Desrosiers c. Dubuc Marketing inc.

2012 QCCQ 6114

COUR DU QUÉBEC

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-22-177029-108

 

 

 

 

DATE :

6 août 2012

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

PATRICIA DESROSIERS

 

Demanderesse/défenderesse reconventionnelle

c.

 

DUBUC MARKETING INC.

 

Défenderesse/demanderesse reconventionnelle

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]            La demanderesse, madame Patricia Desrosiers («  Desrosiers  »), réclame de Dubuc Marketing inc. («  DMI  »), l’entreprise de son ex-fiancé avec qui elle s’était lancée en affaires jusqu’à son congédiement en décembre 2009, la somme totale de 51 968,93 $ répartie ainsi :

-        31 968,93 $  : salaire impayé pour le travail exécuté pour une période de 65 semaines du 10 mai 2007 au 13 mars 2009;

-        15 000,00$  : indemnité de préavis et de cessation d’emploi équivalent à six mois de salaire; et

-        5 000,00 $  : dommages et intérêts pour troubles, ennuis et inconvénients.

[2]            DMI, par l’entremise de son président et unique actionnaire et administrateur, monsieur Guilhem Dubuc («  Dubuc  »), conteste cette réclamation aux motifs que l’entreprise ne doit aucun salaire à Desrosiers d’autant plus qu’il y a prescription quant à une partie des sommes réclamées dues depuis plus de trois années avant la date d’institution de la présente procédure, le 3 décembre 2010, et se portant demanderesse reconventionnelle, DMI lui réclame les sommes suivantes totalisant 29 541,73 $ :

-        1 250,00 $  : remboursement d’un chèque préparé et encaissé par Mme Desrosiers pour le paiement de son loyer;

-        5 800,00 $  : remboursement de diverses dépenses personnelles effectuées au moyen de la carte de crédit corporative;

-        1 106,15 $  : remplacement d’un ordinateur endommagé par Mme Desrosiers;

-        10 550,44 $  : remboursement des frais et honoraires extrajudiciaires encourus dans le cadre de procédures judiciaires en injonction entre les parties aux présentes;

-        1 200,00 $  : perte de revenus provenant de Google Adsense (10 $ par jour pendant 120 jours);

-        4 635,14 $  : perte de revenus d’affaires pour les mois de décembre 2009 à avril 2010;

-        5 000,00 $  : Dommages et intérêts pour troubles, ennuis et inconvénients.

LES FAITS

[3]            Desrosiers affirme avoir préalablement travaillé pour plusieurs entreprises, dont le Cirque du soleil et avoir acquis de l’expérience en matières de vente, marketing, organisation d’événements et multimédia ce qui est en soit du design de sites web, graphismes et autres. Elle a obtenu un diplôme collégial en Art créatif et Design multimédia de l’Académie du Design en août 2001.

[4]            En décembre 2005, Desrosiers rencontre Dubuc alors qu’ils travaillent tous deux chez Azure Média. Dubuc quittera Azure Média peu après. Au début de l’été 2006, ils décident de vivre ensemble et Dubuc emménage dans le logement de Desrosiers. En novembre 2006, alors qu’elle est en vacances avec Dubuc, Desrosiers subit une blessure grave au dos qui requerra une certaine période de convalescence. Desrosiers quittera éventuellement son emploi chez Azure Média et deviendra prestataire de l’Assurance-emploi (invalidité) de janvier à juillet 2007 (452 $ aux deux semaines).

[5]            En avril 2007, le couple décide de se marier. Dubuc décide alors de se lancer en affaires, un rêve qu’il dit chérir depuis longtemps.

[6]            Le 10 mai 2007, la société DMI est constituée. Dès le départ, M. Dubuc en est l’unique actionnaire, administrateur et officier. Ses parents lui ont avancé 10 000 $ pour lui permettre de démarrer son entreprise. Il est également la seule personne autorisée à transiger avec le compte bancaire de l’entreprise.

[7]            À ce sujet, la version de Desrosiers est tout autre. Elle mentionne qu’elle a plutôt invité Dubuc à quitter son emploi pour commencer à travailler avec elle dans une nouvelle entreprise. C’est elle qui aurait mis sur pied l’entreprise.

[8]            Dubuc rétorque qu’à l’époque, Desrosiers percevait de l’Assurance-emploi (invalidité). Comme elle était en convalescence et ne pouvait travailler à l’extérieur de leur logement, Desrosiers offre de l’aider à démarrer l’entreprise qui opérera à même leur logement. À l’époque, il n’est pas question de lui verser un salaire car DMI n’a pas les ressources financières nécessaires, d’où l’offre de Desrosiers d’aider Dubuc d’autant plus qu’elle percevait des prestations de l’Assurance-emploi (invalidité).

[9]            Desrosiers reconnaîtra [1] qu’à l’époque, il n’était aucunement question pour elle d’être coactionnaire de DMI en raison des problèmes de crédit qu’elle éprouvait et de prêts étudiants qu’elle aurait dû rembourser en se lançant officiellement en affaires. Elle ne voulait pas non plus mettre en péril les prestations d’Assurance-emploi (invalidité) qu’elle recevait. Elle nourrissait néanmoins l’espoir de devenir, un jour, coactionnaire de DMI à parts égales avec Dubuc, son futur mari. Malheureusement, les parties n’ont jamais consigné par écrit leurs intentions réelles, à cet égard.

[10]         Quoi qu’il en soit, le Tribunal constate, d’une part, que Dubuc nie catégoriquement que l’entreprise appartenait ou devait appartenir à parts égales avec Desrosiers. D’autre part, malgré sa décision initiale de ne pas vouloir être « officiellement » impliquée dans DMI, Desrosiers a toujours agi comme si elle était copropriétaire de l’entreprise et ce, jusqu’à son congédiement en décembre 2009 et même par après.

[11]         En fait, la question de la propriété de DMI et de ses actifs est au cœur du présent litige et a déterminé le comportement de Desrosiers tout au long de cette malheureuse affaire.

LA PROPRIÉTÉ DE L’ENTREPRISE DUBUC MARKETING IINC.

[12]         Pour une meilleure compréhension des enjeux entourant le présent litige, il est utile de souligner qu’au moment de son congédiement, en décembre 2009, Desrosiers a posé divers gestes qui ont eu pour effet pratique de paralyser les opérations commerciales de DMI, espérant, en ce faisant, que Dubuc accepte de « séparer » les actifs et la clientèle de l’entreprise à parts égales. Ces gestes, dont il sera plus amplement question plus loin, ont provoqué l’institution de procédures judiciaires en injonction par DMI dès décembre 2009, pour lui permettre de récupérer des actifs cruciaux pour la continuité de ses opérations commerciales. La survie de l’entreprise était compromise par les gestes posés par Desrosiers.

[13]         Le 22 mars 2010, la juge Sylviane Borenstein émet l’ordonnance de sauvegarde suivante (l’“ Ordonnance Borenstein ”) :

[1] Although Defendant [Desrosiers] may prove on the merit that she owns half of the company, until a judgment declares her ownership, she has no right to act as an owner as she has done .

[2] Some of her actions have to be reversed in the interest of the company continuing to carry on business as it did until December 13, 2009 .

FOR THESE REASONS, THE COURT:

Partially GRANTS the motion for safeguard order and ORDERS that the domain names as set forth in exhibits P-2, P-3 and P-8 registered at Go Daddy.com Inc. be transferred back to the Plaintiff company as the registrant;

ORDERS Defendant to return and remit to Plaintiff at 2960 Van Horne in Montreal, within 24 hours of this judgment;

-           2 HP desktop computers and 1 HP laptop, with its hard drives and accessories;

-           all banking records of Plaintiff including bank statements and accounting records;

-           all postdated cheques from clients payable to Plaintiff;

-           all cheques issued on Plaintiff's corporate bank account and signed in blank by Guilhem Dubuc;

-           Plaintiff's corporate files, clients' lists, clients' website files and information;

ORDERS provisional execution notwithstanding any appeal;

THE WHOLE with costs.   

[Soulignement ajouté]

[14]         Malgré l’Ordonnance Borenstein, les procédures judiciaires continuent jusqu’au 11 juin 2010 alors que la juge Pepita Capriolo rendra le jugement suivant disposant, une fois pour toutes, de la question de la propriété de l’entreprise DMI et des actifs tangibles et intangibles appropriés par Desrosiers en décembre 2009 (le “ Jugement Capriolo ”):

 

SUPERIOR COURT

CANADA

PROVINCE OF QUEBEC

DISTRICT OF MONTREAL

 

N o :                    500-17-055182-094

DATE:              June 11, 2010

________________________________________________________________

BY:                   THE HONOURABLE JUSTICE PEPITA CAPRIOLO, J.S.C.

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DUBUC MARKETING INC.

Plaintiff

v.

PATRICIA DESROSIERS

Defendant

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JUDGMENT

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[1]         THE COURT is seized with a Motion for provisional and interlocutory and permanent injunction and Motion to institute proceedings;

[2]         SEEING the proceeding and the exhibits in support thereof;

[3]         GIVEN the Consent to judgment on the merits signed by the Defendant;

[4]         FOR THESE REASONS:

[5]         GRANTS the Motion for a provisional and interlocutory and permanent injunction and Motion to institute proceedings;

[6]         ORDERS that the domain names as set forth in exhibits P-2, P-3, and P-8 registered at Go Daddy.com Inc. be transferred back to the Plaintiff company as the registrant;

[7]         DECLARES that Plaintiff is the owner of the domain names as set forth in exhibits P-2, P-3, and P-8 registered at Go Daddy.com Inc.;

[8]         DECLARES that Plaintiff is the owner of the following items, namely:

- 2 HP desktop computers and 1 HP laptop, with its hard drives and accessories

- All banking records of Plaintiff including bank statements and accounting records

- All postdated cheques from clients payable to Plaintiff

- All cheques issued on Plaintiff's corporate bank account and signed in blank by Guilhem Dubuc

- Plaintiff's corporate files, clients' lists, clients' website files and information;

[9]         ORDERS provisional execution notwithstanding any appeal;

[10]       THE WHOLE with costs.

[15]         Il est à noter que pour permettre que le Jugement Capriolo soit rendu, Desrosiers avait signé, le 3 juin précédent, un document intitulé «  Consent to judgment on the merits  » (le «  Consentement  ») dont le libellé se lit comme suit :

CONSENT TO JUDGMENT ON THE MERITS

The Defendant hereby acquiesces and consents to a final judgment being rendered in the present matter as follows:

"GRANTS the Motion for a provisional and interlocutory and permanent injunction and Motion to institute proceedings;

ORDERS that the domain names as set forth in exhibits P-2, P-3, and P-8 registered at Go Daddy.com Inc. be transferred back to the Plaintiff company as the registrant;

DECLARES that Plaintiff is the owner of the domain names as set forth in exhibits P-2, P-3, and P-8 registered at Go Daddy.com Inc.;

DECLARES that Plaintiff is the owner of the following items, namely:

-           2 HP desktop computers and 1 HP laptop, with its hard drives and accessories

-           All banking records of Plaintiff including bank statements and accounting records

-           All postdated cheques from clients payable to Plaintiff

-           All cheques issued on Plaintiff's corporate bank account and signed in blank by Guilhem Dubuc

-           Plaintiff's corporate files, clients' lists, clients' website files and information;

ORDERS provisional execution notwithstanding any appeal;

THE WHOLE with costs.

[16]         Le même jour, Desrosiers signe en faveur de Dubuc et de DMI un autre document intitulé «  Acknowledgement  » (la «  Reconnaissance  ») qui se lit ainsi :

ACKNOWLEDGEMENT

For the sum of one dollar ($1.00) and other good and valid consideration, whereof quit, I, Patricia Desrosiers, residing at […], in Sainte( sic )-Jérôme, Quebec, […], hereby make the following acknowledgement:

That with respect to any claim or cause of action I had, have, or may have, whether directly or indirectly, of whatsoever nature, in relation to any shares in the capital stock of a company known as Dubuc Marketing Inc. (Quebec immatriculation number 1164430655), I hereby declare and acknowledge that I have no claim, interest, and renounce to any such shares, whether issued or unissued, and I hereby confirm that I renounce irrevocably to any claim whatsoever to any such shares;

That I hereby release and hold the company Dubuc Marketing Inc. and Guilhem Dubuc harmless from any and all possible claims or causes of action relating, directly or indirectly, to any claim for ownership that I had, have, or may have, with respect to any shares in the company Dubuc Marketing Inc., this release to revendication of the shares, liquidation of the assets;

That I recognize and confirm that Mr. Guilhem Dubuc is the sole shareholder, director, and officer of the company Dubuc Marketing Inc.;

That the present acknowledgement is being made without admission of liability on the part of Patricia Desrosiers;

The present acknowledgement applies to Guilhem Dubuc and the company Dubuc Marketing Inc., as well as, its respective successors, heirs, servants, assigns, subsidiaries, directors, officers, agents, executors, administrators, employees, and insurers.

I have had the opportunity to consult with my legal counsel prior to the signature of the present acknowledgement.

Je consente ( sic ) à ce que cette reconnaissance soit rédigée dans la langue anglaise.

Montreal, June 3, 2010

 

__ (original signé) ___________

Patricia Desrosiers

[17]         À la lumière du Jugement Capriolo, du Consentement et de la Reconnaissance, il ne fait maintenant aucun doute que Desrosiers a reconnu, dès juin 2010, n’avoir aucun intérêt financier ou autre relativement au capital-actions de DMI, renonçant spécifiquement à toute prétention quant au droit de propriété de cette entreprise et à ses actifs incluant ceux plus amplement décrits dans le Consentement qui, soit dit en passant, avaient déjà fait l’objet de l’Ordonnance Borenstein.

[18]         Suite au Jugement Capriolo, Desrosiers dépose la présente Requête introductive d’instance le 3 décembre 2010 aux termes de laquelle elle continue néanmoins de prétendre qu’elle avait constitué DMI avec Dubuc qui avait apparemment accepté de « diviser » l’entreprise en deux. Desrosiers réoriente cependant son recours et affirme avoir été congédiée sans motifs valables, le ou vers le 10 décembre 2009, et à titre d’ex-employée de DMI, prétend ne pas avoir été rémunérée pour tout le temps qu’elle a travaillé pour DMI entre le 14 mai 2007 et le 10 décembre 2009.

[19]         Rappelons que Desrosiers réclamait initialement 31 968,93 $ à titre de salaire impayé, 15 000 $ à titre d’indemnité de préavis et de cessation d’emploi équivalent à six mois de salaire et 5 000 $ à titre de dommages pour troubles, ennuis et inconvénients. Outre la demande reconventionnelle, DMI prétend que Desrosiers a dûment reçu tout le salaire auquel elle avait droit durant son emploi. Dubuc nie que DMI doive une indemnité de préavis, ajoutant que le congédiement de Desrosiers était tout à fait justifié dans les circonstances.

[20]         Les parties ne s’entendent aucunement, entre autres, sur le salaire réclamé par la demanderesse.

[21]         Desrosiers a-t-elle droit à du salaire qui ne lui aurait pas été versé durant son emploi chez DMI?

[22]         À ce sujet, à l’audience, Desrosiers a amendé ce chef de réclamation pour le porter à 32 638,57 $ (P-14). Cette réclamation se répartit ainsi :

A)    138,57 $ : les 10 et 11 mai 2007;

B)    Du 14 mai au 28 décembre 2007 (20 semaines):

-        1 038,46 $ : du 14 au 31 mai 2007;

-        1 500,00 $ : du 1 au 29 juin 2007;

-        1 500,00 $ : du 1 au 31 octobre 2007;

-        1 500,00 $ : du 1 au 30 novembre 2007;

-        1 500,00 $ : du 1 au 31 décembre 2007;

C)    Du 31 décembre 2007 au 26 septembre 2008 (30 semaines) :

-        2 500,00 $ : du 1 au 31 janvier 2008;

-        2 500,00 $ : du 1 au 29 février 2008;

-        2 500,00 $ : du 1 au 31 mars 2008;

-        2 500,00 $ : du 1 au 30 avril 2008;

-        2 500,00 $ : du 1 au 30 mai 2008;

-        2 500,00 $ : du 1 au 30 juin 2008;

-        2 500,00 $ : du 1 au 26 septembre 2008;

D)    230,77 $ : les 29 et 30 septembre 2008;

E)    2 500,00 $ : du 3 au 31 décembre 2008;

F)    230,77 $ : les 1 et 2 janvier 2009;

G)    Du 5 janvier au 13 février 2009 (6 semaines):

-        2 500,00 $ : du 5 janvier au 31 janvier 2009;

-        1 250,00 $ : du 1 février au 13 février 2009;

H)    1 250,00 $ : du 2 au 13 mars 2009 (2 semaines).

[23]         D’entrée de jeu, la prescription d’une partie de cette réclamation est soulevée par DMI. Les présentes procédures ont été instituées le 3 décembre 2010. Force est de constater qu’en l’absence de toute preuve quant à l’interruption de la prescription applicable, les sommes réclamées entre le 10 mai et le 3 décembre 2007 sont prescrites.

[24]         Il y a donc lieu de retrancher 5 822,19 $ de ce chef de réclamation laissant ainsi un solde de 26 816,38 $.

[25]         Qu’en est-il de ce solde réclamé?

- LE SALAIRE PAYABLE À PATRICIA DESROSIERS PAR DMI (26 816,38 $)

[26]         À titre de commentaire préliminaire, le Tribunal doit souligner que la preuve offerte de part et d’autre, à ce sujet, était truffée de contradictions, de réajustements, d’imprécisions, d’invraisemblances et même, de faussetés. Avec grands égards, il est manifeste que Desrosiers n’était pas familière avec ses propres chiffres qu’elle a dû modifier en partie au gré des contradictions soulevées. Il est également manifeste qu’en l’absence de toute documentation et tout écrit pertinents aux époques qui nous concernent, la preuve s’est révélée fort laborieuse d’autant plus que l’argument du salaire impayé a été développé après que Desrosiers ait échoué dans sa tentative d’obtenir la moitié de l’entreprise et de ses actifs.

[27]         Quoi qu’il en soit, tel que susdit, les opérations commerciales de DMI ont débuté peu après sa constitution, le 10 mai 2007.

[28]         Desrosiers affirme que dès le début, il avait été convenu que Dubuc et elle allaient être rémunérés de façon identique ce qui était conforme, selon elle, à leur entente relativement au partage de la propriété de l’entreprise à parts égales. Elle insiste que la rémunération de Dubuc soit toujours identique à la sienne. Dubuc nie l’existence d’une telle entente laquelle ne fut jamais consignée par écrit. Desrosiers explique cette absence d’écrit par le fait qu’à l’époque, elle ignorait que leur vie commune prendrait fin en 2009, suivie d’un congédiement. Le couple aurait convenu de débuter avec un salaire annuel de 25 000 $ chacun ce qui est catégoriquement nié par Dubuc. Desrosiers ajoute que l’entente quant à leur rémunération était cependant conditionnelle à ce que DMI puisse payer. Ceci expliquerait que dès juin, juillet et août 2007, son salaire mensuel aurait été réduit à 1 500 $ (18 000 $ annuellement). Lorsqu’il n’y avait pas assez d’argent pour lui verser un salaire, Dubuc n’en recevait pas non plus, étant convenu que toute somme impayée serait remboursée éventuellement par DMI, dans la mesure où, évidemment, les fonds nécessaires deviennent disponibles. On n’a cependant jamais établi de dates ou de délais spécifiques pour de tels remboursements car «  on était en couple  ».

[29]         La réalité, telle qu’établie à l’audience, est fort différente, tout comme la version de Dubuc.

[30]         Le Tribunal comprend qu’au début des opérations de DMI, Desrosiers est en convalescence à la maison, suite à un grave accident qui réduit grandement sa mobilité. DMI débute ses opérations dans le logement occupé par le couple et n’a pas les fonds nécessaires pour verser aucun salaire à quiconque. Comme Desrosiers perçoit des prestations de l’Assurance-emploi en raison de son invalidité et qu’elle ne peut travailler à l’extérieur, elle propose d’aider Dubuc. Selon ce dernier, il n’a jamais été question de verser à Desrosiers un salaire avec de l’argent que DMI n’avait pas d’autant plus qu’elle percevait des prestations d’invalidité, prestations qu’elle aurait perdues en commençant à travailler pour DMI. Aucune autre forme de compensation monétaire n’était donc prévue pendant que Desrosiers continuait de percevoir des prestations de l’Assurance-emploi (invalidité). Il était encore moins question d’un salaire annuel de 25 000 $ pour chacun d’entre eux.

[31]         Les prestations cessent en juin 2007 et à partir de juillet, Dubuc accepte de commencer à verser à Desrosiers 1 500 $ mensuellement en fonction d’un tarif horaire de 15 $. Il prévoit qu’elle consacrera environ 25 heures par semaine à l’entreprise malgré que personne ne compte jamais les heures réellement travaillées par Desrosiers. Encore une fois, Dubuc nie catégoriquement qu’il ait jamais été question d’un salaire annuel initial de 25 000 $ ou autre. DMI, en phase de démarrage, ne pouvait se permettre de verser quelque 50 000 $ en salaire annuellement, une proposition invraisemblable et irréaliste pour une toute petite entreprise naissante.

[32]         En septembre 2007, Dubuc réalise que DMI a de la difficulté de continuer à verser 1 500 $ par mois à Desrosiers. À ce moment, Desrosiers informe Dubuc qu’en raison des trois derniers mois travaillés pour DMI, elle serait à nouveau éligible à percevoir de l’Assurance-emploi. En fonction du nombre d’heures alors travaillées chez Azure Média et DMI, ses prestations seraient fondées sur les salaires perçus à ces deux endroits et seraient supérieures au montant versé mensuellement par DMI. Desrosiers entreprend aussitôt des démarches pour percevoir de l’Assurance-emploi, ce qu’elle fait avec succès. Desrosiers réussit à percevoir une prestation de 856 $ aux deux semaines. Dubuc reconnaît que cette prestation était clairement plus avantageuse car elle permettait à Desrosiers de percevoir plus que les 1 500 $ par mois versés avec difficulté par DMI tout en soulageant cette dernière financièrement. Desrosiers percevra ces prestations de l’Assurance-emploi d’octobre 2007 à mars 2008. Au cours de cette période, Desrosiers continue de travailler pour DMI, mais sans recevoir aucun salaire comme elle l’avait fait, lors de sa convalescence antérieure. Dubuc insiste que sa seule source de fonds provenait de l’Assurance-emploi et pour être éligible, elle devait nécessairement ne pas être à l’emploi de DMI. En fait, pour pouvoir percevoir ces prestations, Desrosiers devait nécessairement déclarer que DMI l’avait mise à pied, ce qui était évidemment faux. Dubuc conclut donc que durant cette période, Desrosiers l’aidait gracieusement.

[33]         À ce sujet, en contre-interrogatoire, Desrosiers affirmera que, dans son esprit, elle n’a pas obtenu ces prestations de l’Assurance-emploi sous de fausses représentations car jusqu’à présent, il ne fait aucun doute qu’elle n’a reçu aucun salaire pendant les mois durant lesquels elle prétend maintenant avoir travaillé pour DMI pour justifier sa réclamation pour salaire impayé. Dans une telle optique, elle avait donc le droit de réclamer lesdites prestations sans aucun problème. Si par contre, elle devait maintenant avoir gain de cause dans la présente instance et obtenait le salaire auquel elle prétend maintenant avoir droit durant cette même période, elle devra réévaluer sa position vis-à-vis l’Assurance-emploi, sans trop de précisions.

[34]         Fait à mentionner, durant toute cette période, Dubuc ne recevra pas le salaire annuel de 25 000 $ mentionné par Desrosiers.

[35]         À ce sujet, un élément d’information fort significatif fut offert par Dubuc qui expliquera que Desrosiers et lui n’avaient pas besoin de plus d’argent car, à l’époque, ils vivaient «  en couple  » et que, durant leur vie commune, toutes leurs dépenses (loyer du logement, câble, internet, automobile, essence, assurances, restaurants, vacances, etc.) étaient essentiellement couvertes par les revenus de DMI et passées comme dépenses de l’entreprise. En fait, à l’exception des dépenses reliées à l’épicerie, il s’agissait de « dépenses de DMI » déduites par l’entreprise du point de vue fiscal. On payait presque tout par la compagnie , disait-il. Dans un tel contexte, les besoins financiers du couple, en termes de salaire, étaient significativement moindres.

[36]         Le 1 er décembre 2007, le couple quitte l’appartement de Desrosiers sur la rue Tupper pour emménager dans un appartement plus spacieux sur la rue Langelier à Montréal (le «  Logement  » ou «  Logement Langelier  »). Non seulement, ils y vivront mais le Logement deviendra la place d’affaires de DMI pour ses opérations commerciales. Le loyer est entièrement assumé par DMI.

[37]         Les prestations de l’Assurance-emploi viennent à échéance en mars 2008.

[38]         Rappelons que la réclamation de Desrosiers couvre, entre autres, la période durant laquelle elle percevait des prestations de l’Assurance-emploi. Le Tribunal reviendra plus loin sur ce sujet.

[39]         De juin à décembre 2007, Desrosiers réclame un salaire mensuel de 1 500 $ (équivalent à 18 000 $ par année) alors qu’à partir de janvier 2008, le salaire passe à 2 500 $ (équivalent à 30 000 $ par année). Desrosiers explique que cette décision fut prise d’un commun accord, ce qui est nié par Dubuc qui réitère qu’à l’époque l’entreprise était toujours en phase de démarrage et que DMI ne pouvait se permettre des salaires de 30 000 $ pour chacun d’autant plus que Desrosiers était toujours prestataire de l’Assurance-emploi. Elle ne pouvait donc recevoir un tel salaire tout en percevant des prestations de l’Assurance-emploi et ne pouvait encore moins justifier l’augmentation d’un salaire inexistant.

[40]         Avec égard, les explications fournies par Desrosiers ne convainquent pas le Tribunal. Celles offertes par Dubuc lui apparaissent beaucoup plus plausibles et vraisemblables.

[41]         Une fois les prestations de l’Assurance-emploi épuisées, Desrosiers informe Dubuc que DMI pourrait maintenant bénéficier d’une subvention pour combler une partie de son salaire pour une période de six mois, une subvention offerte par Emploi-Québec. Malgré qu’une telle subvention soit destinée à assurer l’entrée en fonction d’un nouvel employé qui désire réintégrer le marché du travail et que le poste à occuper ait été vacant pour au moins trois mois avant la date de signature de l’entente de subvention et le début de l’emploi , Desrosiers et Dubuc complètent avec succès la documentation nécessaire pour permettre à DMI de recevoir une subvention équivalente à 40 % du salaire versé au « nouvel employé », ce nouvel employé étant Desrosiers elle-même . Dubuc et Desrosiers voient, par ce stratagème, une façon indirecte de financer DMI tout en permettant d’augmenter le salaire alors versé à Desrosiers qui, selon Dubuc, continuait néanmoins de travailler environ une vingtaine d’heures à chaque semaine malgré qu’ils aient dû augmenter le nombre d’heures travaillées à quarante par semaine pour bénéficier d’une subvention intéressante. En accroissant à 40 heures/semaine les heures travaillées par Desrosiers, DMI pouvait alors se permettre d’assurer à la « nouvelle » employée, Desrosiers, un salaire mensuel de 2 500 $ (environ 40 heures/semaine au tarif horaire de 15 $) et ainsi faire absorber l’augmentation de 1 000 $ entièrement par Emploi-Québec qui avait accepté de subventionner le « nouveau » salaire jusqu’à concurrence de 40 % du salaire versé à Desrosiers du 30 juin au 28 décembre 2008. Autrement dit, Desrosiers, à titre de nouvelle employée de DMI, voit son salaire mensuel passer de 1 500 $ à 2 500 $, cette augmentation du salaire de 1 000 $ se faisant essentiellement à coût nul pour DMI.

[42]         Pour Emploi-Québec, Desrosiers est une nouvelle employée qui réintègre le marché du travail et qui occupera un nouveau poste chez DMI à titre de graphiste moyennant un salaire horaire de 15 $. Durant la période de subvention de six mois, Desrosiers et Dubuc feront rapport mensuellement à Emploi-Québec qu’elle travaille environ 40 heures/semaine, salaire qu’elle déclare avoir perçu à Emploi-Québec. DMI recevra toutes les subventions convenues.

[43]         Maintenant, pour les fins de la présente réclamation, Desrosiers change sa version et soutient qu’elle n’a reçu aucune rémunération de DMI en septembre et en décembre 2008 alors qu’elle travaillait pour DMI, périodes pourtant couvertes par la subvention. Elle explique que même si DMI percevait la subvention, elle ne recevait nécessairement pas de rémunération lorsque les ressources financières de DMI ne permettaient pas à celle-ci de lui verser son salaire, d’où la présente réclamation. Selon Desrosiers, le but était, avant tout, de permettre à DMI de percevoir la subvention d’Emploi-Québec d’environ 1 000 $ par mois pour six mois.

[44]         Le Tribunal note que, depuis le début des opérations, la comptabilité de l’entreprise a toujours été gérée par Desrosiers. Cette dernière assurait le paiement des dépenses de DMI, la préparation des rapports trimestriels pour TPS et TVQ, la préparation de la facturation, le paiement des salaires, la conciliation bancaire, etc. Dans ce contexte, Desrosiers préparait les chèques qui devaient être signés par le seul signataire autorisé de DMI, Dubuc. La preuve révélera que Desrosiers faisait aussi signer par Dubuc des chèques en blanc afin de pouvoir s’en servir plus tard, au besoin et ce, par souci d’efficacité.

[45]         À l’été 2008, la charge de travail augmente et Desrosiers convainc Dubuc de confier la gestion de la paie à Ceridian, une entreprise spécialisée en la matière. Dubuc accepte. Comme auparavant, Desrosiers assumera le rôle de principal contact avec Ceridian, pour les fins de la paie. À compter du mois d’août 2008, c’est elle qui fournira toutes les informations financières et les instructions à Ceridian, à cet égard.

[46]         Tout au long du procès, Desrosiers niera la version de Dubuc quant au tarif horaire de 15 $ et insistera que la seule forme de rémunération convenue était un salaire annuel identique pour chacun d’entre eux débutant avec un salaire de 25 000 $. Le salaire annuel sera augmenté à plusieurs reprises pour éventuellement passer à 45 000 $ en octobre 2009.

[47]         C’est en se servant des relevés de paie émis par Ceridian (les «  Relevés  ») à compter du mois d’août 2008 (D-3), que Desrosiers tentera d’établir cette forme de rémunération accrue et ainsi contrer la version de Dubuc.

[48]         Ainsi, en août 2008, les Relevés révèlent un salaire bimensuel de 1 250 $, soit un salaire annuel équivalent de 30 000 $. Il s’agit essentiellement du même salaire rapporté à Emploi-Québec à l’époque. On constate aussi que Dubuc reçoit le même salaire, mais seulement de temps à autres. Ainsi, contrairement à Desrosiers, Dubuc ne reçoit aucune rémunération la plupart du temps. L’explication offerte par Desrosiers, DMI ne pouvait se le permettre . La preuve révèle que la décision de verser un salaire ou non à Dubuc était toujours prise par Desrosiers. Pour sa part, Dubuc affirme qu’il faisait entièrement confiance à Desrosiers, à cet égard.

[49]         À partir de décembre 2008, les Relevés révèlent qu’aucun salaire n’est versé au couple, par l’entremise de Ceridian, et ce, jusqu’à la mi-février 2009. Dubuc tente d’expliquer cette situation en partie, le couple aurait pris des vacances en décembre 2008, ce qui corrobore, en partie, l’utilisation des fonds de l’entreprise pour leurs fins personnelles.

[50]         En mars 2009, Dubuc ne reçoit aucun salaire alors que Desrosiers perçoit 1 250 $ pour la période du 15 au 31 mars.

[51]         En avril 2009, le salaire bimensuel augmente de 1 250 $ à 1 666,66 $, une différence de 416,66 $ (l’équivalent d’environ 40 000 $ chacun par année et une augmentation de 10 000 $ ou de 25 %). Desrosiers explique que les affaires de l’entreprise allaient très bien et que DMI pouvait se le permettre financièrement. Avec égard, les états financiers de DMI produits à l’audience contredisent l’affirmation de Desrosiers. Les états financiers pour l’exercice financier se terminant au 30 avril 2009 révèlent un chiffre d’affaires annuel de 130 968 $ et un bénéfice net de 1 753 $ après avoir acquitté, entre autres, quelque 43 679 $ en salaires et charges sociales. Comment pouvait-on sérieusement justifier deux salaires de 40 000 $ chacun, dans un tel contexte?

[52]         En fait, les affaires allaient si bien que Dubuc n’a reçu aucun salaire entre le 15 novembre 2008 et le 15 avril 2009, à la seule exception d’une paie bimensuelle brute de 1 250 $ pour la période se terminant le 28 février 2008. Bref, aucun salaire n’a été versé à Dubuc durant quelque dix-huit semaines. Pour sa part, Desrosiers n’a reçu un salaire que durant huit de ces mêmes semaines.

[53]         Les affaires de DMI allaient-elles si bien, comme le prétend Desrosiers, pour justifier une hausse soudaine de salaire de 25 % avec un salaire combiné de 80 000 $ par année? Le Tribunal en doute fortement, surtout lorsque les parties avaient apparemment convenu de se verser mutuellement un salaire identique, une pratique qui n’a pas été respectée souvent par Desrosiers qui gérait la comptabilité.

[54]         Que dire du fait que durant les deux premières semaines de septembre 2009, le salaire du couple a été réduit à 1 000 $ pour une seule période bimensuelle. Était-ce parce que le couple avait alors décidé de cesser de faire vie commune en août? Le Tribunal l’ignore.

[55]         Le 15 octobre 2009, les parties ne vivent plus ensemble depuis quelques mois et leur salaire bimensuel est alors porté de 1 666,66 $ à 1 875 $, une différence de 208,34 $ (l’équivalent d’environ 45 000 $ par année, une augmentation totale de 15 000 $ ou de 50 % par rapport au salaire versé en août 2008).

[56]         À ce sujet, le Tribunal retient qu’à l’époque, Dubuc ne s’occupait aucunement de la comptabilité de son entreprise. Il faisait entièrement confiance à Desrosiers, même après leur séparation. Elle veillait à payer les dettes de l’entreprise et à faire en sorte qu’un salaire soit versé lorsque DMI disposait des fonds nécessaires pour ce faire.

[57]         Tout au long du procès, Dubuc insistera qu’en tout temps, le salaire versé à Desrosiers était toujours en fonction d’un taux horaire de 15 $ et qu’il n’était payable que dans la mesure où DMI pouvait l’acquitter en fonction des fonds alors disponibles. Lorsqu'il recevait une paie identique à la sienne cela signifiait tout simplement que Desrosiers jugeait que DMI pouvait alors lui en verser une, mais n’établit aucune entente entre elle et lui à ce sujet. Le mécanisme n’était pas plus compliqué que cela. Dans un tel contexte, il répétera fréquemment avoir fait entièrement confiance à Desrosiers laquelle, responsable de la comptabilité, prenait la décision de verser ou non un salaire. En aucun temps, le couple n’a comptabilisé les heures travaillées par Desrosiers. On jonglait avec de petits chiffres . On était en couple . La confiance mutuelle régnait. Le Tribunal retient également que le style de vie du couple dépendait beaucoup plus des diverses dépenses imputées à l’entreprise que les salaires qu’ils pouvaient se verser.

[58]         Tel que susdit, durant le procès, Desrosiers a fait grand état des augmentations de salaire substantielles dont elle a bénéficié depuis 2008 et ce, afin de contrer la thèse du 15 $ de l’heure. Elle était toujours rémunérée en fonction d’un salaire annuel.

[59]         Rappelons que Desrosiers a affirmé qu’en 2007, leur salaire annuel initial était de 25 000 $. Il serait successivement passé à 30 000 $, à 40 000 $, puis à 45 000 $. Elle ne se rappelle cependant pas des dates exactes. Mais, lorsque le salaire augmentait, il n’était jamais réduit en cours d’année. En cas d’insuffisance de fonds, le paiement n’était que différé à plus tard, d’où la présente réclamation.

[60]         En contre-interrogatoire, le témoignage de Desrosiers vacille. Alors qu’elle avait relaté que toute augmentation de salaire s’effectuait par tranche de 5 000 $, au moyen de «  chiffres ronds  », Desrosiers affirme qu’en avril 2009, son salaire était de 43 333,16 $ en se fiant aux données comptables apparaissant aux relevés informatisés de paie préparés par le service de paie Ceridian (D-3). Desrosiers a déterminé ce chiffre en utilisant le salaire bimensuel de 1 666,66 $ qu’elle considère erronément comme un salaire bihebdomadaire. Elle a donc multiplié le salaire de 1 666,66 $ par 26 périodes (au lieu de 24) avec comme résultat des salaires annuels supérieurs et «  sans chiffres ronds  » (1 250 $ X 26 = 32 500 $; 1 666,66 $ X 26 = 43 333,16 $; 1 875 $ X 26 = 48 750 $). Elle est passée d’un salaire mensuel initial de 1 500 $ (équivalent à 18 000 $ par année et non pas les 25 000 $ mentionnés à d’autres moments) à un salaire annuel de 48 750 $ (ou plutôt 45 000 $) à son départ, un peu plus de 24 mois plus tard, une situation invraisemblable dans les circonstances.

[61]         À la lumière de la preuve, le Tribunal n’est pas convaincu de la justesse des explications fournies par Desrosiers qui prenait toutes les décisions relatives au salaire versé d’autant plus que toutes les instructions données à Ceridian au cours du temps émanaient exclusivement de Desrosiers.

[62]         Dans un tel contexte, Desrosiers peut difficilement se servir de gestes posés et de décisions prises par elle-même pour maintenant tenter d’établir et opposer à Dubuc qu’elle avait droit à un salaire annuel de 45 000 $, au moment de son congédiement. Fait à noter, Desrosiers a mentionné qu’à son départ, elle ne disposait d’aucune carte de crédit personnelle en raison de son salaire qu’elle qualifie d’instable. Pourtant, en se fiant à sa version des faits, les affaires de DMI allaient de mieux en mieux et permettaient des augmentations significatives.

[63]         Avec grands égards, le silence de Dubuc, à l’époque, en ce qui a trait à ces diverses augmentations, si complaisant ou même aveugle ait-il pu être, n’est pas suffisant pour convaincre le Tribunal, de façon prépondérante, que l’entreprise avait accepté de verser de tels salaires annuels à Desrosiers.

[64]         Encore une fois, pendant la période où la situation financière de DMI s’améliorait soi-disant sans cesse pour justifier des augmentations substantielles, pourquoi Dubuc n’a-t-il pas perçu le même salaire auquel il avait apparemment droit et qui était pourtant versé à Desrosiers? Ne devait-il pas être rémunéré et être traité de façon identique à Desrosiers, si à cette époque, ils étaient associés à parts égales, du moins aux yeux de cette dernière?

[65]         Une autre contradiction doit être relevée, malgré que Desrosiers ait tenté d’offrir une preuve significative afin de convaincre le Tribunal qu’à son départ en décembre 2009, son salaire annuel avait atteint 45 000 $, il est intéressant de noter que toutes les sommes présentement réclamées par Desrosiers sont limitées à 2 500 $ par mois. Ces augmentations n’ont donc aucune incidence sur le présent litige à part la question de l’indemnité de départ.

[66]         À ce sujet, Desrosiers réclame 15 000 $ à titre d’indemnité équivalente au préavis de congédiement auquel elle prétend avoir droit. Au paragraphe 21 de sa requête introductive d’instance amendée, Desrosiers réclame une indemnité équivalente à six mois de salaire et chiffre celle-ci à 15 000 $. Le salaire utilisé doit nécessairement être celui payable au moment du congédiement. Selon Desrosiers à l’audience, son salaire était de 45 000 $ par année. Pourtant, dans ses propres procédures, elle réclame une indemnité de 15 000 $ en fonction d’un salaire annuel de 30 000 $. Le salaire annuel de 45 000 $ était-il réel?

[67]         Cette preuve relative aux différentes augmentations de salaire s’avère tout à fait inutile aux fins de permettre au Tribunal de donner raison à Desrosiers. Cette preuve a cependant une incidence sur la valeur probante du témoignage de la demanderesse et sa crédibilité.

[68]         Dubuc propose pour sa part, une explication tout à fait différente laquelle apparaît beaucoup plus plausible et réaliste aux yeux du Tribunal, en fonction de la balance des probabilités et de la prépondérance de la preuve.

[69]         Rappelons que Dubuc a toujours maintenu que la rémunération de Desrosiers était en fonction d’un taux horaire de 15 $. Il reconnaît que le couple n’a jamais calculé les heures travaillées par Desrosiers lesquelles n’ont jamais été répertoriées nulle part. Les premières paies versées à Desrosiers étaient de l’ordre de 1 500 $, environ vingt-cinq heures de travail par semaine au tarif horaire de 15 $. À compter de l’octroi de la subvention d’Emploi-Québec (juillet 2008), DMI a augmenté le salaire à 2 500 $ brut par mois tout simplement en augmentant à 40 heures par semaine les heures travaillées par Desrosiers à 15 $/heure. Il reconnaît qu’à certains moments, DMI n’était pas en mesure de lui verser ce salaire et que toute somme impayée devait éventuellement lui être versée lorsque les fonds allaient devenir disponibles. Selon lui, les augmentations de salaire « décrétées » par Desrosiers s’inscrivaient dans un tel contexte. Ces augmentations n’avaient rien à voir avec un traitement soi-disant annuel et identique pour elle et lui, à preuve, il n’a pas reçu toutes les mêmes paies que celles perçues par Desrosiers. En fait, ces augmentations successives avaient essentiellement pour but de rembourser, en fonction des capacités financières de DMI d’alors, les arrérages dus à Desrosiers pour les paies non versées.

[70]         Toujours selon son témoignage, en mars 2009, DMI devait à Desrosiers des arrérages de salaire de 7 500 $ représentant le salaire bimensuel impayé de 1 250 $ pour les périodes des 15 et 31 décembre 2008, des 15 janvier et 31 janvier 2009, du 9 février 2009 et du 9 mars 2009. Ces informations sont confirmées par les Relevés de Ceridian.

[71]         En fonction d’un tableau produit sous la cote P-24, le Tribunal comprend que la première augmentation d’avril 2009, à savoir une somme bimensuelle brute de 416,66 $, a permis de réduire progressivement ces arrérages jusqu’à 3 166,80 $ avec la paie du 15 octobre 2009. L’augmentation subséquente décidée par Desrosiers en octobre 2009, soit 625 $ par rapport au salaire initial de 1 250 $, a permis d’accélérer la réduction de cette dette de DMI à un solde de 666,81 $ avec la dernière paie versée à Desrosiers en date du 15 décembre 2009.

[72]         Sur la foi de ce qui précède, DMI devrait toujours 666,81 $ à Desrosiers à titre de salaire impayé.

[73]         Ces explications couvrent donc et règlent la portion de la réclamation de Desrosiers pour la période du 3 décembre 2008 au 13 mars 2009. On reprochera à Dubuc de n’avoir effectué ces calculs qu’en fin de procès. Par contre, ces calculs illustrent de façon plus précise et complètent la position adoptée par DMI et Dubuc depuis le début du litige, à la seule différence qu’il reste toujours un solde impayé alors qu’ils prétendaient avoir remboursé tous les arrérages. Avec grand respect pour l’opinion contraire, il n’y a aucune raison pour le Tribunal d’écarter une telle preuve qui est beaucoup plus plausible, vraisemblable et convaincante que l’autre version proposée par la demanderesse.

[74]         Qu’en est-il des autres sommes réclamées par Desrosiers du 3 décembre 2007 au 30 septembre 2008 lesquelles totalisent 19 985,61 $?

[75]         Rappelons que d’octobre 2007 à mars 2008, Desrosiers percevait de l’Assurance-emploi au moyen de prestations bihebdomadaires de 856 $, ce qui lui occasionnait un revenu plus élevé que le salaire mensuel de 1 500 $ qu’elle réclame présentement à DMI. Selon Desrosiers, elle aurait convenu d’un commun accord avec Dubuc de recevoir un salaire annuel de 30 000 $ (2 500 $ par mois) dès janvier 2008. Rien dans la preuve ne permet de tirer une telle conclusion qui est aussi niée par Dubuc. Au contraire, l’explication offerte par ce dernier que la décision de hausser le salaire de 1 500 $ à 2 500 $ par mois a été prise lors de l’obtention de la subvention d’Emploi-Québec, apparaît beaucoup plus réaliste et vraisemblable, d’autant plus qu’une telle augmentation se faisait à coût nul pour DMI durant les six derniers mois de 2008. De plus, l’augmentation s’effectuait simplement par un nombre d’heures travaillées accrues tout en conservant le taux horaire de 15 $, taux déclaré dans tous les rapports mensuels soumis à Emploi-Québec.

[76]         Le Tribunal en vient donc à la conclusion qu’aucune preuve convaincante ne justifie un salaire supérieur à 1 500 $ par mois en fonction d’un taux horaire de 15 $ du 3 décembre 2007 au 30 juin 2008, date à laquelle les subventions ont commencé à être octroyées par Emploi-Québec.

[77]         Rappelons que Desrosiers a perçu des prestations de l’Assurance-emploi de décembre 2007 jusqu’à la fin du mois de mars 2008. Dubuc mentionne qu’elle ne travaillait pas pour DMI durant cette période par souci de permettre à Desrosiers de percevoir les prestations en question. Dans ce contexte, elle avait accepté d’ « aider » l’entreprise, durant cette période de « temps libres ». DMI ne lui doit rien durant cette période.

[78]         Desrosiers a-t-elle droit de réclamer un salaire à DMI pour la période durant laquelle elle s’était officiellement déclarée sans emploi et qu’elle percevait des prestations de l’Assurance-emploi?

[79]         Desrosiers explique que les prestations perçues de l’Assurance-emploi tout comme les subventions reçues d’Emploi-Québec servaient exclusivement à alimenter le fonds de roulement de DMI. Aucune preuve convaincante n’étaye cependant une telle affirmation en ce qui a trait aux prestations versées par l’Assurance-emploi qui lui appartenaient et lui étaient versées directement.

[80]         Pour être éligible à recevoir des prestations de l’Assurance-emploi, Desrosiers devait avoir perdu son emploi auprès de DMI. Ces prestations appartenaient exclusivement à Desrosiers et la preuve est silencieuse à savoir si celles-ci ont plutôt été versées à DMI. Par ailleurs, il est acquis que durant la même période, Desrosiers « aidait » DMI, sans pour autant ne recevoir aucun salaire.

[81]         La tournure malheureuse des événements a fait en sorte que Desrosiers s’est ravisée et désire maintenant être rémunérée pour les services alors rendus à DMI en faisant abstraction des prestations reçues.

[82]         À l’époque, le couple nourrissait des projets de vie commune tant au niveau personnel avec un mariage à l’horizon qu’au niveau des affaires avec DMI. L’attitude et la perspective de Desrosiers ont changé, de façon fort compréhensible, lorsqu’elle a été congédiée de DMI après avoir cessé de faire vie commune avec Dubuc quelques mois auparavant et après avoir ultimement réalisé qu’elle n’avait aucun droit relativement à DMI et à ses actifs. C’est alors que l’idée de réclamer une rétribution sous forme de salaire impayé a vraisemblablement surgi.

[83]         Dans le contexte qui prévalait au début de leur relation commune, le Tribunal ne doute aucunement qu’en percevant les prestations de l’Assurance-emploi, Desrosiers n’a jamais exigé de recevoir un salaire additionnel de DMI, d’autant plus que les ressources financières de l’entreprise étaient limitées et que, de toute façon, Dubuc faisait en sorte que les dépenses reliées à leur style de vie étaient essentiellement couvertes et assumées par DMI.

[84]         Ceci étant, Dubuc a fait grand état, durant le procès, que Desrosiers ne pouvait maintenant réclamer du salaire de DMI après avoir bénéficié de prestations auxquelles elle n’avait pas légalement droit. Dans la mesure où elle prétend maintenant avoir droit à un salaire pour le travail effectué chez DMI alors qu’elle était prestataire de l’Assurance-emploi, ces prestations doivent nécessairement avoir été perçues illégalement. Il en serait de même quant à la subvention versée par Emploi-Québec, selon lui. Ceci étant, Desrosiers ne peut maintenant tenter de prendre avantage de ces deux situations illicites auxquelles elle a participé en toute connaissance de cause.

[85]         Au sujet de la subvention d’Emploi-Québec, madame Hélène M. Gauthier, agent d’aide aux entreprises et responsable du dossier de DMI, a témoigné et confirmé que, selon son dossier, DMI était effectivement éligible à recevoir la subvention pour les services rendus par Desrosiers et ce, sur la foi des informations transmises tant avant que tout au long des six mois durant lesquels la subvention était payable. Elle a tenu pour acquis que les informations fournies tant pour obtenir la subvention que lors des six demandes mensuelles de paiement de la subvention, étaient vraies. Elle a donc tenu pour acquis que Desrosiers était un « nouvel employé » qui désirait réintégrer le marché du travail avec son « nouvel » employeur, DMI, pour occuper un poste qui était vacant depuis au moins trois mois auparavant. Bref, un tissu de faussetés pour percevoir une subvention à laquelle DMI n’avait aucunement droit. Mme Gauthier ignorait que Desrosiers travaillait déjà chez DMI depuis mai 2007 et qu’elle ne recevait pas tout le salaire déclaré mensuellement à Emploi-Québec. Elle a affirmé qu’en fonction de ces « nouvelles » informations, DMI n’aurait pas eu droit de réclamer de subvention de la part d’Emploi-Québec pour Desrosiers.

[86]         Compte tenu de l’implication de Desrosiers au niveau de la comptabilité de DMI, le Tribunal croit qu’elle était l’auteure de toute l’information financière fournie à chaque mois à Emploi-Québec et ce, même si Dubuc signait les demandes mensuelles au nom de l’entreprise. Aux yeux du Tribunal, il s’agissait d’une démarche commune de Desrosiers et de Dubuc pour pouvoir bénéficier de fonds publics auxquels ils n’avaient aucunement droit, ni DMI, qui a essentiellement servi de conduit ou d’instrument. Même si les documents remis à Emploi-Québec attestent du salaire versé mensuellement à Desrosiers entre juin et décembre 2008, cette dernière déclare maintenant qu’il s’agit de fausses déclarations car elle n’aurait reçu aucune rémunération pour les mois de septembre et décembre 2008. Dubuc corrobore cette affirmation, à tout le moins pour le mois de décembre 2008.

[87]         La preuve offerte permet au Tribunal de conclure sans aucun doute que tant les prestations de l’Assurance-emploi que les subventions versées par Emploi-Québec ont été obtenues de façon frauduleuse, sous de fausses représentations qui avaient pour but d’induire Assurance-emploi et Emploi-Québec de conclure à l’éligibilité de Desrosiers d’une part et de DMI, d’autre part.

[88]         Sans pour autant minimiser l’implication de Desrosiers, ultimement, c’est DMI et par conséquent, Dubuc indirectement, qui ont bénéficié de ces manœuvres frauduleuses et illégales auxquelles ils ont participé en toute connaissance de cause.

[89]         En niant toute compensation financière à Desrosiers, DMI tente maintenant de tirer un avantage indu additionnel pour les services qu’elle a rendus « sans salaire » à l’époque en se réfugiant derrière la volonté fort altruiste de Desrosiers « d’aider » la nouvelle entreprise et son conjoint alors qu’elle ne pouvait pas travailler officiellement.

[90]         Il est vrai que Desrosiers doit assumer elle-même la responsabilité qui découle de ses propres agissements qui avaient pour but de soutirer aux autorités qui gèrent les fonds publics, des prestations et des subventions auxquelles ni elle ni DMI (et Dubuc) avaient légalement droit. Par ailleurs, une telle situation ne doit pas la priver d’être justement rétribuée par DMI pour les services qu’elle a réellement rendus. La priver d’une juste rémunération conférerait à DMI un avantage indu.

[91]         En pareilles circonstances fort particulières, le Tribunal considère qu’il est, malgré tout, juste et raisonnable d’accorder une rémunération à Desrosiers pour les services qu’elle a rendus à DMI du 3 décembre 2007 au 30 septembre 2008 (excluant les mois de juillet et août 2008 déjà rémunérés). Le Tribunal accorde 1 354,84 $ pour décembre 2007 et 1 500 $ pour chacun des mois de janvier, février, mars, avril, mai et juin 2008 (un sous-total de 10 354,84 $). À ladite somme de 10 354,84 $, le Tribunal ajoute une rémunération de 2 500 $ pour le mois de septembre 2008 pour former une somme totale de 12 854,84 $. Depuis juillet 2008, DMI avait déclaré à Emploi-Québec un salaire mensuel d’environ 2 500 $ et a obtenu une subvention d’environ 1 000 $ à chaque mois, il n’y a donc aucune raison que Desrosiers ait droit à une rémunération inférieure à 2 500 $ à compter de juillet 2008. De fait, Dubuc a reconnu (P-24) que, par la suite, en 2009, la rémunération de Desrosiers était de 2 500 $ par mois.

[92]         Au chapitre de la rémunération, le Tribunal accorde à Desrosiers la somme totale de 13 521,65 $ (incluant le montant (666,81 $) reconnu dû par DMI aux termes de la pièce P-24).

- L’INDEMNITÉ DE PRÉAVIS ET DE CESSATION D’EMPLOI (15 000 $)

[93]         Desrosiers prétend avoir droit à une indemnité de préavis et de cessation d’emploi équivalent (sic) à six mois de salaire [15 000 $] eu égard aux circonstances ayant mené à la terminaison abrupte de son emploi sans motif valable (paragraphe 21 de la Requête introductive d’instance amendée).

[94]         DMI conteste ce chef de réclamation au motif que le congédiement était totalement justifié, compte tenu du comportement abusif et déloyal de Desrosiers.

[95]         En août 2009, le couple vit des tensions. Ils décident de cesser de faire vie commune et Desrosiers quitte le Logement Langelier qui sert aussi de place d’affaires de DMI. Malgré cette séparation, les opérations commerciales de DMI continuent. Quelques mois plus tard, les tensions surgiront au niveau des opérations de DMI. Avec le passage du temps, Desrosiers désire clarifier son statut au niveau de l’entreprise qu’elle considère sienne à 50 %. Elle souhaite que Dubuc ajoute son nom à la dénomination sociale, qu'elle devienne coactionnaire ou que Dubuc divise les actifs et la clientèle en parts égales. Dubuc n’accède pas à ces demandes en remettant à plus tard toute discussion sur le sujet.

[96]         Il est utile de rappeler qu’à cette époque, Desrosiers était toujours convaincue d’avoir droit à la moitié de l’entreprise malgré qu’elle devait nécessairement réaliser que sa position était précaire et dépendait strictement de la bonne volonté de Dubuc.

[97]         Les gestes posés par Desrosiers jusqu’à son congédiement et même, par la suite, apparaissent empreints de cet état d’esprit. Desrosiers relate que depuis son départ du Logement Langelier en août 2009, elle tentait, en vain, de convaincre Dubuc de « mettre son nom » sur la dénomination sociale de DMI ou, à tout le moins, de séparer les actifs et la clientèle de DMI en parts égales. Dubuc évitait systématiquement ce sujet.

[98]         Entre-temps, la méfiance s’instaure. Un incident survient. Au cours de l’automne 2009, Desrosiers prépare la facture émise à un des clients de DMI qui se trouve en France, Bingo Français. Ce client doit environ 11 000 $ à DMI. Jusqu’en décembre, Desrosiers reprochera à répétition à Dubuc de s’être approprié sans droit cette somme d’argent versée par Bingo Français. Desrosiers accuse Dubuc d’avoir détourné ces fonds «  qui lui appartiennent  » en faisant en sorte que le compte à recevoir, dû par cette cliente de DMI se trouvant en France, soit déposé au moyen d’un virement bancaire dans le compte bancaire personnel de Dubuc en France plutôt que celui de DMI à Montréal. Dubuc expliquera que les fonds de Bingo Français ont été déposés dans son compte bancaire en France car l’entreprise française éprouvait des difficultés à effectuer un virement bancaire directement dans le compte de DMI au Canada. Dubuc transférera éventuellement une première tranche de 4 000 $ dans le compte de DMI. Mais, son retard à rapatrier le solde de 7 000 $ était considéré par Desrosiers comme une sorte d’appropriation illégale de «  son argent  », de l’argent qui appartenait à «  sa business  ». Dans un courriel daté du 7 décembre 2009 (P-9), Desrosiers écrit, entre autres :

[…]

SVP Faire ce transfert. C’est la dernière fois que je demande Guilhelm. Tu m’arnaque (sic) moi et ma business de $7,000 C’est énorme et c’est assez.

[99]         Il faut préciser qu’au moment d’écrire ce courriel, Desrosiers avait déjà pris la décision de se lancer en affaires avec une autre personne. Sa nouvelle entreprise sera constituée le lendemain, un fait inconnu de Dubuc à l’époque.

[100]      La preuve au cours des cinq journées de procès ne révélera aucune intention malicieuse de la part de Dubuc, à ce sujet. Le virement bancaire dans le compte personnel de Dubuc en France n’apparaît avoir été effectué que dans le seul but d’accommoder un client qui, à tort ou à raison, se disait incapable de virer les fonds requis directement au Canada. Éventuellement, Desrosiers, après son congédiement, reconnaîtra qu’elle n’avait aucun droit de propriété ou autre à l’égard de DMI et de ses actifs ce qui incluait vraisemblablement cette somme d’argent. En définitive, Dubuc, à titre d’actionnaire, administrateur et officier uniques de DMI, était libre de disposer des actifs et des fonds appartenant à son entreprise, sans avoir à en rendre compte à Desrosiers.

[101]      Quoi qu’il en soit, après la décision de cesser de faire vie commune, Desrosiers quitte le Logement et au début, elle vient travailler au Logement à tous les jours pour retourner chez elle en fin de journée. La présence de Dubuc l’indispose de plus en plus et, à un certain moment, elle décide de travailler dans son nouveau logement. En l’absence de Dubuc, elle décide d’emporter différents effets, mobilier et équipement incluant, entre autres, trois ordinateurs dont un portable, des écrans ainsi que toute la documentation financière, bancaire et comptable car elle entend continuer à travailler pour DMI et à s’occuper de la comptabilité comme auparavant. Dubuc ne s’objectera pas à cette nouvelle façon de procéder et les opérations commerciales continuent. Ils commencent donc à travailler à distance et à communiquer essentiellement au moyen de courriels et de conversations téléphoniques. À titre d’exemple, Desrosiers a besoin d’une imprimante pour les fins des opérations de DMI et Dubuc l’autorise à aller en acheter une avec la carte de crédit corporative de DMI.

[102]      Au mois de novembre, l’incident de Bingo Français continue d’envenimer la situation et Desrosiers manifeste à Dubuc son objection à ce qu’il continue de payer le loyer du Logement Langelier (la place d’affaires de DMI) en utilisant les fonds de l’entreprise comme auparavant. Dubuc ne peut continuer à agir ainsi à moins qu’il lui reconnaisse le droit à un montant équivalent pour ses propres fins personnelles. Dubuc refuse. À ce moment, il ignore que Desrosiers a emporté avec elle au moins un chèque qu’il avait signé en blanc.

[103]      Le 7 décembre 2009, Dubuc reçoit le dernier relevé bancaire de DMI. Il constate, à sa grande surprise, qu’au cours du mois de novembre, Desrosiers a encaissé un chèque de 1 250 $ (D-4) qu’elle avait complété elle-même et libellé à son propre ordre avec la mention «  Frais employé  ». Dubuc insiste qu’il ignorait que Desrosiers disposait toujours des chèques qu’il avait signés en blanc et qu’il ne l’a jamais autorisée à tirer un tel chèque sur le compte de DMI à ses fins personnelles.

[104]      Desrosiers rétorque qu’elle avait dûment avisé Dubuc qu’il ne pouvait plus se servir des fonds de l’entreprise pour acquitter le loyer de Langelier sans générer un droit pour elle de recevoir une somme équivalente. Comme Dubuc a continué à payer le loyer de l’entreprise avec les fonds de DMI (comme il avait le droit tout à fait légitime de le faire), Desrosiers s’est considérée autorisée à prélever à même les fonds de l’entreprise, un montant équivalent, d’où le chèque de 1 250 $ (D-4). Le produit de ce chèque fait l’objet d’un des chefs de réclamation de la demande reconventionnelle. Desrosiers a affirmé que Dubuc le savait et avait consenti à ce qu’elle utilise ce chèque à des fins personnelles ce que nie le défendeur. Avec égard, le Tribunal ne croit pas la demanderesse à ce sujet. Le Tribunal croit que Dubuc n’a pas formulé d’objections catégoriques, interprété par Desrosiers comme un assentiment, car il ignorait que cette dernière avait en sa possession un chèque pré-signé en blanc. Comme il était le seul signataire autorisé du compte bancaire de DMI, il n’avait rien à craindre à cet égard.

[105]      Le 7 décembre 2009, la confiance de Dubuc à l’endroit de Desrosiers est soudainement fortement ébranlée avec cette surprise inattendue. Il pense aussitôt à vérifier les dépenses effectuées par Desrosiers au moyen de la carte de crédit corporative Mastercard de DMI (D-6) qu’il lui avait confiée. Il découvre que Desrosiers s’est servie de la carte de DMI à des fins purement personnelles incluant de multiples restaurants, achats d’essence, réparations mécaniques et même des voyages (Vacances Transat (312,67 $) et Vacances Sunwing (1 675 $)). Il recense quelque 5 800 $ de dépenses non autorisées lesquelles font également l’objet de la demande reconventionnelle.

[106]      Le jour même, Dubuc prend les mesures nécessaires pour que Desrosiers n’ait plus accès au compte bancaire de DMI et il procède aussi à l’annulation de la carte de crédit corporative émise au nom de Desrosiers (D-6).

[107]      Le lendemain 8 décembre, Desrosiers appelle Dubuc. Elle a découvert qu’elle n’a plus l’usage de la carte de crédit de DMI. Elle est furieuse. Dubuc lui fait part de ses découvertes et des gestes qu’il a dû poser pour protéger les intérêts de DMI. Desrosiers déclare qu’elle a droit d’utiliser les fonds de l’entreprise de la même façon qu’il le fait. S’il paie le loyer avec l’argent de DMI, elle a droit au montant équivalent pour payer son propre loyer. Il en est de même pour les restaurants, etc. C’est «  ma business  », affirme-t-elle.

[108]      Manifestement, les fonds de DMI ont toujours servi à acquitter la très grande majorité de leurs dépenses personnelles et à titre de « coactionnaire » de DMI, Desrosiers considérait, à tort ou à raison, avoir droit de continuer le même train de vie en se servant des fonds de l’entreprise pour ses fins tant commerciales que personnelles.

[109]      Dubuc consulte et réalise qu’il n’a autre choix que de congédier Desrosiers, le lien de confiance est brisé en raison des agissements de Desrosiers. Le jeudi 10 décembre 2009, il communique avec elle par téléphone pour lui faire part de sa décision. Il lui mentionne qu’elle a posé des gestes non autorisés incluant celui de s’être appropriée sans droit des fonds appartenant à DMI. Il constate que Desrosiers continue de considérer cet argent comme le sien tout comme l’entreprise elle-même. Il n’est pas question qu’elle rembourse ces sommes. Aux yeux de Dubuc, ces gestes sont non seulement non autorisés et inacceptables, mais ils mettaient aussi en péril la santé et la survie financière de son entreprise. Desrosiers ne peut plus travailler pour DMI, en pareilles circonstances, car il a perdu toute confiance en elle.

[110]      Le dimanche 13 décembre 2009, le lendemain de son anniversaire de naissance, Dubuc se sert de son ordinateur pour vérifier ses courriels. Il n’a rien reçu. Il découvre que le site web de DMI a disparu. Le site est tombé . Il ne peut plus l’atteindre. Comme le site gère aussi tous ses courriels entrants et sortants, il ne peut plus en recevoir ni en transmettre. En d’autres mots, non seulement il n’a plus accès au site web de son entreprise, mais, les clients de DMI n’y ont plus accès non plus, tout comme ces derniers ne peuvent plus communiquer avec lui et vice versa . Son entreprise est littéralement paralysée.

[111]      Il pense qu’il s’agit d’une erreur et accède au site web de la compagnie qui héberge son site web, GoDaddy.com. Il réussit à accéder au compte corporatif de DMI pour découvrir que le site web de DMI a disparu du compte tout comme quelque 160 noms de domaine appartenant à DMI qui servent à opérer le service qu’il appelle les « @montréal.com ». Il doit s’agir d’une erreur. Il appelle aussitôt le soutien technique de GoDaddy.com pour découvrir que Desrosiers, en se servant des codes d’accès et mots de passe de DMI, a transféré dans son compte personnel, le site web de DMI qui n’est plus sous le contrôle de DMI, mais surtout, qui n’est plus opérationnel en raison des gestes posés par Desrosiers.

[112]      En même temps, Desrosiers a transféré sous son contrôle personnel plus de 160 noms de domaine appartenant à DMI qui servaient à opérer le service qu’ils appelaient les « @montréal.com ». Il s’agissait d’un service offert aux commerçants de la région du Grand Montréal qui désirent annoncer leurs services ou leurs produits sur l’Internet. Par exemple, quelqu’un qui recherche un restaurant à Montréal, inscrit ces deux mots sur Google, ce qui lui permettra d’accéder au site web mis sur pied par DMI aux fins de trouver un restaurateur dans la région montréalaise. Ce site particulier héberge les restaurateurs qui désirent y annoncer. DMI perçoit un revenu lorsque le restaurateur veut annoncer sur ce site et fait en sorte que le restaurant soit également annoncé sur l’internet par l’entremise de Google et de son service AdSense. Leurs annonces apparaitront aussi sur des centaines de pages web et à chaque fois, que quelqu’un « clique » l’annonce, DMI reçoit une somme d’argent. Le concept des « @montreal.com » vise plus de 160 services différents, la restauration n’en étant qu’un seul.

[113]      DMI perd soudainement le contrôle et l’accès à tous ces sites qui ont été appropriés ou détournés par Desrosiers, à l’insu de Dubuc. DMI perd, par le fait même, le moyen de servir ces clients et, par conséquent, de percevoir des revenus. Cette perte de revenus fera partie de la demande reconventionnelle.

[114]      De retour à GoDaddy.com, l’hébergeur de sites web informe Dubuc qu’il ne peut « renverser » les transferts effectués par Desrosiers car elle s’est servie de codes d’accès et de mots de passe privés appartenant à DMI. Pour l’hébergeur de sites web, le transfert apparaît légitime et il ne peut l’annuler sans une ordonnance en injonction émise par la Cour supérieure.

[115]      Le lendemain, Dubuc va consulter son avocat. DMI doit envisager d’instituer des procédures en injonction pour récupérer, entre autres, l’accès à ses sites web. Auparavant, il décide de rédiger et de transmettre une mise en demeure à Desrosiers. La mise en demeure (D-7) sera transmise à Desrosiers, le mardi 15 décembre 2009. DMI y réitère sa décision de mettre fin à l’emploi de Desrosiers aux motifs qu’elle s’est appropriée sans droit des actifs appartenant à l’entreprise et lui a causé des dommages en fermant son site web, en encaissant un chèque qu’elle a rédigé à son nom sans son consentement et à son insu et enfin, en ayant utilisé la carte de crédit de DMI à des fins personnelles et de façon non autorisée. DMI met également en demeure Desrosiers de lui redonner accès à son site web et aux quelque 160 noms de domaine reliés au projet de les « @montreal.com ». DMI demande enfin de récupérer tous les documents et registres bancaires et comptables en sa possession ainsi que les ordinateurs qu’elle a emportés avec elle.

[116]      La mise en demeure ne donne aucun résultat. De fait, Desrosiers part plutôt en vacances avec son nouveau conjoint et ce, grâce à l’un des achats qu’elle a effectué auprès de Vacances Sunwing avec la carte de crédit corporative de DMI.

[117]      Le conseiller juridique de Dubuc l’avise que dans les circonstances, DMI n’a autre choix que de présenter une requête en injonction provisoire, interlocutoire et permanente.

[118]      Avant d’entreprendre ces procédures, Dubuc tente un effort ultime de rencontrer Desrosiers pour lui parler et tenter de résoudre le problème à l’amiable. Il ignore qu’elle est partie en vacances. Il se rend chez elle et rencontre le père qui demeure dans la maison voisine. Ce dernier l’informe qu’elle est partie en vacances. Il prétend ne pas avoir ses coordonnées, Dubuc ne peut la rejoindre.

[119]      Dubuc doit se résigner à entreprendre les procédures judiciaires en question qui dureront plus de six mois. Le 21 décembre 2009, la requête est reportée par le juge à une date ultérieure en raison de l’absence de Desrosiers. Tel que relaté au début du présent jugement, Desrosiers contestera ces procédures pendant six mois. Trois mois plus tard, en mars 2010, la juge Borenstein donnera partiellement raison à DMI et rendra l’Ordonnance Borenstein. Le retour et la remise des actifs appropriés par Desrosiers ne se feront cependant pas sans problèmes. Le Tribunal reviendra sur ce point plus loin. Malgré l’Ordonnance Borenstein, Desrosiers continuera de contester les procédures judiciaires. Après l’Ordonnance Borenstein, elle fera en sorte que Dubuc soit interrogé hors cour et trois mois plus tard, elle signera l’Entente et la Reconnaissance qui donneront ouverture au Jugement Capriolo et qui mettront finalement un terme à ce premier litige.

[120]      Au cours du présent procès, Desrosiers a offert une preuve passablement élaborée visant à établir qu’elle n’avait pas été congédiée le 10 décembre 2009, comme l’a toujours affirmé Dubuc, mais plutôt le 15 décembre 2009 lorsqu’elle a reçu la mise en demeure, ce qui l’a stupéfaite. Elle considérait la réaction de Dubuc comme étant totalement exagérée et injustifiée.

[121]      À cet égard, Desrosiers a offert en preuve qu’elle avait continué à travailler pour DMI les 11, 12 et 13 décembre. Elle ne pouvait donc pas savoir qu’elle n’était plus à l’emploi de DMI depuis le 10 décembre.

[122]      Avec respect, le Tribunal ne croit pas la demanderesse et n’accorde aucune crédibilité à l’ensemble de la preuve offerte à ce sujet. Dans un premier temps, Desrosiers ne réclame aucune somme d’argent pour le travail soi-disant accompli après son congédiement. Manifestement, elle a été rémunérée pour le travail accompli après le 10 décembre, sinon cela aurait fait partie de la présente réclamation. Ou était-ce du travail pour la nouvelle entreprise qu’elle avait démarrée le 8 décembre 2009 avec sa nouvelle associée, madame Raffaella Tropeo?

[123]      À cet égard, la preuve a révélé que le 8 décembre 2009, Desrosiers se joignait à madame Raffaella Tropea afin de constituer 9217-1925 Québec inc., faisant affaires sous la raison sociale de PR Marketing & Design. La veille, elle avait enregistré le nom de domaine relié à PR Marketing & Design ( www.prmarketingdesign.com ). En contre-interrogatoire, son témoignage a été laborieux et empreint d’imprécisions et de pertes de mémoire sur les démarches exactes qu’elle avait entreprises pour créer cette nouvelle entreprise avec Mme Tropea et surtout, sur la séquence précise de ces événements. Dans un tel contexte, Desrosiers avait un intérêt évident à continuer de travailler pour certains clients qui, selon toutes vraisemblances, pouvaient la suivre, ce qui est effectivement survenu.

[124]      Mais il y a plus. Dans sa requête introductive d’instance amendée, Desrosiers allègue qu’elle a été congédiée le 10 décembre 2009 et précise plus loin que le 10 décembre 2009 est la date à laquelle elle a terminé son emploi auprès de DMI.

[125]      Quelle version des faits est la bonne?

[126]      Le courriel (P-19) que Desrosiers a transmis le 11 décembre à Dubuc convainc le Tribunal que la demanderesse savait déjà qu’elle n’avait plus d’emploi [retranscription intégrale]:

Tu veux pas travailler avec moi, c’est horrible ce que tu fais mais j’ai droit à la profits de ma compagnie.

[…]

Tu as annulé ma carte de crédit business.

Tu paies tes chosses personel avec notre compte business et moi je suis bloquer et je travail pour cet argent aussi.

[…]

Nous devons separer les clients en 2. —-Donner une valeur à chaque et diviser par valeur.

On me doit des paies. —c’est juste avant noel et C’est pas le bon moment d’être dans une situation difficile. Jai rien et je doit rebatir.

On me doit des salaires pour tous les heures supplémentaires fait en soiree et weekend surtout pour la comptabilité.

On me doit une partie du 11k de Bingo Français.

[…]

[127]      Avec grand respect pour l’opinion contraire, l’attitude alors adoptée par Desrosiers et ses exigences dépourvues de tout fondement juridique à l’époque, alliées à l’utilisation non autorisée des ressources financières de DMI ne laissaient guère de choix à Dubuc et à DMI. De plus, en plus de s’approprier des fonds qui ne lui appartenaient pas, Desrosiers réclamait d’autres fonds qui ne lui appartenaient aucunement (Bingo Français).

[128]      De surcroît, à l’audience, Desrosiers s’est évertuée à prétendre qu’elle ignorait l’existence de son congédiement jusqu’à la réception de la mise en demeure, le 15 décembre 2009. Elle étaye ses affirmations avec le fait qu’elle aurait continué de travailler pour DMI et ses clients pendant les jours qui ont suivi. Le Tribunal a déjà offert ci-devant une explication relativement au travail effectué après le 10 décembre 2009.

[129]      Mais, il y a plus.

[130]      Si effectivement, Desrosiers ignorait qu’elle avait été congédiée le 10 décembre et qu’elle continuait de travailler pour DMI par la suite, comment alors concilier ces affirmations avec son aveu, en fin de procès, qu’elle a procédé unilatéralement, durant ladite fin de semaine du 12 décembre 2009 (avant la réception de la mise en demeure du 15 décembre 2009), au transfert du site web de DMI et des quelque 160 noms de domaines reliés au concept « @montréal.com »?

[131]      Il s’agit certes d’un geste extraordinaire sinon drastique pour une employée de DMI qui prétend ignorer qu’elle a été congédiée et qui prétend avoir continué de travailler pour DMI alors qu’elle vient de former une nouvelle société commerciale avec une nouvelle associée, à l’insu de Dubuc.

[132]      L’ensemble des gestes posés par Desrosiers convainc le Tribunal que DMI était entièrement justifiée de congédier la demanderesse. Les motifs invoqués dans la mise en demeure du 15 décembre 2009 justifiaient amplement, en raison de leur gravité, un congédiement sans nécessité d’accorder une indemnité ou un préavis.

[133]      Les convictions personnelles de Desrosiers qui étaient sans aucune assise juridique, ne justifiaient aucunement un tel comportement aussi abusif et totalement déraisonnable, surtout lorsque la demanderesse justifie ses gestes par son seul désir d’induire Dubuc à s’asseoir avec elle et de discuter du futur et du partage de DMI.

[134]      Faut-il rappeler que l’exigence de bonne foi prévue à l’article 1375 du Code civil du Québec , s’appliquait tant à Desrosiers qu’à Dubuc :

1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction

[135]      Dans un autre ordre d’idées, Desrosiers a introduit en preuve les procédures qui se sont déroulées devant la Commission de l’Assurance-emploi (la «  Commission  ») (P-5). Au début de 2010, après son congédiement, Desrosiers demande de recevoir des prestations de l’Assurance-emploi et ce, même si elle démarrait une nouvelle entreprise avec Mme Tropea. Dubuc conteste cette demande au nom de DMI en raison du fait que son congédiement était justifié en raison des agissements de Desrosiers et qu’elle n’a pas droit aux prestations demandées. Le 16 mars 2010, la Commission conclut que Desrosiers n’a pas été congédiée en raison de son comportement répréhensible et qu’il y a absence de lien entre son comportement et son congédiement car les raisons qui sous-tendent son congédiement n’apparaissent pas dans la lettre du 15 décembre 2009.

[136]      À la lecture de la décision de la Commission (P-5), le Tribunal note que le Conseil a retenu la version de Desrosiers à l’effet qu’elle avait été remerciée par Dubuc en raison du fait et au même moment où Desrosiers avait décidé de mettre fin à sa relation personnelle avec Dubuc, d’autant plus que ce dernier lui avait promis d’être actionnaire de DMI.

[137]      La décision fait état que Desrosiers a intenté des procédures judiciaires en Cour supérieure afin de faire reconnaître son droit à 50 % du capital-actions de DMI, un fait qui est totalement faux. Au contraire, la seule procédure instituée en Cour supérieure, l’a été par DMI qui recherchait, entre autres, des ordonnances en injonctions contre Desrosiers. Quelques mois plus tard, Desrosiers reconnaîtra qu’elle n’a aucun droit de propriété relativement à DMI.

[138]      La décision de la Commission de l’Assurance-emploi révèle, entre autres :

In the present case , the letter of December 15, 2009, indicated that the employer had found evidence of embezzlement after the claimant’s dismissal. The letter does not indicate the original reason for dismissal . The reasons for dismissal remain unclear, and the claimant is completely credible when she said that she does not know why she was dismissed. One thing is certain: the claimant had a relationship with the owner of the company, and was dismissed at the same time as the relationship ended .

The facts mentioned in the letter of December 15, 2009 (fraudulent cheque, using the company credit card for personal use, and appropriating the company’s property) are actions that are considered to be misconduct. However, in order to disqualify the claimant, the dismissal must be directly related to the claimant’s own misconduct.

To justify a dismissal because elements were found after the dismissal does not demonstrate that the claimant was dismissed as a reason of her own misconduct. In his letter of December 15, 2009, the employer wrote : «  Since our discussion last Saturday (December 10, 2009), » but he does not say what was discussed on December 10, 2009.     

When the Commission asked the employer to explain why he had dismissed the claimant, he was unable to provide a reason and simply said that he would send us the letter of dismissal . The only certain fact is that claimant was dismissed after her relationship with the employer ended.

The Commission cannot conclude that the relationship ended because the claimant was found to have committed fraud, because the employer’s letter admits that he was not aware of it at the time of her dismissal.

[Soulignement de la Commission et mise en gras ajoutée par le Tribunal]

[139]      DMI porte la décision en appel devant le Conseil arbitral de l’Assurance-emploi (le «  Conseil  »). L’appel est rejeté par le Conseil au motif que la lettre du 15 décembre 2009 ne révèle pas la « vraie raison » du congédiement de Desrosiers. Bref, le congédiement n’est pas associé au comportement de Desrosiers mais est plutôt lié à la fin de la relation personnelle des parties survenue concurremment.

[140]      Desrosiers produit ces décisions pour deux raisons, établir que son congédiement n’était pas justifié, lui donnant, par le fait même, droit à l’indemnité de 15 000 $ recherchée et démontrer que les agissements de DMI, par l’entremise de Dubuc, lui ont causé des troubles, ennuis et inconvénients qui donnent ouverture à sa réclamation en dommages de 5 000 $.

[141]      Avec grands égards, le Tribunal ne partage pas la position de la demanderesse.

[142]      Avec le bénéfice de la preuve soumise au cours d’une audience qui s’est déroulée durant cinq journées, le Tribunal ne peut tout simplement pas en venir aux mêmes conclusions que la Commission de l’Assurance-emploi et du Conseil arbitral. Avec grand respect pour ces décideurs, le Tribunal ne peut partager leurs conclusions. Évidemment, le Tribunal ignore l’étendue et la nature exacte de la preuve administrée devant eux. Pour décider en l’espèce, le Tribunal doit se limiter à la preuve qui lui a été soumise. Les décisions de la Commission de l’Assurance-emploi et du Conseil arbitral ne lient pas le Tribunal. Une chose est certaine, la preuve soumise, en l’espèce, convainc le Tribunal sans l’ombre d’un doute que Desrosiers et Dubuc avaient mis fin à leur vie commune trois à quatre mois avant le congédiement et que celui-ci découlait clairement du comportement inapproprié de Desrosiers qui, entre autres, s’est appropriée sans aucun droit des fonds appartenant à DMI et ce, à l’insu de cette dernière et sans son consentement, tout comme l’usage de la carte de crédit corporative à des fins personnelles. Le libellé de la lettre du 15 décembre 2009 peut peut-être porter à confusion pour certains, mais pas pour le Tribunal. La preuve prépondérante, tant testimoniale que documentaire, ne laisse aucun doute dans l’esprit du Tribunal sur les motifs réels qui ont justifié le congédiement de Desrosiers et, à la lumière de cette preuve prépondérante, il est étonnant que Desrosiers ait pu témoigner devant la Commission de l’Assurance-emploi et le Conseil arbitral qu’elle ignorait les motifs précis justifiant son congédiement et surtout, que celui-ci était concomitant à la fin de leur relation personnelle.

[143]      Avec respect, le Tribunal ne croit pas la demanderesse. Son congédiement était tout à fait justifié, eu égard aux circonstances, et ce chef de réclamation est donc rejeté.

- LES DOMMAGES POUR TROUBLES, ENNUIS ET INCONVÉNIENTS (5 000 $)

[144]      Au paragraphe 22 de sa requête introductive d’instance amendée, Desrosiers réclame lesdits dommages de 5 000 $ ainsi :

[22] En raison des circonstances abusives, injustifiées et sans fondement du congédiement, la demanderesse est également justifiée de réclamer la somme de 5 000,00$ en dommages et intérêts pour troubles, ennuis et inconvénients;

[145]      Avec grand respect et pour les motifs déjà énoncés ci-devant, le Tribunal ne constate l’existence d’aucune circonstance abusive, injustifiée et sans fondement reliée au congédiement du 10 décembre 2009.

[146]      Il n’y a pas lieu d’accorder ce chef de réclamation.

LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE DUBUC MARKETING INC. (29 541,73 $)

[147]      Rappelons que DMI réclame de Desrosiers diverses sommes totalisant 29 541,73 $ :

-        1 250,00 $  : remboursement d’un chèque préparé et encaissé par Mme Desrosiers pour le paiement de son loyer;

-        5 800,00 $  : remboursement de diverses dépenses personnelles effectuées au moyen de la carte de crédit corporative;

-        1 106,15 $  : remplacement d’un ordinateur endommagé par Mme Desrosiers;

-        10 550,44 $  : remboursement des frais et honoraires extrajudiciaires encourus dans le cadre de procédures judiciaires en injonction entre les parties aux présentes;

-        1 200,00 $  : perte de revenus provenant de Google Adsense (10 $ par jour pendant 120 jours);

-        4 635,14 $  : perte de revenus d’affaires pour les mois de décembre 2009 à avril 2010; et

-        5 000,00 $  : Dommages et intérêts pour troubles, ennuis et inconvénients.

- Le chèque de 1 250 $ encaissé par la demanderesse (D-4)

[148]      Il a déjà été question de ce chèque signé en blanc par Dubuc qui a été complété et encaissé en novembre 2009 par Desrosiers pour des fins purement personnelles et ce, sans l’autorisation ni le consentement de Dubuc, seule personne habilitée à signer et à tirer des chèques sur le compte bancaire de DMI.

[149]      Le fait que certains chèques aient été signés en blanc pour faciliter le paiement de comptes de DMI en l’absence de Dubuc, n’autorisait pas Desrosiers à s’en servir pour des fins purement personnelles, incompatibles avec la pratique courante bien établie entre eux. Ces chèques étaient destinés aux fournisseurs ou sous-traitants de DMI, selon Dubuc.

[150]      Qui plus est, la preuve révèle que Desrosiers a justifié son droit de « recevoir » un tel montant de 1 250 $, sur la foi qu’elle avait tout autant de droit à une somme équivalente à celle utilisée par Dubuc pour payer le loyer du Logement Langelier. D’entrée de jeu, l’argent de DMI n’appartient qu’à DMI et Dubuc est le seul qui pouvait en disposer, à titre d’actionnaire, officier et administrateur uniques. Desrosiers ne pouvait légalement prétendre à aucun tel droit. La place d’affaires de DMI se trouvant dans le Logement de la rue Langelier, il existait une légitimité, à tout le moins prima facie , pour DMI d’acquitter ce loyer, à tout le moins en partie. Desrosiers ne pouvait prétendre à un droit similaire pour utiliser les fonds de DMI pour acquitter son loyer, une dépense purement personnelle.

[151]      DMI a droit au remboursement de ladite somme de 1 250 $ appropriée sans droit par la demanderesse.

- Le remboursement de diverses dépenses personnelles effectuées au moyen de la carte de crédit corporative (5 800 $)

[152]      Il s’agit de dépenses personnelles non autorisées, selon Dubuc, et effectuées par Desrosiers au moyen de la carte de crédit corporative Mastercard de DMI. Ces dépenses ont été découvertes par Dubuc, le 7 décembre 2009, après avoir constaté l’existence du chèque de 1 250 $ mentionné précédemment.

[153]      Selon Dubuc, DMI avait deux cartes, une pour Desrosiers et l’autre à son nom. Ces cartes servaient aux dépenses de l’entreprise et aux achats pour le bureau. Contrairement à Dubuc, jusqu’à son départ en décembre 2009, Desrosiers n’avait pas de carte de crédit personnelle en raison de sa situation financière personnelle et du fait qu’elle ne disposait pas, selon elle, d’un salaire stable .

[154]      Avant le 7 décembre 2009, Dubuc affirme n’avoir jamais pensé vérifier l’usage de cette carte utilisée par Desrosiers, la confiance régnait.

[155]      Desrosiers témoigne que depuis le début des opérations de DMI, le couple utilisait les cartes de crédit corporatives tant pour des fins corporatives que personnelles. À la fin de chaque mois, elle faisait la conciliation entre les dépenses personnelles et celles qui relevaient de l’entreprise. Si l’entreprise était redevable envers Dubuc ou elle, le cas échéant, un chèque était émis par DMI pour autant en faveur de la personne qui y avait droit. Ainsi, si DMI devait lui rembourser une dépense corporative qu’elle avait acquittée personnellement, DMI lui remettait un chèque. À l’opposé, elle remboursait à DMI toute dépense de nature personnelle portée sur la carte de crédit corporative.

[156]      Afin d’étayer ses affirmations, Desrosiers produit un formulaire-maison intitulé «  Dépenses à rembourser  » (P-29) qui mentionne le mois de décembre 2009(?), puis la période du 1 novembre 2008 au 31 janvier 2009. On y constate que DMI doit 173,52 $ à Dubuc. Avec grand respect, ce document est tout à fait incompréhensible. Qui plus est, Dubuc ne l’a jamais vu, il en ignorait l’existence. Desrosiers qui s’occupait de la comptabilité n’a pu produire aucun autre exemplaire de ce formulaire, surtout un qui lui permettait de récupérer elle-même des sommes qu’elle aurait avancées au bénéfice de DMI, impossible d’en produire un seul. Étonnamment, elle ajoute que, de toute façon, tout réajustement en sa faveur ou en faveur de Dubuc était toujours déposé dans le compte personnel de Dubuc. C’était plus simple comme ça . Dubuc affirme qu’il n’a jamais eu connaissance de tels ajustements que ce soit en sa faveur ou en faveur de Desrosiers. Il faut se rappeler que presque tout, à part l’épicerie, «  passait par le compte de l’entreprise  ». Le Tribunal ne croit pas qu’un tel système de remboursement existait et encore moins, que Desrosiers effectuait des dépenses, à même ses propres fonds, que DMI lui remboursait. Faut-il rappeler que la situation financière de Desrosiers ne lui permettait pas de détenir une carte de crédit personnelle.

[157]      Quoi qu’il en soit, à l’audience, Desrosiers a reconnu son obligation de rembourser toutes les charges reliées à ses vacances (Transat (312,67 $) et Sunwing (1 718,73 $)). Elle doit donc rembourser 2 031,40 $ à DMI.

[158]      En cessant de faire vie commune, Desrosiers a quitté le Logement avec une voiture (Chevrolet Impala) qui était jusqu’alors principalement utilisée par Dubuc pour fins d’affaires et pour rencontrer les clients de DMI. Il était donc compréhensible que l’entreprise assume ces dépenses, à l’époque. Desrosiers reconnaît qu’elle n’a jamais utilisé la voiture par la suite pour des fins d’affaires ou pour rencontrer des clients de DMI. Elle rationalise en mentionnant «  On chargeait toujours l’essence sur la carte de crédit [de DMI] ». Après le départ de Desrosiers en août 2009, cette dernière n’a jamais consulté Dubuc pour déterminer les dépenses autorisées qu’elle pouvait encourir en se servant de la carte de crédit corporative et Dubuc de même.

[159]      Le Tribunal constate qu’outre les frais de vacances de 2 031,40 $, il y a eu quelque :

-        687,72 $ de dépenses reliées à l’achat d’essence;

-        338,62 $ en réparations de l’automobile (Alignement Terrebonne);

-        1 362,19 $ en dépenses de restaurant;

-        1 073,69 $ en achats chez Wal-Mart, Canadian Tire et Bureau en gros;

-        5,00 $ Polyclinique Médicale;

-        69,99 $ en achat chez Fleuriste Gascon;

-        85,75 $ chez F. L’Espérance inc.;

-        128,94 $ achat chez Fotolia.com;

-        26,12 $ abonnement de la revue Maclean’s.

[160]      Aux yeux de Desrosiers, il s’agit de divers types de dépenses que le couple chargeait normalement sur la carte de crédit corporative de DMI. Outre les frais reliés aux vacances qu’elle reconnaît devoir rembourser, DMI devrait assumer comme à l’habitude les autres dépenses. Manifestement, l’usage de cette carte de crédit corporative faisait partie du train de vie que Desrosiers a choisi de maintenir après avoir décidé de cesser de faire vie commune avec Dubuc. L’incident du chèque de 1 250 $ (D-4) qu’elle dit avoir utilisé pour payer son propre loyer tout comme DMI faisait pour le logement de la rue Langelier, en est un exemple fort éloquent.

[161]      Il est déplorable que lors de la séparation en août 2009, Dubuc n’ait pas clarifié, dès lors, l’utilisation de la carte de crédit corporative par Desrosiers.

[162]      Il n’y a cependant aucune raison que les dépenses reliées à l’usage personnel de l’automobile (1 026,34 $) conservée par Desrosiers après la cessation de la vie commune laquelle ne servait pas, de son propre aveu, aux fins commerciales de DMI, soient assumées par l’entreprise. Il en est de même pour les multiples charges reliées aux repas consommés à des restaurants (1 362,12 $). Il n’y aucune preuve que dans ses conditions travail, DMI avait accepté d’assumer les frais de repas de Desrosiers. Avec les frais de vacances, ces charges totalisent 4 419,86 $.

[163]      Quant aux autres charges, certaines sont fort probablement reliées aux affaires de DMI et d’autres non. Il est difficile de croire que tous les achats effectués par Desrosiers chez Walmart, Canadian Tire et Bureau en gros (1 073,69 $) étaient destinés exclusivement aux opérations de DMI. Le Tribunal en doute fortement.

[164]      Dans ce contexte, le Tribunal croit qu’il est juste et raisonnable d’accorder une somme globale de 4 900 $ à DMI sous ce chef.

- Le remplacement d’un ordinateur endommagé par Mme Desrosiers (1 106,15 $)

[165]      En octobre 2009, Desrosiers ne veut plus venir travailler à la place d’affaires de DMI sur la rue Langelier. Elle préfère continuer de travailler dans son nouveau logement. Sans en discuter préalablement avec Dubuc, elle emporte avec elle divers effets mobiliers et, pour les fins de la présente réclamation, trois ordinateurs dont un portable, deux écrans d’ordinateur (collectivement les «  Ordinateurs  ») et l’ensemble de la documentation financière, bancaire et comptable de l’entreprise (collectivement la «  Documentation DMI  »). Malgré la séparation, Dubuc continuait d’avoir confiance en Desrosiers. Elle continuera de travailler pour DMI et de s’occuper de la comptabilité à distance. Il n’y verra aucun problème jusqu’aux événements du 7 décembre 2009 et par la suite.

[166]      Dès le 15 décembre 2009, dans sa mise en demeure, Dubuc exige, entre autres, le retour des Ordinateurs et de la Documentation DMI. Il continue de réclamer le retour de ceux-ci dans le cadre des procédures judiciaires intentées contre Desrosiers. En fait, l’Ordonnance Borenstein vise, entre autres, le retour de ces actifs appartenant à DMI.

[167]      Le 22 mars 2010, la Cour supérieure ordonne à Desrosiers de remettre possession à DMI, dans un délai de 24 heures , les Ordinateurs et Documents DMI. Il en va de même de lui redonner accès au site web de DMI et aux divers noms de domaine du concept les « @montreal.com ».

[168]      La preuve révèle que Desrosiers n’obtempère pas à l’Ordonnance Borenstein à l’intérieur du délai imparti par la juge.

[169]      En ce qui a trait aux Ordinateurs et aux Documents DMI, Dubuc ne les recevra que le 29 mars 2010 et ce, dans un état déplorable, d’où le présent chef de réclamation.

[170]      Dubuc recevra dans une simple boîte de carton dépourvue de toute forme de protection les trois ordinateurs, les écrans d’ordinateur, clavier et ce qui ressemble aux Documents DMI.

[171]      En ce qui concerne les Documents DMI, Dubuc parle d’un fouillis total avec des documents pêle-mêle insérés dans un sac de vidange. La réponse de Desrosiers? Dubuc ment ce n’était pas un sac de vidange, «  J’ai placé les documents dans un sac d’épicerie, sur le dessus des ordinateurs  ».

[172]      Quant aux Ordinateurs, les trois sont non-fonctionnels, certains sont brisés ou endommagés et les disques durs ont été entièrement effacés. Il n’y même plus de système d’exploitation. Desrosiers dit avoir inclus dans la boîte de carton un dvd contenant toutes les informations qu’elle dit essentielles et qui se trouvaient sur les disques durs. Dubuc affirme que l’information y gravée est incomplète et surtout, entièrement mélangée, les fichiers et dossiers ne sont plus dans l’ordre original ce qui a entraîné d’innombrables heures de travail pour tenter de se servir de l’information dont il avait besoin pour pouvoir continuer à servir les clients de DMI.

[173]      Les photographies produites (D-11) corroborent en partie la version de Dubuc. Le témoignage de Desrosiers et de sa mère, madame Diane Desrosiers, complèteront le tout.

[174]      La preuve révélera que Desrosiers avait « donné » à sa mère qui en avait besoin, une des deux tours d’ordinateur qu’elle avait apporté de DMI. Lorsqu’il fut question de retourner les Ordinateurs à DMI en mars 2010, Mme Desrosiers affirme avoir aidé sa fille Patricia pour l’envoi des Ordinateurs en se rendant avec elle au magasin Bureau en Gros près de chez elles à Mascouche. Mme Desrosiers est voisine de la demeure où réside sa fille. Mme Desrosiers conteste le fait que les Ordinateurs ne fonctionnent plus. Elle relate que l’ordinateur qu’elle utilisait depuis plusieurs mois, fonctionnait très bien lorsqu’elle s’est rendue chez Bureau en Gros pour l’expédier avec les autres ordinateurs à DMI. Avant l’envoi, sa fille avait fait en sorte d’effacer toutes les données qui se trouvaient sur le disque dur afin de protéger ses données personnelles s’y trouvant.

[175]      Selon Mme Desrosiers, lorsque tous les équipements ont été placés dans la boîte de carton, aucun des ordinateurs et des équipements n’était endommagé. Elle conclura son témoignage en mentionnant que la boîte était cependant très lourde. En fait, la fiche émise par Purolator fait état d’un poids de 68 lb. En contre-interrogatoire, Mme Desrosiers indiquera que sa fille a décidé, pour fins d’assurance, de ne déclarer aucune valeur (0,00 $) aux biens en question, car c’était trop cher , sans pour autant préciser le montant impliqué. En d’autres mots, Desrosiers a confié l’envoi d’une boîte en carton non protégée de 68 lb à Purolator en y indiquant une valeur 0,00 $.

[176]      Pour sa part, Desrosiers confirme que les Ordinateurs ont été placés dans la boîte de carton apparaissant aux photographies (D-11). Elle explique qu’elle a fermé elle-même la boîte de carton après avoir placé le sac d’épicerie rempli des Documents DMI sur le dessus. En réaction au fait que les Ordinateurs sont parvenus à Dubuc endommagés, elle répond :

Ça me fait de la peine. Pour moi, c’était mes ordinateurs. J’avais l’intention de les récupérer. J’ai effacé mes données à moi, c’étaient mes ordinateurs.

[177]      Elle nie que les ordinateurs étaient défectueux ou endommagés lors de l’envoi. Je n’avais pas d’avantages de faire ça. Je n’avais pas l’intention de faire…

[178]      La preuve prépondérante convainc le Tribunal que Desrosiers a obtempéré à l’Ordonnance Borenstein dans le mépris le plus total de l’Ordonnance et des droits de DMI. L’Ordonnance Borenstein stipulait un délai de 24 heures pour retourner ces effets, ils ne furent reçus qu’une semaine plus tard dans un état inacceptable, aux yeux du Tribunal.

[179]      Desrosiers s’est appropriée et a refusé de remettre à DMI, sans aucun droit légitime, des biens qui appartenaient clairement à cette dernière, tel qu’elle le reconnaîtra en juin 2010. Desrosiers a refusé, sans aucun droit, de les retourner lorsque mise en demeure le 15 décembre 2009. Elle les a retenus sans aucun motif légitime pendant plus de trois mois plus tard jusqu’à l’Ordonnance Borenstein, pour les retourner de façon grossièrement négligente, déraisonnable et empreinte d’un mépris total envers DMI et Dubuc, sans aucun souci pour s’assurer que les Ordinateurs et les Documents DMI soient retournés dans l’état dans lequel ils étaient lorsqu’elle les a emportés avec elle.

[180]      Une personne agissant de bonne foi, comme le stipule le Code civil du Québec , n’empile pas des appareils électroniques d’une fragilité évidente dans une simple boîte de carton sans aucune protection quelle qu’elle soit d’autant plus que le poids manifestement excessif (68 lb) de la boîte rendait sa manutention encore plus hasardeuse. Une personne agissant de bonne foi, comme le stipule le Code civil du Québec , n’efface pas les données appartenant à une entreprise sur des disques durs sous prétexte qu’elle devait y effacer des données personnelles qui n’auraient jamais dû s’y trouver comme celles de sa mère. Ces ordinateurs ne lui appartenaient pas!

[181]      Un autre signe évident de mépris total, Desrosiers déclare au transporteur Purolator une valeur de 0,00 $ pour les biens à transporter parce que l’assurance était trop chère .

[182]      La réclamation de 1 106,15 $ est entièrement justifiée et légitime.

- Le remboursement des frais et honoraires extrajudiciaires encourus dans le cadre de procédures judiciaires en injonction entre les parties aux présentes (10 550,44 $)

[183]      Sauf exception, les réclamations pour dommages en responsabilité civile extracontractuelle doivent «  avoir été la conséquence logique, directe et immédiate de la faute  » [2] .

[184]      Au contraire des dommages relevant directement de la faute ayant engendré le litige, les honoraires extrajudiciaires sont considérés comme étant indirects et simplement collatéraux à la cause pour laquelle ils sont engagés [3] . Ils sont de plus, normalement payés par chaque partie respectivement, qu’importe l’issue du litige. [4]

[185]      Depuis l’arrêt Viel [5] , une distinction est établie entre l’abus de droit sur le fond du litige et l’abus de droit d’ester en justice. [6] Ainsi, deux hypothèses mises de l’avant dans ce même arrêt définiraient la notion d’abus de procédure :

La première hypothèse est celle où l'agent, de mauvaise foi, et conscient du fait qu'il n'a aucun droit à faire valoir, se sert de la justice comme s'il possédait véritablement un tel droit. Il n'agit pas alors dans le cadre de l'exercice ou de la défense de son droit, mais totalement en dehors de celui-ci. Une faute peut également être reprochée à l'agent qui, dans l'exercice d'un droit apparent, utilise les mécanismes judiciaires ou procéduraux sans cause raisonnable ou probable, sans motif valable, même de bonne foi. [7]

[186]      Dans ces situations, les honoraires extrajudiciaires seraient qualifiés de dommages directs puisqu’ils ont été «  engagés pour se défendre contre un abus de procédure (au sens large) [puisqu’ils] sont clairement et indubitablement une conséquence directe et immédiate de cet abus.  » [8]

[187]      Il est donc normal que la victime d’un abus puisse réclamer le dommage qu’elle a subi lorsqu’il y a un lien direct entre l’utilisation fautive de la procédure et les dommages qu’elle a subis. [9]

[188]      L’auteur Adrian Popovici, dans l’article précité, affirme qu’il devient ainsi possible pour :

[l]a victime d’une utilisation abusive ou illicite du processus judiciaire (au sens large), qui, pour cette raison, a dû débourser des honoraires, [de] réclamer ces honoraires en tant que dommages dans une action (subséquente) en responsabilité civile. [10]

[189]      Malgré la tendance actuelle de réclamer pour les honoraires extrajudiciaires dans le cadre de causes pour lesquelles les procédures sont estimées abusives, il devient possible de réclamer ces honoraires dans une cause subséquente puisqu’ils ne sont qu’accessoirement liés à la contestation initiale.

La chose jugée et les honoraires extrajudiciaires

[190]      L’autorité de la chose jugée implique qu’ :

[u]ne fois le jugement final obtenu, les dommages subis par la victime pour le passé et ceux qui sont évalués pour l’avenir sont liquidés de façon définitive, le principe de la chose jugée empêchant toute réouverture de la réclamation. [11]

[191]      En considérant ce principe, puisque les honoraires extrajudiciaires ne sont pas un dommage directement lié à la faute en question dans le litige initial, il ne peut pas y avoir chose jugée au niveau de ce recours si ces dommages n’ont pas été discutés lors du litige.

[192]      Dans une telle situation, il n’y aurait pas identité d’objet et de cause, mais seulement de personne. [12] Comme il est expliqué ci-devant, la faute n’est plus celle qui était le fondement du recours initial. Elle est dorénavant la faute qui découle de l’abus de la procédure.

Deuxième recours permis et même recommandé

[193]      Dans l’arrêt Kowarsky [13] , la Cour d’appel confirme le bien fondé d’exercer un deuxième recours pour l’octroi d’honoraires extrajudiciaires :

Il va de soi qu'une partie, si elle croit avoir été victime d'un dommage par l'abus de procédures judiciaires, peut rechercher son adversaire en responsabilité et obtenir compensation. [Référence omise]

Ce recours s'exercera comme tout autre par action logée devant le tribunal de première instance compétent; [...]. [14]

[194]      Deux justifications d’ordre pratique viendraient confirmer l’utilité d’un deuxième procès.

[195]      Premièrement, il devient nécessaire de faire une analyse de chaque procédure pour distinguer les services qui ont servi à contrer les procédures abusives et ceux qui étaient requis pour «  parvenir au prononcé du jugement réparateur  » [15] .

[196]      Et finalement, un deuxième procès pourrait même régler le problème potentiel d’un conflit d’intérêts puisque l’avocat pour les services duquel sont demandés les honoraires extrajudiciaires pourrait se voir plaider et justifier ses propres procédures devant le Tribunal :

[…] l’enjeu des frais extrajudiciaires alourdit le litige. De plus, sa présence met directement en cause un belligérant additionnel, l’avocat au dossier. Tant la pertinence de ses actes professionnels que le coût de ses services font désormais partie du débat. Pour dire le moins, son rôle d’officier de justice s’accommode mal de ce nouveau volet. Au plan de la déontologie, la frontière de l’inhabileté n’est pas loin. Et que dire du secret professionnel? [16]

[197]      La réclamation pour honoraires extrajudiciaires, à l’occasion d’un second procès, est donc permise et même recommandée à titre de solution classique en la matière. [17]

[198]      Qu’en est-il en l’espèce? DMI a-t-elle droit au remboursement des honoraires extrajudiciaires encourus dans le cadre des procédures judiciaires qu’elle a dû entreprendre pour récupérer ses actifs et obtenir la confirmation que Desrosiers n’avait aucun droit à l’égard de DMI, son capital-actions et ses actifs?

[199]      Avec respect pour l’opinion contraire, le Tribunal ne le croit pas. Les circonstances de la présente affaire, fort exceptionnelles, les liens personnels qui unissaient les parties et la formation d’une entreprise à laquelle la demanderesse a définitivement contribué font en sorte que le Tribunal ne peut conclure à la mauvaise foi de Desrosiers. La demanderesse a expliqué au procès qu’à bout de ressources financières, elle n’a eu autre choix que de se résigner et de concéder à Dubuc la propriété de DMI et ce, à contrecœur.

[200]      Dans les circonstances actuelles, DMI n’a pas établi son droit au remboursement des honoraires extrajudiciaires encourus dans les procédures judiciaires qu’elle a instituées en Cour supérieure pour faire valoir ses droits. La situation particulière impliquant Desrosiers se devait d’être clarifiée.

[201]      Le Tribunal n’accorde pas ce chef de réclamation.

- Les pertes de revenus reliés à Google Adsense (1 200,00 $)

[202]      DMI estime à 10 $ par jour sa perte de revenus pendant 120 jours (décembre 2009 à mars 2010) provenant du service AdSense offert par Google relativement aux sites @montreal.com.

[203]      Desrosiers conteste ce montant ajoutant que les « @montreal.com » sont son idée. Elle a acquis les noms de domaine au début des opérations de DMI. À l’époque, elle disposait d’un compte personnel chef BigDaddy.com. Elle a acheté les noms de domaine avec la carte de crédit corporative de DMI. Mais, peu de temps après, au printemps 2007, elle a transféré ceux-ci ainsi que son compte personnel auprès de BigDaddy.com à DMI car les dépenses étaient déductibles fiscalement. Telle était toujours la situation en décembre 2009, les noms de domaine appartenaient toujours à DMI, tel qu’elle le reconnaîtra plus tard dans la Reconnaissance.

[204]      Malgré que Desrosiers s’objecte aux revenus quotidiens réclamés de 10 $ à ce chapitre, elle reconnaît durant la première partie de son témoignage qu’à la fin , Google AdSense rapportait environ 200 $ par mois. La demanderesse n’a aucune preuve tangible à ce sujet et ajoute qu’elle ignore quels étaient les revenus en décembre 2009.

[205]      Dubuc produit un rapport détaillé émanant de Google qui convainc le Tribunal qu’avant le 10 décembre 2009, DMI générait en moyenne des revenus de plus de 10 $ par jour. Les résultats sont sensiblement plus élevés après que DMI récupère les noms de domaine en avril 2010. À la toute fin de son contre-interrogatoire en contre-preuve, Desrosiers reconnaît qu’après avoir pris le contrôle des noms de domaine en question, elle a perçu les revenus générés par ce service. Desrosiers ne peut cependant préciser le montant des revenus qu’elle a perçu durant cette période.

[206]      La preuve prépondérante satisfait le Tribunal que durant cette période DMI a perdu l’usage des noms de domaine et le contrôle de ceux-ci. Avant qu’il ne les récupère aux termes de l’Ordonnance Borenstein, les revenus perdus étaient d’au moins 10 $ par jour en moyenne. La réclamation de 1 200 $ à titre de perte de revenus provenant de Google AdSense lui apparaît raisonnable et bien fondée.

[207]      DMI a droit à cette indemnité.

- Perte de revenus de DMI de décembre 2009 à avril 2010 (4 635,14 $)

[208]      En sus de la perte de revenus reliés à Google AdSense, DMI prétend avoir effectué des pertes additionnelles de 4 635,14 $ durant ladite période de décembre 2009 à avril 2010. Avec respect, rien dans la preuve n’établit de façon convaincante une telle perte de revenus. Même les états financiers produits par DMI prouvent le contraire, même si les revenus se sont avérés très modestes. Le Tribunal ne peut déterminer avec un minimum de certitude l’ampleur de la perte de revenus réellement encourue par DMI durant cette période.

[209]      Ce chef de réclamation doit être rejeté.

- Dommages et intérêts pour troubles, ennuis et inconvénients (5 000,00 $)

[210]      DMI réclame 5 000 $ à titre de dommages pour troubles, ennuis et inconvénients causés par Desrosiers.

[211]      Les agissements de la demanderesse posés à l’endroit de DMI, à compter de la période entourant son congédiement, même s’ils ont été motivés par une conviction personnelle profonde, ont définitivement causé des dommages à DMI qui n’a pu opérer dans un contexte normal tout en étant impliquée dans des procédures judiciaires que la demanderesse a fait perdurer pendant six mois. Les gestes posés par Desrosiers pour provoquer, selon ses propres dires, une discussion avec Dubuc pour déterminer le futur de DMI et le partage de ses actifs a pris une proportion surréaliste qui a définitivement causé des dommages à l’entreprise. Le fait pour Desrosiers d’expliquer son soudain retrait des procédures judiciaires par des motifs d’ordre purement financier ne confère pas à son comportement un caractère de légitimité qui l’exonère de toute responsabilité. Six mois après avoir posé des gestes drastiques, dépourvus de tout fondement juridique, comme l’a reconnu Desrosiers dans la Reconnaissance et le Consentement qu’elle a volontairement signés, elle abandonne soudainement toutes ses prétentions à l’endroit de DMI et de ses actifs.

[212]      En fonction de la preuve prépondérante offerte par DMI, le Tribunal est convaincu que les dommages causés à l’entreprise par Desrosiers se chiffrent à 5 000 $, tel que réclamé.

[213]      Le Tribunal fera donc droit à ce chef de réclamation.

[214]      En résumé, la demanderesse a établi le bien-fondé de sa réclamation principale à 13 521,65 $.

[215]      En demande reconventionnelle, DMI a droit au remboursement de ladite somme de 1 250 $ appropriée sans droit par la demanderesse, à la somme globale de 4 900 $ pour les dépenses personnelles créditées sans droit à la carte de crédit corporative, à la réclamation de 1 106,15 $ pour les dommages causés aux ordinateurs, à l’indemnité de 1 200 $ pour la perte de revenus AdSense et les dommages de 5 000 $ pour troubles, ennuis et inconvénients.

[216]      En demande reconventionnelle, DMI a droit à la somme totale de 13 456,15 $.

[217]      Après compensation judiciaire, Desrosiers a droit au paiement de la somme de 65,50 $ de la part de DMI.

[218]      Dans les circonstances actuelles, il est juste et raisonnable que chaque partie assume ses propres frais.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

DÉCLARE que la défenderesse, Dubuc Marketing inc., est endettée envers la demanderesse, madame Patricia Desrosiers, pour la somme de 13 521,65 $;

DÉCLARE que la demanderesse, madame Patricia Desrosiers, est endettée envers la défenderesse, Dubuc Marketing inc., pour la somme de 13 456,15 $;

OPÈRE compensation judiciaire entre la somme due par la défenderesse, Dubuc Marketing inc., et celle due par la demanderesse, madame Patricia Desrosiers;

CONDAMNE la défenderesse, Dubuc Marketing inc., à payer à la demanderesse, madame Patricia Desrosiers, la somme de 65,50 $ avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle en vertu de l’article 1619 du Code civil du Québec depuis la date d’assignation.

LE TOUT, chaque partie payant ses frais.

 

 

 

 

__________________________________

MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.Q.

 

Me Guy Sirois

Avocat de la demanderesse/défenderesse reconventionnelle

 

 

Me Jeff Orenstein

ORENSTEIN LAW INC.

Avocat de la défenderesse/demanderesse reconventionnelle

 

 

Dates d’audience :

11, 12, 13 janvier 2012, 30 avril et 1 er mai 2012

 



[1] Le 9 février 2007, dans un courriel (D-22) adressé à sa sœur, Julie Desrosiers, Patricia Desrosiers écrit : Because of my credit problems and receiving unemployment, we decided it would be best for now that I not have an official connection to our business .

[2] Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers , La Responsabilité civile , 7 e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, n o 1-622, p. 624.

[3] Viel c. Les Entreprises Immobilières du Terroir Ltée , 2002 CANLII 41120 (C.A.), par. n o 77.

[4] Massé v. 3311066 Canada inc. (Marina Centre) , 2011 QCCS 3201 , par. n o 173.

[5] Viel c. Les Entreprises Immobilières du Terroir Ltée , préc., note 2 .

[6] Id. , par. n o 74.

[7] Id ., par. n o 75.

[8] Adrian Popovici , « Le sort des honoraires extrajudiciaires », (2002) 62 R. du B . 53 , 78-79 reprenant l’argument mis de l’avant dans Viel c. Les Entreprises Immobilières du Terroir Ltée , préc., note 2, par. n o 79.

[9] Massé v. 3311066 Canada inc. (Marina Centre) , préc., note 3 , par. n o 176.

[10] Adrian Popovici, préc., note 7 , 80.

[11] Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers , préc., note1, n o 1-410, p. 429.

[12] Pour des exemples d’arguments de chose jugée refusée concernant des honoraires extrajudiciaires dans un deuxième recours : M.R. c. Mi.R., 2010 QCCA 1527 , par. n o 35-36; Voir aussi Victor Parent inc. c. Compagnie Foundation du Canada ltée, [1996] no AZ-96021614 (C.S.), p. 2.

[13] Kowarsky c. Québec (Procureur général) , 1988 CANLII 992 (C.A.).

[14] Id. , p. 3.

[15] Hrtschan c. Mont-Royal (Ville de), (2004) CANLII 29479 (C.A.), par. n o 65.

[16] Id ., par. n o 69.

[17] Id. , par. n o 71-72 citant et confirmant Kowarsky c. Québec (Procureur général) , préc., note no 12, p. 3 PDF.