Germain c. Larouche

2012 QCCQ 6421

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT D’

ABITIBI

LOCALITÉ DE

VAL-D’OR

« Chambre civile »

N° :

615-32-003451-125

 

 

 

DATE :

6 juillet 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JEAN-PIERRE GERVAIS, J.C.Q.

 

 

 

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LINE GERMAIN ET DENIS POIRÉ

Demandeurs

c.

CHANTAL LAROUCHE ET PATRICE BOUCHARD

Défendeurs

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Les  demandeurs  poursuivent  les  défendeurs,  leur  réclamant  un  montant de 7 000 $ au motif que le bateau acheté de ces derniers était affecté d’un vice caché.

[2]            À l’audience, toutes les parties sont présentes et de la preuve entendue ainsi que des pièces produites au dossier, le Tribunal retient essentiellement ce qui suit.

[3]            Au printemps 2011, les demandeurs sont à la recherche d’un bateau et en parcourant les petites annonces sur internet s’intéressent particulièrement à celui offert en vente par les défendeurs qui est de marque Sunray, modèle Mirage de l’année 1989, propulsé par un moteur embarqué du type qu’on appelle communément « inboard - outboard ». Le prix demandé alors est de 19 000 $ incluant la remorque de transport.

[4]            Les acheteurs se rendent donc voir l’embarcation une première fois à la fin du mois d’avril ou au début mai 2011, alors que seule Mme Chantal Larouche est présente.

[5]            Ils l’examinent pendant qu’il est encore entreposé à l’intérieur de son abri, mais le demandeur peut quand même avoir accès à l’intérieur et notamment au compartiment moteur.

[6]            Il en profite pour vérifier le niveau d’huile et retirer le bouchon du couvert de culasse afin de s’assurer qu’il n’y a aucune trace de corrosion. Étant donné que Mme Larouche n’est pas vraiment en mesure de l’informer des détails concernant le bateau, il revient peu de temps après, lorsque son conjoint est présent.

[7]            Les deux hommes discutent alors et M. Poiré se renseigne sur l’état général de celui-ci.

[8]            Le vendeur lui explique à ce moment qu’il n’a jamais éprouvé quelques problèmes de fonctionnement que ce soit et que l’embarcation n’a pas de défectuosités connues.

[9]            Quant à l’hivernisation, elle est annuellement faite par un mécanicien; donc il n’anticipe encore une fois aucune difficulté à cet égard.

[10]         Les négociations qui s’ensuivent mènent à un accord par lequel les acheteurs font l’acquisition du bateau, de la remorque ainsi que de l’abri de type « Tempo » pour une somme totale de 15 000 $ qu’ils paient le 18 mai 2011; moment où ils prennent livraison des biens.

[11]         Soulignons qu’à ce moment une courte entente est signée qui ne comporte aucune particularité en ce qui concerne la garantie légale.

[12]         Ayant un emploi du temps particulièrement chargé, ce n’est que le 12 juillet suivant que les demandeurs, en soirée, ont l’occasion de mettre l’embarcation à l’eau.

[13]         Une fois cela fait, ils démarrent le moteur et, après une quinzaine de minutes, notent que celui-ci semble montrer des signes d’hésitation, pour finalement s’arrêter.

[14]         À ce moment, la demanderesse, qui se trouve dans la cabine avant, constate la présence d’eau chaude dans le fond de la cale.

[15]         Le demandeur retourne donc au quai et, sans tarder, prend les dispositions nécessaires pour replacer le bateau sur sa remorque.

[16]         Il remarque alors qu’il y a une quantité appréciable d’eau de telle sorte que le drainage par l’orifice prévu à cette fin dure plusieurs minutes.

[17]         Dès le lendemain, ils transportent l’embarcation chez Marine Lamy, entreprise spécialisée dans ce domaine, qui rapidement voit que le moteur est endommagé à plusieurs niveaux.

[18]         Ainsi, des fissures sont présentes au niveau du bloc, de la pompe à eau ainsi que des collecteurs d’échappement, si bien que l’eau servant à refroidir le moteur s’écoule par celles-ci.

[19]         Selon toute probabilité, il s’agit là de dommages imputables au gel à la suite d’une hivernisation défaillante l’automne précédent.

[20]         Espérant profiter tout de même de leur achat durant l’été, les demandeurs conviennent avec Marine Lamy de faire effectuer les réparations dès que possible.

[21]         Alors, l’alternative suivante est examinée, soit le remplacement complet du moteur par un neuf ou la reconstruction de celui-ci à partir de pièces détachées.

[22]         Bien qu’aucun document ne vienne justifier cette affirmation, selon les dires du demandeur les coûts d’une opération comme de l’autre sont similaires.

[23]         Il opte donc pour l’achat d’un nouveau moteur.

[24]         Le temps de recevoir celui-ci et de l’installer, ce n’est qu’au début septembre que l’embarcation est enfin prête à naviguer.

[25]         Il en coûte alors approximativement 8 000 $ pour effectuer cette opération.

[26]         Il est utile de souligner que les pièces justificatives déposées par les demandeurs quant au coût des réparations incluent d’autres travaux de telle sorte qu’il est ardu d’établir avec précision quel fut le prix exact du remplacement du moteur.

[27]         Le Tribunal est cependant satisfait de l’affirmation de M. Poiré comme quoi ce montant s’élève à environ 8 000 $; ce que tendent à confirmer tant les évaluations faites que la facture finale.

[28]         Il y a en conséquence lieu de retenir cette somme comme étant celle représentant l’opération en cause.

[29]         Le ou vers le 15 septembre 2011, par la voie de leur procureur, les acheteurs ont fait parvenir une mise en demeure, se voulant également un avis de dénonciation, à Mme Larouche et M. Bouchard leur indiquant la nature des avaries survenues ainsi que le fait qu’ils les considéraient responsables des coûts en résultant.

[30]         Dans la même correspondance, Me Jean-Marc Sigouin invitait les vendeurs à entrer en contact avec lui afin de venir eux-mêmes constater les vices allégués.

[31]         Le demandeur souligne qu’avant cette lettre il n’a d’aucune façon verbalement ou autrement avisé les défendeurs de l’existence du vice.

[32]         Il ressort de la preuve que ces derniers se sont rendus peu de temps après chez Marine Lamy dans l’espoir de pouvoir examiner le moteur.

[33]         Sur place, on les informe alors du fait que cette pièce a été retournée aux demandeurs et qu’elle est donc en leur possession.

[34]         Une offre subséquente d’aller constater les vices à cet endroit ne connaît pas de suite de la part de Mme Larouche et M. Bouchard.

[35]         Pour sa part, le défendeur explique qu’il a été propriétaire du bateau pendant approximativement trois ans et que les horaires de travail de sa conjointe et de lui-même ont fait en sorte qu’il ne l’a utilisé que très peu.

[36]         La première année, à l’automne, il a demandé à un mécanicien de sa connaissance de venir lui montrer comment procéder à l’hivernisation.

[37]         Pendant les deux années subséquentes, c’est lui seul qui a alors effectué cette opération.

[38]         Essentiellement, il raconte qu’il s’agit de retirer les bouchons se trouvant au bas du moteur afin de le vider de toute l’eau qu’il contient. Au printemps suivant, aucune intervention particulière n’est nécessaire pour le mettre en route, outre de s’assurer que lesdits drains sont bien refermés.

[39]         Il déclare que lui-même, pendant tout le temps où il a été en possession de l’embarcation, n’a éprouvé aucune difficulté avec celle-ci et que c’est en toute honnêteté qu’il a affirmé aux acheteurs que tout était fonctionnel.

[40]         Quant à la dénonciation du vice, il se dit évidemment surpris d’en avoir été avisé si tard, surtout après que les réparations eurent été entièrement effectuées.

[41]         De la même manière, il déplore ne pas avoir été avisé que le moteur avait été retiré de l’embarcation et qu’il ne se trouvait plus chez Marine Lamy.

[42]         Par la suite, il n’a pas vu l’intérêt de se rendre chez les demandeurs pour examiner la pièce.

[43]         En résumé, les acheteurs estiment que le bateau qu’ils ont acquis était affecté par un vice caché en ce que le moteur, ayant probablement été mal hivernisé, comportait plusieurs fissures laissant écouler l’eau de refroidissement.

[44]         Les défendeurs, quant à eux, disent qu’ils n’avaient connaissance d’aucune défectuosité quelconque et que par surcroît ils déplorent que la réparation ait été faite sans même qu’ils en soient avisés de telle sorte qu’ils n’ont pas été à même d’envisager une alternative au remplacement pur et simple du moteur.

[45]         L’article 1726 du Code civil du Québec prévoit que, lors de la vente d’un bien, le vendeur garantit à l’acheteur que celui-ci n’est pas affecté par aucun défaut caché et peut servir à l’usage auquel il est destiné.

De la garantie de qualité

1726.   Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

1991, c. 64, a. 1726. [1]

[46]         Sommairement exposées, les conditions d’application de cette garantie sont les suivantes.

[47]         Dans un premier temps, elle ne doit pas avoir fait l’objet d’une exclusion qui doit précisons-le, pour être valide, être claire et non équivoque.

[48]         En second, le vice affecté doit être d’une gravité telle qu’il nuit réellement à l’usage qu’on entend faire de la chose, ce qui exclut entre autres les vices mineurs qui n’ont pas de conséquences réelles.

[49]         En troisième, le vice ne doit pas avoir été dénoncé à l’acheteur.

[50]         En quatrième lieu, le vice doit effectivement être caché en ce sens qu’un examen sérieux ne doit pas permettre de le découvrir.

[51]         À cet égard, précisons qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours à un expert pour effectuer la vérification en cause ni à des mesures extraordinaires comme démonter ou endommager une partie du bien.

[52]         L’étendue exacte de cet examen sera souvent en fonction de la nature de l’objet que l’acheteur compte acquérir.

[53]         Ensuite, il faut que le vice ait existé avant l’achat.

[54]         Et enfin, il est essentiel pour un acheteur de dénoncer le vice à son vendeur pour pouvoir profiter de la garantie de qualité.

[55]         Appliqué à la présente affaire, le Tribunal est en mesure de poser les constats suivants.

[56]         La lecture du court contrat de vente conclu entre les parties permet de voir que celles-ci ont mentionné que le bateau était acheté « tel que vu ».

[57]         Précisons que la jurisprudence a clairement établi que cette mention ne constituait d’aucune façon une exclusion de la garantie légale prévue par l’article 1726.

[58]         Pour qu’il y ait une telle exclusion, les termes employés doivent être clairs et non équivoques et la mention ici utilisée ne satisfait pas ces critères.

[59]         En second, le vice doit être d’une gravité suffisante.

[60]         Il est inutile de disserter longuement sur ce point ici, puisqu’il est évident que les fissures constatées au niveau du moteur nuisaient de façon majeure à son fonctionnement.

[61]         Quant à une dénonciation de la part du vendeur, celui-ci n’ayant lui-même jamais éprouvé quelques difficultés que ce soit avec l’engin, il est bien certain qu’il ne pouvait dénoncé un tel problème à ses acquéreurs.

[62]         Pour ce qui est du caractère caché du vice et de l’examen fait par M. Poiré avant l’acquisition, les constats suivants peuvent être posés.

[63]         Le Tribunal retient que le bateau a été acquis au printemps, à un moment où il se trouvait encore hors de l’eau placé sur sa remorque.

[64]         Il est probable que la présence des fissures était indécelable à moins de faire fonctionner le moteur dans un environnement aquatique afin qu’il se remplisse d’eau.

[65]         Même s’il est évidemment souhaitable qu’un essai sur un plan d’eau ait lieu, rien ne dit qu’un éventuel acheteur doive absolument se livrer à cet exercice avant de procéder à l’achat d’une embarcation.

[66]         De la même manière, même si l’offre lui a été faite de consulter un expert en semblable matière, il n’avait pas l’obligation de le faire, puisque aucun indice ne suggérait qu’il y avait un problème quelconque que pouvaient craindre les acquéreurs.

[67]         Selon toute probabilité donc, le vice était bel et bien caché et ne pouvait se révéler à la suite d’un examen attentif.

[68]         Quant à la question de savoir s’il était antérieur à la transaction, vraisemblablement tel est le cas.

[69]         Il semble en effet qu’il résulte d’une hivernisation défaillante de telle sorte que les dommages se sont probablement produits durant l’hiver précédent.

[70]         En ce qui a trait à l’existence d’un avis de dénonciation, il est exact que les demandeurs en ont effectivement expédié un en septembre 2011, soit après avoir effectué les travaux.

[71]         Cet avis doit être fait dans un délai raisonnable et vise entre autres à permettre au vendeur de constater lui-même la situation, de protéger ses droits et éventuellement, s’il juge à propos de le faire, de procéder lui-même à la réparation ou encore de proposer d’autres avenues moins onéreuses pour remédier à cet état de choses.

[72]         Dans le cas présent, le moteur ayant été purement et simplement changé, il ne se trouvait plus dans le bateau, mais était pour autant disponible pour examen si les défendeurs voulaient s’assurer de la nature exacte du bris.

[73]         Bien qu’il eût sans doute été préférable qu’ils soient avisés plus tôt afin de pouvoir voir l’engin encore en place dans l’embarcation, il leur était possible malgré tout d’examiner la pièce eux-mêmes ou par l’intermédiaire d’un tiers ayant une connaissance dans le domaine, ce qu’ils ont choisi de ne pas faire.

[74]         Il est par contre certain qu’ils ont été empêchés d’envisager et de proposer quelques autres solutions que ce soit, la réparation étant déjà effectuée.

[75]         Ceci n’est pas sans conséquence pour les demandeurs, tel qu’il sera expliqué plus loin.

[76]         Le Tribunal néanmoins conclut que toutes les conditions sont réunies afin que soient mises en œuvre les dispositions relatives à la garantie de qualité.

[77]         Leur demande doit donc être accueillie à cet égard.

[78]         La question est plutôt de déterminer quel est exactement le montant qui doit leur être octroyé en conséquence.

[79]         Rappelons que les réparations ont coûté approximativement 8 000 $, mais que pour ce prix ils se retrouvent avec un bateau équipé d’un moteur neuf au lieu d’un âgé d’environ 22 ans.

[80]         Appelé à donner son avis à cet égard, M. Poiré a indiqué au Tribunal qu’il ne croit pas que ce fait procure une plus-value au bien.

[81]         Le Tribunal ne partage absolument pas cette opinion.

[82]         De toute évidence, le moteur est une composante majeure de n’importe quel véhicule, quel qu’il soit.

[83]         Et, de la même manière, il est beaucoup plus intéressant que celui-ci soit équipé d’un moteur neuf au lieu d’un engin accusant une usure de 22 ans. Non seulement ceci risque de se refléter de façon significative lors d’une revente quant au prix qu’il pourra demander, mais également risque fort d’être un élément susceptible d’inciter un éventuel acquéreur à porter son choix sur une embarcation dont le moteur a été remplacé par un nouveau.

[84]         Par surcroît, il est manifeste qu’un nouveau moteur aura une longévité accrue, ce dont profiteront les demandeurs.

[85]         Sous un autre angle, rappelons que les vendeurs se sont retrouvés devant un fait accompli et n’ont pas été en mesure de proposer quelque alternative que ce soit au remplacement de la pièce défectueuse.

[86]         Malgré qu’à l’audience ils n’aient pas indiqué qu’une telle alternative existait, il n’en demeure pas moins que cette situation résulte exclusivement de la décision de M. Poiré de procéder aux réparations sans attendre davantage et sans aviser leurs vendeurs.

[87]         Il ne saurait donc en conséquence être question d’accueillir la demande pour l’intégralité du montant réclamé.

[88]         Ceci étant dit, le Tribunal n’a pas d’autre choix que d’estimer en ayant recours à l’arbitraire le montant qui doit être alloué.

[89]         Étant donné que le remplacement total du moteur de 22 ans a coûté approximativement 8 000 $, il est approprié d’attribuer une somme de 3 000 $.

[90]         Sans pouvoir dire évidemment qu’une réparation autre était possible pour ce prix, il semble réaliste de penser que la plus-value donnée à l’embarcation ainsi que la longévité accrue du moteur, résultat de son remplacement, peuvent représenter un montant avoisinant les 5 000 $.

[91]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[92]         ACCUEILLE la demande;

[93]         CONDAMNE les défendeurs à verser aux demandeurs la somme de 3 000 $ en plus des intérêts et l’indemnité additionnelle prévue par la loi, et ce, à compter du 15 septembre 2011, date de la mise en demeure;

 

[94]         CONDAMNE les défendeurs à rembourser aux demandeurs le timbre judiciaire d’un montant de 163 $.

 

 

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JEAN-PIERRE GERVAIS, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

31 mai 2012

 



[1] Code civil du Québec , L.Q., 1991, c. 64, art. 1726.