Côté c. Toitures du Saint-Laurent inc.

2012 QCCQ 6401

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

N o :

200-32-053998-117

 

 

 

DATE :

27 juillet 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE PIERRE A. GAGNON, J.C.Q.

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DENIS CÔTÉ

[…], Québec (Québec) […]

 

Demandeur

 

c.

 

TOITURES DU SAINT-LAURENT INC.

1090, rue Fiset, Québec (Québec) G1J 2H1

 

Défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]            À l'automne 2007, M. Denis Côté utilise les services de Toitures du Saint-Laurent inc. («Toitures inc.») pour la réfection de deux toits à l'aide de la membrane élastomère fabriquée par TopSeal Canada inc. («TopSeal»).

[2]            Le 25 janvier 2010, la toiture de la résidence de M. Côté coule. Toitures inc. intervient et colmate la fuite. Elle facture M. Côté.

[3]            M. Côté réclame de Toitures inc. le remboursement de la franchise de 500 $ qu'il a assumée pour les dommages à sa résidence et 5 127,14 $ pour les frais de réfection de la toiture.

[4]            Toitures inc. conteste parce que c'est le produit TopSeal qui est défectueux et non ses travaux. Elle se porte demanderesse reconventionnelle pour le paiement de sa facture de 620,81 $ du 25 janvier 2010.

Les questions en litige:

[5]            Toitures inc. est-elle responsable des infiltrations d'eau et de ses conséquences survenues à la résidence de M. Côté? Si oui, Toitures inc. doit-elle payer la somme que M. Côté lui réclame?

[6]            M. Côté doit-il payer la facture de 620,81 $ de Toitures inc.?

Les faits:

[7]            À l'automne 2007, M. Côté se laisse convaincre par une publicité d'acheter le produit «TopSeal», spécialement conçu pour l'étanchéité des toits plats. À cette fin, il contacte Les Enduits Nord-Sud qui le réfère à Toitures inc., un poseur accrédité, pour l'installation du produit.

[8]            M. Côté achète directement de Les Enduits Nord-Sud le produit TopSeal. Il paye 4 216,15 $ pour cet achat. Il contracte avec Toitures inc. pour qu'elle installe le produit TopSeal sur les couvertures de sa résidence et de son garage. Il paye une somme de 4 785,90 $ à Toitures inc. pour ses services.

[9]            Sur sa facture du 22 octobre 2007, Toitures inc. inscrit:

            « r éfection de deux toits plats selon contrat:

·                      Garantie du manufacturier (matériaux): 15 ans.

·                      Garantie main-d'œuvre: 5 ans.»

 

[10]         M. Côté décrit les travaux de Toitures inc. ainsi:

·                     Enlèvement du gravier;

·                     Préparation de la couverture;

·                     Application d'enduit TopSeal sur la couverture à toit plat à drainage central de ma résidence et mon garage.

[11]         Chacun des toits a une superficie approximative de 24 X 36 pieds.

[12]         En 2008, Toitures inc. apprend que le produit TopSeal n'est pas adapté aux saisons québécoises. Le chaud-froid de nos saisons crée des microfissures dans l'enduit élastomère. Les toitures des immeubles du Québec où l'on a appliqué le produit coulent. Selon Toitures inc., « 100% des cas sont problématiques ». Toitures inc. constate d'ailleurs systématiquement une dégradation des toitures où le produit a été installé.

[13]         Informée du vice du produit, Toitures inc. refuse dès lors de le poser.

[14]         Le 25 janvier 2010, la résidence de M. Côté subit une infiltration d'eau par le toit. M. Côté communique avec Toitures inc. qui intervient. Toitures inc. déneige et déglace le toit. Elle applique du ciment plastique pour colmater la fuite. Elle facture 620,81 $ pour ce faire.

[15]         L'assureur de M. Côté intervient pour les dommages causés à la résidence. M. Côté doit toutefois payer une somme de 500 $ à l'entrepreneur, suite aux travaux effectués, correspondant à sa franchise d'assurance.

[16]         Le 8 septembre 2010, M. Côté subit une nouvelle infiltration d'eau à sa résidence. Il obtient 3 soumissions pour refaire la toiture de sa résidence. Il choisit Toitures Île-d'Orléans inc qui effectue les travaux pour 6 693,49 $. Il en réclame le remboursement après dépréciation de Toitures inc.

[17]         Toitures inc. nie toute responsabilité, blâmant le produit TopSeal.

[18]         Les parties admettent que TopSeal Canada inc. et Les Enduits Nord-Sud sont inactives et vraisemblablement insolvables. C'est la raison pour laquelle elles n'ont pas été appelées dans ce dossier.

 

 

Analyse et motifs:

[19]         M. Côté a confié à Toitures inc. la pose du produit TopSeal qu'il a acheté d'un autre fournisseur.

[20]         M. Côté a conclu un contrat d'entreprise [1] avec Toitures inc. À titre d'entrepreneur, Toitures inc. est responsable des travaux qu'elle a exécutés. Elle est présumée responsable de la perte de l'ouvrage qui survient dans les 5 ans qui suivent la fin de ses travaux:

2118.  À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol [2] .

[21]         La réfection d'un toit est un ouvrage [3] . Une toiture qui coule et endommage sérieusement l'immeuble provoque une perte partielle suffisamment grave et sérieuse pour engendrer la présomption de responsabilité de l'article 2118 C.c.Q . [4] . Puisque la toiture a coulé moins de 5 ans après son travail, Toitures inc. est présumée responsable de cette perte. Elle doit donc prouver par preuve prépondérante que ce n'est pas son travail qui est la cause des infiltrations d'eau à la résidence de M. Côté.

[22]         Toitures inc. affirme qu'elle n'est pas responsable des infiltrations d'eau puisque, à son avis, l'infiltration découle du vice du produit TopSeal. Or, c'est M. Côté qui a fourni le produit TopSeal acheté d'un autre fournisseur.

[23]         L'article 2104 du C.c.Q. prévoit que l'entrepreneur peut également être responsable même si son client fournit le produit:

2104.  Lorsque les biens sont fournis par le client, l'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu d'en user avec soin et de rendre compte de cette utilisation; si les biens sont manifestement impropres à l'utilisation à laquelle ils sont destinés ou s'ils sont affectés d'un vice apparent ou d'un vice caché qu'il devait connaître, l'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu d'en informer immédiatement le client, à défaut de quoi il est responsable du préjudice qui peut résulter de l'utilisation des biens.

[24]         En l'espèce, la preuve prépondérante démontre que Toitures inc. ignore tout du vice du produit TopSeal et qu'il en est de même de son fabricant. Conséquemment, selon sa prétention, elle n'est pas responsable du préjudice qui peut résulter de l'utilisation du produit TopSeal fourni par son client.

[25]         Le produit TopSeal est-il vraiment la cause de l'infiltration d'eau à la résidence de M. Côté? La preuve à cet égard n'est pas prépondérante. Le représentant de Toitures inc. a affirmé catégoriquement à l'audience que le produit TopSeal est défectueux et n'est pas adapté aux conditions climatiques du Québec. Toutefois, il n'a pas fait la preuve prépondérante que dans le cas de la résidence de M. Côté, c'est le produit TopSeal qui est en cause et non la main-d'œuvre de Toitures inc.. D'ailleurs, le toit du garage de M. Côté, qui est d'une dimension comparable à celui de la résidence, ne coule pas. Comment l'expliquer?

[26]         Toitures inc. ne peut simplement se contenter d'alléguer les constats généraux faits sur d'autres toitures où l'on a appliqué le produit TopSeal. Elle doit faire la preuve des constats faits à la résidence de M. Côté. Cette preuve doit convaincre le Tribunal, selon la prépondérance de preuve [5] , que la main-d'œuvre n'est absolument pas en cause dans les infiltrations d'eau survenues à la résidence de M. Côté. Toitures inc. n'a pas fait cette preuve.

[27]         De plus, sa prétention s'oppose à la garantie qu'elle a accordée à M. Côté.

[28]         Le contrat d'entreprise conclu par les parties est régi par la Loi sur la protection du consommateur [6] L.P.C. »). En effet, il s'agit d'un contrat conclu entre un consommateur, M. Côté, et un commerçant, Toitures inc., pour le service de réparation ou d'entretien d'un immeuble [7] .

[29]         Un commerçant peut toujours offrir au consommateur une garantie conventionnelle qui est plus avantageuse que celle de la L.P.C. [8] . Dans sa facture, Toitures inc. offre une garantie conventionnelle.

[30]         Lorsqu'il le fait, le commerçant doit rédiger clairement sa garantie et indiquer notamment ses obligations en cas de défectuosité du bien ou de mauvaise exécution du service sur lequel porte la garantie et la façon de procéder que doit suivre le consommateur pour obtenir l'exécution de la garantie [9] .

[31]         En l'espèce, Toitures inc. indique une garantie de cinq ans sur la main-d'œuvre et une garantie du manufacturier de 15 ans pour les matériaux, sans plus de précisions. Sa clause de garantie ne détaille pas ses obligations en cas de problèmes et en particulier, qui honorera et comment sera honorée la garantie relative aux matériaux. La facture qui constate la garantie n'est donc pas conforme à la L.P.C. Toitures inc. aurait dû rédiger clairement les modalités et les limites de sa garantie. Tout doute doit s'interpréter en faveur du consommateur [10] , soit M. Côté.

[32]         Puisque l'infiltration d'eau du 25 janvier 2010 survient un peu moins de deux ans et demi après les travaux de Toitures inc., soit à l'intérieur de la période de garantie stipulée tant pour la main-d'œuvre que pour les matériaux, Toitures inc. doit honorer sa garantie. Elle a refusé à tort de le faire en affirmant que c'était le produit TopSeal qui était défectueux et en facturant M. Côté de ses travaux. M. Côté peut demander l'exécution de cette garantie ainsi que des dommages-intérêts [11] .

[33]         M. Côté a payé 6 693,49 $ à Toitures Île-d'Orléans inc. pour la réfection du toit de sa résidence en octobre 2010. Il réclame 5 127,14 $ en appliquant un taux de dépréciation de 24,4%.

[34]         Toitures inc. invoque que M. Côté ne l'a pas mise en demeure avant de procéder à la réfection du toit en septembre 2010. En l'espèce, Toitures inc. était en demeure de plein droit puisqu'elle a clairement manifesté à M. Côté son intention de ne pas exécuter son obligation [12] . En effet, Toitures inc. a facturé M. Côté pour des travaux d'urgence en janvier 2010 alors que ces travaux étaient sous garantie et a nié toute responsabilité par la suite en affirmant que c'était le produit TopSeal qui était défectueux.

[35]         M. Côté a droit d'être indemnisé de façon à être replacé dans la situation où il aurait été si les travaux de Toitures inc. avaient été faits correctement. Certains des travaux de Toitures Île-d'Orléans inc. ont amélioré la toiture de la résidence de M. Côté. En particulier, Toitures Île-d'Orléans inc a ajouté une «soprabase» et réparé le pontage de bois du côté est pour 1 331,93 $. Ces améliorations doivent être déduites de la réclamation, de sorte que le coût des travaux de remplacement de la toiture est de 5 158,39 $. Appliquant la dépréciation suggérée de 24.4% sur ce montant, les dommages-intérêts de M. Côté s'élèvent à la somme de 3 951,33 $.

[36]         Par ailleurs, M. Côté a également droit au remboursement de la franchise de 500 $ payée pour les dommages subis à la résidence. En effet, Toitures inc. sait, depuis 2008, que le produit TopSeal est affecté d'un vice. Une personne raisonnable en aurait informé ses clients. En ce faisant, M. Côté aurait pu prévenir les infiltrations d'eau de janvier 2010.

[37]         Enfin, M. Côté a droit au remboursement de ses frais de mise en demeure, soit 9,90 $.

[38]         Toitures inc. n'a pas droit au paiement de sa facture du 29 janvier 2010 totalisant 620,81 $. Son intervention sur le toit de la résidence de M. Côté est visée par la garantie qu'elle a accordée à M. Côté. L'article 48 de la L.p.c . interdit au commerçant d'exiger quelques frais que ce soit à l'occasion de l'exécution de sa garantie conventionnelle, à moins que l'écrit qui constate la garantie ne le stipule et n'en détermine le montant de façon précise. Ce n'est pas le cas en l'espèce.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

ACCUEILLE partiellement la demande;

CONDAMNE la défenderesse Toitures du St-Laurent inc. à payer au demandeur Denis Côté la somme de 4 461,23$ avec intérêts au taux de 5% l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 1 er février 2011;

CONDAMNE la défenderesse Toitures du St-Laurent inc. à payer au demandeur Denis Côté les frais judiciaires de la demande, soit la somme de 159 $;

REJETTE la demande reconventionnelle de Toitures du St-Laurent inc.

 

 

 

 

 

 

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PIERRE A. GAGNON, J.C.Q.

 

 

Date d’audience :

17 avril 2012

 



[1]     Code civil du Québec C.c.Q »), art. 2098.

[2]     Ibid, art. 2118.

[3]     Jean-Louis BAUDOIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile ,  Vol. II, 7 e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, paragr. 2-269

[4]     Ibid, paragr. 2-274; Chabot c. Raymond Caron inc. , AZ-84011143 , 1984-06-04, p. 7 (C.A.).

[5]     C.c.Q., art. 2803 et 2804.

[6]     Loi sur la protection du consommateur , L.R.Q., c. P-40.1 .

[7]     Ibid, art. 2 et 6.

[8]     Ibid, art. 35.

[9]     Ibid, art. 45.

[10]    C.c.Q., art. 1432 et L.p.c. , art. 17.

[11]    L.P.C. , art. 272.

[12]    C.c.Q. art. 1597.