Lévesque et Québec (Ministère de la Justice) |
2012 QCCFP 37 |
COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER N°: |
1300888 |
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DATE : |
24 août 2012 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
M e Denise Cardinal |
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BENOÎT LÉVESQUE
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Appelant
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Et
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MINISTÈRE DE LA JUSTICE
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Intimé |
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DÉCISION |
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(Article
et Article
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[1] La journée même où M. Benoît Lévesque, directeur des palais de justice de Carleton, de New Carlisle et de Sainte-Anne-des-Monts est reconnu coupable par un jury de deux chefs d’accusation d’agression sexuelle et d’avoir, à des fins sexuelles, touché une partie du corps d’un enfant âgé de moins de 16 ans, le ministère de la Justice (ci-après appelé le « MJQ ») le congédie.
[2] Le MJQ considère que la déclaration de culpabilité à ces infractions criminelles est incompatible avec son emploi puisqu’elle a un impact sur la confiance de la population et des divers partenaires du MJQ. De plus, ces infractions sont inconciliables avec les pouvoirs judiciaires d’un directeur de palais de justice.
[3]
M. Lévesque réclame la protection de l’article
[4] Afin de faciliter la compréhension des différents éléments mis en preuve par les parties et utiles à son analyse, la Commission les regroupe sous les quatre rubriques suivantes :
- trame des évènements entourant le congédiement;
- la gestion d’un palais de justice et les fonctions d’un directeur;
- la déclaration de culpabilité et son impact;
- les fonctions de M. Lévesque au cours de son prêt de service.
[5] C’est en mai 2008 que M. Lévesque fait son entrée au MJQ comme directeur des palais de justice de New Carlisle et de Carleton. Quelques mois plus tard, on ajoute à ses responsabilités la gestion du palais de justice de Sainte-Anne-des-Monts.
[6] Ces nouvelles fonctions constituent pour M. Lévesque une promotion importante puisqu’il devient cadre, classe 5, alors qu’il était auparavant technicien en administration, depuis une douzaine d’années au ministère du Revenu. Sa formation universitaire de 1 er cycle comprenant des certificats en droit, en relations industrielles et en gestion des ressources humaines le prépare bien à ses nouvelles tâches. Il se dit également fier de la confiance que le MJQ lui démontre puisqu’il n’a, à ce moment-là, que 32 ans.
[7] À son arrivée, il est jumelé à M e Josée Rossignol qui occupait depuis 2002 sa fonction. Elle devient à cette occasion sa supérieure immédiate et elle le demeure jusqu’à son congédiement. Elle est alors promue directrice régionale, tout en étant également directrice des palais de justice de Gaspé, de Percé et d’Havre-Aubert. Elle accueille M. Lévesque à son arrivée et elle l’accompagne pendant environ deux mois, avant de le superviser à distance, étant donné l’étendue du territoire.
[8] Environ un an après son arrivée, M e Rossignol rédige la 1 ère évaluation (A-1) de M. Lévesque, dans le cadre du stage probatoire de deux ans qu’il doit accomplir. Elle procède également à son évaluation du rendement (A-2) au même moment. Globalement, ces évaluations s’avèrent positives. On lui signale toutefois qu’il devra s’imprégner davantage de la culture du Ministère de la justice, notamment dans son style d’écriture pour les communications avec la magistrature, les partenaires et les intervenants .
[9] Ainsi, les choses s’annonçaient bien pour M. Lévesque, jusqu’à son arrestation le 7 septembre 2009. M e Rossignol est la première informée de cet évènement par l’enquêteur de la Sûreté du Québec (ci-après appelée la « SQ »). Elle raconte au cours de son témoignage comment elle orchestre les communications avec les autorités du MJQ, notamment sa supérieure immédiate, M e Chantal Couturier, directrice générale associée par intérim au Service judiciaire de la Capitale Nationale et des régions.
[10] M e Rossignol prend également diverses mesures en vue de la comparution de M. Lévesque le lendemain au palais de justice de New Carlisle, après avoir vérifié la possibilité de le faire comparaître dans un autre palais de justice qui n’est pas sous sa responsabilité. Elle fait venir une greffière du palais de justice de Percé pour éviter toute apparence de conflit d’intérêts.
[11] Le 8 septembre 2009, M. Lévesque comparaît au palais de justice de New Carlisle, devant un juge qui n’est pas résident à ce palais, sous trois chefs d’accusation (I-6). Le Procureur en chef aux poursuites criminelles et pénales pour l’est du Québec, M e Éric Morin, indique au cours de son témoignage qu’il assigne un procureur à ce dossier dont le bureau ne se trouve pas au palais de justice de New Carlisle pour éviter également l’apparence de conflit d’intérêts. Il est aussi d’avis qu’il ne pouvait lui-même agir dans ce dossier, étant donné la proximité qu’il entretient dans son travail avec M. Lévesque.
[12] Après sa comparution, M. Lévesque est remis en liberté sous certaines conditions. Parmi ces conditions, on retrouve les suivantes dans l’engagement qu’il signe (I-6) :
« Ne pas être en présence de mineurs sauf en compagnie d’adultes et sauf à l’exception de ses enfants. Ne pas héberger de personnes de moins de 16 ans, à l’exception de ses enfants. Aviser la Cour de tout changement d’adresse.
Interdiction de se trouver dans un parc public ou une zone publique où l’on peut se baigner s’il y a des personnes âgées de moins de 16 ans ou s’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il y ait, une garderie, un terrain d’école, un terrain de jeu ou un centre communautaire.
Interdiction de chercher, d’accepter ou de garder un emploi rémunéré ou non ou in (sic) travail bénévole qui le placerait en relation de confiance ou d’autorité vis-à-vis de personnes âgées de moins de 16 ans.
Interdiction d’utiliser (sic) , au sens du paragraphe 342,1(2) dans le but de communiquer avec une personne âgée de moins de 16 ans. »
[13] Ces conditions vont continuer de s’appliquer jusqu’à la décision sur sa peine (I-17), le 28 novembre 2011.
[14] La journée de sa comparution, M e Couturier, après avoir effectué des consultations auprès de la Direction des relations du travail, décide de le relever provisoirement de ses fonctions. Dans la lettre (I-8) l’informant de la situation, M e Couturier indique que cette décision est prise dans le but de permettre d’analyser la situation et de prendre une décision appropriée dans les circonstances. Au cours de son témoignage, elle dit que la décision dépendra de l’issue du processus judiciaire. M. Lévesque mentionne de son côté qu’il comprend très bien la situation qui explique son relevé provisoire, bien qu’il reçoive cette nouvelle de façon émotive.
[15] Lorsque M e Couturier l’informe de cette décision au cours d’une conversation téléphonique, M. Lévesque lui fait part qu’il y aurait des circonstances atténuantes aux chefs d’accusation qui pèsent contre lui. M e Couturier explique qu’elle doit prendre la décision sur les faits portés à l’attention du public et c’est ce qui dicte sa décision de le relever provisoirement de ses fonctions.
[16] Peu de temps après son relevé provisoire, M. Lévesque manifeste à M e Rossignol son désir de travailler. Les démarches qu’il entreprend mèneront à son prêt de service sur lequel la Commission revient plus loin.
[17] À l’issue de son procès devant un jury, le 25 mars 2011, M. Lévesque est reconnu coupable de deux chefs d’accusation (I-14). Ces chefs sont d’avoir agressé sexuellement et d’avoir, à des fins d’ordre sexuel, touché une partie du corps d’un enfant âgé de moins de 16 ans. Dans l’heure qui suit le prononcé du verdict de culpabilité, M. Lévesque reçoit sa lettre de congédiement (I-15). Bien que cette lettre soit signée par la sous-ministre associée, M e France Lynch, M e Couturier participe à la prise de cette décision.
[18] M e Couturier explique que c’est à partir des analyses effectuées et des diverses hypothèses envisagées qu’il avait été décidé de congédier M. Lévesque s’il était reconnu coupable. Les circonstances entourant la commission des infractions n’ont pas été prises en considération puisqu’à son avis ces éléments appartenaient à la décision des 12 jurés. La qualité de son travail au cours de son stage probatoire n’a pas non plus été prise en considération puisque c’est uniquement en fonction de sa déclaration de culpabilité que le congédiement est décidé.
[19] En contre-interrogatoire, elle indique avoir écouté les enregistrements du procès de M. Lévesque pour avoir une meilleure idée du dossier, mais qu’elle n’avait pas à tenir compte des circonstances entourant la condamnation.
[20] Pour sa part, M. Lévesque était convaincu que le verdict serait le contraire, mais il dit le respecter. Toutefois, dans son appel qu’il dépose à la Commission le 6 avril 2011, il mentionne que ce sont des circonstances (impostures et pièges) qui ont amené les faits reprochés . Il précise au cours de son témoignage que ces termes se voulaient un cri de désespoir à l’endroit du MJQ et qu’il confondait ce document qu’il adressait à la Commission avec une lettre à l’intention du MJQ.
[21] Le 28 novembre 2011, le juge Benoît Moulin de la Cour supérieure rend sa décision sur la peine (I-17) de M. Lévesque. Cette décision comporte un résumé complet de l’affaire. Le juge rapporte que M. Lévesque a reconnu avoir eu des échanges de nature sexuelle avec la victime, mais que le jury n’a pas retenu sa défense prévue au Code criminel [2] voulant qu’il aurait pris toutes les mesures raisonnables pour s’assurer que la victime était âgée d’au moins 16 ans.
[22] Sa décision contient également plusieurs informations sur le comportement de M. Lévesque, notamment des photos de lui nu ou partiellement nu dans le métro de New York, devant une chute le long de la Route 132 à Mont-Louis en Gaspésie [3] de même que l’usage de psychotropes [4] .
[23] Le juge Moulin retient les éléments suivants comme facteurs atténuants et aggravants pour déterminer ses ordonnances :
« Comme facteurs atténuants dans la présente affaire, on retrouve :
- le fait qu’il s’agisse d’un évènement isolé dont il n’a pas été l’initiateur;
- l’absence de violence extrinsèque;
- l’absence de séquelles chez la victime;
- l’absence d’antécédents judiciaires chez l’accusé;
- le fait que l’accusé a été généralement par son travail un actif pour la société;
- la stabilité de ce dernier dans ses emplois et ses relations affectives;
- les responsabilités qu’il assume auprès de ses enfants;
- les conséquences importantes de son arrestation et du verdict de culpabilité sur son emploi et sur sa situation financière.
Comme facteurs aggravants :
- la gravité objective des délits;
- le risque de récidive même s’il est faible;
- l’empathie mitigée envers la victime;
- la différence d’âge entre l’accusé et la victime;
- les fonctions qu’il occupait. »
[24] La peine infligée à M. Lévesque est essentiellement la suivante : un emprisonnement de 90 jours à être purgé les fins de semaine accompagnée d’une ordonnance de probation qui se poursuit pendant une période de deux ans à compter de la fin de la peine d’emprisonnement, une ordonnance de poursuivre la thérapie entreprise avec un sexologue et de s’abstenir de consommer des drogues et une inscription de son nom dans le registre des délinquants sexuels pour une période de 20 ans.
[25] Lors de l’audience devant la Commission, la peine d’emprisonnement de M. Lévesque était entièrement purgée (A-5) et il poursuivait sa thérapie.
[26]
Pour compléter au sujet de la décision sur sa peine, il est à noter que
le ministère public avait demandé une ordonnance en application de l’article
[27] Au sujet des éléments relatifs au comportement de M. Lévesque dévoilés dans la décision du juge Moulin, M e Couturier considère que, même si cette décision est postérieure au congédiement de M. Lévesque, cela aggrave l’image du MJQ.
[28] Pour compléter la trame des évènements, la preuve révèle que toute cette affaire a été suivie de près, à chacune des étapes du processus judiciaire, par les médias locaux et nationaux (I-11).
[29] M e Couturier exprime que la mission, la vision et les valeurs du MJQ (I-3) sous-tendent la gestion d’un palais de justice. Cette mission est d’assurer la primauté du droit au sein de la société québécoise et de maintenir au Québec un système de justice qui soit à la fois digne de confiance et intègre afin de favoriser le respect des droits individuels et collectifs (I-3) . Dans la réalisation de cette mission, le MJQ fait siennes les valeurs de respect, de confiance, d’équité et d’intégrité (I-3) .
[30] Au sujet des valeurs, M e Couturier exprime que, même si cela peut sembler abstrait pour les gens de l’extérieur du MJQ, pour les employés elles s’avèrent très importantes. Pour elle, son travail consiste à s’assurer que tous les membres de son équipe adhèrent à ces valeurs. De son côté, M e Rossignol ajoute, au regard de la mission du MJQ, que les palais de justice constituent une pierre angulaire du processus et du système judiciaire puisque c’est à ces endroits que les droits y sont décidés.
[31] M. Lévesque exprime au cours de son témoignage qu’il partage entièrement toutes les valeurs du MJQ et, qu’au cours de son travail, il a tout fait pour répondre à celles-ci.
[32] Outre l’énoncé de ces valeurs, chacun des membres du personnel de la Direction générale des services de justice est également assujetti à une politique qui reprend ces valeurs, tout en y apportant certaines précisions (I-23). Il apparaît utile de reproduire les éléments énoncés au regard de certaines de ces valeurs :
« 4.2 L’équité
L’équité est un principe qui est fondé sur le sentiment du juste et de l’injuste, au-delà des normes juridiques. L’équité tient compte des caractéristiques spécifiques des individus ou des groupes et des situations.
4.3 La confiance
La confiance est le sentiment que l’autre partie (individu, groupe, organisation) agit avec honnêteté et qu’elle dispose de la compétence nécessaire pour accomplir la prestation attendue.
L’exercice des fonctions doit se faire de façon à préserver et à accroître la confiance du public à l’égard de l’intégrité, l’objectivité et l’impartialité de l’organisation. Les décisions doivent toujours se prendre dans l’intérêt public.
4.4 L’intégrité
L’intégrité est indissociable de l’honnêteté, c’est le caractère d’une personne qui est honnête et impartiale, qui pratique la justice de manière rigoureuse et qui est d’une probité sans faille .
L’intégrité implique la dispensation de conseils honnêtes et impartiaux et que tous les renseignements pertinents à la prise de décisions sont fournis permettant ainsi à l’organisation de s’acquitter de ses obligations de rendre des comptes. »
[Nous soulignons]
[33] M e Rossignol explique les fonctions d’un directeur de palais de justice en se référant à la description d’emploi de M. Lévesque (I-2). Bien que cette description d’emploi soit la même que celles de tous les directeurs de palais de justice au Québec, M e Rossignol précise que l’équipe de travail étant réduite dans les palais de justice où M. Lévesque travaille, il se trouve ainsi davantage au cœur de l’action. Essentiellement, les fonctions d’un directeur de palais de justice sont présentées à la Commission sous deux volets. Le premier concerne la gestion en général d’un palais de justice, alors que le second porte sur les pouvoirs judiciaires exercés par un directeur de palais de justice.
[34] Comme M e Rossignol a exercé auparavant les fonctions de M. Lévesque, et qu’elle continue d’agir à titre de directrice des palais de justice de Gaspé, de Percé et d’Havre-Aubert, elle est tout à fait en mesure d’apporter les précisions ou les explications nécessaires sur ce travail.
[35] Selon la description d’emploi (I-2), sa raison d’être est d’assurer le bon fonctionnement des services judiciaires des palais de justice. À cette fin, le directeur doit favoriser la concertation au sein du personnel sous son autorité ainsi qu’avec les intervenants et partenaires du milieu judiciaire afin de mieux faire reconnaître les droits des citoyens qui utilisent les services de justice. M e Rossignol apporte des précisions sur les divers partenaires du milieu judiciaire avec lesquels M. Lévesque est appelé à travailler.
[36] Il y a tout d’abord les représentants de la magistrature qui sont composés de trois juges résidents, un de la Cour supérieure et deux de la Cour du Québec au palais de justice de New Carlisle.
[37] Le directeur de palais de justice est également en relation avec la communauté juridique qui compte les avocats de la pratique privée, les représentants du directeur de la Protection de la jeunesse ainsi que les procureurs de la Couronne. À l’égard de ces derniers, M e Rossignol précise que ces procureurs sont présents dans chacun des trois palais de justice sous la responsabilité de M. Lévesque. Par ailleurs, ces derniers sont actifs dans 95 % des dossiers criminels et ce domaine représente 80 % de l’ensemble des activités d’un palais de justice.
[38] Un directeur de palais de justice est également en relation avec les huissiers de justice, les policiers et les enquêteurs. Il doit également collaborer avec le personnel du ministère de la Sécurité publique, particulièrement à New Carlisle, puisqu’il y a un centre de détention à l’intérieur de ce palais de justice. Le personnel de ce ministère est également responsable du gardiennage dans les salles du palais de justice.
[39] Le directeur d’un palais de justice est également en relation avec différents fournisseurs de services tels que les interprètes.
[40] Il y a également les partenaires que M e Rossignol qualifie de partenaires externes à la communauté juridique. Parmi ceux-ci il y a le personnel du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels dont les bureaux sont situés au palais de justice de New Carlisle. Elle ajoute également les représentants des médias, puisque les activités au palais de justice font souvent la manchette. D’ailleurs, M. Lévesque a déjà participé à un entretien radiophonique pour répondre aux questions d’un journaliste.
[41] Au nombre des activités de communication, M e Rossignol mentionne le Rendez-vous annuel avec la justice dont les activités se tiennent au palais de justice en collaboration avec les écoles de la région. À cette occasion, le directeur du palais est amené à coordonner cette activité annuelle avec les représentants du milieu scolaire. Elle ajoute qu’à New Carlisle les écoles sont particulièrement actives dans le cadre de cette activité. Il y a également une visite du palais dans le cadre d’un cours donné en droit des affaires au niveau collégial. Le directeur du palais de justice doit ainsi collaborer avec les représentants de ces milieux scolaires pour mener à bien ces activités.
[42] Ce travail de collaboration avec les divers partenaires est spécifié dans certaines des tâches mentionnées dans la description d’emploi de M. Lévesque. M e Rossignol attire l’attention de la Commission sur certaines d’entre elles et elle donne quelques exemples de leurs applications :
« 2- Susciter l’engagement et l’adhésion de son personnel à l’égard des objectifs de l’organisation, en traduisant et diffusant clairement sa mission, ses valeurs et ses cibles identifiées en référence aux tâches et services fournis.
[…]
4- Tenir compte dans sa gestion des attentes, préoccupations et points de vue des principaux acteurs de son environnement immédiat.
[…]
7- Développer et nourrir des liens de partenariat avec les intervenants internes et externes et des liens de réseautage, le cas échéant, dans le but de faciliter l’atteinte des objectifs.
8- Mettre en place les conditions organisationnelles favorables pour permettre au personnel de fournir un rendement optimal dans la poursuite des objectifs opérationnels. »
[43] La description d’emploi (I-2) souligne également la grande autonomie dont jouit un directeur de palais de justice dans l’atteinte des objectifs poursuivis dans les différents domaines d’intervention. On le qualifie de représentant de son organisation dans sa localité.
[44] Au sujet de ses responsabilités dans l’atteinte des résultats, sa description d’emploi précise qu’un directeur de palais de justice doit composer avec les intérêts parfois divergents des différents intervenants. Comme un palais de justice dispense un service direct aux citoyens, qui constitue une clientèle diversifiée et souvent non initiée au processus judiciaire, on y mentionne que le directeur du palais de justice doit avoir la préoccupation de façon quotidienne de fournir un service de qualité.
[45] Enfin, la description d’emploi comporte une rubrique Créativité, jugement et raisonnement que M e Rossignol qualifie d’essentielle dans le travail d’un directeur de palais de justice. Il apparaît important de reproduire l’intégralité de cette section :
« Les décisions du titulaire à titre de gestionnaire de soutien aux tribunaux ont un impact direct sur le bon fonctionnement des tribunaux et sur le processus visant la reconnaissance des droits du citoyen.
Le titulaire est le principal responsable de la réalisation, dans ses districts judiciaires, de plusieurs engagements énoncés à la déclaration des (sic) services aux citoyens pour la Direction générale des services de justice.
Chacune de ses unités administratives étant la principale porte d’entrée pour le citoyen en matière de services de justice, sa gestion a un impact direct sur la perception que se forme le citoyen de l’administration de la justice.
Le titulaire participe à la direction de l’organisation judiciaire notamment en fournissant l’expertise et l’information opérationnelle requises par les autorités ministérielles et judiciaires.
Le titulaire a un rôle déterminant dans le maintien du lien de collaboration entre les services de justice et les intervenants du milieu judiciaire, notamment la magistrature, lien essentiel au bon fonctionnement des tribunaux.
Ses réactions aux évènements judiciaires fortement médiatisés contribuent à préserver l’image de la justice. »
[46] M e Rossignol ajoute que le comportement d’un directeur de palais de justice à l’extérieur du palais doit préserver la crédibilité de l’institution.
[47] Le second volet des fonctions d’un directeur d’un palais de justice concerne les pouvoirs judiciaires qui lui sont dévolus en application de différentes lois [7] . M e Rossignol affirme au cours de son témoignage que M. Lévesque a été dûment désigné pour exercer les trois rôles suivants découlant de sa fonction de directeur de palais de justice : juge de paix, greffier et shérif. Or, il appert de la pièce (I-21) qu’elle dépose par la suite que certains actes de nomination n’ont pu être retracés dans les documents détenus au MJQ. Il ressort de ces pièces que le statut de juge de paix a été conféré à M. Lévesque quatre mois après sa nomination et qu’il a été nommé comme greffier adjoint et shérif adjoint pour les périodes du 1 er juillet au 30 septembre 2008 et du 1 er janvier au 30 juin 2009.
[48] La preuve révèle également que les pouvoirs relatifs aux rôles de juge de paix, de greffier et de shérif ne sont pas exclusifs au directeur d’un palais de justice. Le personnel du palais de justice (agents de bureau, techniciens, greffiers, etc.) possède également des pouvoirs similaires à titre d’adjoint.
[49] Sur ce point, M es Rossignol et Couturier ont témoigné pour le MJQ, de même que M e Morin, Procureur en chef aux poursuites criminelles et pénales dans l’est du Québec, M. Harry Babin, directeur général du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels pour la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, ainsi que M. Luc Bourdages, enquêteur à la SQ. De son côté, M. Lévesque témoigne sur cet aspect et il fait entendre M me Josée Poirier, technicienne en droit au palais de justice de New Carlisle, M. David Flowers, huissier-audiencier au palais de justice de New Carlisle et M e Richard Lavigne du Bureau de l’aide juridique à New Richmond.
[50] Au sujet des actes criminels pour lesquels M. Lévesque a été reconnu coupable, il convient tout d’abord de référer à un document produit par M e Morin qui s’intitule Orientations et mesures du ministre de la Justice (I-18). Ce document a été adopté conformément à la Loi sur le ministère de la Justice [8] et à la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales [9] . Ce document constitue un guide à l’intention du Directeur des poursuites criminelles et pénales et des procureurs aux poursuites criminelles et pénales afin qu’ils exercent leurs fonctions avec justice, équité et cohérence, dans une perspective de continuité et d’uniformité. Selon ce guide, les actes criminels pour lesquels M. Lévesque a été reconnu coupable constituent des crimes graves contre la personne. M e Morin ajoute que ce type de crime est généralement qualifié d’ odieux .
[51] M. Lévesque reconnaît au cours de son témoignage la gravité de ses crimes.
[52] Pour M e Rossignol, il est clair que la condamnation de M. Lévesque s’avère totalement incompatible avec l’exercice des fonctions d’un directeur de palais de justice. Il ne peut plus avoir la confiance nécessaire de tous les partenaires impliqués dans le processus judiciaire. Il n’est pas non plus possible de s’en remettre au jugement de M. Lévesque pour exercer correctement ses fonctions. Il n’a plus l’autorité morale pour continuer d’agir comme directeur de palais de justice. Son comportement suscite des doutes quant aux valeurs que doit véhiculer un directeur d’un palais de justice qui est le représentant du MJQ dans sa localité. Elle y voit une atteinte irrémédiable à sa crédibilité. Comme un directeur de palais de justice se doit d’être plus blanc que blanc , il ne peut plus exercer sa fonction. À son avis, il est tapissé d’une toile qui l’empêche d’être opérationnel.
[53] Le témoignage de M e Couturier va dans le même sens. D’après elle, M. Lévesque n’a plus la capacité morale d’agir comme directeur de palais de justice que ce soit un petit palais ou un grand palais. Elle pose la question suivante par rapport aux valeurs de l’organisation : Comment peut-on penser que le MJQ va inspirer la confiance des citoyens dans la justice, si on confie la gestion d’un palais à un criminel pour un crime aussi grave ? Pour elle, cette question se soulève par rapport à la population, de même que par rapport à tous les partenaires avec lesquels un directeur de palais de justice doit collaborer. Elle souligne que la confiance des citoyens est difficile à gagner et qu’elle peut se perdre facilement. Pour l’exercice des pouvoirs judiciaires, M e Couturier se demande comment un criminel peut détenir les pouvoirs d’un officier de justice.
[54] Elle est également d’avis qu’il y a incompatibilité de ses fonctions par rapport à la gestion du personnel d’un palais de justice. D’après elle, il ne reconnaît pas la gravité de son geste et que son intégrité est atteinte.
[55] En ce qui a trait au préjudice que pourrait causer au MJQ une réintégration de M. Lévesque, elle souligne les problèmes de gestion reliés à la collaboration nécessaire avec les partenaires. De plus, sa réintégration porterait un grand coup à l’image de confiance du MJQ.
[56] Les partenaires appelés à collaborer étroitement avec M. Lévesque viennent tous trois exprimer leur perte de confiance à son endroit en raison de sa déclaration de culpabilité.
[57] Pour sa part, M e Morin, qui coordonne le travail des 25 procureurs de la Couronne qui œuvrent dans l’est du Québec, explique qu’il doit interagir régulièrement avec tous les directeurs de palais de justice de sa région. Il siège également à une table de sécurité composée des directeurs de palais de justice, des représentants de la magistrature et du ministère de la Sécurité publique. Ses contacts avec les directeurs de palais de justice se font également par l’intermédiaire de l’équipe de procureurs dont les bureaux se trouvent dans un palais de justice. Il discute à l’occasion de certaines questions d’organisation matérielle, telles que les dispositions à prendre pour isoler un témoin en matière d’agression sexuelle. Ses contacts avec M. Lévesque sont plus fréquents en raison du fait qu’il s’agit de petits palais de justice.
[58] Il précise son intervention dans le dossier criminel de M. Lévesque qui s’est matérialisée par la désignation d’un procureur à ce dossier et qu’il a agi à l’étape du choix des jurés parce que les procureurs de la Couronne étaient en grève à ce moment-là et qu’il devait assurer les services essentiels.
[59] Pour lui, il entretient une perte de confiance à l’endroit de M. Lévesque puisqu’il s’agit d’un crime grave contre la personne, en l’occurrence un adolescent. Il s’agit d’un dossier qui a fortement été médiatisé dans une petite localité. Cela aggrave la confiance du public envers les officiers de justice. Comme son équipe de procureurs côtoie quotidiennement le personnel du palais de justice et que les contacts sont fréquents, le sentiment de confiance des victimes envers la justice serait grandement affecté si M. Lévesque était réintégré dans son emploi. Il exprime que le public ne fait parfois pas la distinction entre les diverses personnes qui travaillent au palais de justice. Les citoyens ont parfois l’impression que le directeur du palais de justice est le patron de tout le monde qui y travaille, y compris des procureurs de la Couronne.
[60] Il termine son témoignage en exprimant qu’à titre de citoyen du Bas-Saint-Laurent, M. Lévesque a commis une entorse importante aux valeurs qu’entretiennent les citoyens envers la justice et il ne peut concevoir qu’il puisse continuer d’agir comme directeur de palais de justice.
[61] Le témoignage de M. Babin, directeur général du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels, va dans le même sens. Dans son travail, il apporte support et écoute aux victimes d’actes criminels tout au cours du processus judiciaire. Il intervient régulièrement avec les policiers et les procureurs de la Couronne. Deux intervenants qui œuvrent dans son équipe ont leurs bureaux au palais de justice de New Carlisle.
[62] Il a été directement impliqué dans le dossier de M. Lévesque puisque la victime était anglophone et que les deux intervenants qui travaillent au palais de justice de New Carlisle ne pouvaient traiter ce dossier en raison de leur proximité avec M. Lévesque.
[63] Il discute régulièrement avec le directeur du palais de justice pour des questions d’ordre matériel et de soutien technique. Il a participé avec lui à l’organisation des Rendez-vous annuel de la justice.
[64] Il est d’avis qu’un retour de M. Lévesque dans ses fonctions créerait un malaise par rapport à la clientèle qu’il dessert puisqu’il s’agit de personnes vulnérables et fragiles. Étant donné que les intervenants reçoivent les victimes à leur bureau, il apparaîtrait incongru de partager le même espace. Il mentionne également une certaine confusion dans la population entre les divers rôles des personnes qui travaillent au palais de justice. Si M. Lévesque réintégrait ses fonctions, il devrait envisager de déménager les bureaux des intervenants à l’extérieur du palais de justice.
[65] Pour M. Babin, le grand défi auprès des victimes d’actes criminels est de susciter leur confiance dans le système judiciaire. La crédibilité du système doit contribuer à établir cette confiance. Il ne peut concevoir qu’un directeur de palais de justice pourrait être un contrevenant. Cette qualification réfère pour lui à une personne trouvée coupable d’un acte criminel. Il soutient qu’il n’a pas à tenir compte des circonstances dans lesquelles les actes criminels ont été commis. Ses préoccupations sont tournées vers les victimes. Son jugement se fonde sur les conséquences que le retour au travail de M. Lévesque aurait sur les victimes d’actes criminels.
[66] Du côté du MJQ, le dernier témoin à exprimer son opinion sur l’impact de la déclaration de culpabilité de M. Lévesque est M. Luc Bourdages, enquêteur à la SQ. Il a été impliqué dans le dossier de M. Lévesque du début jusqu’à la fin. Il donne quelques exemples des relations que les policiers peuvent entretenir avec les directeurs de palais de justice. Il explique également les conséquences de l’inscription du nom de M. Lévesque dans le registre des délinquants sexuels qui sert à identifier les premiers suspects pour les crimes à caractère sexuel.
[67] Au sujet de l’impact que pourrait avoir un retour au travail de M. Lévesque, il exprime que la collaboration avec les policiers est basée sur la confiance et il ne voit pas comment il pourrait continuer de traiter avec la personne qui se situe au haut de la pyramide d’un palais de justice avec cette déclaration de culpabilité. Il est également d’avis qu’il serait difficile d’établir un lien de confiance avec les victimes d’agression sexuelle. Il ajoute que tous les évènements entourant cette affaire ont fait parler beaucoup en Gaspésie. Il souligne également la confusion du public entre les divers intervenants du processus judiciaire et, de ce fait, les policiers pourraient être également éclaboussés par le retour de M. Lévesque dans ses fonctions.
[68] M. Lévesque dit pour sa part que, tout en respectant le verdict, il aurait voulu que le MJQ prenne en considération tous les éléments entourant cette affaire avant de décider de le congédier. Il ne connaît pas les éléments que l’employeur avait en main pour prendre cette décision.
[69] Il exprime son désir de continuer de travailler au sein de la fonction publique et sa participation à divers concours pour y accéder (I-24) démontre cet intérêt.
[70] Bien qu’il reconnaisse que les accusations d’agressions sexuelles pour lesquelles il a été reconnu coupable constituent des accusations très graves , cela fait partie de sa vie privée et ne remet pas en question les valeurs du MJQ auxquelles il adhère.
[71] Au sujet de la probité dont un directeur de palais de justice doit faire preuve, il admet avoir commis une erreur et devoir vivre le restant de sa vie avec cela. Il reconnaît qu’il aura un travail immense à faire pour récupérer la confiance des gens , ça va être difficile .
[72] Au sujet de l’impact de sa condamnation avec les partenaires du MJQ, il sait qu’il va avoir à gagner leur confiance et il peut comprendre que des gens soient outrés, mais il faut mettre de côté les préjugés. Pour les victimes d’actes criminels, l’impact est moins grand parce qu’il n’a pas à gérer ces victimes et il ne croit pas qu’elles vont craindre de porter plainte et de se présenter au palais de justice. Il n’admet pas qu’il y ait de problème à reprendre son poste. Il est catégorique à ce sujet.
[73] À la fin de son témoignage, M. Lévesque affirme partager entièrement toutes les valeurs du MJQ et qu’il a tout fait pour y répondre au cours de son travail. Il exprime avec une certaine émotivité son espoir qu’on lui laisse encore une petite place dans la société et qu’il puisse récupérer cet espace et retourner en Gaspésie où il pourrait se rapprocher de la famille de son père qui y habite. Il assure qu’il est appuyé entièrement dans toute cette démarche par sa famille et ses deux filles.
[74] Au sujet de l’impact de sa déclaration de culpabilité, M. Lévesque fait témoigner deux personnes qui travaillaient sous sa supervision au palais de justice de New Carlisle. Il s’agit premièrement de M me Josée Poirier, greffière. Elle n’a pas assisté au procès de M. Lévesque puisque les autorités du MJQ ont interdit au personnel du palais de justice d’y assister pour éviter l’apparence de conflit d’intérêts. Par contre, elle a lu la décision du juge Moulin. Pour elle, M. Lévesque a payé sa dette envers la société . Le but des peines est de favoriser la réinsertion sociale . Pour le rôle de la justice, elle le résume ainsi : punir et réhabiliter . Elle ne voit pas de difficultés à travailler au quotidien avec lui dans l’exécution de ses tâches puisque sa condamnation ne lui enlève pas ses compétences. Il a droit à l’erreur. Toutefois, elle reconnaît en contre-interrogatoire qu’elle songe à démissionner pour des raisons personnelles et qu’elle est en réflexion sur ses choix professionnels.
[75] De son côté, M. Flowers, huissier-audiencier à temps partiel au palais de justice de New Carlisle, ne voit pas non plus d’impact négatif avec un retour au travail de M. Lévesque. Il affirme que tout cela constitue un évènement malheureux, qu’il a payé pour ses torts et que justice a été rendue.
[76] Enfin, M e Richard Lavigne du Bureau de l’aide juridique à New Richmond depuis 1987, qui œuvre principalement en matière de droit criminel, témoigne sur l’impact du retour au travail de M. Lévesque.
[77]
Avant d’aborder cette question, M
e
Lavigne prend le soin de
préciser tous les éléments qu’il a pris en considération avant de présenter son
témoignage et qu’il n’est pas là pour innocenter M. Lévesque. Il a également
tenu compte du fait qu’il s’agit d’un petit palais de justice situé dans un
village et que l’information circule rapidement, particulièrement sur des
sujets d’actualité comme celui qui concerne M. Lévesque. Il a lu attentivement
la décision du juge Moulin et les textes de loi pertinents. Il précise que l’article
[78] Tout en reconnaissant que la tâche de directeur de palais de justice constitue une activité d’importance pour la communauté juridique , ses fonctions de directeur de palais de justice ont été prises en considération parmi les faits aggravants dans la décision du juge Moulin. Il a déjà été stigmatisé et les tribunaux ont pris en considération sa fonction. Il a purgé sa peine et il ne voit pas de problème à une réintégration. Sa relation avec la victime constituait un geste consensuel. Il n’y pas d’ordonnance de non-communication avec des mineurs. Il ne voit donc pas d’obstacle à l’exécution des fonctions de M. Lévesque, tout en précisant toutefois qu’il s’adresse rarement au directeur du palais de justice et qu’il transige généralement avec les membres du personnel au greffe. Ce serait faire preuve de subjectivité que de lui refuser son droit de retourner au travail.
[79] Peu de temps après le début de son relevé provisoire, M. Lévesque décide de retourner vivre à Montréal puisque ses deux filles y habitent. Il vend également sa maison en Gaspésie pour éviter de payer pour deux résidences.
[80] Comme il était à la maison sans emploi, recevant son plein salaire, il prend l’initiative de contacter M e Rossignol pour offrir ses services au MJQ puisqu’il croit pouvoir être utile. C’est M e Couturier qui effectue les démarches pour l’aider à trouver un emploi. Ces démarches se concrétisent par la signature d’un protocole d’entente de service (I-13) au mois d’octobre 2009, soit environ un mois après le début de son relevé provisoire. Lorsqu’on lui présente cette offre, M. Lévesque dit avoir sauté sur l’occasion .
[81] M e Couturier précise que trouver une nouvelle occupation à M. Lévesque présentait un certain défi puisqu’il fallait une position où il n’y aurait pas d’incompatibilité avec les accusations portées contre lui. Par contre, comme il bénéficiait de la présomption d’innocence et que le MJQ voulait agir en bon père de famille, le prêt de service au Centre administratif et judiciaire (ci-après appelé le « CAJ ») présentait une opportunité pour tous.
[82] Le CAJ permettait de répondre aux préoccupations du MJQ puisque M. Lévesque n’aurait pas de contacts avec les partenaires dans le cadre de ce prêt de service. De plus, le local où M. Lévesque serait appelé à travailler ne se trouvait pas à l’intérieur d’un greffe, même si les bureaux qu’utilisait M. Lévesque sont situés au palais de justice de Montréal.
[83] Lors de son témoignage, M. Lévesque explique longuement son travail pour le CAJ. Lors de son entrée en fonction, sa contribution a porté surtout dans la rédaction d’un manuel de formation destiné au personnel œuvrant au greffe des comparutions 24 heures et un guide sur les processus administratifs. À cette occasion, il affirme avoir fait des consultations auprès d’un procureur de la Couronne et d’un juge.
[84] Il a fait les horaires de travail des employés qui travaillent la fin de semaine et il a contribué à l’embauche de deux techniciens pour les activités du greffe à la demande de M. Ricardo Binotto, le directeur du CAJ.
[85] À son retour au mois d’août 2010, en raison d’une absence pour des raisons de santé, ses tâches ont consisté à répondre aux appels pour de l’information juridique.
[86] En contre-preuve, M. Binotto fournit les précisions suivantes sur la contribution de M. Lévesque aux activités du CAJ. Tout d’abord, son travail consiste principalement à agir comme préposé aux renseignements. Il évalue que cette tâche l’occupait à 95 % de son temps. Il a d’ailleurs eu à son arrivée une formation d’une durée de quatre à cinq semaines en compagnie de trois ou quatre autres personnes recrutées comme préposées aux renseignements. Lors de son témoignage, M. Lévesque passe sous silence cet aspect important qui permet de bien évaluer le travail qu’il effectue.
[87] Au sujet du mandat réalisé par M. Lévesque, lors de son arrivée, concernant le manuel de formation et le guide, M. Binotto précise que cette réalisation s’est effectuée sous la responsabilité d’une coordonnatrice, M me Pelchat, et qu’il s’agissait principalement de modifier des documents existants. Cette demande lui est faite parce que les installations permettant le contrôle de la qualité des appels téléphoniques n’étaient pas prêtes. C’est uniquement en raison de ce contexte particulier qu’on lui a fait cette demande.
[88] Au sujet des consultations qu’il aurait effectuées auprès d’un procureur de la Couronne et d’un juge, M. Binotto n’était pas au courant de ces démarches effectuées par M. Lévesque. Il précise que dès son arrivée il lui aurait demandé verbalement de s’abstenir de contacts avec les partenaires. Il devait normalement se référer à sa coordonnatrice.
[89] Ceci complète les différents éléments mis en preuve au cours des témoignages.
[90] Pour le MJQ, le litige soulève la question du lien entre l’emploi de M. Lévesque lors de son congédiement et les infractions pour lesquelles il a été déclaré coupable. En présence d’un lien, si minime soit-il, la Commission doit rejeter son appel. Puisqu’il s’agit d’un congédiement administratif, la compétence de la Commission se limite à vérifier si la décision du MJQ est arbitraire, abusive, discriminatoire ou déraisonnable.
[91] La détermination de ce lien est essentiellement contextuelle. Les deux facteurs à prendre en considération sont la nature de l’emploi et celle de l’infraction. Pour la nature de l’emploi, le MJQ est d’avis que sa description d’emploi (I-2) constitue un document déterminant. La Commission ne doit pas rechercher une identité entre les tâches de M. Lévesque et l’infraction. Il suffit de trouver un facteur concret de rattachement. Or, selon l’appréciation du MJQ, M. Lévesque détenait un poste d’importance et il devait entretenir des liens étroits avec plusieurs partenaires. Sa condamnation révèle qu’il n’a plus le degré de probité requis par ses fonctions. De plus, la preuve révèle qu’il n’a plus également la confiance des partenaires du MJQ. Enfin, le lien de confiance avec ses supérieurs et ses collègues n’est plus présent puisqu’il n’a plus l’autorité morale pour occuper son poste. À cela s’ajoute la gravité de l’infraction pour laquelle il a été reconnu coupable qui porte atteinte à l’image et à la réputation du MJQ. Puisqu’il s’agit d’un service public, la confiance constitue la pierre angulaire du fonctionnement du système judiciaire et par son comportement, M. Lévesque ne suscite plus cette confiance.
[92] De plus, pour le MJQ, toute la publicité entourant cette affaire ajoute à l’atteinte à sa réputation et à sa crédibilité. Par ailleurs, le risque de récidive, bien qu’il soit faible, demeure tout de même présent.
[93] Le MJQ est d’avis que la preuve présentée par M. Lévesque n’atténue pas le lien entre son emploi et sa déclaration de culpabilité.
[94]
Enfin, M. Lévesque ne peut revendiquer le poste qu’il a occupé au cours
de son prêt de service puisque l’article
[95] Le MJQ cite plusieurs décisions et de la doctrine pour soutenir son argumentation [12] .
[96] M. Lévesque réfère d’abord à la mission du MJQ d’assurer la primauté du droit dans un système judiciaire qui favorise le respect des droits individuels et collectifs et à sa politique organisationnelle qui favorise l’équité définie comme un principe fondé sur le sentiment du juste et de l’injuste au-delà des normes juridiques . Il revendique l’application de cette mission et de ce principe à sa situation.
[97] Il insiste sur l’objectif recherché avec l’introduction de l’article 18.2 dans la Charte qui est d’éliminer les stigmates injustifiés laissés par les antécédents judiciaires.
[98] Dans l’application de cette protection, l’employeur doit établir un lien objectif entre l’emploi et l’infraction, tel que le souligne la Cour suprême dans l’affaire Maksteel [13] . Selon M. Lévesque, la règle de la simple prépondérance de la preuve appliquée habituellement devrait céder le pas à un degré de prépondérance plus convaincant puisqu’il est question de l’application de la Charte .
[99] Au sujet de la nature de l’emploi d’un directeur de palais de justice, M. Lévesque est d’avis qu’il s’agit de tâches administratives et que l’exercice des pouvoirs judiciaires a peu d’impact sur les droits des citoyens.
[100] Quant à la nature de l’infraction, M. Lévesque fait un lien avec certaines ordonnances demandées par le ministère public au juge Moulin pour la décision sur sa peine et qui n’ont pas été retenues par le juge. Il considère qu’il y a chose jugée et que cela fait manifestement contrepoids aux témoignages présentés par les partenaires du MJQ. Leurs préoccupations doivent maintenant céder le pas à son droit à l’emploi, à la réinsertion sociale et à la non-stigmatisation.
[101] M. Lévesque est également d’avis que les circonstances dans lesquelles les infractions ont été commises auraient dû être considérées par le MJQ dans la décision entourant son congédiement. Les témoignages de M es Rossignol et Couturier constituent une illustration des stigmates pour lesquels il bénéficie d’une protection. De plus, deux des partenaires du MJQ qui ont témoigné, M e Morin et M. Bourdages, ont été impliqués dans le traitement de son dossier criminel. Quant aux témoins qu’il a fait entendre, ceux-ci étaient tout à fait indépendants.
[102] Au sujet de sa conclusion subsidiaire visant à être réintégré dans les fonctions qu’il occupait dans le cadre de son prêt de service, le MJQ n’a pas démontré d’incompatibilité entre ses tâches qu’il indique avoir occupées à titre de préposé aux renseignements , dans son plan d’argumentation, et l’infraction dont il a été déclaré coupable. Il fait appel à la compétence très vaste de la Commission en matière de congédiement qui devrait être interpellée par l’injustice dont il se croit victime en raison de la rupture définitive de son lien d’emploi. Cette compétence, particulièrement celle visée au troisième alinéa de l’article 34 de la Loi, s’applique indépendamment de l’article 18.
[103] Enfin, M. Lévesque revendique le droit de réintégrer l’emploi qu’il occupait dans la fonction publique avant son stage probatoire [14] .
[104] M. Lévesque cite également plusieurs décisions et de la doctrine pour appuyer son argumentation [15] .
[105] Le MJQ congédie M. Lévesque de son emploi de directeur des palais de justice de New Carlisle, de Carleton et de Sainte-Anne-des-Monts en raison de sa déclaration de culpabilité pour des actes criminels qu’il juge incompatibles avec ses fonctions. Ces actes criminels sont d’avoir agressé sexuellement et d’avoir, à des fins d’ordre sexuel, touché une partie du corps d’un enfant âgé de moins 16 ans [16] . Il n’est pas contesté qu’il s’agit du seul motif de congédiement de M. Lévesque.
[106]
M.
Lévesque réclame la protection que lui accorde l’article
« 18.2. Nul ne peut congédier, refuser d'embaucher ou autrement pénaliser dans le cadre de son emploi une personne du seul fait qu'elle a été déclarée coupable d'une infraction pénale ou criminelle, si cette infraction n'a aucun lien avec l'emploi ou si cette personne en a obtenu le pardon. »
[107] Au regard de cette disposition, les deux parties ont longuement cité la décision de la Cour suprême dans l’affaire Maksteel [17] . Bien que dans cette affaire la Cour se penchait sur son application dans le contexte de l’incarcération d’une personne, cette décision, rendue une trentaine d’années après l’introduction de cette disposition dans la Charte, constitue une source importante d’information. M. Lévesque appuie son argumentation avec beaucoup d’emphase sur le but recherché par le législateur à la lumière des propos de la Cour, alors que le MJQ qualifie cette décision comme d’arrêt phare pour son interprétation et son application.
[108]
Après
avoir rappelé que l’article
[109] Au sujet du but recherché par cette disposition, la Cour exprime qu’il se veut une protection contre les stigmates sociaux injustifiés qui ont pour effet d’exclure la personne condamnée du marché du travail . Tel est l’objet de la disposition [19] . [Souligné dans le texte]
[110] Toutefois, comme le mentionne l’arbitre de grief M e Jean Denis Gagnon [20] , la règle inscrite dans cette disposition était bien connue en droit du travail avant son insertion dans la Charte . Cette règle ne permettait pas de congédier un salarié après une condamnation criminelle. Cette protection des salariés n’était pas étrangère à l’interdiction d’imposer une double pénalité en raison d’une même faute.
[111] Cependant, il est bien établi qu’il ne s’agit pas d’une protection absolue. Son application dépend de la mise en œuvre de quatre conditions essentielles que la Cour suprême résume ainsi dans l’affaire Therrien [21] :
« L’application de cet article dépend de la mise en œuvre de quatre conditions essentielles : (1) un congédiement, un refus d’embauche ou une pénalité; (2) dans le cadre d’un emploi; (3) du seul fait qu’une personne a été déclarée coupable d’une infraction pénale ou criminelle; (4) si l’infraction n’a aucun lien avec l’emploi ou si elle en a obtenu le pardon. »
[112] Dans les circonstances présentes, la seule condition que la Commission doit examiner est celle du lien entre l’emploi de M. Lévesque et ses déclarations de culpabilité.
[113] Le fardeau de la preuve pour démontrer ce lien appartient au MJQ. Au sujet de ce fardeau, M. Lévesque cite une décision de l’arbitre de grief M e Robert Choquette [22] , qui s’appuie sur une décision précédente de l’arbitre M e Rodrigue Blouin [23] , dans laquelle ce dernier exprime que le degré de preuve, habituellement applicable lors d’arbitrage de grief, doit céder le pas à un degré de prépondérance plus convaincant, puisqu’il est question de l’application de la Charte .
[114] La Commission note que cette opinion de M e Blouin est formulée avant la décision Maksteel . Or, au sujet du fardeau de la preuve, la Cour exprime que l’employeur doit établir un lien objectif [24] entre l’infraction commise et le poste occupé. Ce lien doit être prouvé par l’employeur, selon la prépondérance de la preuve, [et] que la mesure imposée a une justification réelle et raisonnable [25] .
[115] En conséquence, la Commission retient le critère d’un lien objectif, réel et raisonnable que le MJQ doit démontrer selon la règle de la prépondérance de la preuve. C’est d’ailleurs ce critère qu’avait appliqué un arbitre de grief dans une décision citée par M. Lévesque qui a été récemment confirmée par la Cour d’appel [26] .
[116]
De cette
manière, la Commission ne retient pas non plus les prétentions du MJQ voulant
que la démonstration d’un lien,
si minime soit-il
, suffit pour empêcher
l’application de la protection de l’article
[117] C’est pourquoi la Commission s’en remet à la démonstration d’un lien objectif, réel et raisonnable. De plus, de l’avis de la Commission, la démonstration d’une incidence préjudiciable, tangible et concrète, comme l’énoncent deux décisions [28] citées par M. Lévesque, semble excéder le degré du lien requis selon les propos de la Cour suprême.
[118] Comment maintenant peut-on établir ce lien objectif, réel et raisonnable ? La détermination d’un tel lien est essentiellement contextuelle. Le passage suivant de la décision Maksteel nous renseigne sur les éléments à prendre en considération dans la détermination du lien :
« Le degré de responsabilité associé au poste occupé ou convoité et la nature particulière des activités d’un employeur peuvent être source d’exigences variables. Par exemple, plus un poste commande un degré élevé d’intégrité et de confiance, plus le lien pourra être facile à établir parce que les attentes sont plus grandes à l’égard d’un tel employé [29] . »
[119] Ainsi, la nature particulière des activités d’un employeur est déterminante dans la source de ses exigences à l’endroit d’un employé. De plus, pour l’employé, plus le degré de responsabilité est élevé, plus le poste peut demander un degré élevé d’intégrité et de confiance. Voyons maintenant comment ces aspects se matérialisent dans la situation présente.
[120] La nature des activités du MJQ est énoncée dans sa mission qui est d’assurer la primauté du droit au sein de la société québécoise et de maintenir au Québec un système de justice qui soit à la fois digne de confiance et intègre afin de favoriser le respect des droits individuels et collectifs [30] . Il va sans dire que les palais de justice se trouvent au cœur même de la mission du MJQ puisqu’ils sont la porte d’entrée du système de justice. Ainsi, l’emploi d’un directeur de palais de justice comporte bien sûr des tâches administratives, mais il est également le reflet de ce système de justice que le MJQ veut digne de confiance et intègre.
[121] Pour y arriver, le MJQ a fait siennes les valeurs de respect, de confiance, d’équité et d’intégrité [31] . Afin que ces valeurs se traduisent dans la réalité quotidienne des artisans du système judiciaire qui travaillent au MJQ, il s’est doté d’une politique [32] qui s’applique à chacun des membres du personnel de la Direction générale des services de justice. Toutes ces valeurs sont reprises dans la politique et certaines sont reproduites au paragraphe 32 de la présente décision, dont celles de la confiance et de l’intégrité qui exige une probité sans faille qui sont plus particulièrement concernées ici. Ces valeurs doivent se concrétiser en quelque sorte dans les actions des employés du MJQ, plus spécialement ceux directement impliqués dans la gestion du système de justice.
[122] L’importance des valeurs de confiance et d’intégrité est également traduite dans la Déclaration de services aux citoyens [33] que le MJQ a adoptée conformément à la Loi sur l’administration publique [34] . En effet, tous les ministères et les organismes qui fournissent un service directement aux citoyens sont tenus d’adopter une telle déclaration et de la rendre publique. La déclaration du MJQ énonce que sa priorité est de favoriser l’accessibilité à un système de justice qui soit proche des citoyens, digne de confiance et intègre afin de faciliter l’exercice des droits des citoyens . Cette déclaration contient en outre certains engagements à l’égard des victimes d’actes criminels qui sont identifiées comme faisant partie de la clientèle du ministère.
[123] En résumé, la Commission retient des activités du MJQ reliées à la gestion des palais de justice que la confiance et l’intégrité du système de justice constituent des éléments fondamentaux de sa mission et de ses valeurs. Il s’est doté d’une politique afin que ses valeurs se traduisent dans les actions de ses employés et il a pris des engagements à cet égard dans les services qu’il fournit aux citoyens.
[124] Voyons maintenant la nature de l’emploi occupé par M. Lévesque afin de déterminer le degré de confiance et d’intégrité que requiert cet emploi. La pièce maîtresse dans cet examen est très certainement sa description d’emploi (I-2). Il est à noter que la description d’emploi d’un directeur de palais de justice est la même, peu importe le palais de justice concerné. Par contre, on comprend facilement que dans un petit palais de justice, avec une équipe de travail réduite, l’implication du directeur est plus grande pour chacune de ses tâches.
[125] Dans la description d’emploi, le directeur du palais de justice est désigné comme le représentant de son organisation dans sa localité . Il occupe ainsi le degré le plus élevé de responsabilité dans son organisation.
[126] Comme un palais de justice constitue un maillon du système de justice, le travail de gestion d’un palais de justice se fait en collaboration avec plusieurs partenaires du milieu judiciaire. Le témoignage de M e Rossignol, qui a occupé le même emploi que M. Lévesque, et qui occupe encore les fonctions de directrice de palais de justice, illustre très bien que ce travail est loin de s’effectuer en vase clos. La description d’emploi identifie plusieurs partenaires externes et internes avec lesquels le directeur doit composer dans sa gestion. Plusieurs de ses tâches sont en lien avec ce partenariat.
[127] La description d’emploi comporte également une section importante sur toutes les communications qu’implique la fonction de directeur. Une autre section portant sur la créativité, le jugement et le raisonnement requis du directeur est qualifiée d’essentielle par le MJQ. Elle est reproduite au paragraphe 45 de la présente décision. Rappelons la mention suivante au sujet de sa gestion du palais de justice qui a un impact direct sur la perception que se forme le citoyen de l’administration de la justice .
[128] Pour la Commission, il ressort clairement de la description d’emploi de M. Lévesque et du témoignage non contredit de M e Rossignol que le travail de directeur de palais de justice exige d’entretenir de nombreuses relations avec la communauté juridique et les citoyens pour maintenir un système de justice que le MJQ a placé sous le signe de la confiance et de l’intégrité. De plus, comme il est désigné le représentant de son organisation dans sa localité, il est normal que les attentes en matière de confiance et d’intégrité soient plus grandes encore à son endroit.
[129] Le MJQ a également référé aux pouvoirs judiciaires dévolus à un directeur de palais de justice. Dans la lettre de congédiement de M. Lévesque (I-15), il exprime que l’exercice de ces pouvoirs est inconciliable avec les infractions qu’il a commises. Il est vrai qu’un directeur de palais de justice doit posséder des pouvoirs judiciaires de greffier, de shérif et de juge de paix. Il n’est toutefois pas le seul à exercer de tels pouvoirs dans un palais de justice. La preuve révèle en effet que la majorité du personnel d’un palais de justice, comme les agents de bureau, les techniciens et les greffiers, possède des pouvoirs similaires.
[130] Dans son argumentation, le MJQ soulève quelques hypothèses sous forme de questions où des situations délicates pourraient éventuellement se présenter à l’occasion de l’exercice des pouvoirs judiciaires de M. Lévesque.
[131] La Commission voit cet aspect de l’exercice des fonctions judiciaires comme relevant plutôt de l’ordre de situations hypothétiques. Par ailleurs, d’autres membres du personnel du palais de justice possédant des pouvoirs similaires à celui du directeur pourraient agir à sa place si vraiment ces situations se concrétisaient. C’est pourquoi, elle ne retient pas cet élément.
[132] Après avoir fait ressortir les éléments caractéristiques des activités du MJQ dans la gestion d’un palais de justice, de même que la nature et le degré d’importance des tâches confiées à un directeur de palais de justice, il faut maintenant considérer ces éléments en relation avec les infractions criminelles pour lesquelles M. Lévesque a été reconnu coupable. L’établissement du lien objectif, réel et raisonnable de ces éléments doit se faire en tenant compte de la nature de ces infractions.
[133] Comme l’exprime la Cour suprême, il est clair qu’une déclaration de culpabilité affecte d’abord et avant tout la réputation d’une personne. On la croit moins probe si elle a commis un acte réprimé par le Code criminel ou le droit pénal [35] . Ce stigmate peut donc influencer l’évaluation de la capacité de cette personne à remplir les conditions d’un emploi. Suivant l’article 18.2, un tel stigmate est injustifié si l’infraction n’a pas de lien avec l’emploi. Ainsi, il est clair au départ que M. Lévesque voit sa réputation entachée du fait de sa culpabilité à des infractions criminelles, peu importe la nature de celles-ci.
[134] Dans l’examen du caractère injustifié des stigmates, la nature des infractions criminelles en cause est prise en considération. L’agression sexuelle s’inscrit dans la catégorie des crimes graves contre la personne. C’est ainsi que cette infraction est décrite dans un document adopté par le ministre de la Justice portant sur les orientations et les mesures à prendre en matière d’affaires criminelles et pénales [36] . Ce document fait également état d’une préoccupation certaine à l’endroit des victimes d’agressions sexuelles dans l’établissement de la peine qui doit servir à dénoncer le caractère criminel et inacceptable de l’agression sexuelle et accroître la confiance des victimes et du public dans l’administration de la justice [37] .
[135] Dans certains cas, les tribunaux ont considéré que la gravité intrinsèque du crime commis était en soi suffisante pour porter atteinte à la confiance du public à l’égard d’un service dispensé par l’employeur. C’est le cas dans deux affaires citées par le MJQ [38] .
[136]
Sans nier
la pertinence et l’importance de la nature de l’infraction, la Commission croît qu’une approche semblable occulte
le lien avec l’emploi qui constitue
pourtant une condition essentielle d’application de l’article
[137] Ainsi, la situation de M. Lévesque soulève la problématique suivante. Par sa déclaration de culpabilité, sa réputation et sa probité ont été durement éprouvées compte tenu de la gravité des infractions. D’un autre côté, il occupe un emploi où il agit comme le représentant du MJQ dans sa communauté en occupant un poste de responsabilité à l’intérieur du système judiciaire qui s’est notamment donné comme valeur d’être digne de confiance et intègre. Ainsi, la question est celle de savoir si M. Lévesque possède toujours la capacité d’accomplir efficacement son travail malgré ses démêlés avec la justice. Pour y répondre, il faut considérer l’impact de sa déclaration de culpabilité.
[138] La capacité de M. Lévesque d’effectuer efficacement son travail doit s’analyser sous l’angle de la confiance et de l’intégrité qu’il peut dégager, non seulement auprès des autorités du MJQ, mais plus encore avec les partenaires et la cientèle du MJQ, compte tenu de la nature de ses fonctions. L’expression de ces nécessités de confiance et d’intégrité requises par le MJQ ne proviennent pas de généralités, mais elles s’articulent autour d’éléments concrets identifiés précédemment : la mission du MJQ, ses valeurs, sa politique de gestion des employés de services judiciaires, sa Déclaration de services aux citoyens et la description d’emploi de M. Lévesque. Ils convergent tous vers la confiance et l’intégrité.
[139] Cela étant dit, mesurer la confiance et l’intégrité d’une personne constitue un exercice délicat qui, de par sa nature même, fait appel aux perceptions.
[140] Les éléments mis en preuve sur le niveau de confiance à l’endroit de M. Lévesque résident dans les témoignages de sa supérieure immédiate, M e Rossignol, et de sa supérieure hiérarchique, M e Couturier. Trois autres témoins sont également venus apporter un éclairage à la Commission sur cette question, M e Morin, Procureur en chef aux poursuites criminelles et pénales pour l’est du Québec, M. Babin, directeur du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels et M. Bourdages, enquêteur à la SQ.
[141] M e Rossignol, comme la Commission l’a exprimé précédemment, connaît très bien les fonctions d’un directeur de palais de justice, et elle exprime que M. Lévesque n’a plus la confiance nécessaire pour travailler avec tous les partenaires impliqués dans le processus judiciaire. Elle ajoute qu’il n’est pas possible de s’en remettre à son jugement. Le témoignage de M e Couturier va dans le même sens. Pour elle, le MJQ a un devoir de préserver la confiance du public. Or, M. Lévesque n’a plus l’autorité morale pour agir comme directeur de palais de justice.
[142] M e Morin, qui entretient des relations régulièrement avec les directeurs de palais de justice de sa région, dont ceux administrés par M. Lévesque, témoigne de sa perte de confiance à l’endroit de ce dernier, particulièrement dans le contexte où il s’agit d’un crime grave contre la personne. Il exprime que le sentiment de confiance des victimes envers la justice subirait un grand coup si M. Lévesque réintégrait son emploi. Il ajoute qu’à titre de citoyen du Bas-Saint-Laurent le crime commis par M. Lévesque constitue une entorse aux valeurs qu’entretiennent les citoyens envers la justice.
[143] Pour sa part, M. Babin exprime que le retour de M. Lévesque créerait un malaise par rapport à la clientèle vulnérable et fragile des victimes d’actes criminels. Pour lui, le premier grand défi des victimes est de faire confiance au système de justice. Cette crédibilité du système doit s’établir sur une base de confiance et il ne peut concevoir qu’un directeur de palais de justice puisse être un contrevenant, sans avoir à tenir compte des circonstances dans lesquelles l’acte criminel a été commis. Il complète son témoignage en indiquant que dans l’éventualité où M. Lévesque réintègrerait ses fonctions, il faudrait dans ce cas envisager de déplacer les bureaux du Centre à l’extérieur du palais de justice de New Carlisle. Enfin, le témoignage de l’enquêteur de la SQ, M. Bourdages, va dans le même sens pour les relations avec les policiers.
[144] De son côté, au sujet du thème de la confiance, lors de son contre-interrogatoire, M. Lévesque reconnaît qu’il va avoir à faire un travail immense pour récupérer la confiance des gens , ça va être difficile. La Commission comprend de cette réponse de M. Lévesque qu’il reconnaît lui-même qu’il aura des difficultés à accomplir efficacement son travail.
[145]
La preuve
soumise par M. Lévesque au regard de la confiance réside dans les témoignages
de deux collègues de travail qu’il avait au palais de justice de New Carlisle,
M
me
Poirier, greffière à la Chambre criminelle et pénale et M. Flowers, huissier-audiencier à temps partiel. Ces deux témoins ne se sont pas prononcés
sur le niveau de confiance qu’il est encore permis d’avoir à l’endroit de M.
Lévesque. Essentiellement leur témoignage s’est résumé à dire que M. Lévesque
avait déjà été puni par la justice et qu’il avait le droit à la réhabilitation. Pour la Commission, adopter une telle vision aurait pour effet d’accorder une
protection absolue à M. Lévesque en application de l’article
[146] M. Lévesque a également fait témoigner M e Lavigne, un avocat du Bureau de l’aide juridique de New Richmond. Il reconnaît que la tâche de directeur de palais de justice constitue une activité d’importance pour la communauté juridique. Il s’est toutefois appliqué à minimiser d’une certaine manière les actes criminels pour lesquels M. Lévesque a été reconnu coupable en signalant qu’il s’agissait d’un nouveau crime depuis 2008 et, qu’auparavant, ce n’était que les enfants de moins de 14 ans qui étaient visés à ces actes criminels. Il a également ajouté que ses fonctions de directeur de palais de justice ont été prises en considération par le juge Moulin parmi les facteurs aggravants pour déterminer sa peine.
[147]
Il est
intéressant de savoir que les crimes pour lesquels M. Lévesque a été reconnu
coupable ont une plus large portée depuis 2008. Toutefois, les conditions de
mise en œuvre de la protection accordée par l’article
[148] En résumé sur l’impact de la déclaration de culpabilité de M. Lévesque dans ses rapports avec ses supérieurs et les partenaires du MJQ dans la gestion d’un palais de justice, à la lumière des témoignages présentés par le MJQ, il est raisonnable de croire que le verdict de culpabilité de M. Lévesque entache la confiance et l’intégrité qui sont nécessaires à l’exercice de ses fonctions de directeur de palais de justice.
[149]
Pour
compléter, M. Lévesque voudrait que le MJQ prenne en considération les
circonstances entourant l’infraction. Par exemple, le fait que le rapport
sexuel était recherché par la victime
[40]
et l’admission du rapport sexuel par M. Lévesque
[41]
.
Encore ici, la Commission doit reconnaître que les conditions de mise en œuvre
de la protection accordée par l’article
[150] Ainsi, la Commission retient de tous les éléments mis en preuve que le MJQ a présenté une preuve qui permet d’établir un lien objectif, réel et raisonnable entre l’emploi et la déclaration de culpabilité qui lui permettait de congédier M. Lévesque. Le MJQ avait soulevé d’autres éléments comme la publicité entourant cette affaire et le risque de récidive, mais la Commission ne croit pas que ces éléments soient déterminants dans le lien qu’il devait établir. Son congédiement doit être maintenu pour les raisons suivantes : la nature des activités d’un palais de justice qui s’inscrivent dans le système de justice, le niveau de responsabilité des fonctions de M. Lévesque et les liens étroits qu’il doit entretenir avec les partenaires du MJQ et sa clientèle. Tous ces éléments sont indissociables des valeurs de confiance et d’intégrité préconisées par le MJQ.
[151] En conséquence, la Commission considère bien-fondé la décision du MJQ de le congédier de son emploi de directeur des palais de justice de New Carlisle, de Carleton et de Sainte-Anne-des-Monts.
[152] Il reste maintenant à examiner la conclusion subsidiaire recherchée par M. Lévesque d’occuper l’emploi que le MJQ lui avait confié durant le relevé provisoire de ses fonctions.
[153] Dans son plan d’argumentation écrit déposé à la Commission, M. Lévesque soutient qu’il n’y a aucune preuve d’incompatibilité ou de lien objectif entre les fonctions qu’il a exercées au CAJ, à titre de préposé aux renseignements, et l’infraction criminelle dont il a été déclaré coupable. Ainsi, il reconnaît d’une certaine manière que ce travail correspond à celui d’un préposé aux renseignements de la fonction publique et c’est également ce que la preuve fait ressortir, particulièrement le témoignage non contredit de M. Binotto. Par ailleurs, M. Lévesque faisait partie, avant son congédiement comme directeur de palais de justice, de la catégorie d’emplois du personnel d’encadrement. Ainsi, si la Commission répondait favorablement à cette demande de M. Lévesque, cela constituerait pour lui une rétrogradation, puisqu’il passerait de la catégorie du personnel d’encadrement à celle du personnel de bureau [42] .
[154] Le MJQ allègue l’absence de compétence de la Commission d’ordonner cette conclusion. Il soulève, qu’en vertu de l’article 70 de la Loi, la nomination à un poste dans la fonction publique appartient seulement au sous-ministre. Il soutient que le congédiement de M. Lévesque en raison de sa culpabilité constitue un congédiement administratif et que la compétence de la Commission est plus restreinte qu’en présence d’un congédiement disciplinaire puisqu’elle ne peut vérifier que le caractère discriminatoire, arbitraire ou déraisonnable d’un congédiement administratif. Enfin, le MJQ est d’avis que le pouvoir de la Commission en application du troisième alinéa de l’article 34 de la Loi ne s’applique qu’à l’égard des congédiements administratifs visés à l’article 18 de la Loi. Or, le congédiement de M. Lévesque a été effectué en raison seulement de sa déclaration de culpabilité à une infraction criminelle et le MJQ n’a pas dans ces circonstances une obligation d’accommodement comme la Cour suprême l’a exprimé dans l’affaire Maksteel [43] .
[155] Pour sa part, M. Lévesque considère qu’il n’y pas lieu de s’arrêter au caractère administratif ou disciplinaire de son congédiement et que l’article 34 de la Loi donne à la Commission une compétence très vaste et des pouvoirs pratiquement illimités reconnus par les tribunaux [44] . Il ajoute que le troisième alinéa de l’article 34 de la Loi est une disposition autonome qui peut se lire sans la relier à l’article 18 de la Loi.
[156] La conclusion recherchée par M. Lévesque soulève la question suivante : la Commission peut-elle utiliser les pouvoirs prévus à l’article 34 de la Loi à l’égard du congédiement de M. Lévesque ?
[157]
Rappelons
d’abord le contexte dans lequel se pose cette question. Le congédiement de M.
Lévesque est en raison uniquement de sa déclaration de culpabilité à une
infraction criminelle. Il réclame la protection que lui accorde l’article
[158] D’autre part, la Loi accorde à la Commission une compétence très vaste en matière de congédiement. Cette compétence provient des articles 33 et 34 de la Loi qui se lisent ainsi :
« 33. À moins qu'une convention collective de travail n'attribue en ces matières une compétence à une autre instance, un fonctionnaire peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique de la décision l'informant:
1° de son classement lors de son intégration à une classe d'emploi nouvelle ou modifiée;
2° de sa rétrogradation;
3° de son congédiement;
[…]
34. La Commission de la fonction publique peut maintenir, modifier ou annuler une décision portée en appel en vertu de l'article 33.
Lorsque la Commission modifie une telle décision, elle peut y substituer celle qui lui paraît juste et raisonnable compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire.
Lorsque la Commission maintient la rétrogradation d'un fonctionnaire ou transforme un congédiement en rétrogradation, elle peut ordonner que l'appelant soit rétrogradé à une classe d'emploi déterminée par le président du Conseil du trésor compte tenu de ses aptitudes. »
[159] C’est le troisième alinéa de l’article 34 qui nous intéresse plus particulièrement dans les circonstances puisque, comme nous avons vu précédemment, la conclusion subsidiaire recherchée par M. Lévesque équivaudrait à transformer son congédiement en rétrogradation.
[160] Il est permis de croire que ce pouvoir de la Commission pourrait théoriquement s’appliquer puisque le congédiement de M. Lévesque constitue un congédiement administratif et la transformation d’un congédiement en rétrogradation est possible dans ce cas, contrairement au congédiement disciplinaire. Toutefois, la Commission est d’avis qu’il n’est pas opportun de répondre favorablement à la conclusion recherchée par M. Lévesque dans les circonstances présentes.
[161] En effet, son congédiement résulte exclusivement de sa déclaration de culpabilité. Ses aptitudes à exercer les tâches correspondant à sa catégorie d’emploi de cadre ne sont pas en cause. D’ailleurs, la Cour suprême a exprimé clairement que les aptitudes de l’employé ne sont pas pertinentes dans la protection accordée contre les stigmates injustifiés découlant des antécédents judiciaires [46] :
« 25. Dans le cas de la protection contre les stigmates découlant d’un antécédent judiciaire, la justification est circonscrite. Les aptitudes de l’employé ou son apport potentiel à l’entreprise ne sont pas pertinents. Un lien avec l’emploi est la seule justification possible et elle est limitée par l’obtention d’un pardon. »
[162]
Il n’y a
pas lieu d’ordonner une rétrogradation puisque la Commission croit qu’une
ordonnance à cet effet est plus appropriée lorsque le débat porte sur les
aptitudes d’un employé à exercer les tâches qui correspondent à sa catégorie
d’emploi. En outre, accorder cette conclusion recherchée par M. Lévesque
équivaudrait à appliquer le volet accommodement raisonnable qui n’a pas sa
place quant à la protection accordée par l’article
[163] Enfin, il n’y a pas lieu que M. Lévesque bénéficie des mesures prévues lors de la fin d’un stage probatoire, puisque dans sa situation, il ne s’agit pas d’une fin de stage probatoire.
[164] POUR CES MOTIFS , la Commission rejette l’appel de M. Benoît Lévesque.
Original signé par :
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_____________________________ Denise Cardinal, avocate Commissaire |
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M e Pascale Racicot |
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Procureure pour l’appelant |
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M e Claudia Dao |
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Procureure pour l’intimé |
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Lieu de l’audience : |
Québec |
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Dates de l’audience : |
8 décembre 2011, 19, 20 janvier 2012, 13 février 2012, 19, 20, 26 mars 2012 |
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Compléments sur l’argumentation |
12 avril 2012 (MJQ) et 19 avril 2012 |
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Doctrine et jurisprudence citées par le MJQ
Doctrine
PEDNEAULT,
Jean-François, Linda BERNIER et Lukasz GRANOSIK.
BERGERON, Annie-Claude, et Pierre LAPOINTE. Droit pénal : Infractions, moyens de défense et peine - Titre 1 : Les infractions - Chapitre II : Les infractions criminelles , 2011, p. 57, 58, 91-95, (Barreau du Québec, Collection de droit 2011-2012, vol. 12)
Jurisprudence
La
Fraternité des chauffeurs d’autobus opérateurs de métro et employés des
services connexes au transport de la C.T.C.U.M., Section 1983 S.C.F.P.
c.
Commission de transport de la Communauté
urbaine de Montréal
,
La
Société de transport de la Ville de Laval
c.
Le Syndicat des chauffeurs de la Société de transport de la
Ville de Laval (C.S.N.)
, sentence arbitrale du 17 septembre 1987, Claude
Rondeau, arbitre,
Le
Syndicat national des employés de l’Hôpital Sainte-Justine
c.
L’Hôpital Sainte-Justine
, sentence
arbitrale du 5 février 1990, Jean Denis Gagnon, arbitre,
Le
Soleil, Division de groupe Unimédia Inc.
c.
Syndicat des représentants (Conseillers en publicité) du Soleil (CSN)
,
sentence arbitrale du 4 mai 1990, François G. Fortier, arbitre,
Syndicat
des représentants (Conseillers en publicité), du Soleil (CSN)
c.
Le Soleil, Division de groupe Unimédia Inc.
,
sentence arbitrale du 17 mai 1990, Jean-Yves Durand, arbitre,
Laval
(Société de transport de la Ville de)
c.
Syndicat des chauffeurs de la Société de transport de la Ville de Laval
,
Centre d’accueil St-Antoine de Padoue c. Syndicat des employés du Centre d’accueil St-Antoine de Padoue , sentence arbitrale du 17 août 1993, Harvey Frumkin, arbitre;
Québec
(Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse)
c.
Maksteel Québec inc.
,
Syndicat
de la fonction publique du Québec
c.
Québec
(Ministère de la Justice)
,
CSSS
c.
Syndicat des travailleuses et travailleurs
(FSSS-CSN)
, sentence arbitrale du 12 avril 2007, Serge Brault, arbitre,
Syndicat
des employés de Vidéotron Ltée, S.C.F.P., section locale 2815
c.
Vidéotron Ltée
, sentence arbitrale du 6
octobre 2011, Jean-Louis Dubé, arbitre,
Toronto
(Ville)
c.
S.C.F.P.
, section
locale 79,
Pelland
c.
Ville de St-Antoine
,
Le
Procureur général du Québec
c.
Leclerc
,
Gouvernement du Québec - Ministère des Transports c. Syndicat de la fonction publique du Québec , sentence arbitrale du 3 février 2004, Pierre-A. Fortin, arbitre;
Gouvernement du Québec (Revenu) c. Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc. , sentence arbitrale du 1 er novembre 1991, Pierre Leblanc, arbitre.
Doctrine et jurisprudence citées par M. Benoît Lévesque
Doctrine
BRUNELLE, Christian. « La Charte québécoise et les sanctions de l’employeur contre les auteurs d’actes criminels œuvrant en milieu éducatif », R.J.T. , vol. 29, n o 2, p. 315;
BERGERON, Annie-Claude, et autres. Droit pénal : Infractions, moyens de défense et peine, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 89-96 (Barreau du Québec, Collection de droit 2008-2009, vol. 12);
SÉCURITÉ PUBLIQUE CANADA. Le gouvernement prend des mesures pour protéger les victimes des délinquants sexuels , [En ligne], 2012, [www.securitepublique.gc.ca].
Jurisprudence
Québec
(Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse)
c.
Maksteel Québec inc.
,
Montréal
(Ville)
c.
Québec (Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse)
,
Baillargeon
c.
Association Trot et Amble du
Québec
,
McKinley
c.
BC Tel
,
Alliance des professeures
et professeurs de Montréal
c.
Commission
scolaire de Montréal (CSDM)
, sentence arbitrale du 23 février 2007,
Robert
Choquette, arbitre,
Commission scolaire de
Montréal
c.
Choquette
,
Commission scolaire de
Montréal
c.
Alliance des
professeures et professeurs de Montréal
,
Commission scolaire crie
c.
Association de l’enseignement du Nouveau-Québec
(CSQ)
,
G. G.
c.
Ministre de l’Éducation du Loisir et du Sport
,
Dulude
c.
La Maison le Réverbère inc.
,
Barcelo
c.
Commission de la santé et de la sécurité du
travail
,
Société
de l’assurance automobile du Québec
c.
Commission de la fonction publique
,
Flamand
c.
Commission de la fonction publique
,
[1] L.R.Q., c. C-12.
[2] L.R.C. (1985), c. C-46, article 150.1 (4).
[3]
R.
c.
Lévesque
,
[4] Id. , par. 58-62.
[5] Précité, note 3, par. 95.
[6] Id. , par. 54.
[7] Code de procédure civile , L.R.Q., c. C-25; Loi sur les tribunaux judiciaires , L.R.Q., c. T-16; Loi sur la protection de la jeunesse , L.R.Q., c. P-34.1.
[8] L.R.Q., c. M-19, art. 3.
[9] L.R.Q., c. D-9.1.1.
[10] L.R.Q., c. F-3.1.1.
[11]
Québec
(Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse)
c.
Maksteel
Québec inc.
,
[12] Voir la liste complète à la fin de la présente décision.
[13] Précité, note 11.
[14] Règlement sur le classement des fonctionnaires , c. F-3.1.1, r. 2, art. 4.
[15] Voir la liste complète à la fin de la présente décision.
[16] Ces infractions sont visées aux articles 271 (1) a) et 151 du Code criminel .
[17] Précité, note 11.
[18]
McKinley
c.
BC Tel
,
[19] Précité, note 11, par. 29.
[20] Le Syndicat national des employés de l’Hôpital Sainte-Justine et L’Hôpital Sainte-Justine , sentence arbitrale du 5 février 1990, M e Jean Denis Gagnon, arbitre, p. 16.
[21]
Therrien
(Re)
,
[22] Alliance des professeures et professeurs de Montréal c. Commission scolaire de Montréal (CSDM) , sentence arbitrale du 23 février 2007, M e Robert Choquette, arbitre, par. 311-312.
[23] Syndicat des enseignants et enseignantes du CÉGEP Lévis-Lauzon c. CÉGEP Lévis-Lauzon , sentence arbitrale du 13 juin 2000, M e Rodrigue Blouin, arbitre, p. 9.
[24] Précité, note 11, par. 53.
[25] Id.
[26]
Commission scolaire crie
c.
Association de
l'enseignement du Nouveau-Québec (CSQ)
,
[27]
Union
des employés et employées de service, section locale 800
c.
Office
municipale d’habitation de Verdun
, sentence arbitrale du 10 mai 2000,
Pierre Descoteaux, arbitre, citée dans
CSSS
c.
Syndicat des
travailleuses et travailleurs (FSSS-CSN)
, sentence arbitrale du 12 avril
2007, Serge Brault, arbitre,
[28] Précitée, note 22, par. 328 et 349; G. G. c. Ministre de l’Éducation du Loisir et du Sport 2011 QCTAQ 04466, par. 72.
[29] Précité, note 11, par. 56.
[30] MINISTÈRE DE LA JUSTICE. Mission , vision, valeurs et mandats du ministère de la Justice , [En ligne], 2011, [www.justice.gouv.qc.ca]. (I-3).
[31] Id.
[32] MINISTÈRE DE LA JUSTICE. Cadre de gestion à la Direction générale des services de justice et des registres (DGSJR) , Québec, 2007. (I-23).
[33] MINISTÈRE DE LA JUSTICE. Déclaration de services aux citoyens , [En ligne], 2012, [www.justice.gouv.qc.ca].
[34] L.R.Q., c. A-6.01, art. 6.
[35]
Montréal
(Ville)
c.
Québec (Commission des droits de la personne et des droits de
la jeunesse)
,
[36] MINISTÈRE DE LA JUSTICE. Orientations et mesures du ministre de la Justice , Québec, 2007, p. 11. (I-18).
[37] Id. , p. 12.
[38]
La
Fraternité des chauffeurs d’autobus opérateurs de métro et employés des services
connexes au transport de la C.T.C.U.M., Section 1983 S.C.F.P.
c.
Commission
de transport de la Communauté urbaine de Montréal
,
[39] BRUNELLE, Christian. « La Charte québécoise et les sanctions de l’employeur contre les auteurs d’actes criminels œuvrant en milieu éducatif », R.J.T. , vol. 29, n o 2, p. 346.
[40] Précité, note 3, par. 27.
[41] Id. , par. 32 et 91.
[42] Pour illustrer cette rétrogradation, au 1 er avril 2012, l’échelle de traitement des cadres, classe 5, est de 70 392 $ à 87 128 $ alors que celle des préposés aux renseignements est de 33 111 $ à 45 694 $.
[43] Précité, note 11, par. 26.
[44]
Barcelo
c.
Commission de la santé et de la sécurité du travail
,
[45] Précité, note 43.
[46] Précité, note 11, par. 25.