts AZ 5019115 C.S.

[6] Ubi Soft Divertissements Inc. c. Champagne-Pelland 2003  CANLII 3559 (Q.C.C.A.)

[7] Ubi Soft Divertissements Inc. c. Electronic Arts AZ 5019115 C.S. par. 28.

[8] Favre c. Hôpital Notre-Dame 1984 R.D.J.319 (C.A.)

[9] Astral Radio Inc. c Roy 2002 CanL11 23817(QC CS) au par 41, se référant à Entreprises Despars de la Cour d’appel.

[10] Ubi Soft Divertissements Inc. c. Electronic Arts (2003 CanL11(Q.S.)

[11] Jeroen de Witte, ingénieur et vice-président de Recherche et Développement de Cassidian.

[12] Ubi Soft Divertissements Inc. c. Electronic Arts (2003 CanL11(Q.S).