Consortium Delta inc. c. Aménagement et drainage Vincent inc. |
2012 QCCQ 6977 |
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JC2399
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« Division de pratique » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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LOCALITÉ DE |
QUÉBEC |
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« Chambre civile » |
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N o : |
200-22-060670-114 |
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DATE : |
6 septembre 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE MONSIEUR LE JUGE PIERRE CODERRE, J.C.Q. |
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CONSORTIUM DELTA INC., personne morale légalement constituée, ayant sa place d'affaires au 432, rue du Portail, Québec, (Québec) G1C 7B2 |
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Demanderesse |
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c. |
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AMÉNAGEMENT & DRAINAGE VINCENT INC., personne morale légalement constituée en vertu de la Loi sur les coopératives , ayant sa place d'affaires au 2160, avenue Chauveau, Québec, (Québec) G2C 1X3
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse, Consortium Delta inc. (Delta inc.) réclame 30 000 $ à la défenderesse, Aménagement & Drainage Vincent inc. (Vincent inc.) en raison des coûts de nettoyage de l'un de ses immeubles, à la suite du fait que de divers matériaux auraient été placés sans droit sur celui-ci par Vincent inc. La somme réclamée comprend aussi les frais de l'expert mandaté pour déterminer s'il y a eu ou non contamination de l'immeuble et des dommages punitifs.
[2] À la suite de la signification de la requête introductive d'instance, Vincent inc. a mandaté le cabinet d'avocats Boivin & associés pour la représenter. Une défense a été produite par l'un des avocats de cette firme, mais il a produit ultérieurement une requête pour cesser d'occuper, laquelle a été accueillie.
[3] Les avocats de Delta inc. ont fait signifier à Vincent inc. une mise en demeure de se constituer un nouveau procureur. Malgré cela, aucun nouveau procureur n'a été mandaté.
[4] C'est ainsi que Delta inc. a inscrit par défaut en vue d'obtenir jugement.
LES FAITS
[5] Delta inc. est une compagnie de construction qui possède plusieurs immeubles dont un est situé dans le parc industriel de Beauport dans la Ville de Québec. C'est d'ailleurs cette dernière qui lui a vendu en décembre 2010.
[6] Vincent inc. est une entreprise qui œuvre dans le domaine de l'aménagement paysager.
[7] Dans le parc industriel de Beauport, l'immeuble de Delta inc. est contigu à celui de Nova Construction inc. (Nova).
[8] Cette dernière a permis à Vincent inc., au cours du printemps 2011 de stationner un de ses camions sur son terrain aux abords de celui de Delta inc.
[9] Le 6 juin 2011, monsieur Alain Huot, président de Delta inc., constate qu'il y a une accumulation de matériaux sur le terrain de sa compagnie dont des amoncellements d'asphalte, de la terre, des palettes de bois et des blocs de béton.
[10] Le 15 juin, et à d'autres moments durant la semaine du 20 au 24 juin, il s'aperçoit que la quantité de rebuts a augmenté.
[11] Le 25 juin, il s'aperçoit qu'il y a un véhicule identifié au nom de Vincent inc. sur le terrain de Nova.
[12] Le 27 juin, lors d'une rencontre avec des représentants de Vincent inc. et de Nova, monsieur Huot obtient la confirmation par le représentant de Vincent inc. que c'est son entreprise qui a déversé les rebuts sur la propriété de Delta inc., sans autorisation.
[13] Vincent inc. s'engage à enlever ceux-ci au plus tard le 29 juin. Ce n'est que le 30 juin que cela est fait en partie.
[14] Le 13 juillet, monsieur Huot constate que le terrain de son entreprise est encore utilisé comme site d'entreposage de rebuts. Le 19 juillet, ceux-ci ont continués à s'accumuler sur le terrain de Delta inc.
[15] Le 26 juillet, les avocats de Delta inc. rédigent une mise en demeure adressée à Vincent inc. Celle-ci est signifiée à cette dernière le 3 août.
[16] Monsieur Huot mandate Laboratoires d'Expertises de Québec Ltée, spécialisée en géotechnique, environnement et ingénierie des sols et matériaux, afin de vérifier s'il y a eu ou non contamination du terrain en raison de l'entreposage des rebuts mentionné plus haut.
[17] Dans un affidavit circonstancié daté du 21 juin 2012, monsieur Frédéric Lortie, ingénieur junior à l'emploi de Laboratoires d'Expertises de Québec Ltée, écrit entre autres ceci à la suite d'un relevé des sols de surface réalisé le 17 août 2011 :
11. À l'exception de trois petits morceaux de béton bitumineux observés en surface, aucun matériau de remblais ou indice organoleptique de contamination n'a été observé dans les sols présents à l'endroit des sondages ;
[18] Cette expertise a coûté 411,49 $ à Delta inc.
[19] Cette dernière a utilisé les services de son personnel pour faire le nettoyage du terrain, le nivellement de celui-ci après l'enlèvement des rebuts et le transport des matériaux dans un site de dépôt de matériaux secs. Delta inc. a encouru des frais de 3 809,87 $ pour cela.
[20] Outre ces montants, Delta inc. réclame 25 000 $ à Vincent inc. à titre de dommages punitifs sur la base que l'entreposage de rebuts, sans autorisation, aurait été fait intentionnellement. Par cette demande, Delta inc. veut obtenir la sanction du comportement de Vincent inc.
LA QUESTION EN LITIGE
[21] La demande de Delta inc., basée sur l'entreposage sans autorisation de divers matériaux et rebuts sur son terrain par Vincent inc., est-elle bien fondée en fait et en droit? Si oui, à quel dédommagement a-t-elle droit?
ANALYSE
[22]
Chaque voisin doit avoir un comportement qui respecte les articles
6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.
7.
Aucun droit ne peut être exercé en
vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi
à l'encontre des exigences de la bonne foi.
976.
Les voisins doivent accepter les
inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la
tolérance qu'ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds,
ou suivant les usages locaux.
[23]
L'article
1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.
[24] Dans ce dossier, Delta inc., par l'entremise de son président monsieur Alain Huot, a fait la preuve prépondérante que Vincent inc., au cours des mois de juin et juillet 2011, a utilisé ses droits de manière à nuire à Delta inc., allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi, et ce en plaçant sur le terrain de cette dernière divers rebuts, sans autorisation.
[25] Selon monsieur Huot, il y a eu admission des faits de la part d'un représentant de Vincent inc. lors de la rencontre du 27 juin 2011. Des travaux de nettoyage partiel ont été faits par cette dernière le 30 juin.
[26] Par ailleurs, il y a encore eu des rebuts qui ont été ajoutés sur le terrain de Delta inc. au cours du mois de juillet 2011. Dans la défense telle que produite au dossier, Vincent inc. affirme que ce ne serait pas son entreprise qui aurait fait cela. Par ailleurs, à la suite de la mise en demeure de se constituer un nouveau procureur, celle-ci n'a pas comparu et en conséquence, n'a pas présenté de preuve lors de l'audition du 22 août 2012.
[27] Ainsi, le Tribunal retient la preuve présentée par Delta inc., soit des photographies et le témoignage du monsieur Huot à l'audience.
[28] Ainsi, le Tribunal accorde à Delta inc. sa réclamation pour les frais de nettoyage encourus au montant de 3 809,87 $ ainsi que les frais qu'elle a dû payer pour l'expertise qui a été réalisée sur son terrain au montant de 411,49 $.
[29]
Tel que mentionné plus haut, Delta inc. requiert aussi
25 000 $ à titre de dommages punitifs. Cette demande est basée sur
les articles
6
et
6. Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.
49.
Une atteinte illicite à un droit ou
à une liberté reconnus par la présente Charte confère à la victime le droit
d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou
matériel qui en résulte.
En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.
1621. Lorsque la loi prévoit l'attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.
Ils s'apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l'étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.
[30] Le deuxième alinéa de l'article 49 requiert pour qu'il y ait attribution de dommages-intérêts punitifs qu'il y ait atteinte illicite et intentionnelle. Dans son volume, Les Obligations , Me Vincent Karim affirme ceci à ce sujet [2] :
E. L'exigence d'un acte intentionnel
Le demandeur qui réclame l'attribution des dommages punitifs doit démontrer non seulement le fondement juridique de sa réclamation, mais aussi l'acte commis intentionnellement par le défendeur.
À titre d'exemple, l'article
Il suffit que la preuve démontre que l'auteur de l'atteinte illicite avait un désir de causer les conséquences de sa conduite 2746 ou qu'il a agi en toute connaissance de cause ou avec une insouciance déréglée et téméraire 2747 .
(Références omises)
[31] La preuve prépondérante établit qu'à la suite du nettoyage partiel réalisé par Vincent inc. le 30 juin 2011, non seulement le nettoyage n'a pas été complété entièrement à cette date, mais en plus il y a eu d'autres rebuts qui ont été placés sur le terrain de Delta inc. au cours du mois de juillet. La prépondérance de cette preuve est à l'effet que cela a été effectué par des employés ou représentants de Vincent inc.
[32] Ainsi, cette entreprise aurait agi en toute connaissance de cause en juillet 2011, ayant été mise au fait le 27 juin que le terrain où les rebuts avaient été entreposés était la propriété de Delta inc. Ainsi, il y a eu insouciance déréglée et téméraire de la part de Vincent inc.
[33] En conséquence, le Tribunal accorde à Delta inc. 1 000 $ à titre de dommages punitifs.
[34] Le total des montants accordés est donc de 5 221,36 $.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[35] ACCUEILLE partiellement la demande;
[36]
CONDAMNE
la défenderesse à payer à la demanderesse
5 221,36 $ avec intérêts au taux légal depuis la mise en demeure du 6
septembre 2011 et l'indemnité additionnelle prévue à l'article
[37] LE TOUT avec dépens.
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__________________________________ PIERRE CODERRE, J.C.Q. |
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M e René Bédard
Gosselin, Bédard
Casier n o 98
Procureurs de la demanderesse
Date d’audience : |
22 août 2012 |