Bisson c. Québec (Sous-ministre du Revenu) |
2012 QCCQ 5708 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
CHICOUTIMI |
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LOCALITÉ DE |
CHICOUTIMI |
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« Chambre civile » |
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N° : |
150-80-000493-101 |
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DATE : |
9 juillet 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DU |
JUGE |
PIERRE SIMARD |
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RUTH BISSON
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Demanderesse
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c.
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LE SOUS-MINISTRE DU REVENU DU QUÉBEC
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Défendeur |
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JUGEMENT |
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JS1236
[1] La demanderesse Ruth Bisson s'adresse au Tribunal pour contester trois avis de cotisation émis par le défendeur pour les années 2004, 2005 et 2006. Ces cotisations sont du 4 octobre 2010 et portent les numéros QM003928C02, QM047037C02 et QK360700C02.
[2] Le défendeur soutient que la demanderesse n'a pas repoussé la présomption de validité des avis de cotisation attaqués.
LE LITIGE
[3] Le litige, au moment du procès, est réduit à trois points:
1. L'avis de cotisation pour l'année 2004 (QM003928C02) est-il prescrit?
2. La proportion des dépenses d'entretien de la maison attribuée à l'entreprise de garderie est-elle juste et suffisante, le Ministère ayant utilisé un pourcentage de 52.98 %.
3. La proportion d'utilisation des dépenses d'automobile afférente à l'entreprise de la demanderesse est-elle raisonnable, le Sous-ministre ayant établi que la demanderesse utilise son véhicule à raison de 8 000 kilomètres par année.
LE CONTEXTE
[4] La contribuable Ruth Bisson a exploité une garderie dans le sous-sol de sa résidence pendant les années 2004, 2005 et 2006. Le 14 avril 2008, une employée du Sous-ministre, Mme Sonia Ducasse, se présente chez la demanderesse dans le but d'effectuer une vérification portant principalement sur les déclarations fiscales des années 2004, 2005, 2006.
[5] D'après le témoin Ducasse, le délai pour effectuer une vérification de l'année 2004 expirait au 11 mai 2008. Sonia Ducasse, en se présentant chez la demanderesse Bisson, lui demande donc de signer une renonciation à ce délai sur le formulaire approprié (pièce D-1). Sonia Ducasse prétend avoir bien expliqué la teneur de ce document au contribuable et, quelques jours plus tard, après un appel téléphonique, le document est envoyé par la demanderesse à Revenu Québec avec cette fois-ci la signature de son conjoint.
[6] De son côté, la demanderesse Ruth Bisson soutient n'avoir reçu aucun renseignement sur la nature du document qu'elle signe et qu'elle ignorait l'influence de ce document sur ses droits et ce en l'absence d'explication adéquate de Sonia Ducasse.
[7] À tout événement, ayant le document en main dûment complété, la représentante du Sous-ministre du Revenu effectue sa vérification et, après analyse, les 4 et 5 mai 2009, le défendeur émet de nouvelles cotisations.
[8] Le 10 août 2009, la demanderesse dépose des avis d'opposition invoquant entre autres arguments l'illégalité de la signature du document D-1 et contestant également les différentes proportions utilisées par le Ministère dans le but de calculer les dépenses admissibles du contribuable Bisson dans l'exercice de son entreprise de garderie.
[9] Le 13 septembre 2010, l'agent d'opposition du Ministère du Revenu du Québec rend sa décision sur l'opposition du contribuable en lui donnant partiellement raison. En ce qui concerne les points litigieux soumis à l'appréciation du Tribunal, le Sous-ministre rejette l'argument de la prescription quant à l'année 2004, décide d'utiliser la proportion de 52.98 % pour calculer les dépenses encourues et admissibles pour l'entretien de la résidence et ratifie la proportion des dépenses admissibles du contribuable pour l'utilisation de son véhicule automobile aux taux suivants: 24, 28 et 26 %, pourcentage découlant d'une utilisation par le contribuable établi par le Sous-ministre à 8 000 kilomètres par année.
[10] Mécontent, le contribuable a déposé la requête introductive du présent dossier.
ANALYSE ET DÉCISION
RENONCIATION À LA PRESCRIPTIOIN
[11] Pour donner suite à la prétention de la demanderesse quant à la prescription des droits du Sous-ministre à une nouvelle cotisation, il faudrait absolument en venir à la conclusion que l'adhésion de la demanderesse au formulaire MR-25.1 a été donnée par erreur par la demanderesse et que cette erreur aurait été causée par les mauvaises explications, volontaires ou non, du témoin Sonia Ducasse.
[12] Le Tribunal ne peut en arriver à une telle conclusion. En effet, une lecture attentive du document permet de savoir quelle en est la portée. Le texte en est clair et simple. En plus, la demanderesse a pris quelques jours pour retourner le document en question avec cette fois-ci la signature de son conjoint: ceci démontre que la demanderesse a eu tout le temps pour réfléchir, et même consulter si elle le désirait, sur la portée de ce document.
[13] Finalement, il n'est pas probable que les explications de Sonia Ducasse aient été trompeuses. À titre de représentante du Sous-ministre, elle n'avait aucun intérêt à soutirer l'adhésion de la demanderesse à tout prix, puisqu'il restait encore un mois avant l'arrivée de la date ultime à laquelle le Ministère pouvait réémettre une cotisation. Cela lui laissait amplement le temps de réagir si la demanderesse avait refusé de signer le formulaire demandé.
[14] Est-il également nécessaire d'ajouter que Sonia Ducasse n'a aucun intérêt personnel à protéger?
[15] D'ailleurs, à la lecture de l'avis d'opposition du contribuable en date du 10 août 2009, la prétention de ce dernier était qu'au moment de la signature du document D-1 les droits du Sous-ministre étaient prescrits: ceci est non fondé.
[16] Il est tout à fait possible que la demanderesse n'ait pas saisi qu'elle aurait peut-être eu avantage à refuser de signer. Si même cela était vrai, il ne s'agit pas là d'une erreur rendant invalide l'adhésion de Ruth Bisson à la renonciation qui lui est présentée. En effet, il ne s'agit pas d'une erreur sur la nature du document ni non plus sur la nature des engagements pris.
[17] En conséquence, cet argument de la demanderesse Bisson sera rejeté.
PROPORTION DES DÉPENSES ADMISSIBLES EN CE QUI CONCERNE LA RÉSIDENCE
[18] Dans son avis d'opposition du 10 août 2009, le contribuable, ou plutôt son représentant, soutient qu'une proportion de 60 % des dépenses de la résidence à titre de dépenses admissibles doit être utilisée.
[19] La demanderesse opère une garderie dans le sous-sol de sa résidence. Elle le fait pendant les cinq journées de la semaine. Les représentants du Sous-ministre soutiennent évidemment que Ruth Bisson et les habitants de sa résidence récupèrent l'utilisation du sous-sol le soir ainsi que les deux jours de fin de semaine.
[20] Cette prétention est contestée par le contribuable. En plus, la demanderesse croit que l'utilisation de son salon et de sa cuisine pendant les périodes où elle a des enfants, de sa piscine extérieure et également d'un bureau qu'elle a au rez-de-chaussée n'est pas considérée par le Sous-ministre. Il faut dire qu'à l'origine le Sous-ministre avait estimé la portion admissible des dépenses de la maison à un peu moins de 40 %.
[21] À la suite de l'analyse faite dans le mémoire sur opposition (pièce D-8), le Sous-ministre réajuste sa position et finit par reconnaître une utilisation de 52.98 %.
[22] Le mémoire sur l'opposition prend en compte certains facteurs dans le réajustement auquel il a procédé. Ces facteurs sont, entre autres, les heures d'ouverture, le fait que l'accès à la garderie ne se fait pas uniquement par l'extérieur de la maison et la superficie utilisée pour l'entreprise du contribuable. Manifestement, il ressort de ce mémoire que le Sous-ministre n'écarte pas l'utilisation par le couple Bisson du sous-sol. En contrepartie, il accorde un pourcentage pour l'utilisation du rez-de-chaussée. Ultimement il considérera également que la superficie de l'escalier vaut autant pour le sous-sol que pour le rez-de-chaussée.
[23] Sa conclusion est très précise: 52.98 %.
[24] Le pourcentage utilisé par le Sous-ministre est le résultat des heures d'utilisation d'affaires du bien, de la superficie utilisée de façon exclusive ou non et finalement d'une appréciation qualitative du dossier dans son ensemble. Celle du contribuable utilise les mêmes facteurs, mais les pondère de façon différente.
[25] La demanderesse avait le fardeau de convaincre le Tribunal que le taux utilisé par le Sous-ministre n'était pas raisonnable et que le taux qu'elle propose est plus approprié. Une semblable preuve n'est pas faite, la démonstration par le témoignage de la demanderesse et celui de son comptable Raymond Gauthier n'étant pas convaincante.
[26] Pour ces motifs, cet argument de la demanderesse Bisson sera rejeté.
PROPORTION DES DÉPENSES ADMISSIBLES EN CE QUI CONCERNE L'AUTOMOBILE
[27] Dans son opposition du 10 août 2009, le contribuable, ou plutôt son représentant, constatant qu'aucune dépense et amortissement ne sont accordés pour l'automobile, réclame une révision de la position du Sous-ministre.
[28] Au moment du procès, la demanderesse réajuste sa position et demande que 100 % des dépenses de l'automobile soient admissibles.
[29] Il faut cependant reconnaître que dans le mémoire sur opposition D-8, il est fait état d'une conversation entre le représentant du contribuable et le représentant du Sous-ministre où le premier fait valoir auprès du second que 100 % des dépenses du véhicule automobile serait raisonnable et devrait être utilisé.
[30] La position du Sous-ministre est fondée sur l'assertion qu'un kilométrage annuel de 8 000 kilomètres est attribuable à des fins d'affaires. En fonction du kilométrage parcouru par la demanderesse pour chacune de ces années, on en arrive à un pourcentage de 24, 28 et 26 % pour les années 2004, 2005 et 2006.
[31] C'est avec un certain à-propos que le rédacteur du mémoire sur l'opposition fait remarquer que la demanderesse n'a aucun employé, qu'elle doit être présente à la garderie alors qu'elle prétend parcourir 25 000 kilomètres pendant l'année pour des fins d'affaires.
[32] La demanderesse a le fardeau de démontrer que la cotisation du Sous-ministre est inappropriée: ce fardeau n'a pas été assumé. D'abord, la position soutenue n'est pas compatible avec la description des opérations de l'entreprise de la demanderesse.
[33] Finalement, le Sous-ministre note qu'aucun registre ni aucune documentation ne sont faits pour prouver les différents déplacements de l'opposante.
[34] Cet argument de la demanderesse sera également rejeté.
[35] En conclusion, pour les motifs ci-dessus énoncés, la requête introductive d'instance de la demanderesse est rejetée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
REJETTE l'action de la demanderesse;
CONFIRME les avis de cotisation du 4 octobre 2010;
LE TOUT avec dépens.
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__________________________________ PIERRE SIMARD, j.c.q. |
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M e Jean-Roger Brodeur procureur de la demanderesse
M e Daniel Cantin Larivière Meunier procureurs du défendeur |
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date d'audience: 24 novembre 2011 |
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