Wood c. Parent |
2012 QCCS 3790 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
BEDFORD |
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N° : |
460-17-001266-105 |
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DATE : |
12 juillet 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
FRANÇOIS TÔTH, j.c.s. |
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ROBERT WOOD, |
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Demandeur, |
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c. |
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DENISE PARENT, |
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Défenderesse. |
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JUGEMENT |
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[1] Il s'agit d'une action rédhibitoire. Le demandeur réclame la résolution de la vente d'un immeuble pour cause de vices cachés ainsi que des dommages-intérêts.
CONTEXTE
[2] Le 22 juin 2007, M. Robert Wood (Monsieur) achète de la défenderesse, Madame Denise Parent (Madame), une résidence située à Venise-en-Québec pour la somme de 117 555 $.
Témoignage du demandeur M. Wood
[3] Monsieur, âgé de 50 ans, est ajusteur-monteur dans le domaine de l'aéronautique. Au printemps 2007, Monsieur était à la recherche d'une résidence dans la région de Venise-en-Québec. Il est assisté de son agent d'immeuble, M. Robert Noël.
[4] La maison de Madame est à vendre via les services d'une agente d'immeuble. Selon la description faite à la fiche d'inscription de la propriété, il s'agit d'une jolie propriété qui a un charme certain. La fiche mentionne qu'il y a un accès au lac Champlain.
[5] La propriété est visitée par Monsieur, sa conjointe et son agent d'immeuble. Cette première visite dure une vingtaine de minutes et laisse une agréable impression à Monsieur et sa conjointe. Il s'agit d'une maison avec un toit cathédrale et à aires ouvertes. Un spa a été ajouté au bout de l'entrée. Monsieur témoigne que Madame s'est tenue à l'écart pendant la visite et qu'il n'a eu aucune discussion avec elle. Il n'a pas vu de traces d'infiltration d'eau au plafond ou ailleurs lors de cette visite.
[6] La deuxième visite a eu lieu 10 ou 15 jours plus tard. Madame était absente.
[7] Cette deuxième visite a été plus attentive. Elle a été faite par Monsieur, sa conjointe et l'agent d'immeuble Noël.
[8] Monsieur avait apporté un escabeau et une lampe de poche. L'escabeau était trop court pour lui permettre de monter sur la toiture mais il a pu l'examiner de près. Il a vu une toiture bien droite et faite de bardeaux récents.
[9] Sous la maison, il n'y a pas de sous-sol mais plutôt un vide sanitaire. Monsieur a rampé dans le vide sanitaire avec sa lampe de poche pour examiner le dessous de la maison.
[10] La visite est satisfaisante. L'agent d'immeuble Noël recommande à Monsieur d'installer un ventilateur dans le local du spa et d'ajouter des gouttières à la toiture. La toiture du garage est à refaire.
[11] La visite ayant été satisfaisante, une promesse d'achat est signée le 6 juin 2007 [1] . L'offre d'achat est conditionnelle à une inspection de l'immeuble par un expert en bâtiment dans les huit jours suivant l'acceptation de la promesse d'achat. La clause est cependant amendée afin de prévoir que l'inspection pourra être faite par une personne désignée par l'acheteur.
[12] Le 7 juin 2007, Madame présente une contre-proposition. La contre-proposition de Madame est acceptée et la condition relative à l'inspection est levée.
[13] On ne connaît pas l'âge exact de la maison, mais il s'agirait d'une construction d'environ 40 ans. Le carré original de la maison était sur blocs de béton et une annexe a été rajoutée sur une fondation de béton.
[14] L'acte de vente notarié a été reçu le 22 juin 2007. L'acheteur est mis en possession dès le lendemain. Lorsqu'il se rend à la maison, Madame est là avec une autre personne, vraisemblablement son conjoint. Ils donnent à Monsieur des explications sur le fonctionnement de la maison (spa, adoucisseur d'eau, poêle à granules, etc.).
[15] Environ une semaine plus tard, début juillet 2007, en enlevant une télévision qui avait été laissée sur place par Madame, Monsieur découvre des traces de dégâts d'eau sur le bas d'un mur en pin verni. [2] De l'autre côté de ce mur se trouve la douche. En observant attentivement, Monsieur voit de petites fissures dans la base de la douche par laquelle l'eau pourrait s'échapper.
[16] Il fait un appel téléphonique à Madame qui lui explique que les marques d'eau ont été causées par un aquarium qui aurait coulé dans le passé.
[17] Monsieur conclut qu'il devra s'occuper de ce problème. Il a utilisé un isolant en aérosol pour étanchéiser le vide sous la base de la douche.
[18] À l'automne 2007, Monsieur découvre que deux plinthes électriques ne fonctionnent pas, soit celle de la salle de lavage et celle de la salle à manger.
[19] En décembre 2007, Monsieur note des cernes sur la parqueterie [3] . Cette parqueterie était cachée par une carpette. De quatre à six pièces de parqueterie se soulèvent. Le phénomène se résorbe par lui-même mais il se reproduit en août 2008.
[20] En août 2009, Monsieur note des infiltrations d'eau au plafond du salon - salle à manger et dans la cuisinette [4] . Monsieur pense que les infiltrations d'eau proviennent de la toiture. Il remarque également que la toiture gondole entre les chevrons du côté de l'entrée de la maison.
[21] En août 2009, à quelques reprises, il y a eu des infiltrations d'eau autour de la cheminée [5] . L'infiltration d'eau est importante au point de mettre un seau pour la recueillir. Monsieur a grimpé sur la toiture et mis du calfeutrant autour de la cheminée. Cette réparation de fortune n'a pas corrigé la situation puisque les infiltrations d'eau se sont reproduites.
[22] Monsieur fait alors appel à M. James Rokas vers la mi-septembre 2009. M. Rokas est entrepreneur général en construction. Monsieur convient avec lui de refaire le revêtement de bardeaux de la toiture. Il désire remplacer le bardeau par de la tôle.
[23] En octobre 2009, M. Rokas vient prendre les mesures pour commander la tôle.
[24] Le 22 novembre 2009, M. Rokas débute les travaux. Il commence par enlever le bardeau et le pontage de la toiture. C'est alors qu'il téléphone à Monsieur pour lui signaler qu'il vient de constater un problème.
[25] Monsieur revient du travail pour constater la situation. M. Rokas a enlevé le bardeau du côté ouest [6] . Il a également enlevé deux feuilles de contreplaqué [7] . Sous ces deux feuilles de contreplaqué, M. Rokas a découvert une deuxième toiture. Manifestement, cette toiture est en très mauvais état comme on peut le voir sur la photo P-6.7 où l'on voit que le pontage est affaissé entre les chevrons.
[26] M. Rokas a enlevé le revêtement de bardeaux de cette deuxième toiture et sous celui-ci, il a découvert un pontage de contreplaqué pourri [8] . Le dessous de ce deuxième pontage de contreplaqué porte des traces évidentes de pourriture [9] . Sous ce deuxième pontage se trouve l'isolation constituée de quatre pouces de laine isolante. On peut voir que les chevrons portent des traces apparentes de pourriture [10] .
[27] Lorsque la deuxième toiture a été construite sur la première, on a comblé l'espace entre les chevrons avec des pièces de 2" x 4" afin de soutenir cette deuxième toiture. Ces 2" x 4" ont été mis dans le mauvais sens puisqu'ils poussaient contre le contreplaqué pourri de la première toiture plutôt que de s'appuyer sur les chevrons.
[28] Comme on le voit sur la photo P-6.8, le premier pontage est complètement pourri et défoncé.
[29] Monsieur constate qu'il est face à un problème grave. Il arrête les travaux de M. Rokas et cherche un expert.
[30] Monsieur demande à M. Rokas de poser une tôle d'occasion sur la face ouest afin de protéger la maison qui se trouve désormais sans toiture de ce côté.
[31] Le 26 novembre 2009, l'avocat de Monsieur et l'expert Guertin viennent voir les lieux.
[32] M. Guertin procède à son expertise et prend des photos le 26 novembre 2009. Dès le lendemain, une mise en demeure est expédiée à Madame.
[33] Les défauts qui sont dénoncés par la mise en demeure concernent la toiture et les infiltrations d'eau. On ajoute que la fosse septique serait défectueuse et affectée par des écoulements. Sur ce dernier aspect, aucune preuve n'a été présentée à l'audience.
[34] À chaque hiver depuis 2007, Monsieur avait noté la formation de glaçons sur la toiture [11] . La photographie P-8.2 laisse voir un pont de glace du côté ouest de la maison où la tôle a été installée par M. Rokas.
[35] Au printemps 2009, Monsieur avait remarqué que deux planches du patio de bois à l'avant de la maison se soulèvent de deux pouces. Il retire une section de treillis qui entoure la galerie et constate que les poteaux de la galerie ont été sciés et qu'un poteau est même manquant [12] . Les poteaux de la galerie ne sont ancrés dans le sol que par de simples pieux enfoncés. Ils ont subi la poussée du gel. Monsieur coupe deux autres poteaux de 4" x 4" pour en enlever une section de deux pouces afin de soulager la pression qui s'exerce sur la structure. Il ne reste plus que quatre poteaux intacts pour soutenir l'ensemble de la galerie.
[36] Depuis les travaux partiels de M. Rokas, la toiture n'a pas été réparée. L'état est stable. Tous les hivers, depuis ce temps, Monsieur installe une immense bâche sur la section ouest du toit pour prévenir les infiltrations d'eau comme l'a recommandé l'expert Guertin.
[37] Monsieur a payé à M. Rokas la somme de 1 500 $ pour les travaux [13] .
[38] Monsieur ignorait l'état de la toiture quand il a acheté la propriété. Il n'y avait aucun indice qui pouvait laisser croire que la toiture était pourrie. S'il avait connu les vices qui affectent la maison, il n'aurait pas acheté la propriété. Il veut maintenant rétrocéder l'immeuble vu l'importance des travaux à faire pour assurer l'intégrité de l'immeuble.
[39] Toute cette situation a causé énormément de stress à Monsieur. Il doit vivre dans une maison qui est très difficile à chauffer pendant la période d'hiver à partir de -15 o C . il a une bâche au-dessus de sa tête afin de protéger ses biens.
[40] Monsieur a subi toutes sortes de difficultés personnelles à cette période de sa vie (rupture, dépression, chômage volontaire). Il fait face à un stress financier important puisque les réparations à faire pour assurer l'étanchéité de la maison sont substantielles. Il subit beaucoup d'incertitude face à l'avenir. Il s'accroche à son recours judiciaire pour trouver une solution à ses déboires.
[41] Monsieur témoigne que Madame n'a pas mentionné de travaux de rénovation à la toiture ni d'infiltrations d'eau lors des visites.
[42] C'est en juillet 2007, lorsqu'il a appelé Madame à propos des taches sur le mur de pin verni qu'il a appris les rénovations faites par Madame à la toiture en 2006.
Témoignage de l'expert Guertin
[43] L'expert en inspection de bâtiment, Richard Guertin, a procédé à l'expertise de la propriété le 26 novembre 2009 lorsque M. Rokas était à démolir la première toiture.
[44] L'immeuble en question est un bâtiment unifamilial d'un étage. Il s'agit d'une construction avec un plafond cathédrale sans aucun espace de grenier.
[45] M. Guertin constate que le toit est en très mauvais état. Il est à même d'observer des traces d'infiltration d'eau dans la maison qu'il attribue au mauvais état de la toiture.
[46] Les traces d'infiltration sont sèches et se présentent sous la forme de cernes. Vu leur situation, elles proviennent de la toiture [14] .
[47] Dans la chambre principale, le plafond est fait de tuiles de carton [15] . M. Guertin retire une tuile [16] . Sous cette tuile de carton, il a trouvé un plafond de placoplâtre avec des indices d'infiltration d'eau [17] .
[48] Ce que M. Guertin a découvert dans la chambre principale l'amène à conclure qu'il y a un problème de condensation dans l'entretoit. L'isolation du toit semble insuffisante et de la condensation se forme dans l'entretoit. L'eau s'échappe par le trou qu'on voit dans le placoplâtre de la chambre principale [18] .
[49] De l'avis de M. Guertin, la photo 11 de son rapport montre une très vieille infiltration.
[50] Sur la photo 12 de son rapport, on voit le revêtement de placoplâtre noirci par la condensation. Le pare-vapeur est en mauvais état et percé.
[51] Sur la toiture, M. Guertin a constaté un affaissement visible au faîte du toit [19] .
[52] La photo 14 du rapport montre comment la toiture était construite. On y voit une structure en 2" x 6" avec quatre pouces de laine minérale comme isolant. Cela occasionne un espace d'air de deux pouces. Toutefois, les entremises de six pouces bloquent totalement toute ventilation. Ainsi, l'air reste coincé dans cet espace de deux pouces dans chacun des compartiments de la toiture. On voit bien sur la photo 24 du rapport que les entremises bloquent toute ventilation dans la toiture.
[53] La photo 15 montre la pourriture de la structure du toit au faîte. Bien que la nouvelle toiture ait été construite à l'automne 2006, la photo 17 du rapport nous montre le dessous d'un panneau de contreplaqué de 4' x 8' manifestement noirci par la condensation.
[54] M. Guertin a pu constater que l'ancienne toiture était complètement affaissée entre les chevrons, ce qui prouve que le pontage est pourri. Sous une couche de laine isolante, l'expert Guertin a découvert des taches d'eau fraîches [20] , ce qui laisse croire à des infiltrations d'eau récentes.
[55] Sur la photo P-6.1, on voit que le pontage original est tellement pourri que les chevrons passent littéralement au travers. Sur la photo P-6.5, on voit la destruction totale du pontage de contreplaqué et la pourriture qui affecte les chevrons. Selon M. Guertin, il s'agit de pourriture avancée et ancienne.
[56] M. Guertin conclut que le manque d'isolation de la toiture et l'absence de ventilation ont fait en sorte de créer un problème de condensation dans l'entretoit qui a progressivement entraîné la pourriture de la première toiture sur laquelle on a déposé une deuxième toiture sans respecter les règles de l'art.
[57] L'entretoit n'était évidemment pas accessible et tout ceci n'a pu être découvert que par la démolition de la première toiture.
[58] La ventilation aurait pu être assurée par la corniche composée d'un soffite perforé. La circulation d'air se serait faite entre les chevrons, mais le passage de l'air est bloqué par les entremises. Il était impossible de savoir que les entremises bloquaient toute ventilation dans l'entretoit.
[59] De plus, au faîte du toit, tout flot d'air d'une corniche à l'autre était bloqué par un 2" x 6" qui a été installé de travers. La toiture originale ne respecte pas les règles de l'art. La deuxième toiture pas davantage.
[60] M. Guertin a été à même de constater que les dommages à la toiture et à la structure sont importants. Comme solution, il ne voit que l'enlèvement complet de la toiture et de sa structure, ce qui a comme conséquence l'enlèvement des plafonds. La maison se trouverait donc pendant une partie des travaux à être totalement exposée aux éléments. Ce sont des travaux substantiels.
[61] Voici les travaux recommandés par l'expert Guertin :
- enlèvement du premier revêtement de bardeaux et du pontage;
- enlèvement du deuxième revêtement de bardeaux et de son pontage;
- enlèvement des chevrons, de la laine isolante, des structures en 2" x 6" et des plafonds;
- la maison n'a alors plus de toiture;
- installation de nouvelles fermes de toit;
- installation d'un polythène, de l'isolant, d'un pontage et d'un revêtement de bardeaux;
- les plafonds sont refaits par l'intérieur;
- lors de l'enlèvement de la toiture, l'entrepreneur devra vérifier si les murs extérieurs n'ont pas été atteints par des infiltrations d'eau et de la pourriture, ce qui nécessiterait des travaux de réparation supplémentaires avant de refaire la structure du toit;
[62] En décembre 2009, M. Guertin estimait les travaux entre 18 000 $ à 25 000 $ sur une période de deux mois. Il s'agit d'une évaluation sommaire.
[63] Selon M. Guertin, pour éviter le problème de condensation avec le type de toiture qui a été construit à l'époque, il aurait fallu que l'isolant soit d'au moins six pouces, soit la même épaisseur que les entremises de façon à éviter qu'il y ait un espace d'air entre l'isolant et le pontage de la toiture.
[64] Quand M. Guertin était sur la toiture, il n'a pas constaté qu'elle était molle. La toiture était rigide, quoiqu'il ait noté l'affaissement du faîte [21] . Compte tenu de la dégradation de la toiture et de l'affaiblissement de la structure par la pourriture, l'expert Guertin a recommandé que la toiture soit déneigée l'hiver. L'affaissement de la toiture à son faîte indique un affaiblissement de la toiture et il juge la situation inquiétante.
Coût des réparations
[65] L'entrepreneur en construction Luc Charbonneau a présenté sa soumission [22] pour les travaux recommandés par l'expert Guertin.
[66] Il évalue à 38 500 $ plus taxes les travaux envisagés. Cela n'inclut pas le remplacement du patio avant pour 4 800 $ plus taxes.
[67] La soumission de M. Charbonneau a été préparée le 20 mars 2012. Lors de l'examen des lieux, il a noté que la toiture était molle et il a vu des bardeaux qui présentaient une usure d'une douzaine d'années, ce qui est une constatation inquiétante.
[68] Notons que sa soumission n'inclut pas les travaux d'électricité et de plomberie nécessaires par l'enlèvement des plafonds. Il faut compter de 2 500 $ à 3 000 $ les travaux d'électricité et de 1 500 $ à 1 800 $ les travaux de plomberie, le tout avant taxes.
[69] Pendant les travaux, la maison sera inhabitable pendant deux mois.
Témoignage de la demanderesse Mme Denise Parent
[70] Madame a acheté la propriété en octobre 2004. Elle aménage avec son conjoint prénommé Stéphane.
[71] En décembre 2006, elle veut vendre la propriété pour aller vivre à St-Jean.
[72] Elle met en vente la propriété via un agent d'immeuble pendant six mois, mais ne parvient pas à vendre la propriété.
[73] À la fin du premier contrat de service, elle remet l'immeuble en vente par les soins d'un autre agent d'immeuble. Deux semaines plus tard, Monsieur prend rendez-vous pour visiter la maison.
[74] Entre 2004 et 2007, année de la vente de la maison, Madame fait faire quelques travaux : ajout d'un spa et réparation de l'adoucisseur d'eau et du système d'alarme.
[75] Elle n'a pas eu connaissance que le balcon avait tendance à gondoler et que son conjoint Stéphane ait coupé les poteaux de soutènement afin de leur permettre de travailler lors du gel et du dégel. Ce témoignage n'est pas crédible.
[76] C'est Madame qui a pris la photo D-4.2 de la douche pour « se protéger ». Elle veut prouver qu'il y avait une fissure dans la base de la douche qui a été colmatée avec du silicone par son conjoint Stéphane.
[77] Madame a fait remplacer la toiture en septembre 2006. Elle explique que « esthétiquement parlant », la toiture n'était pas belle. Le toit était gondolé. On y voyait deux vallons. Les bardeaux étaient frisés et le revêtement de pierre des bardeaux était complètement lavé. Elle témoigne toutefois qu'il n'y avait aucune infiltration d'eau par le toit.
[78] Elle décrit les ondulations de la toiture comme étant des vagues du côté ouest du haut vers le bas, ce qui ne correspond pas à ce que l'on voit sur les photos P-6.
[79] C'est son conjoint Stéphane qui a fait les travaux sur la toiture. Madame témoigne qu'il a enlevé des bardeaux et constaté que certains panneaux de contreplaqué étaient pourris.
[80] Il a procédé au nivellement de la toiture avec des madriers et ajouté des panneaux de contreplaqué neufs. Il aurait mis du papier de toiture noir et des bardeaux neufs des deux côtés de la toiture. Cette description des travaux ne correspond pas à ce que Monsieur Rokas a découvert en démolissant la moitié de la toiture.
[81] Madame insiste beaucoup pour dire que les travaux étaient requis d'un point de vue esthétique . Or, ce qu'elle décrit comme état de la toiture, laisse plutôt apparaître que la toiture était complètement « finie ». À la fin des travaux de Stéphane, la toiture était beaucoup plus jolie. Il demeurait un petit vallonnement, mais la toiture était droite, propre et avait l'air d'être neuve. Pour elle, c'était du beau travail et par rapport à l'ancienne toiture, c'était «le jour et la nuit».
[82] Madame témoigne avoir subi une infiltration d'eau entre l'ancienne partie et la nouvelle à l'été 2005 par beau temps. Elle a noté quelques gouttes d'eau pendant deux ou trois jours. Cette infiltration d'eau n'a eu lieu qu'une seule fois et n'a pas laissé de cerne ni de trace. Le Tribunal estime que, compte tenu de la description minimaliste qu'elle fait à l'audience de cette infiltration d'eau en 2005, Madame n'a pas divulgué cette infiltration d'eau à l'acheteur.
[83] Madame affirme qu'au moment de la vente, il n'y avait pas les cernes qu'on voit sur les photos 1, 2 et 3 de la pièce P-2. Quant aux traces d'infiltration visibles sur les photos 5 et 6, elle témoigne que ça existait au temps de la vente mais pas dans un état si avancé.
[84] Madame témoigne qu'à tous les étés, ça dégouttait du plafond de la chambre principale au-dessus du lit pendant une journée ou deux. Il y avait un cerne au-dessus du lit. Elle insiste pour dire que ce n'était que deux ou trois gouttes qu'elle attribuait à la condensation causée par le système de climatisation.
[85] Madame affirme avoir révélé cette infiltration à l'agent d'immeuble Robert Noël. Devant le Tribunal, elle a minimisé l'importance de cette infiltration et couplé au fait que la toiture a été refaite à l'automne 2006, il n'y avait pas lieu pour l'acheteur de s'inquiéter.
[86] Elle a divulgué à M. Noël que la toiture avait été refaite par son conjoint en 2006 pour des raisons esthétiques. Elle aurait parlé de l'infiltration d'eau dans la salle à dîner, dit-elle, infiltration qui n'a pas laissé de trace.
[87] En contre-interrogatoire, elle admet qu'une plinthe électrique ne fonctionnait pas mais qu'elle a oublié de le divulguer à l'acheteur.
[88] Relativement à la toiture refaite à l'automne 2006, Madame témoigne qu'elle est montée sur la toiture à la fin des travaux pour aider son conjoint avec la pose des bardeaux. Elle a constaté que le toit était solide et pour cause, on venait d'ajouter des 2"x 4" et un pontage de contreplaqué neuf.
Témoignage de l'expert Huot
[89] M. Martin Huot a procédé à l'expertise du bâtiment pour la défenderesse. L'examen a eu lieu le 16 août 2010, soit près d'un an après la démolition partielle de la toiture par M. Rokas et la pose de tôles d'occasion en remplacement du revêtement de bardeaux d'asphalte.
[90] Pour M. Huot, les ondulations de la toiture étaient visibles des deux côtés à plus de 60 pieds de distance. Remarquons que cela faisait déjà plus de quatre ans que la nouvelle toiture avait été installée sur l'ancienne. L'expert témoigne qu'il a marché sur la toiture qu'il a trouvée molle.
[91] Au moment de son expertise, M. Huot n'a pas pu voir ce que l'expert Guertin a vu en novembre 2009.
[92] M. Huot n'a pas non plus assisté au témoignage de l'expert Guertin. Toutefois, M. Huot confirme les explications de M. Guertin que quatre pouces de laine isolante et des entremises de six pouces créent une chambre d'air de deux pouces. La toiture n'aurait donc pas été construite suivant l'annexe II de son rapport qui serait la structure type d'un toit cathédrale de l'époque. Dans cette structure, aucune ventilation n'est prévue précisément parce que l'isolant occupe tout l'espace vide entre le pare-vapeur et le pontage.
[93] M. Huot est d'avis qu'il n'est pas nécessaire de refaire toute la structure de la toiture mais seulement de la solidifier. Il est contredit à ce sujet par l'entrepreneur Charbonneau pour qui il est aussi dispendieux de tout arracher que de tenter de sauver une structure pourrie.
[94] M. Huot ne partage pas le pessimisme de M. Guertin quant à la faiblesse de la structure. Étonnamment, il n'a pas vu l'affaiblissement manifeste au faîte du toit. Par contre, il confirme qu'il peut y avoir affaissement de la structure si la toiture était laissée dans cet état.
[95] M. Huot affirme également que le bardeau utilisé par le conjoint Stéphane n'est pas un bardeau conçu pour un toit à faible pente et que cela peut entraîner des infiltrations d'eau par vent fort.
[96] Le témoignage de M. Huot tourne essentiellement autour du fait qu'un inspecteur en bâtiment qui aurait inspecté l'immeuble en 2007 aurait connu les risques inhérents à ce type de toiture, soit faible isolation, ondulation de la toiture, mollesse du pontage, ce qui aurait provoqué un doute et la nécessité d'une expertise plus pouss ée. Ces hypothèses sont contredites par la preuve. La toiture a été refaite en 2006 et au temps de la vente, il n'y avait plus d'ondulation ni de mollesse de la toiture. Bref, aucun indice d'un vice quelconque.
[97] L'expertise de Monsieur Huot présente plusieurs faiblesses :
- il n'a pas entendu le témoignage de M. Guertin;
- son examen des lieux a eu lieu onze mois après l'ouverture de la toiture et l'examen par M. Guertin;
- son opinion que la toiture présentait des ondulations et une mollesse du pontage sont contredites par les faits mis en preuve;
- il n'a pas vu l'affaissement au faîte du toit;
- il témoigne vaguement et évasivement devant les photographies P-6 qui sont des éléments matériels dont le Tribunal peut tirer lui-même des conclusions.
[98] De façon tout à fait étonnante, M. Huot est d'avis que le revêtement du côté est, qui n'a pas été touché par M. Rokas, a atteint sa durée de vie utile et doit être remplacé. Ce revêtement n'a pourtant que quatre ans au moment de son expertise.
[99] Le Tribunal est plutôt d'avis que, quatre ans après sa réfection, la toiture est déjà dans un état de dégradation avancée qui s'explique essentiellement par le fait que la dégradation se poursuit par le manque de ventilation dans l'entretoit qui n'a jamais été corrigé.
[100] Lorsqu'il apprend à l'audience que l'isolant de laine minérale n'avait que quatre pouces, alors que les entremises étaient de six pouces, M. Huot change son opinion et se dit d'accord que cette situation a pu causer le pourrissement de la toiture.
QUESTIONS EN LITIGE
[101] Trois questions doivent être résolues:
1. La maison est-elle affectée de vices cachés qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas achetée ou n'en aurait pas donné si haut prix s'il les avait connus?
2. L'acheteur a-t-il fait preuve de diligence et de prudence lors de l'achat de la maison?
3. S'il y a vices cachés, la venderesse en avait-elle une connaissance réelle ou présumée?
ANALYSE
[102] Le vendeur doit à l'acheteur la garantie de qualité, généralement connue comme « garantie contre les vices cachés ».
[103] Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien est, lors de la vente, exempt de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel il est destiné ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté ou donné si haut prix s'il les avait connus.
[104] Pour donner droit à la garantie, le vice doit être grave, caché, antérieur à la vente et inconnu de l'acheteur. Le vendeur n'est pas tenu de garantir le vice apparent c'est-à-dire le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[105] Le caractère caché du vice « s'apprécie selon une norme objective, c'est-à-dire en évaluant l'examen fait par l'acheteur en fonction de celui qu'aurait fait un acheteur prudent et diligent de même compétence » [23] .
[106] Il peut y avoir garantie même si le vendeur ignorait que le bien vendu était affecté d'un vice caché. Mais si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l'ignorer, on conçoit aisément que la situation s'apparente à un dol. Le vendeur sera alors tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages-intérêts soufferts par l'acheteur.
[107] La Cour d'appel a rappelé en 2003 dans l'arrêt Trembloy c. Galipeau [24] que des représentations erronées du vendeur peuvent faire d'un vice apparent, un vice juridiquement caché et que l'omission de divulguer des informations pertinentes et adéquates quant à la gravité du vice révélé par des signes apparents, engage la responsabilité du vendeur.
1. La maison est-elle affectée de vices cachés qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas achetée ou n'en aurait pas donné si haut prix s'il les avait connus?
[108] La réponse à cette question est positive. La maison est affectée d'un vice grave qui était caché au temps de la vente. Le vice est grave car la première fonction d'une maison est d'être étanche aux éléments et de protéger ses occupants et leurs biens.
2. L'acheteur a-t-il fait preuve de diligence et de prudence lors de l'achat de la maison?
[109] Oui. M. Wood a fait preuve de diligence et de prudence raisonnables dans les circonstances. La loi n'exige pas l'examen par un expert. Rien ne pouvait laisser croire que la toiture, manifestement neuve, en cachait une autre totalement pourrie [25] . L'état véritable de la situation n'a pu être connu que lors de la démolition partielle de la toiture par M. Rokas. Avant l'achat, lors de la deuxième visite, Monsieur avait pu constater que la toiture avait récemment été remplacée compte tenu de la bonne condition du bardeau. Il n'était pas inquiet. Rien ne pouvait laisser croire non plus que les poteaux de la galerie avaient été sciés puisque la galerie est entourée d'un treillis de type «intimité».
3. S'il y a vices cachés, la venderesse avait-elle une connaissance réelle ou présumée de ces vices?
[110] Encore ici, la réponse est positive. C'est Madame et son conjoint qui ont construit la 2 e toiture. L'état de la toiture antérieure lui était connu, comme d'ailleurs les infiltrations d'eau dans la chambre à coucher et la salle à dîner. Une deuxième toiture a été ajoutée sur la première à des «fins esthétiques», en fait pour cacher l'état lamentable de la première toiture.
[111] Madame ne pouvait pas non plus ignorer le soulèvement des planches de la galerie et le sciage des poteaux par son conjoint.
DÉCISION
Résolution de la vente
[112] L'importance du vice et l'ampleur des réparations exigées pour le corriger justifient que soit accordée la résolution de la vente.
[113] Le demandeur réclame la somme de 117, 555 $ à titre de remboursement du prix d'achat. Cette somme est accordée.
[114]
L'acheteur
a le droit d'être remboursé des impenses nécessaires et utiles (art.
[115] Les frais de la restitution sont à la charge de la défenderesse (1705 C.c.Q.).
[116] Comme le demandeur a constitué une hypothèque sur la maison en faveur de son bailleur de fonds, il y aura lieu de s'inspirer de la solution de la Cour d'appel dans Trembloy c. Galipeau [26] .
Dommages-intérêts
[117] Comme la défenderesse avait connaissance du vice, elle est tenue aux dommages-intérêts.
[118] On ne peut pas lier tous les déboires de Monsieur sur le compte de la découverte du vice caché. Une somme de 5 000 $ est une indemnisation juste et raisonnable dans les circonstances.
Dépens et frais d'expert
[119] Les honoraires de Monsieur Guertin pour la préparation de l'expertise (592,59 $) et pour le témoignage à la Cour (977,29 $) sont accordés parce qu'ils ont été utiles au Tribunal .
Demeure
[120] La demeure est fixée au 12 décembre 2009.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[121] DÉCLARE RÉSOLUE la vente intervenue entre les parties le 22 juin 2007 et ayant pour objet :
DÉSIGNATION
Un immeuble connu et désigné comme étant composé :
a) du lot numéro CENT SOIXANTE-DEUX de la subdivision officielle du lot originaire numéro CENT QUATRE-VINGT-ONZE (191-162) du cadastre officiel de la ¨PAROISSE DE SAINT-GEORGES DE CLARENCEVILLE¨ , dans la circonscription foncière de Missisquoi .
b) du lot numéro CENT SOIXANTE-TROIS de la subdivision officielle du lot originaire numéro CENT QUATRE-VINGT-ONZE (191-163) du cadastre officiel de la ¨ PAROISSE DE SAINT-GEORGES DE CLARENCEVILLE¨ , dans la circonscription foncière de Missisquoi .
c) du lot numéro CENT SOIXANTE-QUINZE de la subdivision officielle du lot originaire numéro CENT QUATRE-VINGT-ONZE (191-175) du cadastre officiel de la ¨PAROISSE DE SAINT-GEORGES DE CLARENCEVILLE¨ , dans la circonscription foncière de Missisquoi .
[ … ]
La présente vente comprend également les articles et meubles meublants énumérés dans une liste ci-annexée après avoir été reconnue véritable et signée pour identification par les parties, en présence du notaire.
[122] ORDONNE la restitution des prestations;
[123] CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 117 555 $ avec intérêt et l'indemnité additionnelle prévue à la loi à compter du 12 décembre 2009;
[124] Ordonne que la somme mentionnée précédemment soit versée en fidéicommis entre les mains du praticien choisi par les parties ou le Tribunal aux fins d'assurer le paiement de toute charge ou hypothèque pouvant affecter l'immeuble;
[125] CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 6 500 $ avec intérêt et l'indemnité additionnelle prévue à la loi à compter du 12 décembre 2009;
[126] Le tout avec dépens y compris les frais d'expertise établis à la somme de 1569,88 $ et les frais de mutation, de publicité et de notaire pour la remise de l'immeuble.
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__________________________________ FRANÇOIS TÔTH, j.c.s. |
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Me Jean-Philippe Cloutier DANIEL CAISSE, AVOCATS Procureur du demandeur
Me Danielle F. Tremblay BÉDARD TREMBLAY BIGLER Procureure de la défenderesse
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Dates d’audience: |
23, 24 et 25 avril 2012 |
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[1] Pièce D-2.
[2] Pièce P-2, photo 8.
[3] Photo P-8.1.
[4] Pièce P-2, photos 1, 2, 3 et 4.
[5] Pièce P-2.4.
[6] Selon l'orientation géographique illustrée à la pièce P-10.
[7] Photo P-6.7.
[8] Photo P-6.1.
[9] Photo P-6.4.
[10] Pièces P-6.5, P-6.9.
[11] Pièce P-8.2 prise à l'hiver 2011.
[12] Pièces P-8.4 et P-8.5.
[13] Pièce P-11.
[14] Pièce P-2, photos 1 à 6.
[15] Pièce P-2, photo 9.
[16] Pièce P-2, photo 10.
[17] Pièce P-2, photo 11.
[18] Pièce P-2, photo 11.
[19] Pièce P-2, photo 13.
[20] Pièce P-2, photo 25.
[21] Pièce P-2, photo 13.
[22] Pièce P-5.
[23]
ABB
inc.
c.
Domtar inc.
,
[24]
[25]
Bardiaux c. Leduc,
[26]