COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossier :

AQ-1005-1241

Cas :

CQ-2012-0004

 

Référence :

2012 QCCRT 0320

 

Québec, le

4 juillet 2012

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DEVANT LE COMMISSAIRE :

Pierre Bernier, juge administratif

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Sonia Martel

 

Plaignante

c.

 

Syndicat des Métallos, section locale 7708

Intimé

et

 

Bordures Polycor inc.

 

Mise en cause

 

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DÉCISION

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Le litige

[1]            Le 4 janvier 2012, la plaignante dépose auprès de la Commission une plainte à l’encontre du Syndicat des Métallos, section locale 7708 (le Syndicat ), en vertu des articles 47.2 et suivants du Code du travail , L.R.Q. c. C-27.

[2]            Elle y allègue que le Syndicat manque à son devoir de représentation, à son endroit, depuis 2007 et plus spécifiquement depuis février 2011, quand l’employeur en vient à la conclusion qu’ « il n’a plus d’emploi pour elle » et qu’ « elle n’est pas rappelée au travail, malgré son ancienneté » .

[3]            Comme solution recherchée, elle demande le « remboursement total des frais encourus (9 560 $), en plus des autres frais généraux et des dommages moraux » dont elle ne précise pas la quotité .

[4]            En réplique aux prétentions de la plaignante, le Syndicat confirme qu’il a pris la décision, dès la mi-octobre 2007, de ne plus la représenter, dans son dossier devant la Commission des lésions professionnelles, quand elle décida de confier un mandat, à cet égard, à un représentant de son choix.

[5]            Dans la présente instance, le Syndicat a de plus transmis à la Commission une « Requête pour rejet sommaire » en vertu de l’article 118 (1) du Code du travail ; puisqu’une telle demande précédait de quelques jours à peine la tenue de l’audience déjà prévue, les parties sont convoquées et présentes pour procéder au fond.

Analyse et conclusions

[6]            Après avoir occupé un poste d’opératrice de scie à granit, pendant plusieurs années, la plaignante se retrouve affectée par une lésion professionnelle qui l’amène avec la collaboration de son employeur, à occuper une fonction de journalier.

[7]            Quand des limitations fonctionnelles supplémentaires apparaissent, la plaignante est informée, le 11 février 2011, que l’employeur « n’a pas d’emploi convenable qui pourrait respecter les limitations fonctionnelles » qui l’accablent.

[8]            Pendant que la plaignante peut alors bénéficier des services de réadaptation professionnelle dont elle a besoin, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) poursuit le versement des indemnités de remplacement du revenu auxquelles elle a droit, en même temps qu’on cherche avec elle les solutions qui conviennent le mieux, compte tenu des circonstances.

[9]            À cette fin, après avoir évalué ses possibilités professionnelles, la CSST informe la plaignante, en avril 2011, qu’un conseiller d’orientation évaluera ses possibilités professionnelles.

[10]         Ainsi, même si ce n’est qu’en septembre 2011 que la CSST conclut qu’ « un emploi de préposée au service à la clientèle » conviendrait à la plaignante, il est manifeste que cette dernière sait depuis février 2011 que son ancien employeur ne peut rien lui offrir et que les démarches qu’elle prétend alors entreprendre auprès du Syndicat resteront inutiles et sans suite.

[11]         Puisque le délai de prescription d’une plainte déposée en vertu de l’article 47.2 du Code du travail est de six mois, « seuls les faits survenus dans les six mois précédant le dépôt de la plainte peuvent être opposés au Syndicat » , comme le rappelle la Commission dans l’affaire Boutin c. Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP, 301) et Ville de Montréal , 2007 QCCRT 0078 .

[12]         Dans la présente instance, alors que la plainte est déposée le 4 janvier 2012, seuls les faits survenus dans les six mois précédant cette date peuvent être pris en considération, par la Commission, comme constituant des manquements au devoir de représentation que le Code du travail impose au Syndicat.

[13]         Puisque le fardeau de prouver que le Syndicat a violé l’obligation qui est la sienne de représenter la plaignante incombe à cette dernière, force est de constater qu’elle a échoué à cet égard, aucun fait survenu dans les six mois qui précèdent le dépôt de la plainte qui pourrait constituer un manquement de la part du Syndicat n’ayant été mis en preuve.

[14]         Bien plus, l’aggravation de l’état physique de la plaignante, qui découle des nouvelles limitations fonctionnelles dont elle est porteuse, n’est que le prolongement, l’extension de son dossier déjà existant à la CSST. On peut noter, à cet égard, que la lettre qui lui est adressée par cet organisme, le 16 septembre 2011, réfère à la « Date de l’événement » comme étant celle du 15 août 2005.

[15]         On se rappelle que la plaignante a résolu, dès 2007, d’orienter son dossier vers le représentant de son choix, ce qui l’amène maintenant à réclamer le remboursement des frais ainsi encourus, lesquels totaliseraient quelque 9 500 $.

[16]         Or, la Commission s’est déjà prononcée, le 4 avril 2008 (CQ-2008-0353), dans une décision qui concernait les mêmes parties, où la plaignante réclamait déjà le remboursement d’une somme de 3 450 $, en plus d’autres frais. Cette plainte fut rejetée sommairement, en application des dispositions que l’on retrouve à l’article 118 (1) du Code du travail.

[17]         Pour conclure par delà des motifs reliés au délai et à la notion de chose jugée, la Commission croit ici utile de reprendre des extraits de deux décisions rendues récemment dans des matières identiques à celle traitée ici.

[18]         D’abord, dans Gingras c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1017 et Ville de St-Jérôme , 2012 QCCRT 0016 , on retrouve ceci :

[30]      Quant aux démarches auprès de la CSST, organisme qui vise à indemniser les travailleurs pour un accident de travail ou une maladie professionnelle, elles n’incombent pas au syndicat puisqu’elles sont en dehors du cadre de représentation pour lequel un syndicat est accrédité, soit la négociation et l’application d’une convention collective qui peuvent faire l’objet d’une plainte en vertu de l’article  47.2 du Code .

[19]         Puis, dans la décision Fortier c. Syndicat des salariés de la Coop de Dorchester et Exceldor coopérative avicole , 2012 QCCRT 0063  :

[12]      L'obligation de représentation consacrée par l'article 47.2 du Code est la contrepartie du pouvoir exclusif de représentation dont dispose le syndicat une fois accrédité. Les services de représentation concernant un accident de travail ou une maladie professionnelle, dont la source ne relève pas de la convention collective, mais d'un régime particulier, ne sont pas assujettis à l'obligation de représentation du Code et ne sont pas du ressort de la Commission. 

[13]      Selon l'arrêt Noël c. Société d'Énergie de la Baie James, (2001) 2 R.C.S. 207 , en parlant de l'obligation de représentation : «  Lorsque le syndicat jouit de l'exclusivité du mandat de représentation, l'obligation corrélative s'étend à l'ensemble des actes qui affectent le cadre juridique de la relation entre le salarié et l'employeur de l'entreprise . »

[14]      La Commission n'est pas le forum approprié pour toute question de représentation relative à l'application de la LATMP. C'est ce qu'elle décide dans plusieurs affaires récentes, dont : Bergeron c. Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec, 2008 QCCRT 0186 et Leblanc c. Union des employés de service, 2011 QCCRT 0440 .

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

REJETTE                      la plainte.

 

 

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Pierre Bernier

 

M e Thierry Saliba

PHILION LEBLANC BEAUDRY AVOCATS

Représentant de l’intimé

 

M me Nancy Proulx

Représentante de la mise en cause

 

 

Date de la dernière audience :

27 avril 2012

 

/jb