Date : 20120911
Dossier : IMM-2928-12
Référence : 2012 CF 1072
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2012
En présence de monsieur le juge Harrington
ENTRE :
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JING MEI YE
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demanderesse
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et
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CANADA (MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION)
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défendeur
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MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] M me Ye, citoyenne à la fois de la Chine et du Belize, est entrée au Canada en 2007 et a demandé l’asile. Elle était accompagnée de sa jeune fille, Peilin, née au Belize et citoyenne de ce pays. Le dossier n’indique pas clairement si l’enfant a aussi la citoyenneté chinoise.
[2] La tragédie les a frappées en 2006 lorsque deux cambrioleurs armés ont tiré une balle dans la tête de l’époux de M me Ye, qui était propriétaire d’un dépanneur au Belize. Peilin, qui n’avait alors que quatre mois, se trouvait dans les bras de son père.
[3] La balle est passée par l’œil du mari de M me Ye et s’est logée dans son cerveau. Il est depuis lors dans le coma.
[4] Avec l’aide de l’association sino-bélizienne, il a été rapatrié en Chine, où il est toujours hospitalisé. M me Ye et Peilin l’ont accompagné, mais sont venues quelques mois plus tard au Canada pour demander asile.
[5] La demanderesse craint d’être persécutée en Chine parce que son mari et elle ont une autre fille, plus âgée que Peilin, née en dehors des liens du mariage en Chine. Elle craint d’être stérilisée pour avoir violé la politique de l’enfant unique en vigueur dans ce pays.
[6] Sa crainte de persécution ou d’absence de protection au Belize repose sur l’épisode du cambriolage.
[7] Sa demande d’asile n’a pas abouti, tout comme sa demande subséquente d’examen des risques avant renvoi.
[8] Elle a aussi demandé l’autorisation de soumettre du Canada une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Ce type de demande doit normalement être présenté à l’extérieur du pays. Sa demande a été rejetée et c’est ce refus qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.
[9]
En
ce qui concerne M
me
Ye, le critère
bien établi qui sert de fondement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du
ministre au titre de l’article
[10]
Il
est déjà arrivé que des circonstances n’équivalant pas tout à fait à de la
persécution ou à un besoin de protection aux termes des articles
(1.3) Le ministre, dans l’étude de la demande faite au titre du paragraphe (1) d’un étranger se trouvant au Canada, ne tient compte d’aucun des facteurs servant à établir la qualité de réfugié — au sens de la Convention — aux termes de l’article 96 ou de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1); il tient compte, toutefois, des difficultés auxquelles l’étranger fait face.
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( 1.3) In examining the request of a foreign national in Canada, the Minister may not consider the factors that are taken into account in the determination of whether a person is a Convention refugee under section 96 or a person in need of protection under subsection 97(1) but must consider elements related to the hardships that affect the foreign national. |
[11] L’argument principal de la demanderesse est que le décideur n’a pas tenu compte de l’intérêt supérieur de Peilin. Il est certain que la demande de contrôle judiciaire serait dénuée de fondement si M me Ye était ici toute seule. L’agente qui a évalué son établissement a fait remarquer qu’une personne qui attend l’issue du processus de demande d’asile et de renvoi devrait normalement être établie dans une certaine mesure. L’établissement de la demanderesse ici n’était pas dû à des circonstances hors de son contrôle ou à l’impossibilité de quitter le Canada. La preuve ne permettait pas de conclure que les conditions au Belize [ traduction ] « sont à tel point mauvaises qu’elles constituent des difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées ». Le Belize est une démocratie constitutionnelle dotée d’un gouvernement qui contrôle son pays et a réussi à rendre illégale la discrimination fondée sur la race, le sexe, l’invalidité, la langue ou le statut social. Des lois de protection du bien-être des enfants existent et sont appliquées. Il n’y a aucune raison de croire que la demanderesse ne pourrait pas compter sur ses aptitudes, notamment dans la vente au détail, pour obtenir un emploi au Belize. Compte tenu de cette conclusion, l’agente n’a pas examiné la situation en Chine ni les difficultés auxquelles la demanderesse pourrait être exposée en cas de retour dans ce pays.
[12] L’agente a aussi reconnu que M me Ye présentait des symptômes du trouble de stress post-traumatique, mais a estimé que son état ne découlait pas tant des difficultés particulières existant au Belize que de son état mental.
[13] D’après les observations soumises, le même critère des « difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées » a été appliqué à Peilin. On fait valoir que ce n’est pas le bon critère juridique pour l’examen de l’intérêt supérieur d’un enfant, pas plus que ne l’est l’examen visant à déterminer si les [ traduction ]« besoins fondamentaux » de Peilin seraient satisfaits au Belize.
[14]
L’avocate
s’appuie largement sur une décision récente du juge James Russell,
Williams c
Canada (MCI)
,
[15] Au paragraphe 63 de la décision Williams , précitée, le juge Russell déclare que le décideur doit d’abord déterminer en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant, puis, en deuxième lieu, jusqu’à quel point l’intérêt de l’enfant est compromis par telle décision plutôt qu’une autre et, enfin, à la lumière de ce qui précède, le poids que ce facteur joue lorsqu’il s’agit de pondérer les facteurs positifs et les facteurs négatifs.
[16]
L’une
des décisions de principe postérieures à l’arrêt de la Cour suprême
Baker c
Canada (MCI)
,
[17] Dans le cas qui nous occupe, il n’est pas question de séparer Peilin de sa mère, dont les démarches l’ont éloignée de son père et de sa sœur aînée. Elle n’est pas citoyenne canadienne et restera normalement avec sa mère, où qu’elle puisse se trouver.
[18]
Contrairement
à l’affaire
Williams
, j’estime que, dans les présentes circonstances, l’argument
de la demanderesse en est un de forme plutôt que de fond. Le choix de mots est
assez malencontreux, mais il faut garder à l’esprit qu’il incombe à la
demanderesse d’établir des motifs d’ordre humanitaire (
Owusu c Canada (MCI)
,
[19]
Un
autre argument a été défendu devant moi. Le rapport psychologique produit pour
expliquer l’état d’esprit de M
me
Ye indiquait
aussi que sa dépression déteindrait probablement sur Peilin advenant leur
retour au Belize. Or, l’agente n’a pas expressément mentionné cet aspect du
rapport, qu’elle a manifestement lu. Il serait tout à fait injuste de prétendre
qu’elle a négligé un argument qui ne lui a pas été clairement présenté en
premier lieu. Comme l’a récemment affirmé la Cour suprême dans l’arrêt
Bande
indienne des
Lax Kw’alaams c Canada (Procureur général)
,
ORDONNANCE
POUR LES MOTIFS ÉNONCÉS ;
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.
« Sean Harrington »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
Cour fédérale
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
DOSSIER : IMM-2928-12
INTITULÉ : JING MEI YE C CANADA (ministre de Citoyenneté et Immigration)
LIEU DE L’AUDIENCE : VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 4 SEPTEMBRE 2012
Motifs de l’ordonnance
ET ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 11 SEPTEMBRE 2012
COMPARUTIONS :
Michelle C. Yau
Helen Park
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POUR LA DEMANDERESSE
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ho & Associates Avocats Vancouver (Colombie-Britannique)
Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Vancouver (Colombie-Britannique) |
POUR LA DEMANDERESSE
POUR LE DÉFENDEUR |