Clari Ferme, s.e.n.c. c. 9183-2337 Québec inc.

2012 QCCQ 5363

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LABELLE

LOCALITÉ DE

MONT-LAURIER

« Chambre civile »

N° :

560-32-003716-111

 

 

 

DATE :

3 juillet 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

YVAN NOLET, J.C.Q.

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CLARI FERME S.E.N.C.

 

Partie demanderesse

c.

 

9183-2337 QUÉBEC INC.

 

Partie défenderesse

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JUGEMENT

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[1]            La demanderesse réclame de 9183-2337 Québec inc. 7 000 $ pour des                    dommages-intérêts concernant le travail tardif de coupe de la viande confiée à la défenderesse. Elle considère que ce retard a causé un vieillissement excessif de la viande obligeant la demanderesse à la jeter.

[2]            La défenderesse plaide que le vieillissement de la viande n'est absolument pas la cause du mauvais état de la viande de la demanderesse.

LES FAITS

[3]            La demanderesse élève des veaux et autres animaux et fait la distribution de ses propres produits auprès de sa clientèle.

[4]            Elle communique avec la défenderesse qui opère une entreprise de boucherie.

[5]            Fin mars 2010, une rencontre a lieu entre les représentants de la défenderesse et la demanderesse.

[6]            Les représentants de la défenderesse, messieurs Roger et Mathieu Raymond, expliquent à la demanderesse les services qu'ils peuvent lui offrir. Il est question de faire vieillir la viande avant de procéder au découpage de celle-ci. À cet égard, les témoignages sont contradictoires.

[7]            La demanderesse prétend que les discussions ont porté sur une durée de 21 jours de vieillissement de la viande sur crochet. Les Raymond quant à eux indiquent que l'entente intervenue avec la demanderesse visait plutôt une période de 28 jours.

[8]            La demanderesse témoigne à l'effet qu'habituellement, la période de vieillissement de la viande de veau est de 14 jours. Elle précise que suite aux discussions avec les représentants de la défenderesse, ceux-ci l'ont convaincu d'essayer une période de vieillissement plus longue. Elle est pourtant convaincue que le délai dont il a été question est de 21 jours.

[9]            Pour sa part, Mathieu Raymond indique qu'il a plutôt été question d'une période de 28 jours.

[10]         À tout événement, les veaux abattus le 6 mai 2010 seront finalement apprêtés les 3, 4 et 5 juin 2010.

[11]         La preuve révèle que les instructions relatives à la coupe ont été transmises au représentant de la défenderesse le 28 mai 2010. Avant, certaines tentatives avaient été faites afin de transmettre ces instructions par courriel. Après quelques échecs, c'est finalement par télécopieur que les instructions sont transmises.

[12]         Le 28 mai est un vendredi et les travaux sont réalisés en début de la semaine suivante. 

[13]         Mathieu Raymond confirme que le 7 mai, il ramasse les trois carcasses de veau et que celles-ci sont placées au frigo pour être vieillies sur crochet. Le nom de l'entreprise de la demanderesse est indiqué sur chacun de ceux-ci ainsi que la période de vieillissement.

[14]         Il confirme avoir reçu les instructions de la demanderesse le 28 mai et avoir commencé la coupe les 3 et 4 juin 2010.

[15]         Il précise que suite à la coupe, les viandes sont placées dans des sacs et  gelées.

[16]         Bruno Castonguay est celui qui a procédé à l'étiquetage des viandes. Il explique les raisons qui ont fait en sorte que l'étiquetage a été réalisé à une date postérieure.

[17]         Il explique qu'un nouvel étiquetage répondant aux exigences de la demanderesse devait être effectué et qu'il a donc fallu un certain délai en vue de programmer adéquatement l'étiqueteuse. Il précise que lorsqu'il a apposé les étiquettes sur la viande, celle-ci était déjà gelée.

[18]         Roger Raymond est le père de Mathieu et témoigne à l'effet que la durée de vieillissement convenu avec la demanderesse a bel et bien été de 28 jours. Il indique que jamais son entreprise n'a eu de rappel relativement à des viandes pour cause de vieillissement d'une durée d'environ 28 jours. Il précise que le vieillissement maximal sur crochet pour le veau est d'environ 35 jours. Il est catégorique à l'effet que le vieillissement de la viande de veau d'une durée de 28 jours ne peut pas être la cause de la dégradation des viandes.

[19]         Par la suite, tous les sacs de viande sont placés dans des boites lesquelles sont livrées par la défenderesse au transporteur chargé d'acheminer le tout à la demanderesse. La livraison à l'entreprise de transport est effectuée un jeudi et dès le lundi suivant, la demanderesse était en possession de la viande.

[20]         La demanderesse confirme que lorsqu'elle a reçu possession de la viande, elle a décidé d'y goûter. Elle fait référence à de mauvaises odeurs provenant de la viande et au fait que celle-ci avait mauvais goût. Certaines parties étant visqueuses et la couleur des os étaient grisâtres.

[21]         Compte tenu qu'elle considère que la qualité de cette viande indigne de sa clientèle, elle décide après différents tests de s'en départir auprès d'un éleveur canin.

ANALYSE ET DISCUSSION

[22]         Le contrat conclu entre la demanderesse et la défenderesse constitue un contrat de service. Les principales obligations des parties sont précisées, à l'article 2098 du Code civil du Québec lesquelles s'énoncent comme suit :

2098.  Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.

[23]          On y précise également les obligations de l'entrepreneur relativement aux services qu'il doit rendre. Ces obligations sont plus amplement décrites à l'article 2100 du Code civil du Québec , lesquelles se lisent comme suit :

2100.  L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.

[24]         La demanderesse, après avoir convenu d'un délai de vieillissement de la viande d'une durée de 21 jours, précise que la viande de veau est une viande maigre. Aussi, le vieillissement d'une telle viande est moins significatif que le vieillissement de la viande de gros bouvillons.

[25]         Elle précise que normalement, elle requiert une durée de vieillissement de 14 jours et que 21 jours constituaient pour elle une exception.

[26]         Elle précise toutefois que le vieillissement de la viande survient principalement dans les 14 premiers jours et qu'entre le 21e et le 28e jour, il n'y a pas de différence quant au vieillissement de la viande de veau.

[27]         Suite à la réception par la demanderesse de la viande et à la qualité déficiente de celle-ci, la demanderesse a requis des analyses tant du Ministère de l'Agriculture du Québec que d'une entreprise privée. Ces deux analyses ont confirmé une présence très élevée de bactéries, principalement dans la viande hachée.

[28]         On y confirme également dans ces tests que la qualité de la viande était médiocre. Le nœud du litige consiste à savoir si le vieillissement de la viande est la cause du problème constaté par la demanderesse. Le Tribunal ne doute pas que la viande reçue par la demanderesse n'était plus d'une qualité acceptable pour sa clientèle.

[29]         Toutefois, rien n'établit que la durée de 28 jours soit la cause du problème de la viande de la demanderesse.

[30]         Lors de ses représentations, le représentant de la défenderesse mentionne que le bon de livraison précise que les boites ont été traitées comme étant du matériel d'épicerie et des fruits et légumes. Aucun témoin n'a été entendu de l'entreprise de transport de la viande afin d'expliquer cette erreur au bon de livraison.

[31]         Pour la défenderesse, si cette information est vraie, il considère que la cause probable de la dégradation de la viande est son mauvais entreposage et des conditions de transport déficientes.

[32]         Il témoigne toutefois à l'effet que les boites ne sont pas identifiées comme contenant de la viande congelée. Il dit l'avoir mentionné au responsable du transport sans plus.

[33]         Lorsque les boites ont été remises au transporteur, celles-ci ont été déposées près de la section « frigidaire » et non pas près de la section « congélateur ». Le représentant de la défenderesse confirme toutefois avoir mentionné au camionneur que les boites devaient être déposées dans la section congélateur du camion.

[34]         Après l'analyse de l'ensemble du dossier, le Tribunal en est venu à la conclusion qu'il n'existe aucune preuve à l'effet que le vieillissement de la viande a causé la dégradation de celle-ci.

[35]         De la preuve présentée par les parties, le Tribunal retient qu'un problème est sûrement survenu lors du transport de cette viande et que c'est la cause la plus probable de dégradation de la viande. Cependant, le Tribunal croit que la défenderesse doit assumer une responsabilité à cet égard compte tenu que les boites dans lesquelles elle a entreposé la viande ne contenaient aucune indication à l'effet que le contenu de ces boites constituait de la viande congelée et qu'elle devait les conserver au congélateur.

[36]         Dans le cadre de ses obligations prévues à l'article 2100 du Code civil du Québec précité, l'on y indique que l'entrepreneur doit agir avec prudence et diligence.

[37]         Le Tribunal considère que telles prudence et diligence nécessitaient qu'à tout le moins, une estampe indique que la boite contenait de la viande congelée. Une autre estampe aurait également pu préciser «  À conserver au congélateur  ».

[38]         Dans les circonstances, le Tribunal considère qu'il y a lieu de retenir la responsabilité de la défenderesse pour la moitié de la somme réclamée par la demanderesse, soit un montant de 3 500 $.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[39]         ACCUEILLE partiellement la demande de la partie demanderesse;

[40]         CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme de 3 500 $ portant intérêt au taux légal de 5 % l'an, plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec , à compter de l'assignation, ainsi que les frais judiciaires de 159 $ .

 

 

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YVAN NOLET, J.C.Q.

Date d’audience :

12 avril 2012