TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt :

2012-9019

 

Date :

 27 août 2012

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DEVANT L’ARBITRE :

M e FRANÇOIS HAMELIN

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Ville de Montréal,

 

ci-après appelée « la Ville »

 

Et

 

Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301,

 

ci-après appelé « le syndicat »

 

 

Grief n o 10-1233 de M. Gilbert Dubuis [ci-après appelé « le réclamant »]

 

Nature du litige : Réintégration à la suite d’un accident de travail - objection préliminaire

 

Convention collective : 2007-2012

 

Procureur de la Ville :

M e Dominique L’Heureux

 

Procureur du syndicat :

M. Daniel Dussault

 

 

 

Mandat :   30 mars 2012   

Audience : 28 mai 2012

Décision : 27 août 2012

 

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SENTENCE ARBITRALE PARTIELLE

(Art. 100 et ss. C.t.)

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I-    LE LITIGE

[1]    En 2005, le réclamant, un employé auxiliaire de la Ville, subit un accident de travail. En 2010, la Commission de la santé et de la sécurité du travail [ci-après désignée « la CSST »] consolide sa lésion, et le déclare apte au travail en lui imposant des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de reprendre le poste d’éboueur à temps complet qu’il accomplissait avant son accident.

[2]    Le 21 mai 2010, la Ville informe en ces termes [pièce S-5] la CSST et le réclamant qu’elle n’a aucun emploi équivalent ou convenable à temps complet à offrir à ce dernier :

Objet : Réadaptation professionnelle

[…]

Suite à notre rencontre du 06 mai 2010, nous désirions vous informer que le travailleur n’étant plus en mesure d’occuper son emploi d’éboueur, nous n’avons aucun emploi équivalent ou emploi convenable disponible à plein temps, considérant les limitations fonctionnelles émises le 03 janvier 2007, par le Dr Pham :

       Éviter de travailler de façon fréquente ou répétitive avec le membre supérieur droit à bout de bras ou au dessus des épaules;

       Éviter de soulever de façon fréquence [ sic ] ou répétitive plus de 20 kg;

       Éviter de travailler comme éboueur.

Espérant le tout conforme, veuillez…

[3]    Le 2 septembre 2010, la CSST informe en ces termes [pièce S-6] le réclamant qu’après évaluation, elle estime qu’il est en mesure d’occuper un emploi de préposé à l’entretien des parcs et travaux ménagers ailleurs qu’à la Ville :

Comme vous ne pouvez occuper votre emploi habituel, nous avons évalué avec vous si un autre emploi ailleurs sur le marché du travail pouvait convenir. Ainsi, nous avons retenu comme emploi convenable celui Préposé à l’entretien des parcs et gros travaux ménagers (CNP 8612, Cnp-6663), qui pourrait vous procurer un revenu annuel estimé à 25 027,96 $.

Nous considérons que vous êtes capable d’exercer cet emploi à compter du 31 août 2010. Comme vous cherchez actuellement du travail, nous continuerons de vous verser des indemnités de remplacement du revenu. Toutefois, dès que vous travaillerez comme Préposé à l’entretien des parcs et des gros travaux ménagers ou au plus tard le 30 août 2011, nous devrons réduire votre indemnité. Vous trouverez dans l’annexe ci-jointe des explications sur le mode de calcul de votre revenu.[…]

[4]    À l’époque, le réclamant ne conteste pas cette décision.

[5]    Le 18 octobre 2010, la Ville met fin à l’emploi du réclamant pour les motifs suivants [pièce V-1]:

M. Gilbert Dubuis est un employé auxiliaire. Suite à un accident de travail, il ne pouvait reprendre son emploi pré-lésionnel d’éboueur, ni assumer l’ensemble des fonctions des autres emplois manuels. De plus, les emplois manuels autres qu’éboueur, ne permettent pas d’assurer une embauche à l’année. La CSST a donc déterminé un emploi convenable à l’extérieur de la ville.

Considérant que nous n’avons d’emploi convenable respectant les limitations fonctionnelles de M. Dubuis, nous mettons fin à son emploi.

[6]    Le 10 novembre 2010, le syndicat conteste cette décision en déposant le grief à l’étude [pièce S-3] qui se lit comme suit :

Nous contestons le congédiement (lettre datée du 25 octobre 2010) de l’employé, cité en rubrique, relativement aux motifs mentionnés à ladite lettre.

Conséquemment, en vertu des dispositions de la convention collective de travail, nous demandons qu’il soit ordonné à l’employeur d’annuler le congédiement et de retirer la lettre datée du 25 octobre 2010 du dossier de M. Dubuis, sans autre délai. Nous demandons qu’il soit ordonné à l’employeur de réintégrer M. Dubuis au travail, sans autre délai et nous demandons qu’il soit également ordonné à l’employeur de rembourser à M. Dubuis le salaire perdu, aux taux du temps régulier et supplémentaire, rétroactivement au 18 octobre 2010 et pour tous les jours subséquents avec paiement des intérêts légaux ainsi que les indemnités prévues à l’article 100.12 du code du travail, le tout payable dans les 90 jours du règlement. De plus, nous demandons qu’il soit ordonné à l’employeur de rembourser tous les bénéfices, avantages ainsi que les dommages et intérêts se rattachant à cette réclamation.

[7]    La Ville s’est opposée à l’arbitrabilité de ce grief en faisant valoir que la CSST a déjà tranché la question en rendant une décision finale, et que la convention collective ne contient aucune disposition plus avantageuse que celles prévues par la loi.

[8]    À l’audience, les procureurs ont demandé à l’arbitre de rendre une décision partielle sur l’objection patronale.

II-   LA PREUVE

[9]    La preuve est composée des admissions faites par les parties, du dossier de CSST du réclamant déposé de consentement, et du témoignage de M. Gilbert Couture, conseiller en ressources humaines à la Ville.

A)    L’emploi d’éboueur du réclamant

[10]         Le réclamant a été embauché en 2002 par l’arrondissement Hochelaga-Maisonneuve à titre d’employé auxiliaire, statut qu’il a conservé jusqu’à la date de sa fin d’emploi.

[11]         L’employé auxiliaire est un employé temporaire à qui la Ville confie des affectations généralement temporaires, soit lorsqu’il y a des surcroîts de travail, soit pour remplacer des salariés absents.

[12]         À l’embauche, la Ville affecte l’employé auxiliaire aux divisions de la voirie, des parcs ou des sports et loisirs et lui confie des tâches non spécialisées de journalier. En cours d’emploi, l’employé auxiliaire peut se qualifier pour des affectations dans les fonctions 113 (parcs), 114 (voirie) et 116 (sports et loisirs).

[13]         La Ville confie ces affectations par ancienneté aux employés auxiliaires qualifiés qui, règle générale, travaillent sur une base temporaire à titre de surnuméraires. Il en va autrement pour les auxiliaires éboueurs, l’un des postes de la fonction 114, dont les plus anciens, en raison d’un plancher d’emploi, travaillent à temps complet.

[14]         C’était précisément le cas du réclamant dont l’ancienneté, avant son accident de travail, lui permettait de travailler à titre d’éboueur à temps complet à la division de la voirie de l’arrondissement.

[15]         À l’époque, le réclamant est également qualifié pour d’autres affectations de la fonction 114 et des fonctions 113 et 116 mais, en raison de son peu de disponibilité, la Ville lui en confie peu.

B)    L’accident de travail du réclamant

[16]         Le 28 mars 2005, le réclamant est victime d’un accident de travail qu’il décrit comme suit dans la réclamation qu’il présente à la CSST le 1 er avril suivant : «  En prenant et lançant un sac de vidanges, j’ai ressenti une vive douleur à l’épaule droite  ».

[17]         À l’époque, la Ville ne conteste pas cette réclamation que la CSST acceptera en retenant un diagnostic de cervicalgie.

[18]         Le 20 juin 2006, la CSST consolide la lésion du réclamant sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.

[19]         Le 29 juin 2006, à la suite de la réception d’un nouveau diagnostic, la CSST modifie sa décision en ces termes :

Objet : Décision liée à un nouveau diagnostic

Monsieur,

Nous avons reçu un rapport médical du Dr Huy Nhat Tan Pham mentionnant les nouveaux diagnostics de tendinite traumatique et de déchirure du labrum à l’épaule droite. Après étude de votre dossier, nous concluons qu’il y a relation entre ces nouveaux diagnostics et l’événement du 28 mars 2005. Vous continuerez donc à avoir droit à l’assistance médicale en regard de ces nouveaux diagnostics et au droit aux indemnités, s’il y a lieu.

[…]

[20]         À l’époque, la Ville conteste cette décision et, le 26 octobre 2007, la Commission des lésions professionnelles [ci-après désignée « la CLP »] rend la décision finale suivante :

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, rendue le 22 septembre 2006, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le diagnostic de tendinite traumatique à l’épaule droite n’est pas en relation avec l’événement du 28 mars 2005;

DÉCLARE que le diagnostic de déchirure du labrum à l’épaule droit est en relation avec l’événement du 28 mars 2005 et que le travailleur a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

[21]         Le 3 janvier 2007, la CSST conclut que le réclamant peut reprendre le travail, évalue à 2% l’atteinte permanente à son intégrité physique et lui impose les limitations fonctionnelles suivantes :

°     Éviter de travailler de façon fréquente ou répétitive avec le membre supérieur droit à bout de bras ou au dessus des épaules.

°     Éviter de soulever de façon fréquente ou répétitive plus de 20 kg.

°     Éviter de travailler comme éboueur.

C)    La recherche d’un emploi convenable à la Ville

[22]         Le 18 mai 2010, la CSST informe le réclamant qu’il a droit à la réadaptation, décision qu’à l’époque, la Ville ne conteste pas :

Objet : Décision concernant la réadaptation

Monsieur,

Nous désirons vous informer que vous pouvez bénéficier de réadaptation professionnelle, puisque vous conservez des limitations fonctionnelles attribuables à votre lésion professionnelle survenue le 28 mars 2005.

L’évaluation de la situation démontre en effet que vous avez besoin de services de réadaptation pour pouvoir retourner au travail. Nous chercherons donc avec vous et votre employeur les solutions qui conviennent le mieux, compte tenu des circonstances.

[…]

[23]         Dans ses notes d’intervention, M me Leboeuf, l’intervenante en réadaptation de la CSST, résume comme suit les différents échanges [1] qu’elle a eus sur le sujet avec le réclamant et son représentant syndical et avec le représentant de l’employeur :

6 avril 2010

Titre : Appel au T - prise de contact

ASPECT PROFESSIONNEL :

J’explique au T que je suis la conseillère en réadaptation qui prendra en charge la fin de son dossier. Je lui explique le processus de réadaptation, à savoir qu’il conserve des limitations fonctionnelles suite à sa lésion professionnelle, ce qui fait que nous devons évaluer son poste de travail et s’entendre sur les tâches qu’il peut faire et celles qu’il ne peut pas faire. Le T me dit qu’il travaille à temps plein en ce moment et que cela lui convient. Le T dit ne pas faire sa tâche régulière puisqu’il ne peut plus être éboueur, mais il travaille maintenant dans les parcs et il aime cela. Je lui dis que nous devons justement officialiser le tout avec son employeur. Nous allons donc procéder à une rencontre de réadaptation chez son employeur. Le T est d’accord. Je lui demande s’il souhaite que l’on se rencontre dans un premier temps, s’il a des questions. Il me dit que non, que cela est clair pour lui. Je lui dis que je vais le contacter pour la date, l’heure et le lieu, puisque cette information n’est pas encore confirmée. Le T est d’accord.

[…]

6 mai 2010

Titre : Rencontre paritaire chez l’E

Étaient présents :  — M. Gilbert Dubuis, travailleur

-        M. Rosaire Brault, représentant syndical

-        M. Benoît Desrochers, directeur syndical

-        Mme Mélanie Langlois, conseillère en ressources humaines E

-        M. Sylvain Goyette, chef de division

-        Mme Huguette Lapierre, chef de division

[…]

Lecture et explication des limitations fonctionnelles :

Les limitations fonctionnelles du travailleur sont les suivantes :

— éviter de travailler de façon fréquente ou répétitive avec le membre supérieur droit à bout de bras ou au-dessus des épaules

— éviter de soulever de façon répétitive ou fréquente plus de 20 kg

— éviter de travailler comme éboueur.

[…]

Discussion concernant le poste prélésionnel :

Au moment de l’événement d’origine, le T était assigné à la fonction 114 (préposé aux travaux généraux). La principale tâche qu’il complétait était celle d’éboueur. Étant donné son statut d’auxiliaire, il travaillait sur appel, mais le poste d’éboueur lui permettait de travailler durant toute l’année, de ne pas subir de mises à pied. Étant donné qu’il est évident par les limitations fonctionnelles que le T ne pourra pas refaire la tâche d’éboueur, l’E mentionne qu’il ne pourra plus travailler toute l’année. Elle se demande donc s’il nous est quand même possible de cibler un emploi convenable, même s’il ne respecte pas le nombre d’heures qu’il faisait au moment de l’événement. Je mentionne que le T a été engagé dans un statut d’auxiliaire, et donc il savait qu’il pourrait subir des mises à pied. Toutefois, je mentionne à l’employeur que je ne suis pas certaine de notre orientation par rapport à cela. L’avis du travailleur entre également en jeu. Actuellement, il travaille en assignation temporaire dans les parcs (fonction 113).

Le représentant syndical mentionne que le T pourrait être appelé sur les fonctions 113, 114 et 116. L’E est d’accord, mais dit que cela ne serait tout de même pas à l’année. Nous convenons donc d’évaluer les trois fonctions sur lesquelles il serait possible que le T travaille. Nous devrons tout de même vérifier ultérieurement si ce pourrait être un emploi convenable. Le T est questionné concernant sa perception de la situation. Il dit qu’il souhaite travailler le plus d’heures possibles, mais qu’il ne souhaite pas tout recommencer à son âge. Il préfère conserver son emploi à la Ville de Montréal et ne pas travailler toute l’année.

Adéquation des différentes tâches de travail :

Au niveau de la fonction 114, nous convenons que le T peut faire la majorité des tâches, sauf celles-ci :

— faire la pose des formes et la préparation et au coulage du ciment et du béton relativement à la réparation de puisard, à la construction de planchers, de trottoirs, de marches d’escaliers, de sentiers, de clôtures, de murets, etc.

— procéder à la cueillette des ordures ménagères et des gros morceaux et vider les paniers à rebut installés sur la voie publique et dans les parcs

Au niveau de la fonction 113, le T accomplit déjà cette fonction depuis plusieurs années, il a donc démontré sa capacité à le faire. De plus, il n’y a aucune tâche qui ne respecte pas les limitations fonctionnelles du T.

Au niveau de la fonction 116, aucun chef de division n’est disponible pour en faire l’évaluation. Toutefois, j’avise Mme Langlois que les tâches m’apparaissent plus légères que pour les deux fonctions précédentes. Le syndicat est d’avis que Monsieur Dubuis est en mesure de faire cette fonction sans problème. Mme Langlois est d’accord avec moi, mais souhaite tout de même en faire la validation auprès du chef de division. Nous convenons qu’elle me contactera après vérification.

Conclusions :

Avant de prendre une décision, nous convenons que des vérifications demeurent en cours. Nous devons valider si un emploi qui ne serait pas à l’année pourrait constituer un emploi convenable, sachant que le T est d’accord avec cette possibilité. De plus, Mme Langlois veut valider les tâches de la fonction 116 auprès du chef de division.

Le 11 mai 2010

Titre : Appel de l’E - suivi emploi convenable

ASPECT PROFESSIONNEL :

Mme Langlois m’avise qu’elle a parlé au chef de division et que selon lui, il n’y aurait aucun inconvénient à la fonction 116. Toutefois, il y aurait très peu de travail disponible pour des auxiliaires sur cette fonction.

J’avise Mme Langlois que j’ai discuté du cas avec ma chef d’équipe et que nous pourrions considérer le fait de rendre une décision d’emploi convenable même si cela n’est pas à l’année puisque le T a été engagé sur un statut d’auxiliaire et parce qu’il souhaite conserver son emploi. Mme Langlois m’avise qu’elle attendra ma décision d’emploi convenable, mais qu’elle la contestera parce qu’elle considère que cela n’est pas convenable. Je lui explique que je ne rendrai pas de décision d’emploi convenable sans son accord, puisque l’employeur a la possibilité d’offrir un emploi convenable ou non. Je lui demande quelle serait la solution selon elle. Elle me dit que ce serait un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.

Nous convenons que j’analyserai ces nouvelles données et la contacterai par la suite.

Le 17 mai 2010

Titre : Analyse de la capacité de travail[…]

Les exigences physiques de l’emploi prélésionnel sont :

— être en mesure de travailler principalement debout ou en marche

— être en mesure de soulever des charges d’environ 20 kg ou plus

— être en mesure de travailler dans des positions inconfortables (se pencher, s’accroupir, etc.)

— être capable de coordonner les mouvements de ses membres supérieurs et inférieurs

— avoir une bonne endurance physique

Perception du T de sa capacité de travail :

Le T ne se perçoit pas en mesure de refaire l’ensemble des tâches de préposé aux travaux généraux. Selon lui, il ne peut pas refaire la cueillette des ordures, qui constituait la majorité de son travail, mais il peut faire les autres tâches de la fonction.

Perception de l’E :

L’employeur perçoit que le T ne peut pas refaire l’ensemble de son emploi prélésionnel. Au même titre que le T, il ne croit pas que le T soit en mesure de faire le travail d’éboueur.

[…]

ARGUMENTATION

Considérant que ni le T ni l’employeur ne perçoit que le T soit capable de refaire son emploi prélésionnel;

Considérant que le travail implique de soulever de façon fréquente ou répétitive plus de 20kg;

Considérant que le travail implique de travailler comme éboueur;

Considérant que les exigences physiques du poste ne respectent pas les limitations fonctionnelles;

Nous en venons à la conclusion que le T n’a pas la capacité de refaire son emploi prélésionnel de préposé aux travaux généraux.

Le 17 juin 2010

Titre : Rencontre avec le T

Étaient présents :        —  M. Gilbert Dubuis, travailleur

-        M. Rosaire Brault

-        Mme Mélissa Leboeuf

— ASPECT PROFESSIONNEL :

J’explique au travailleur que je souhaitais le rencontrer pour faire le point suite à la rencontre paritaire qui a eu lieu chez son employeur. Je lui explique que nous avions regardé différentes tâches lors de la rencontre paritaire, mais que nous étions conscients qu’aucune de ses tâches de [ sic ] ne pouvait constituer un travail à l’année tel qu’il avait avant. Suite à la rencontre, considérant qu’il était d’accord à e que nous identifions un emploi qui ne soit pas à temps plein durant toute l’année, j’avais avisé l’employeur que nous étions prêts à considérer cette possibilité comme étant un emploi convenable pour le travailleur. Toutefois, lorsque j’en ai avisé l’employeur, ceux-ci m’ont informé qu’il ne considérait pas cette possibilité comme étant un emploi convenable. Je leur ai demandé s’ils avaient une solution à proposer, ils suggéraient un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.

Par la suite, j’ai montré la lettre que j’ai reçue de la part de l’employeur au travailleur et à son représentant (lettre qui mentionne que l’employeur n’a pas d’emploi convenable pour le travailleur. Le travailleur dit être très déçu parce qu’il voulait continuer à travailler dans les parcs comme il le fait. M. Brault mentionne qu’ils tenteront des recours au niveau syndical, mais il n’est pas certain que cela changera la décision de l’employeur.

Nous discutons de l’assignation temporaire. Je dis au travailleur qu’il a le choix; il peut poursuivre l’assignation en faisant le processus d’identification d’un emploi convenable, tant que l’employeur le libère au besoin. L’employeur est ouvert à le garder en assignation. Toutefois, je lui dis qu’il n’est pas tenu de le faire, il a droit aux indemnités de la CSST s’il choisit de terminer l’assignation temporaire. M. Brault conseille au travailleur de poursuivre l’assignation s’il souhaite entamer des démarches syndicales, c’est plus facile de rester à l’interne.

Le T dit que cela fait beaucoup d’informations en même temps, il souhaite prendre le temps de réfléchir à tout cela tranquillement. Il souhaite poursuivre son assignation pour l’instant et entamer des démarches syndicales puisqu’il tient à son emploi. Je lui dis que je le comprends, mais que je vais tout de même transférer son dossier à un nouvel intervenant qui pourra débuter le processus avec lui parallèlement. Le T est d’accord.

Le 22 juin 2010

Titre : Transfert au profil 5

— ASPECT PROFESSIONNEL :

Considérant que ni le T ni l’employeur ne perçoit que le T soit capable de refaire son emploi prélésionnel

Considérant que le travail implique de soulever de façon fréquente ou répétitive plus de 20 kg;

Considérant que le travail implique de travailler comme éboueur;

Considérant que les exigences physiques du poste ne respectent pas les limitations fonctionnelles;

Nous en venons à la conclusion que le T n’a pas la capacité de refaire son emploi prélésionnel de préposé aux travaux généraux.

Considérant que le travailleur travaillait à temps plein et durant toute l’année au moment de l’événement;

Considérant que le statut du travailleur ferait en sorte qu’il ne serait pas en mesure d’être appelé pour travailler suffisamment en raison de ses limitations fonctionnelles;

Considérant que l’employeur confirme par écrit ne pas avoir d’emploi convenable pour le travailleur;

Nous procédons au transfert au profil 5 pour la recherche d’un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.

Titre : Appel T - changement d’intervenant

— ASPECT PROFESSIONNEL :

J’avise M. Dubuis qu’il y aura un changement d’intervenant, tel que discuté lors de la dernière rencontre. Le T mentionne qu’il veut poursuivre son assignation tel qu’il le fait et verra ce qui va arriver. Je lui dis que je comprends, mais que la CSST doit procéder quand même à la poursuite de son dossier. Le T est d’accord.

[24]         Au terme de ce processus, la Ville et la CSST décident donc qu’en raison de ses limitations fonctionnelles, le réclamant ne peut réintégrer l’emploi d’éboueur qu’il occupait avant son accident. Il n’y a par ailleurs aucun emploi à temps complet équivalent ou convenable à la Ville, d’où la nécessité de rechercher un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.

D)    La recherche d’un emploi convenable sur le marché du travail

[25]         À l’époque, M me Ménard devient l’intervenante de la CSST auprès du réclamant, pour la recherche d’emploi sur le marché du travail.

[26]         Les extraits pertinents des notes d’intervention [2] de M me Ménard révèlent ce qui suit sur les échanges qu’elle a eus avec les parties :

Le 17 août 2010

Titre : En voie de détermination d’emploi convenable

Étaient présents : Mario Crispin, Syndicat de la ville de Montréal

                              T

                              et cr

— ASPECT PROFESSIONNEL :

L’objectif du T est de maintenir son poste à la ville de Montréal, T occupe surtout le poste 113 au Parc et le poste 116 au sport et loisir (entretien).

En fait, la proposition mise sur la table par la CSST est de déterminer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.

En fait, puisque le T souhaite maintenir ou retrouver un emploi comme il effectue présentement soit surtout dehors, nous allons déterminer un emploi convenable se retrouvant sur le marché du travail très semblable au poste prélésionnel, excepté les tâches éboueur.

L’emploi convenable identifié serait composé de deux titres d’emploi soit préposé à l’entretien des parcs et préposé à l’entretien ménager (gros travaux) (voir à la section réadaptation, les descriptions des tâches selon la monographie de Repères).

De plus, explication au T que le salaire déterminé pour le T serait de 12 $. Parce que le T s’il effectue ce poste sur le marché du travail, je juge qu’il peut au moins gagner un salaire de 12 $ de l’heure et la balance du salaire sera compensée par la CSST.

T peut aussi obtenir de l’Aide pour la recherche d’emploi, advenant que la ville de Montréal coupe le lien d’emploi.

Il est aussi expliqué au T que nous pensons que de maintenir le poste à la ville de Montréal peut être considéré comme une solution provisoire et que si la ville de Montréal coupe son lien d’emploi, il aura reprise de la balance de son année de recherche d’emploi. Bien entendu, si le lien d’emploi est coupé pendant l’année de recherche d’emploi.

De plus, advenant le cas que le lien d’emploi est coupé après un an, T doit se trouver un emploi au moins de 12 $ de l’heure et T sera compensé par la CSST pour la différence. T comprend.

T et M. Crispin comprennent ma proposition.

Cependant, M. Cripin me demande une semaine avant de rendre ma décision, il souhaite discuter de la proposition avec l’autre délégué syndical et ce dans le but que le T puisse maintenir son emploi à la ville.

Le 26 août 2010

Titre : En voie de détermination E. convenable

Étaient présents : Conversation avec Mario Crispin, syndical ville de mtl.

— ASPECT PROFESSIONNEL :

Il me confirme qu’après vérification auprès de son collègue Claude Lamarche des relations de travail, il est parfait de statuer sur l’emploi convenable convenu.

Idéalement, l’emploi convenable devrait relié [ sic ] les tâches du travail d’entretien dans les Parcs et du travail ménagers. (gros travaux)


Le 27 août 2010

Titre : Bilan de la réadaptation

[…]

26 août 2010 Après discussion avec Mario Crispin, il confirme l’accord du T pour rendre la décision d’emploi convenable.

Par contre, il m’indique que ma décision sera contesté [ sic ] à des fins administratives et syndicales.

E)    La décision de la CSST

[27]         Le 2 septembre 2010, conformément à ce qu’indiquait M me Ménard dans ses notes du 27 août 2010, la CSST rend une décision où elle conclut que le réclamant est apte à exercer un emploi ailleurs qu’à la Ville.

[28]         Toutefois, contrairement à ce que rapportait M me Ménard dans ses notes, ni le réclamant, ni le syndicat ne contestent alors cette décision.

[29]         Le 1 er octobre 2010, la Ville mettra à pied le réclamant et le 25 octobre 2010, comme on l’a vu précédemment, elle mettra fin à son emploi.

III-  LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

A)    La plaidoirie patronale

[30]         Le procureur patronal rappelle d’abord que la décision du 2 septembre 2010 de la CSST confirme d’une part, que la Ville n’a aucun emploi convenable à offrir au réclamant et d’autre part, que la CSST l’estime apte à occuper un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.

[31]         Le réclamant, poursuit le procureur, aurait pu contester cette décision en faisant valoir que des affectations temporaires dans les fonctions 113, 114 et 116 pouvaient constituer des emplois convenables, mais il ne l’a pas fait. Par conséquent, soutient-il, la décision de la CSST est finale depuis le 2 octobre 2010, ce qui clôt le dossier d’accident de travail du réclamant et empêche ce dernier de soulever tout nouveau litige en rapport avec celui-ci.

[32]         En l’espèce, ajoute le procureur, le réclamant a décidé de déposer un grief pour contester la décision de la Ville de mettre fin à son emploi le 25 octobre 2010. Or, soutient-il, ce grief n’est pas arbitrable, parce que, selon lui, la CSST - qui a juridiction exclusive en matière d’accidents de travail - a définitivement statué sur le sort du réclamant.

[33]         Le procureur commente ensuite plusieurs autorités qui vont dans le sens de ses prétentions, notamment un arrêt de la Cour d’appel que je commenterai dans la prochaine section.

[34]         Subsidiairement, le procureur fait valoir que la convention collective ne contient aucune disposition plus avantageuse que celles de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles [ci-après désignée « la LATMP »].

[35]         Sur le sujet, le procureur patronal fait plus particulièrement remarquer que le paragraphe 9.30 de ladite convention ne traite pas du droit de retour au travail du salarié victime d’un accident de travail - question qui relève exclusivement de la CSST -, mais prévoit plutôt les modalités d’application de ce droit lorsque la CSST l’accorde au salarié. Ce n’est toutefois pas le cas en l’espèce, explique le procureur, puisque l’organisme a rendu une décision finale où elle conclut qu’aucun emploi convenable n’existait à la Ville pour le réclamant, ni dans la fonction 114, ni dans les fonctions 113 et 116.

B)    La plaidoirie syndicale

[36]         Le procureur syndical soutient pour sa part que les paragraphes 9.30 et 9.31 de la convention collective prévoient des conditions plus avantageuses que la LATMP et que par conséquent, l’arbitre a compétence pour entendre le grief à l’étude qui réclame que la Ville octroie un emploi convenable au réclamant.

[37]         Dans sa décision du 2 septembre 2010 que le réclamant n’a pas contestée, rappelle le procureur, la CSST n’a statué que sur l’incapacité du réclamant à occuper le poste d’éboueur à temps complet qu’il occupait dans la fonction 114 avant son accident de travail, alors qu’en l’espèce, le grief réclame que la Ville réintègre le réclamant en lui confiant des tâches dans les fonctions 113, 114 et 116 que ce dernier peut accomplir à temps partiel, comme l’ont d’ailleurs reconnu la Ville et la CSST.

[38]         Le procureur souligne ensuite qu’à l’article 2 de la convention collective, les parties distinguent la « fonction », définie comme un « poste ou groupe de postes de travail dont les tâches les plus importantes […] sont équivalentes  », du « poste », défini comme «  l’assignation particulière de l’employé dans le cadre général de sa fonction  ». 

[39]         Selon lui, la CSST a erré en n’identifiant pas ces postes comme étant des emplois convenables. Le syndicat, soutient le procureur, est cependant habilité à déposer un grief pour le réclamer, parce que, à son dire, les paragraphes 9.30 a) et e) de la convention collective prévoient des avantages supérieurs à la LATMP.

[40]         Dans les circonstances, affirme le procureur, l’arbitre a donc pleine compétence pour entendre le présent grief sans usurper celle de la CSST.

[41]         Le procureur syndical a également déposé et commenté plusieurs autorités au soutien de ses prétentions.

IV- LE DROIT

A)    Lettre d’entente - Mouvements de main-d’œuvre

[42]         Les dispositions pertinentes de cette lettre d’entente intervenue entre l’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve et le syndicat se lisent comme suit :

19.19-  L’employé auxiliaire de l’arrondissement ayant complété sa période d’essai et qui désire être assigné à une ou plusieurs fonctions de l’annexe « A », complète le formulaire d’admissibilité.

19.20   L’employé titulaire de l’arrondissement qui désire être assigné à une fonction équivalente ou supérieure de l’annexe « A », complète le formulaire d’admissibilité.

19.21   Le formulaire d’admissibilité est transmis à la division des ressources humaines de l’arrondissement entre le 1 er et le 30 septembre de chaque année.

19.22   Au moment de s’inscrire sur la liste d’admissibilité, l’employé a la responsabilité de déposer tous les documents démontrant qu’il possède les qualifications requises pour rencontrer les exigences normales de la fonction.

      En tout temps, la Ville peut administrer tout genre d’examen. Si l’employé échoue, son nom est retiré de la liste d’admissibilité.

      L’employé dont le nom est inscrit sur la liste d’admissibilité pour une fonction doit exécuter ladite fonction lorsque requis.

      Dans le cas d’un employé qui démontrerait, à la satisfaction de l’arrondissement, qu’il est incapable de remplir ladite fonction, l’arrondissement peut retirer le nom de la liste d’admissibilité. Dans ce cas, l’employé ne peut s’inscrire à nouveau avant un délai de douze (12) mois.

B)    La convention collective

[43]         Les dispositions pertinentes de la convention collective se lisent comme suit :

article 2   définitions

2.01     Aux fins de la présente convention collective de travail, les expressions suivantes ont la signification ci-après indiquée :

a)   «  employé titulaire »  : signifie l’employé nommé comme tel par l’autorité compétente à un emploi continu.

b)   «  employé»  : signifie toute personne couverte par le certificat d’accréditation émis en faveur du Syndicat des Cols bleus regroupés de Montréal, SCFP section locale 301.

[…]

l)    «  fonction »  : poste ou groupe de postes de travail dont les tâches les plus importantes et les plus significatives sont équivalentes tel que décrit dans la nomenclature constituant les annexes « A » et « B » de la présente convention.

m)  «  poste »  : l’assignation particulière de l’employé dans le cadre général de sa fonction.

[…]

article 9   maladie, accident et contrôle médical

[…]

9.30     Dispositions relatives à la mise en application du droit de retour au travail d’un employé accidenté ou victime d’une maladie professionnelle

a)   Nonobstant les dispositions de l’article 19, dès qu’un employé titulaire est considéré apte au travail, suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, la Ville le réinstalle d’abord dans sa fonction s’il est en mesure de l’accomplir, ou dans toute autre fonction qu’il est capable d’accomplir, sans diminution de salaire.

b)   L’employé visé à l’alinéa précédent ayant des limitations permanentes et réintégré dans une fonction autre que la sienne ne peut être déplacé par un autre employé.

c)   L’employé titulaire qui n’a pas recouvré un emploi ne peut être remercié de ses services.

d)   Sous réserve du paragraphe c), à défaut d’emploi disponible conforme à sa condition physique et à ses qualifications, les dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles s’appliquent.

      Par la suite, l’employé est couvert par les dispositions du régime d’assurance-salaire, s’il y a lieu.

e)   Dans le cas de l’employé auxiliaire accidenté, les dispositions du présent alinéa s’appliquent jusqu’à concurrence du nombre de jours d’emploi pendant lesquels il aurait travaillé s’il était demeuré au travail, compte tenu de l’article 19.

9.31     La Ville et le Syndicat s’entendent sur le principe de réintégration inter-unité syndicale suite à un accident de travail ou à une maladie professionnelle et conviennent de négocier des modalités qui permettent ces réintégrations.

      La Ville et le Syndicat s’entendent sur les principes suivants :

a)     un employé d’une autre unité d’accréditation syndicale, qui ne peut être réintégré dans un emploi convenable de son unité d’accréditation suite à des blessures subies ou à une maladie résultant de l’exercice de ses fonctions, peut être réassigné dans une fonction de la présente unité d’accréditation qu’il est apte à occuper;

b)     un employé titulaire couvert par la présente unité d’accréditation syndicale, qui ne peut être réintégré dans un emploi convenable dans cette unité suite à des blessures subies ou à une maladie résultant de l’exercice de ses fonctions, peut être réintégré dans un emploi ou dans une fonction dans une autre unité d’accréditation syndicale qu’il est apte à occuper.

article 19       ancienneté

[…]

19.15   Le rappel au travail d’un employé auxiliaire se fait par ordre d’ancienneté générale à l’intérieur de son service. Le fardeau de la preuve du rappel incombe à la Ville.

[…]

19.16   L’employé auxiliaire doit se rapporter au travail chaque jour, tant et aussi longtemps qu’il n’a pas été mis à pied par écrit.

C)   Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [3]

[44]         Les principaux articles de cette loi sont les suivants :

chapitre i        objet, interprétation et application

section i         objet

1.     La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires.

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d’une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d’une lésion, le paiement d’indemnités de remplacement du revenu, d’indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d’indemnités de décès.

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d’une lésion professionnelle.

[…]

4.    La présente loi est d’ordre public.

Cependant, une convention ou une entente ou un décret qui y donne effet peut prévoir pour un travailleur des dispositions plus avantageuses que celles que prévoit la présente loi.


chapitre iii      indemnités

section i   indemnité de remplacement du revenu

§ 1. — Droit à l’indemnité de remplacement du revenu

44. Le travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s’il devient incapable d’exercer son emploi en raison de cette lésion.

Le travailleur qui n’a plus d’emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s’il devient incapable d’exercer l’emploi qu’il occupait habituellement.

45. L’indemnité de remplacement du revenu est égale à 90% du revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi.

46. Le travailleur est présumé incapable d’exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n’est pas consolidée.

47. Le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévue par l’article 45 tant qu’il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d’exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d’exercer à plein temps un emploi convenable.

[…]

49. Lorsqu’un travailleur incapable d’exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle devient capable d’exercer à plein temps un emploi convenable, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu’il pourrait trier de cet emploi convenable.

[…]

chapitre iv      réadaptation

section i   droit à la réadaptation

145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

146. Pour assurer au travailleur l’exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.

[…]

148. La réadaptation physique a pour but d’éliminer ou d’atténuer l’incapacité physique du travailleur et de lui permettre de développer sa capacité résiduelle afin de pallier les limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle.

[…]

151. La réadaptation sociale a pour but d’aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s’adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles.

[…]

166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l’accès à un emploi convenable.

[…]

169. Si le travailleur est incapable d’exercer son emploi en raison d’une limitation fonctionnelle qu’il garde de la lésion professionnelle dont il a été victime, la Commission informe ce travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu’une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d’exercer son emploi ou un emploi équivalent avant l’expiration du délai pour l’exercice de son droit au retour au travail.

Dans ce cas, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l’employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu’il est redevenu capable d’exercer son emploi ou un emploi équivalent.

170. Lorsqu’aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d’exercer son emploi ou un emploi équivalent, la Commission demande à l’employeur s’il a un emploi convenable disponible et, dans l’affirmative, elle informe le travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu’une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d’exercer cet emploi avant l’expiration du délai pour l’exercice de son droit au retour au travail.

Dans ce cas, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l’employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu’il est devenu capable d’exercer l’emploi convenable disponible.

171. Lorsqu’aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d’exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n’a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d’évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l’aider à déterminer un emploi convenable qu’il pourrait exercer.

Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.

chapitre vii     droit au retour au travail

section i   droits du travailleur

234.  La présente section s’applique au travailleur qui, à la date où il est victime d’une lésion professionnelle, est lié par un contrat de travail à durée indéterminée ou, dans le cas prévu par l’article 237, à durée déterminée.

[…]

235. Le travailleur qui s’absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle :

1 o    continue d’accumuler de l’ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.10);

2 o continue de participer aux régimes de retraite et d’assurances offerts dans l’établissement, pourvu qu’il paie sa part des cotisations exigibles, s’il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne.

Le présent article s’applique au travailleur jusqu’à l’expiration du délai prévu par le paragraphe 1 o ou 2 o , selon le cas, du premier alinéa de l’article 240.

236. Le travailleur victime d’une lésion professionnelle qui redevient capable d’exercer son emploi a droit de réintégrer prioritairement son emploi dans l’établissement où il travaillait lorsque s’est manifestée sa lésion ou de réintégrer un emploi équivalent dans cet établissement ou dans un autre établissement de son employeur.

[…]

239. Le travailleur qui demeure incapable d’exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle et qui devient capable d’exercer un emploi convenable a droit d’occuper le premier emploi convenable qui devient disponible dans un établissement de son employeur.

[…]

240. Les droits conférés par les articles 236 à 239 peuvent être exercés :

[…]

2 o dans les deux ans suivant le début de la période d’absence continue du travailleur en raison de sa lésion professionnelle, s’il occupait un emploi dans un établissement comptant plus de 20 travailleurs au début de cette période.

[…]

244. Une convention collective peut prévoir des dispositions relatives à la mise en application du droit au retour au travail prévu par la présente section.

Le droit au retour au travail d’un travailleur est mis en application de la manière prévue par la convention collective qui lui est applicable, si celle-ci contient des dispositions prévues par le premier alinéa ou des dispositions relatives au retour au travail après un accident ou une maladie.

Dans ce cas, le travailleur qui se croit lésé dans l’exercice de son droit au retour au travail peut avoir recours à la procédure de griefs prévue par cette convention.

chapitre xi      compétence de la commission, révision et recours devant la commission des lésions professionnelles

349. La Commission a compétence exclusive pour examiner et décider toute question visée dans la présente loi, à moins qu’une disposition particulière ne donne compétence à une autre personne ou à un autre organisme.

[…]

359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue à la suite d’une demande faite en vertu de l’article 358 peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification.

V-  DÉCISION ET MOTIFS

[45]         Le grief à l’étude conteste la décision de la Ville de mettre fin à l’emploi du réclamant et réclame sa réintégration au travail. La Ville explique sa décision, d’une part par le fait que la CSST a retenu un emploi convenable pour le réclamant ailleurs sur le marché du travail, et d’autre part par le fait qu’elle n’a aucun emploi à confier à ce dernier, en raison de ses limitations fonctionnelles.

[46]         Le grief s’appuie sur les clauses 9.30 et 9.31 de la convention collective que le syndicat estime plus avantageuses que celles prévues par la loi, ce que la Ville conteste.

[47]         Au début de l’audience, le procureur de la Ville a soulevé une objection préliminaire fondée sur l’absence de compétence de l’arbitre. En effet, selon le procureur, l’arbitre n’a pas compétence pour décider du sort du grief, parce que, soutient-il, le 2 septembre 2010, la CSST a statué qu’en raison de ses limitations fonctionnelles, le réclamant n’était plus en mesure d’occuper l’emploi d’éboueur qu’il détenait avant son accident de travail, mais pouvait occuper un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail, et parce que ce dernier n’a pas contesté cette décision qui est donc devenue finale.

[48]         En rendant cette décision finale, a ajouté le procureur, la CSST - qui a compétence exclusive sur la question - a réglé tout litige concernant la réintégration possible du réclamant à la Ville, dans quelque emploi que ce soit.

[49]         Afin de répondre à cette objection, j’examinerai les avantages prévus à la LATMP et la compétence exclusive qu’en la matière, cette loi accorde à la CSST, avant de vérifier si les clauses 9.30 et 9.31 constituent soit des avantages supérieurs à ceux offerts par la loi (art. 4), soit une mise en application du droit au retour au travail (art. 244).

[50]         Si j’en viens à la conclusion, soit que ces deux clauses ne prévoient aucun avantage supérieur, soit qu’ils ne constituent pas une mise en application du droit au retour au travail (art. 244), je devrai accueillir l’objection patronale et conclure que je n’ai pas compétence pour entendre la présente affaire. Par contre, si j’en viens à une conclusion contraire, je devrai la rejeter et entendre le fond de l’affaire.

A)    La LATMP

1)     La compétence exclusive de la CSST et de la CLP

[51]         À la page 4 de l’arrêt SEPAQ [4] , la Cour d’appel a statué qu’à la suite d’une lésion professionnelle, toute décision relative à la capacité du travailleur d’exercer un emploi relève de la compétence exclusive de la CSST :

L’arbitre a eu raison de décliner compétence. La compétence que lui confère l’article 244 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour régler les modalités de retour au travail n’inclut pas celle de décider la capacité d’exercer un emploi à la suite d’une lésion professionnelle, question réservée à la CSST et à la CLP en appel.

En effet, la CSST possède une compétence exclusive pour examiner et décider toute question visée dans la Loi , selon l’article 349 de cette dernière. L’arbitre ne pouvait se saisir de la demande du plaignant réclamant son emploi de journalier alors que la CSST avait déjà décidé qu’il n’est plus en mesure de l’occuper. La Cour suprême du Canada a statué que la Charte québécoise des droits et libertés de la personne ne crée pas un régime parallèle d’indemnisation. Elle n’autorise pas non plus la double compensation pour une même situation factuelle.

[52]         Aux pages 8 à 10 de l’arrêt Tembec [5] , sous la plume de M me la juge Thibault, la Cour d’appel précise en ces termes l’étendue des pouvoirs conférés à la CSST :

À mon avis, la question du droit d’un salarié victime d’une lésion professionnelle de récupérer son emploi prélésionnel, telle qu’elle se pose dans le présent dossier, échappe à la compétence d’un arbitre de griefs.

La LATMP institue un régime de réparation des lésions professionnelles et des conséquences subies par les bénéficiaires. Dans ce cadre, le processus de réparation comprend, en plus du paiement d’indemnités diverses (remplacement de revenu, indemnité pour préjudice corporel, indemnités de décès), la fourniture de soins, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du salarié victime d’une lésion professionnelle (art. 1 LATMP).

Au chapitre de l’indemnité de remplacement du revenu, la LATMP prévoit l’indemnisation du salarié tant que sa lésion professionnelle n’est pas consolidée (art. 44 et 45 LATMP). Lorsque sa lésion est consolidée, le salarié a droit d’être indemnisé tant qu’il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d’exercer son emploi prélésionnel ou, si cela n’est pas possible, pour devenir capable d’exercer un emploi convenable (art. 47 LATMP).

Lorsque le salarié redevient capable d’exercer son emploi après l’expiration du droit de retour au travail, il a droit d’être indemnisé jusqu’à ce qu’il réintègre son emploi prélésionnel (ou un emploi équivalent), et ce, pendant une période d’un an (art. 48 LATMP).

Lorsque le salarié incapable de reprendre son travail prélésionnel devient capable d’exercer un emploi convenable, son indemnité est réduite du revenu qu’il pourrait en tirer. Si cet emploi n’est pas disponible, le salarié sera indemnisé jusqu’à ce qu’il occupe cet emploi, et ce, pendant une période d’un an (art. 49 LATMP).

Le salarié qui subit une atteinte permanente à son intégrité physique en raison de sa lésion professionnelle a droit à la réadaptation prévue par la LATMP en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle (art. 145 LATMP). Il bénéficie d’un plan de réadaptation individualisé préparé et mis en œuvre par la CSST avec sa collaboration (art. 145 et suivants LATMP).

La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi prélésionnel ou un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l’accès à un emploi convenable (art. 166 LATMP).

Le programme de réadaptation professionnelle peut comprendre un programme de recyclage, des services d’évaluation des possibilités professionnelles, un programme de formation professionnelle, des services de support en recherche d’emploi, le paiement de subventions à un employeur pour favoriser l’embauche du travailleur qui a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, l’adaptation d’un poste de travail, le paiement de frais pour explorer un marché d’emploi ou pour déménager près d’un nouveau lieu de travail et le paiement de subventions au travailleur (art. 167 LATMP).

Le chapitre VII de la LATMP décrit les droits du salarié à un retour au travail. Ce dernier a droit de récupérer prioritairement son emploi s’il redevient capable de l’exercer, sinon, il a droit d’occuper le premier emploi convenable qui devient disponible dans un établissement de son employeur, et cela, dans le délai prévu à l’article 240 LATMP (art. 236 et 239 LATMP).

La LATMP confie à la CSST la compétence exclusive pour examiner et décider toute question visée par la loi, sauf si une disposition particulière prévoit le contraire (art. 349 et 359 LATMP). La LATMP aménage un appel à la CLP et lui confie la compétence exclusive sur les recours en appel (art. 359 et 369 LATMP).

Conformément à l’article 244 LATMP, une convention collective peut prévoir des dispositions relatives à la mise en application du droit de retour au travail. Le cas échéant, la même disposition prévoit que le travailleur lésé dans son droit de retour au travail peut soumettre son grief à l’arbitrage.

[Référence retirée du texte]

[53]         Puis, aux pages 13 et 14, la Cour explique qu’un employeur ou un travailleur ne peut remettre en cause les décisions rendues par la CSST ou la CLP dans l’exercice de leurs pouvoirs, notamment celles concernant la capacité d’un travailleur à exercer l’emploi qu’il occupait avant son accident de travail, un emploi équivalent ou un emploi convenable :

À mon avis, l’appelant a tort. Les questions sur lesquelles la CSST a compétence exclusive ne peuvent être remises en cause par un employeur ou un salarié que dans le cadre des mécanismes d’appel institués par la LATMP. Un employeur ne peut, lors de l’application d’une convention collective, remettre en cause la reconnaissance d’une lésion professionnelle, la durée de l’incapacité, la date de consolidation d’une lésion professionnelle, la détermination des limitations fonctionnelles, la capacité d‘exercer l’emploi prélésionnel, la détermination de l’emploi convenable, etc. L’application d’une convention collective, lorsqu’elle implique une question sur laquelle la CSST a compétence exclusive, doit se faire en tenant la décision de la CSST pour acquise.

Il me semble que cette approche découle du sens commun et qu’elle respecte les dispositions de la LATMP. Elle évite que deux forums - la CSST et la CLP ainsi que l’arbitre de griefs - statuent sur les mêmes questions à l’égard desquelles la LATMP a affirmé la compétence exclusive de la CSST.

La position de l’appelant implique que les décisions de la CSST, à qui la LATMP reconnaît une compétence exclusive en certaines matières, peuvent être modifiées par un arbitre de griefs.

Cette proposition heurte la volonté clairement exprimée par le législateur de confier à la CSST, et à la CLP en appel, la mission exclusive de trancher certaines questions. Ces organismes sont hautement spécialisés pour décider de toutes les questions reliées à la reconnaissance d’un fait accidentel, à l’incapacité qui s’ensuit, au besoin d’assistance médicale, à la date de consolidation de la lésion, au besoin de réadaptation, à la capacité de reprendre son emploi ou un emploi convenable ainsi qu’à l’indemnisation de salarié. La CSST « accompagne » le salarié à compter du fait accidentel jusqu’à sa réinsertion sur le marché du travail. Pour atteindre ces fins, la CSST dispose de tous les moyens et outils que la LATMP donne à cet organisme.

À mon avis, il n’y a pas de place pour un régime parallèle où l’employeur, l’association accréditée et le salarié peuvent discuter de ces questions devant l’arbitre de griefs et écarter les décisions de la CSST. On ne peut que rejeter les effets indésirables rattachés à la position de l’appelant. Selon cette thèse, un employeur, pourrait, par exemple, congédier un employé absent du travail à la suite d’une lésion professionnelle. Cet employeur pourrait ensuite plaider devant l’arbitre de griefs l’inexistence d’un fait accidentel, et cela même si la CSST a conclu le contraire.

2)     L’emploi convenable au sens de la loi

[54]         Sur la question de la capacité d’un travailleur, les pouvoirs de la CSST se limitent à vérifier si ce dernier est capable de reprendre l’emploi qu’il occupait avant sa lésion professionnelle et, dans la négative, à rechercher un emploi équivalent chez l’employeur. À défaut d’un tel emploi équivalent, la CSST recherche un emploi convenable chez l’employeur puis, en l’absence d’un tel emploi, un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.

[55]         Il est important de souligner qu’en vertu de la LATMP, les pouvoirs de la CSST de déterminer la capacité d’un travailleur à exercer un emploi convenable chez l’employeur ne s’appliquent qu’à l’égard d’emplois convenables à temps complet.

[56]         L’article 47 de la loi prévoit en effet que «  le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévue par l’article 45 tant qu’il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d’exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d’exercer à plein temps un emploi convenable  » [soulignement ajouté].

[57]         L’article 49 stipule ensuite que lorsque ce travailleur «  devient capable d’exercer à plein temps un emploi convenable, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu’il pourrait tirer de cet emploi convenable  ».

[58]         C’est dans cet esprit que la CSST applique les articles 170 et 171 de la loi.

[59]         L’article 170 édicte que lorsqu’un travailleur est incapable d’exercer l’emploi qu’il occupait avant sa lésion ou un emploi équivalent chez l’employeur, la CSST «  demande à l’employeur s’il a un emploi convenable disponible  », c’est-à-dire, en vertu de l’article 47, un emploi convenable disponible à temps plein.

[60]         Dans l’affirmative, ajoute la clause, la CSST met en œuvre le programme de réadaptation qui rendra le travailleur capable d’exercer cet emploi convenable disponible à temps complet.

[61]         L’article 171 prévoit pour sa part que lorsque l’employeur «  n’a aucun emploi convenable disponible (à temps complet, en vertu de l’article 47), ce travailleur peut bénéficier de services d’évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l’aider à déterminer un emploi convenable qu’il pourrait exercer  », ailleurs sur le marché du travail.

3)     La décision de la CSST

[62]         Dans la présente affaire, la CSST a appliqué à la lettre les articles 47 et 49 ainsi que 170 et 171 à l’occasion de la recherche d’un emploi convenable pour le réclamant, à la Ville.

[63]         L’examen des notes d’intervention du dossier de la CSST fait voir que la recherche d’un emploi convenable disponible à la Ville s’est limitée aux emplois disponibles à temps complet. Sur le sujet, les notes d’intervention des 6 et 11 mai ainsi que celle des 17 et 22 juin 2010 parlent d’elles-mêmes.

[64]         C’est après avoir constaté que la Ville n’avait aucun emploi convenable à temps complet à offrir au réclamant que la CSST a rendu une décision, le 2 septembre 2010, où elle conclut que ce dernier est en mesure d’occuper un emploi de préposé à l’entretien des parcs et travaux ménagers ailleurs qu’à la Ville.

[65]           Curieusement, cette décision (du 2 septembre 2010) confirme que le réclamant ne peut exercer l’emploi qu’il occupait avant sa lésion professionnelle, mais n’indique pas l’absence d’emplois convenables à temps complet à la Ville (ce qui est pourtant une condition préalable), avant de conclure qu’il peut occuper un emploi convenable sur le marché du travail.

[66]         Ceci étant précisé, il reste maintenant à vérifier si la convention collective à l’étude contient des dispositions plus avantageuses en matière d’emploi convenable ou si elle prévoit une modalité particulière d’application du droit de retour au travail.

B)    La convention collective

[67]         Après étude de la convention collective, j’estime d’une part, qu’une de ses dispositions est plus avantageuse que celles prévues par la loi, et d’autre part, qu’elle prévoit une modalité particulière d’application du droit au retour au travail.

1)     La disposition plus avantageuse

[68]         Le paragraphe 9.30 de la convention collective est consacré «  à la mise en application du droit de retour au travail d’un emploi accidenté  ».

[69]         Sur le sujet, son paragraphe a) édicte que «  dès qu’un employé titulaire est considéré apte au travail, suite à un accident du travail […]  », et ce, nonobstant les dispositions de l’article 19 consacré à l’ancienneté, «  la Ville le réinstalle d’abord dans sa fonction s’il est en mesure de l’accomplir, ou dans toute autre fonction qu’il est capable d’accomplir, sans diminution de salaire  ».

[70]         L’expression «  dans toute autre fonction qu’il est capable d’accomplir, sans diminution de salaire  » est large et englobe forcément toute les fonctions - tant celles à temps complet qu’à temps partiel.

[71]         Le paragraphe 9.30 est certainement moins contraignant et forcément plus avantageux que ce qu’édicte la loi, puisque celle-ci ne prévoit une réintégration du travailleur dans un emploi convenable, que s’il est à temps complet.

[72]         Pour ce motif, j’en viens donc à la conclusion qu’en dépit de la décision finale rendue par la CSST le 2 septembre 2010, un arbitre a compétence pour décider du sort du présent grief.

[73]         Mais il va de soi, comme la Cour d’appel l’a rappelé dans l’arrêt Tembec [6] que ce faisant, l’arbitre doit tenir pour acquis la décision finale et exclusive prise par la CSST en matière de capacité du réclamant à exercer l’emploi qu’il occupait avant son accident de travail, ainsi que tout emploi jugé convenable.

[74]         Sur le sujet, je renvoie aux notes d’intervention de la CSST du 6 mai 2010 où la capacité du réclamant à occuper les fonctions 113, 114 et 115 est évaluée.

[75]         Le paragraphe 9.31 de la convention collective constitue également une autre disposition plus avantageuse que celle contenue à la loi, parce que les parties y ont prévu, pour le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, la possibilité d’une réintégration dans une autre unité d’accréditation que celle dont il faisait partie avant sa lésion. Or, en l’espèce, la CSST n’a pas vérifié la possibilité d’une telle réintégration dans une autre unité de négociation de la Ville.

2)     La mise en application du droit au retour au travail

[76]         Le paragraphe 9.30 b) — qui édicte que l’employé qui est réintégré dans une fonction autre que la sienne à la suite d’une lésion professionnelle «  ne peut être déplacé par un autre employé  » — prévoit pour sa part une modalité spécifique d’application du droit au retour au travail.

[77]         Il en va de même pour le paragraphe 9.30 c) - qui s’applique plus particulièrement à la présente affaire - qui stipule que «  l’employé titulaire (ou auxiliaire au prorata) qui n’a pas recouvré un emploi ne peut être remercié de ses services  ». Par voie de conséquence, cet employé pourra faire valoir son ancienneté sur toute fonction qui deviendra disponible à l’avenir, pourvu que celle-ci respecte les limitations fonctionnelles établies par la CSST.

[78]         Il en va finalement de même avec le paragraphe 9.30 d) qui stipule qu’«  à défaut d’emploi disponible conforme à sa condition physique et à ses qualifications, les dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles s’appliquent [et que] par la suite, l’employé est couvert par les dispositions du régime d’assurance-salaire, s’il y a lieu  ».

[79]         En l’espèce, les parties m’ont préliminairement demandé de déterminer si la convention collective à l’étude contient des dispositions plus avantageuses que celles prévues par la loi, ou des modalités particulières d’application du droit de retour au travail.

[80]         Or, dans les deux cas, comme on vient de le voir, je dois répondre par l’affirmative, ce qui me permet de conclure que j’ai compétence pour entendre le grief à l’étude dans le respect de la compétence exclusive exercée par la CSST en matière de capacité du réclamant à accomplir un emploi.

VI- DISPOSITIF

[81]         Pour toutes les raisons qui précèdent, après avoir examiné la preuve et les plaidoiries, vérifié le droit et la jurisprudence applicables et sur le tout délibéré :

—  JE REJETTE l’objection préliminaire soulevée par la Ville;

—  JE CONSTATE que la convention collective contient des dispositions plus avantageuses que celles prévues par la loi, ainsi qu’un mécanisme particulier d’application du droit de retour au travail;

—  JE DÉCLARE avoir compétence pour trancher le présent litige, dans le respect de la compétence exclusive confiée à la CSST, et être prêt à entendre le fond de l’affaire.

 

 

 

 

 

 

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François Hamelin, arbitre

 

 

 

 

Pour le syndicat :

Pour la Ville :

M. Daniel Dussault

M e Dominique L’Heureux

 

 

Date d’audience :

 

28 mai 2012

 

Date de la décision :

27 août 2012

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Réf. : 6962-G

 



[1] Dans ces échanges, « T » signifie le réclamant (travailleur) et « E », l’employeur.

[2]          Dans ces notes, « T » signifie le réclamant (travailleur) et « cr », M me Ménard

[3]     LRQ, ch. A-3.001.

[4]     Société des établissements de plein air du Québec c. Syndicat de la fonction publique du Québec , Cour d’appel du Québec, 19 février 2009, AZ-50538934

[5]          Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 427 c. Tembec, usine de Matane , Cour d’appel du Québec, 30 janvier 2012, AZ-50825809

[6]           Voir la note 5 pour la référence exacte.