Bélanger c. Juteau |
2012 QCCQ 6312 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TERREBONNE |
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LOCALITÉ DE |
SAINTE-AGATHE-DES-MONTS |
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« Chambre civile » |
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N° : |
715-32-000048-112 |
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DATE : |
8 AOÛT 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
JIMMY VALLÉE, j.C.Q. |
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YVES BÉLANGER et ÉDITH MARCOTTE |
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Demandeurs |
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c. |
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NICOLE JUTEAU et MICHEL CONSTANT |
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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[1] Madame Édith Marcotte et monsieur Yves Bélanger réclament la somme de 7 000 $ pour les dommages qu'ils ont subis en raison de vices cachés affectant l'immeuble qu'ils ont acheté de Nicole Juteau et Michel Constant.
[2] En défense, ces derniers allèguent que les recommandations données par monsieur Constant aux acheteurs n'ont pas été suivies. En conséquence, le fait de laisser s'accumuler de la neige au pourtour de l'immeuble peut résulter en une infiltration d'eau, ce dont étaient bien informés les demandeurs.
Les faits
[3] Par acte notarié daté du 20 octobre 2010, les demandeurs achètent un immeuble abritant une résidence pour personnes âgées en perte d'autonomie. La prise de possession effective s'effectue le 25 octobre.
[4] Avant de procéder à l'achat, les demandeurs ont visité l'immeuble à au moins deux reprises et, à chacune de ces occasions, ils ont demandé aux vendeurs s'il y avait déjà eu infiltration d'eau. La réponse à ces questions fut toujours négative.
[5] Le fils des demandeurs, qui est responsable de l'administration de la résidence, constate une infiltration d'eau dans la cave de service de l'immeuble le 12 décembre 2010. Monsieur Constant est alors contacté et il se rend sur les lieux en après-midi. Après avoir vérifié entre autres le fil électrique pour le câble chauffant des gouttières, il descend au sous-sol où il constate tout de suite l'endroit où l'eau pénètre. Il quitte et se contente d'acheter et d'épandre du sel déglaçant à l'extérieur.
[6] Au mois d'avril suivant, alors qu'ils effectuaient des travaux près de l'immeuble, les demandeurs constatent que le «beam» du mur extérieur est complètement pourri et qu'il doit être rapidement remplacé.
[7] Ils obtiennent alors des informations et des recommandations de la municipalité et ils décident de les suivre. Un dos d'âne est installé près de la rue pour ralentir l'écoulement des eaux. Ils obtiennent aussi une soumission, datée du 15 avril 2011, pour faire installer un puisard. Ils font exécuter les travaux.
[8] En défense, madame Nicole Juteau Constant explique au Tribunal qu'elle a rencontré les acheteurs au mois d'août ainsi qu'au mois de septembre 2010 alors qu'ils ont fait une offre d'achat officielle. Elle admet leur avoir mentionné qu'il n'y avait jamais eu d'infiltration d'eau importante, sauf une mineure en 2009 alors que le fil chauffant du drain avait cessé de fonctionner.
[9] Elle et son conjoint ont habité sur place, soit dans la partie finie du sous-sol de l'immeuble, entre 2001 et 2010. Il n'y a jamais eu d'autres infiltrations d'eau pendant cette période.
[10] Son conjoint, Michel Constant, précise que l'ancien propriétaire lui a dit avoir été victime d'une infiltration d'eau et c'est la raison pour laquelle il a fait installer le fil chauffant.
[11] Il a expliqué aux acheteurs la façon de faire et surtout l'importance de bien déneiger autour de la bâtisse. Il ajoute que, lors de la signature de l'acte de vente, le notaire a mentionné que les acheteurs étaient au courant de l'infiltration d'eau et qu'en ce sens, il ne s'agissait pas d'un vice caché.
ANALYSE ET DÉCISION
Le fardeau de la preuve
[12] Le Tribunal croit important de reproduire les articles du Code Civil du Québec qui reçoivent ici application.
[13] L'article 2803 C.c.Q énonce:
« Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »
[14] Cet article impose au demandeur le fardeau de prouver les allégations contenues dans sa demande et ce, par prépondérance de preuve.
[15]
L'article
« La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »
[16] Ce dernier article permet au Tribunal d'apprécier la preuve présentée de part et d'autre par les parties, afin de déterminer si, effectivement, l'existence d'un fait est plus probable que son inexistence.
[17] Le professeur Ducharme [1] nous apprend que lorsque la preuve offerte n’est pas suffisamment convaincante ou encore si la preuve est contradictoire et que le juge est dans l’impossibilité de déterminer où se situe la vérité, le sort du procès va se décider en fonction de la charge de la preuve. Celui sur qui reposait l’obligation de convaincre perdra.
[18] De son côté, le professeur Royer [2] en arrive également à la même conclusion lorsqu'il écrit, dans son traité sur la preuve civile, que :
« La partie qui a le fardeau de persuasion perdra son procès si elle ne réussit pas à convaincre le juge que ses prétentions sont fondées. »
Le droit applicable
[19] Le Code civil du Québec prévoit un cadre juridique spécifique concernant la responsabilité du vendeur d'un bien, afin qu'il en assure à l'acheteur la jouissance paisible. Une de ces garanties du droit de propriété est la garantie de qualité, souvent appelée la garantie contre les vices cachés.
[20]
L'article
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[21] Pour que la garantie de qualité d’un bien s’applique, il est maintenant bien établi que cinq grandes conditions doivent être démontrées par l’acheteur, c’est-à-dire :
1. que le bien est affecté d’un vice ;
2. que ce vice est grave ;
3. qu’il est antérieur à la vente ;
4. qu’il est inconnu de l’acheteur ;
5. qu’il a été dénoncé dans un délai raisonnable au vendeur.
[22] Le caractère occulte ou caché d'un vice s'apprécie objectivement en examinant, entre autres, le degré d'inspection du bien fait par l'acheteur, suivant les critères d'un acheteur prudent et diligent [3] .
[23] Pour déterminer si le vice est caché, nous devons savoir si l'acheteur connaissait ou aurait dû connaître le défaut lors de l'acquisition [4] . La garantie légale de qualité ne constitue pas un système de protection pour un acheteur qui serait imprudent ou incompétent [5] .
[24] L'acheteur a une obligation de prudence et de diligence lors de l'acquisition du bien et doit l'inspecter raisonnablement. Il doit apporter une attention particulière à tout indice pouvant lui laisser présager un problème quelconque [6] .
[25] Il n'est pas obligatoire pour l'acheteur d'avoir recours aux services d'un expert [7] . Cependant, bien que la loi écarte cette obligation, cela ne signifie pas qu'il ne doive jamais faire appel à un expert lorsque les circonstances s'y prêtent en guise de précaution [8] .
[26] Bien entendu, l'acheteur qui veut être prudent et diligent doit effectuer quelques efforts dans la découverte d'un vice et la simple possibilité de découvrir un vice suffit pour qu'il ne soit pas considéré caché [9] .
[27] En l'espèce, le Tribunal n'a entendu aucune preuve tendant à démontrer la cause du problème d'infiltration d'eau, qu'il s'agissait d'un vice grave, qu'il était caché et qu'il était antérieur au transfert de propriété. Les demandeurs ont seulement établi qu'il y avait eu infiltration d'eau et que l'installation d'un puisard et d'une membrane avait réglé ce problème.
[28] Il n'y a aucune preuve à l'effet que l'absence de puisard constituait un vice, ni que l'installation du puisard était nécessaire pour régler le problème d'infiltration d'eau. Qui plus est, ces travaux donnent une plus value à l'immeuble. Les défendeurs n'ont pas à en faire les frais.
[29] Ceci dit, les photos produites qui montrent l'état de putréfaction du bois sous le revêtement extérieur, ainsi que les travaux d'installation de la membrane, sont par ailleurs très éloquentes. Il y a eu infiltration d'eau à cet endroit et, à en juger par l'état du bois, ce vice existait avant la vente.
[30] En conséquence, le Tribunal accordera aux demandeurs le coût des travaux réalisés par monsieur Gilles Auger à l'immeuble lui-même, soit la somme de 600 $.
[31] Preuve prépondérante n'ayant pas été faite à la satisfaction du Tribunal que l'absence d'un puisard constituait un vice, qu'il était une des causes des infiltrations et que son installation était nécessaire, la réclamation des acheteurs à ce titre ne sera pas retenue.
[32] En l'absence de preuve, le Tribunal n'accordera pas non plus les dommages réclamés à titre de troubles et inconvénients et de frais d'avocat.
[33] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[34] ACCUEILLE en partie la demande;
[35]
CONDAMNE
les défendeurs à payer aux demandeurs la somme de
600 $ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à
l'article
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__________________________________ JIMMY VALLÉE, j.C.Q. |
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Date d’audience : |
3 JUILLET 2012 |
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[1] Léo DUCHARME, Précis de la Preuve, 5 e éd. Faculté de droit civil, Université d’Ottawa, p. 58 par.173
[2]
Jean-Claude ROYER,
[3]
ABB Inc. c. Domtar Inc. op.cit. note 1; Marcoux c. Picard, (C.A.,
2008-02-05),
[4]
Tambourgi c. Ambroise, (C.A., 1990-02-15),
[5]
Rivest c. Vachon, (C.S., 2006-03-08),
[6]
Placement Jacpar Inc. c. Benzakour, (C.A. 1989-09-20),
[7]
Placement Jacpar c. Benzakour, op.cit. note 6; Laroche c. Provencher,
(C.S., 2005-06-15),
[8]
Naud c. Normand (C.A. 2007-12-20),
[9]
Laperrière c. Lahaie, (C.S. 2007-02-05),