Desjardins c. Autorité des marchés financiers |
2012 QCBDR 84 |
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BUREAU DE DÉCISION ET DE RÉVISION
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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MONTRÉAL |
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DOSSIER N° : |
2011-036 |
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DÉCISION N° : |
2011-036-001 |
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DATE : |
Le 9 août 2012 |
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EN PRÉSENCE DE : |
M e ALAIN GÉLINAS |
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RÉAL DESJARDINS |
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Partie demanderesse |
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c. |
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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS |
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Partie intimée |
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demande de révision d’une décision de l’autorité des marchés financiers |
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[art.
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Réal Desjardins |
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Comparaissant personnellement |
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M e Isabelle Bédard |
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(Girard el al.) |
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Procureure de l’Autorité des marchés financiers |
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Date d’audience : |
28 mai 2012 |
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DÉCISION |
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[1]
Le 29 décembre
2011, Réal Desjardins adressait au Bureau de décision et de révision («
Bureau
»)
une demande de révision d’une décision rendue à son endroit le 1
er
décembre 2011
[1]
par l’Autorité des marchés financiers («
Autorité
»). Cette
demande a été présentée en vertu de l’article
[2] À la suite de cette demande, le Bureau a convoqué les parties à une audience devant se tenir le 28 mai 2012. Le Bureau a entendu la demande à la date prévue.
[3]
Le demandeur se
pourvoit donc à l’encontre d’une décision de l’Autorité rendue le 1
er
décembre 2011, qui lui a imposé une sanction administrative pécuniaire de 5 000 $,
en vertu de l’article
[4]
L’Autorité lui
reprochait d’avoir fait défaut de respecter les articles
LES FAITS
[5] Le Bureau expose ci-après les faits au soutien de l’imposition par l’Autorité d’une sanction administrative pécuniaire de 5 000 $ à l’encontre de Réal Desjardins.
[6] Réal Desjardins est administrateur d’Intema Solutions inc. (« Intema »), un émetteur assujetti au Québec; il est devenu un initié le 17 août 2007. Le système électronique de déclaration des initiés (« SEDI ») indique que Réal Desjardins s’est vu attribuer trois séries de 25 000 options d’Intema le 5 juillet 2010, dont les échéances sont les 31 décembre 2012, 31 décembre 2013 et 31 décembre 2014.
[7]
En septembre
2011, l’Autorité a constaté que Réal Desjardins avait omis de déclarer
l’attribution des options en format SEDI et l’a contacté à ce sujet. Réal
Desjardins a déposé trois déclarations sur SEDI le 20 octobre 2011, soit 462
jours après le délai de 10 jours prévu par les articles
[8] Le 26 octobre 2011, l’Autorité a transmis à Réal Desjardins un préavis de sanction administrative pécuniaire de 5 000 $ pour le défaut de déclarer dans le délai de 10 jours prescrit. L’Autorité n’a considéré qu’une seule des attributions d’options, car les trois ont eu lieu le 5 juillet 2010.
[9] L’Autorité, par ce préavis, avisait Réal Desjardins qu’il pouvait transmettre dans un délai de 15 jours ses observations écrites ainsi que tout document ou information pertinent à l’étude de son dossier.
[10] Réal Desjardins a fait parvenir à l’Autorité les observations suivantes le 3 novembre 2011 :
I. Le CFO d’Intema ne l’aurait pas informé de cette obligation de déclarer et du délai applicable;
II. Il s’agit de son premier conseil d’administration d’une compagnie publique;
III. Il croyait devoir déclarer seulement lorsqu’il exercerait les options;
IV. Depuis l’émission des options, il ne peut les exercer, puisque la valeur de l’action s’est toujours transigée en dessous du prix d’exercice. Il croit ne pas pouvoir exercer les options avant leur échéance;
V. Le montant réclamé est exorbitant.
[11] Le 1 er décembre 2011, après avoir considéré les observations de Réal Desjardins, l’Autorité rendait sa décision [7] et elle lui a imposé une sanction administrative pécuniaire de 5 000 $. Les motifs de l’Autorité étaient notamment les suivants :
I. Réal Desjardins est un initié, car il est un administrateur d’Intema, un émetteur assujetti;
II.
En
vertu des articles
III.
L’objectif
des articles
IV. Le respect de l’obligation de déclarer toute modification à l’emprise des titres d’un émetteur assujetti incombe à l’initié, tout comme la responsabilité de s’assurer que les déclarations soient produites dans le délai de rigueur;
V. La déclaration de modification à l’emprise a été produite par Réal Desjardins 462 jours après le délai de rigueur;
VI.
L’article
VII. L’Autorité ne pouvait considérer les circonstances de l’attribution des options, la méconnaissance par Réal Desjardins de ses obligations d’initié et le fait qu’il n’estime pas tirer profit à la suite d’un éventuel exercice des options comme des facteurs à considérer dans l’établissement du montant de la sanction, puisqu’elle ne dispose d’aucune discrétion à cet égard et que ce montant est établi en fonction de l’article 271.14 du Règlement sur les valeurs mobilières [8] .
[12]
Suivant cette décision, Réal Desjardins a déposé, le 29 décembre 2011,
une demande de révision de cette décision auprès du Bureau, en vertu de
l’article
I. Il s’agit de sa première omission de déclarer;
II. Le montant de la pénalité est trop important;
III. Il existe peu de probabilité qu’il puisse exercer ses options à l’échéance;
IV. Il n’a pas agi avec malice et personne n’a été lésé.
L’AUDIENCE
[13] L’audience du 28 mai 2012 devant le Bureau s’est déroulée selon la forme d’une audience de novo au cours de laquelle la procureure de l’Autorité a déposé en preuve les pièces au soutien des procédures et a fait entendre comme témoin une analyste de l’Autorité. Réal Desjardins, qui se représentait seul, a fait valoir ses arguments.
La preuve et les représentations de l’Autorité
[14] La procureure de l’Autorité a fait témoigner une analyste qui œuvre au service des déclarations d’initiés au sein de cet organisme. Elle a déposé en preuve un extrait de la description des opérations d’initié de Réal Desjardins. Ce document présente l’opération d’initié qui a fait l’objet de la sanction administrative pécuniaire imposée par l’Autorité.
[15] Selon la description des opérations, Réal Desjardins s’est vu octroyer un total de 75 000 options d’Intema le 5 juillet 2010. La circulaire de sollicitation de procurations d’Intema du 9 septembre 2011 indique que Réal Desjardins s’est vu octroyer deux séries de 25 000 options. L’analyste a expliqué que Réal Desjardins est un administrateur d’Intema, un émetteur assujetti; il est donc un initié.
[16] L’analyste a expliqué que Réal Desjardins disposait d’un délai de 10 jours pour déclarer ses opérations sur SEDI. Il avait donc jusqu’au 15 juillet 2010 pour ce faire. Cependant, il a déposé ses déclarations seulement le 20 octobre 2011, soit 462 jours en retard.
[17] Elle a également mentionné que Réal Desjardins a déposé ses déclarations peu après que l’Autorité ait communiqué avec lui pour l’informer de son omission. Par la suite, un préavis de sanction administrative lui a été acheminé et il ne visait qu’une seule des opérations, puisqu’elles ont été effectuées à la même date.
[18] À la suite de la réception des observations de Réal Desjardins, elle a effectué à nouveau des vérifications et l’Autorité a décidé d’imposer une sanction administrative pécuniaire de 5 000 $.
[19] Pour sa part, la procureure de l’Autorité a rappelé l’objet des déclarations d’initiés, qui est de promouvoir un développement libre et ouvert du marché où le prix du titre puisse refléter la connaissance par les investisseurs de tous les faits pertinents à sa détermination.
[20] Elle a indiqué que l’objectif des déclarations est d’assurer qu’il y ait une divulgation prompte de l’information détenue par les initiés et pour pallier au déficit informationnel entre les initiés et les investisseurs. Elle a ajouté qu’il existe une présomption de préjudice causé au marché lorsqu’un initié ne dépose pas ses déclarations dans les délais.
[21] La procureure a rappelé qu’il appartient aux initiés de se renseigner sur les obligations qui leur incombent et que l’ignorance de la loi n’est pas un moyen de défense. Elle a tenu à souligner que Réal Desjardins a été coopératif, mais que la bonne foi n’est pas suffisante pour se dégager de ses responsabilités et de son obligation de déclarer les modifications à l’emprise d’un émetteur assujetti dans les délais.
[22]
Elle a également soutenu que l’Autorité détient la discrétion de décider
d’imposer une sanction ou non. En l’espèce, l’Autorité a choisi de sanctionner
une seule des trois opérations déclarées par Réal Desjardins. La procureure a
maintenu que l’Autorité n’a pas de latitude dans les montants qui sont imposés.
L’article
[23] La procureure de l’Autorité a donc demandé au Bureau de rejeter la demande de révision présentée par Réal Desjardins et de maintenir la décision qui a été rendue par l’Autorité.
La preuve et les représentations de Réal Desjardins
[24] Lors de l’audience, Réal Desjardins a reconnu qu’il était dans l’erreur et qu’il aurait dû déposer ses déclarations de modifications à l’emprise dans les délais prévus. Cependant, le montant de la sanction administrative qui lui est imposée est exorbitant et lui paraît trop important par rapport à la faute commise.
[25] Il a maintenu qu’il était mal informé de la situation et que le « CFO » d’Intema ne lui a pas fourni les renseignements dont il aurait eu besoin. Il a ajouté qu’il a coopéré dès qu’il a su qu’il était tenu de produire ses déclarations et qu’aucune personne n’a été flouée. Il a précisé qu’il n’a rien gagné de cette situation et qu’il ne retirera probablement jamais rien avec ses options. Ainsi, il a demandé au Bureau d’apporter un ajustement représentatif de la faute commise à la sanction qui lui a été imposée par l’Autorité.
LE DROIT
[26] Voici les dispositions pertinentes à l’époque de l’attribution des options :
Loi sur les valeurs mobilières
5. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, il faut entendre par:
«administrateur»: un membre du conseil d'administration d'une personne morale ou une personne physique exerçant des fonctions similaires pour une autre personne;
1° tout administrateur ou dirigeant d'un émetteur;
2° tout administrateur ou dirigeant d'une filiale d'un émetteur;
3° la personne qui exerce une emprise sur plus de 10% des droits de vote rattachés à l'ensemble des titres avec droit de vote de l'émetteur qui sont en circulation, à l'exclusion des titres pris ferme pendant la durée du placement;
4° l'émetteur porteur de ses titres;
5° toute personne déterminée par règlement ou désignée à ce titre en vertu de l'article 272.2.
Est également un initié, un administrateur ou un dirigeant d'un initié.
89.3. L'initié à l'égard d'un émetteur assujetti autre qu'un organisme de placement collectif doit, conformément aux conditions et modalités déterminées par règlement, déposer une déclaration indiquant notamment les titres de l'émetteur assujetti sur lesquels il exerce une emprise et tout droit dans un instrument financier lié à des titres de l'émetteur ou tout droit ou toute obligation découlant de cet instrument ainsi que présenter toute autre information prévue par règlement.
97. L 'initié à l'égard d'un émetteur assujetti est tenu de déclarer, selon les modalités, en la forme et dans les délais déterminés par règlement, toute modification à son emprise sur les titres de cet émetteur.
274.1. L'Autorité peut imposer, dans les cas, aux conditions et conformément aux montants déterminés par règlement, une sanction administrative pécuniaire pour une omission ou un acte fait en contravention à une disposition prévue aux titres II ou III de la présente loi ou prévue par un règlement pris pour leur application, sauf à l'égard de l'information occasionnelle visée à l'article 73 que doit fournir un émetteur assujetti concernant un changement important.
322.
Une
personne directement affectée par une décision rendue par l'Autorité, par une
personne visée aux articles 169 à 171 ou par un organisme d'autoréglementation
reconnu peut, dans un délai de 30 jours, en demander la révision auprès du
Bureau de décision et de révision institué en vertu de l'article
Règlement sur les valeurs mobilières
271.14. Tout initié ou tout dirigeant ou administrateur réputé initié qui contrevient à une disposition des articles 96 à 98 ou 102 de la Loi, parce qu'il a fait défaut de déclarer son emprise sur des titres ou une modification à cette emprise, est tenu au paiement d'une sanction administrative pécuniaire de 100 $ par omission de déclarer pour chaque jour au cours duquel il est en défaut, jusqu'à concurrence d'une somme maximale de 5 000 $.
Règlement 55-104 sur les exigences et dispenses de déclaration d’initié
L'initié assujetti dépose une déclaration d'initié à l'égard de l'émetteur assujetti indiquant tout changement dans les renseignements suivants dans un délai de 5 jours après le changement:
a) la propriété véritable de titres de l'émetteur assujetti ou l'emprise directe ou indirecte qu'il exerce sur de tels titres;
b) ses droits ou intérêts dans tout instrument financier lié à un titre de l'émetteur assujetti ou ses obligations relatives à un tel instrument.
11.2. Dispositions transitoires
1) Malgré les articles 3.3 et 3.4, l'initié assujetti peut déposer la déclaration d'initié prévue dans les 10 jours d'un changement visé à ces articles qui se rapporte à une opération effectuée au plus tard le 31 octobre 2010.
2) Malgré l'article 4.1, l'initié assujetti peut déposer la déclaration d'initié prévue dans les 10 jours suivant un événement visé à cet article qui se rapporte à une opération effectuée au plus tard le 31 octobre 2010.
3) Malgré le sous-paragraphe a du paragraphe 2 de l'article 5.4, l'initié assujetti peut déposer la déclaration d'initié prévue dans les 10 jours suivant l'aliénation ou le transfert visé à ce sous-paragraphe si l'aliénation ou le transfert a eu lieu au plus tard le 31 octobre 2010.
4) Malgré le sous-paragraphe a du paragraphe 2 de l'article 6.4, l'initié assujetti peut déposer la déclaration d'initié prévue dans les 10 jours suivant l'aliénation ou le transfert visé à ce sous-paragraphe si l'aliénation ou le transfert a eu lieu au plus tard le 31 octobre 2010.
L’ANALYSE
[27] Le Bureau a eu l’occasion par le passé de prononcer un certain nombre de décisions relatives à l’absence de dépôt auprès de l’Autorité des déclarations d’initiés, en contravention à la loi et de la réglementation [9] . La jurisprudence est établie à cet égard et elle balise notre décision.
[28] L’imposition d’une sanction administrative pécuniaire en raison du défaut par un initié de déposer sa déclaration de modification à l’emprise d’un émetteur assujetti dans le délai prescrit nécessite la démonstration par l’Autorité des points suivants :
·
Il s’agit d’un initié au sens de l’article
·
Il s’agit d’un initié à l’égard d’un émetteur assujetti au sens
de l’article
· Il y a eu une modification à l’emprise sur les titres de cet émetteur assujetti par l’initié;
· Le délai prescrit par règlement pour déclarer toute modification à l’emprise n’a pas été respecté.
[29]
Or, il appert que Réal Desjardins était inscrit sur SEDI comme
administrateur d’Intema, un émetteur assujetti au sens de l’article
[30]
L’article
[31]
Puisque le dépôt des déclarations a eu lieu le 20 octobre 2011, Réal
Desjardins n’a pas respecté le délai de 10 jours prévu par l’article
[32]
Bien que l’article
[33]
À la lumière de la preuve présentée par l’Autorité, le Bureau constate
que Réal Desjardins n’a pas déposé ses déclarations de modification à l’emprise
dans le délai de 10 jours prescrit par l’article
[34] Réal Desjardins a soulevé certains arguments auxquels il convient de s’attarder.
[35] Ce dernier a reconnu qu’il aurait dû déposer ses déclarations de modifications à l’emprise dans le délai prévu par règlement. Cependant, il a maintenu que le montant qui lui a été imposé est trop important et il a demandé au Bureau d’apporter un ajustement représentatif de la faute commise.
[36]
Le Bureau rappelle que l’article
[37] L’Autorité possède cependant la discrétion d’imposer ou non une sanction administrative. En l’espèce, elle a décidé de sanctionner. Elle a toutefois choisi de considérer l’attribution des trois séries d’options comme étant une seule, car elle a eu lieu le même jour. L’Autorité a donc exercé sa discrétion en pénalisant qu’une seule série d’options.
[38] Le fait que Réal Desjardins n’estime pas pouvoir tirer profit des options ne peut être considéré dans l’établissement de la sanction qui lui est imposée. En effet, les investisseurs doivent être informés des opérations faites par les initiés rapidement, et ce, peu importe les fluctuations futures du titre.
[39] Tel qu’il a été mentionné précédemment, Réal Desjardins devait déclarer sur le SEDI ses attributions d’options, puisqu’il s’agit d’une modification à son emprise sur les titres d’un émetteur assujetti. Il disposait alors d’un délai de 10 jours pour ce faire. En l’espèce, ce délai a débuté lors des attributions, soit le 5 juillet 2010.
[40] Le Bureau rappelle que les déclarations d’initiés permettent à l’Autorité d’exercer la surveillance des opérations sur les titres d’un émetteur.
[41] Selon la jurisprudence, un initié doit être conscient de ses devoirs de déclarations. À ce titre, il doit donc s’assurer qu’elles sont correctement déposées dans les délais requis [14] . C’est que, comme l’a déjà écrit le Bureau :
« […] la participation aux marchés financiers entraîne de nombreuses obligations qui sont nécessaires au maintien de la confiance et de l’efficience des marchés financiers, de même qu’à la protection des investisseurs. En tant qu’initié, M. Aubé se devait de se renseigner sur ses obligations et de s’assurer qu’elles soient remplies de manière conforme. » [15]
[42] Le Bureau ajoute ensuite :
« Les dispositions relatives à la divulgation des opérations sur valeurs des initiés ont pour but de renseigner promptement le public sur les agissements des initiés sur les titres d’un émetteur assujetti. Cette divulgation vise à pallier l’asymétrie informationnelle qui existe entre les initiés de l’émetteur assujetti et les membres du public investisseur. La divulgation des opérations des initiés constitue également un élément dissuasif à la commission d’un délit d’initié, puisque l’initié, devant la publicité qu’entraîne la divulgation de son opération, serait moins enclin à s’engager sur la voie d’un tel délit. » [16]
[43] Donc, Réal Desjardins devait veiller au dépôt ponctuel de ses déclarations de modification d’emprise. Bien qu’il ait agi de bonne foi, question qui n’est pas en jeu ici, il n’en reste pas moins qu’elle ne saurait excuser son manquement.
[44] Il ressort de son témoignage qu’il ne connaissait pas ses obligations d’initié et que c’était sa première expérience sur le conseil d’administration d’une société ouverte. Il est cependant de la responsabilité de l’initié de s’assurer que ses déclarations soient déposées à temps. Il est également de son ressort de veiller à posséder tous les renseignements utiles afin de procéder à une déclaration exacte et conforme à la règlementation. Il ne peut minimiser ses propres responsabilités d’administrateur en invoquant qu’il a été mal informé par le « CFO » d’Intema.
[45] À cet égard, il est utile de rappeler l’affaire Seven Mile High Group inc . [17] , où la commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique avait conclu que l’ initié , malgré qu’il connaissait ses obligations de déclaration d’ initié et qu’il avait délégué cette fonction au directeur et secrétaire de l’émetteur, était responsable du défaut de déposer dans les délais prescrits ses déclarations d’ initié :
« Hamelin said he understood the requirements relating to the filing of insider reports in a timely manner and had previously been cease traded for failure to file insider reports on time. He said that he had delegated this function to Harrison.
Harrison told us that he had been unable to file Hamelin’s insider trading reports on time because the account statements from the brokerage houses required to complete these reports were only mailed out on the 15 th of the month and were not available to him before the deadline date each month.[…]
We find that Hamelin breached the provisions of section 70 of the Act by failing to file insider reports within the required time.
Hamelin was aware of his insider reporting obligations but simply did not take steps to ensure that he complied with them. »
[46] Dans l’affaire Allard c. Autorité des marchés financiers [18] , le Bureau avait tiré la conclusion suivante de la défense de l’initié à l’effet notamment qu’il s’était fié au directeur de l’émetteur :
« [54] Si, tel que décidé dans l’affaire Seven Mile High Group inc . [23] , le fait d’attendre après des informations de la part de la firme de courtage ne pouvait justifier le retard de l’initié qui avait délégué le dépôt de ses déclarations au secrétaire de l’émetteur, il ne saurait en être autrement pour l’initié qui, devant les représentations faites par le Directeur des finances de l’émetteur, croyait erronément que l’exercice des droits d’option était fixé à une date plus éloignée et qui ce faisant, a déposé en retard sa déclaration.
[55] M. Allard connaissait ses obligations de déclaration d’initié; il a admis devant le tribunal que les formulaires et les chèques ont été signés le 2 mars 2007 et que la levée des options n’était soumise à aucune condition. La confusion provoquée par le Directeur des finances relativement à la date d’exercice des droits d’option ne saurait excuser l’omission de déposer la déclaration d’initié dans les délais prescrits. » [19]
[47] Réal Desjardins a soutenu que personne n’a été floué par son omission de déclarer. Le Bureau rappelle que l’omission de déposer ses déclarations d’initié est présumée avoir une incidence sur les investisseurs et le marché, et ce, même en l’absence de preuve de préjudice :
« A failure to file reports when required can be presumed to have some deleterious effects on other investors and the market, even in the absence of evidence of actual harm. » [20]
[48] Bref, le Bureau en vient à la conclusion que l’Autorité était en droit d’imposer à Réal Desjardins une sanction administrative pécuniaire pour l’omission de déclarer les modifications à l’emprise. Il n’y a pas lieu pour le Bureau d’intervenir quant au montant de la sanction administrative pécuniaire imposée par l’Autorité. Vu les motifs exposés ci-dessus, le Bureau rejette la demande de révision présentée par Réal Desjardins.
[49] Après avoir pris connaissance de la demande de révision de Réal Desjardins, ainsi que de la preuve de novo de l’Autorité et entendu les arguments du demandeur et de l’intimée et considérant les motifs exposés précédemment, le Bureau de décision et de révision, en vertu de l’article 322 de la Loi sur les valeurs mobilières [21] et de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers [22] , rend la décision suivante :
IL REJETTE la demande de révision présentée par Réal Desjardins; et
IL MAINTIENT la décision rendue par l’Autorité des marchés financiers le 1 er décembre 2011, nº 20110024178-1 [23] , qui imposait à Réal Desjardins une sanction administrative pécuniaire de cinq mille dollars (5 000 $), en vertu de l’article 274.1 de la Loi sur les valeurs mobilières [24] et de l’article 271.14 du Règlement sur les valeurs mobilières [25] .
Fait à Montréal, le 9 août 2012. |
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(s) Alain Gélinas |
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M e Alain Gélinas, président |
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[1] Autorité des marchés financiers c. Réal Desjardins , Autorité des marchés financiers (Montréal), n o 0110024178-1, J. Deslauriers, 1 er décembre 2011, 4 pages.
[2] L.R.Q., c. V-1.1.
[3] L.R.Q., c. A-33.2.
[4] (1983) 115 G.O. II, 1511.
[5] (2010) 142 G.O. II, 1435.
[6] Id.
[7] Précitée, note 1.
[8] Précité, note 4.
[9]
Voir par exemple :
Aubé
c.
Autorité des marchés financiers
,
[10] Précitée, note 2, art. 97.
[11] Précité, note 5 , art. 11.1.
[12] Précitée, note 1.
[13]
Soucy
c.
Autorité des marchés financiers
,
[14] Aubé c. Autorité des marchés financiers , précitée, note 9, par. 41.
[15] Id., par. 43.
[16] Id., par. 44.
[17] Seven Mile High Group inc ., 1991 LNBCSC 254, [1991] 47 BSCS Weekly Summary 7.
[18] Précitée, note 9.
[19] Id ., par. 54 et 55.
[20] Orr (Re) , 2001 BCSECCOM 1106
[21] Précitée, note 2.
[22] Précitée, note 3.
[23] Précitée, note 1.
[24] Précitée, note 2.
[25] Précité, note 4.