Roy c. Capitale (La), assurances et gestion du patrimoine inc. (Capitale (La), assurances de personnes inc.) |
2012 QCCS 4464 |
|
|||||||
JT1185
|
|
||||||||
|
|
||||||||
CANADA |
|
||||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|
||||||||
DISTRICT DE |
QUÉBEC |
|
|||||||
|
|
||||||||
N° : |
200-17-008693-079 |
|
|||||||
|
|
||||||||
DATE : |
18 septembre 2012 |
|
|||||||
|
|
||||||||
______________________________________________________________________ |
|
||||||||
|
|
||||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
GEORGES TASCHEREAU, j.c.s. |
|
||||||
______________________________________________________________________ |
|
||||||||
|
|
||||||||
|
|
||||||||
MARCO ROY , domicilié et résidant au […] , East Broughton (Québec) […] |
|
||||||||
|
|
||||||||
Demandeur |
|
||||||||
|
|
||||||||
c. |
|
||||||||
|
|||||||||
LA CAPITALE ASSURANCES ET GESTION DU PATRIMOINE INC. (LA CAPITALE ASSURANCES DE PERSONNES INC.) , ayant une place d'affaires au 2875, boulevard Laurier, bureau 100, Édifice Le Delta II, Sainte-Foy (Québec) G1V 2M2 |
|||||||||
|
|||||||||
Défenderesse |
|||||||||
|
|||||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||||
|
|||||||||
JUGEMENT |
|||||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||||
|
|||||||||
|
|||||||||
[1] Le demandeur demande qu'il soit ordonné à la défenderesse de rétablir sa couverture d'assurance, de lui payer toutes les sommes qui lui sont dues à titre de prestations d'assurance invalidité depuis le 18 juin 2005 et de continuer de lui verser les prestations mensuelles auxquelles il a droit jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de 65 ans.
[2] Il réclame par ailleurs de la défenderesse une somme de 50 000 $ à titre de dommages pour atteinte à sa vie privée, une somme de 200 000 $ à titre de dommages pour atteinte illicite et intentionnelle à sa vie privée, et une somme de 50 000 $ à titre de dommages pour troubles, ennuis et inconvénients reliés au refus abusif de la défende-resse de lui verser les prestations.
[3] Il demande enfin qu'il soit ordonné à la défenderesse de maintenir les autres garanties du contrat sans exiger le paiement de primes.
[4] La défenderesse, par une demande reconventionnelle, réclame du demandeur le remboursement d'une somme de 40 716,49 $ qu'elle lui a payée en trop à titre de prestations entre le 28 avril 2003 et le 18 juin 2005.
[5] La scission de l'instance a été ordonnée par l'honorable Robert Pidgeon, Juge en chef associé, le 30 mars 2011 afin que, dans un premier temps, la période pendant laquelle le contrat d'assurance prévoit le paiement de prestations d'assurance invalidité soit déterminée. Le présent jugement vise à trancher cette première question.
LE CONTEXTE
[6] Le demandeur est entré à l'emploi de Les textiles Du-Ré ltée comme mécanicien industriel le 6 mars 2000.
[7] Le 28 avril 2000, la défenderesse a accepté une proposition d'assurance collective signée le même jour par Les textiles Du-Ré ltée et dont les garanties devaient entrer en vigueur le 1 er mai.
[8] Parmi les conditions générales de la proposition figuraient la suivante :
Invalidité totale : propre occupation : 24 mois.
[9] La proposition faisait état de sept classes d'employés. Il est reconnu que le demandeur était parmi les employés de classe 5.
[10] Les garanties prévues à la proposition en comprenaient notamment une d'assu-rance invalidité de courte durée et une d'assurance invalidité de longue durée. Dans le cas de l'assurance invalidité de courte durée, le délai de carence était de 7 jours consécutifs pour les employés de classe 5 en cas de maladie, mais il n'y en avait aucun en cas d'accident ou d'hospitalisation. La période maximale de versement de prestations était par ailleurs de 17 semaines. Dans le cas de l'assurance invalidité de longue durée, le délai de carence était la période d'application de la garantie d'assurance de courte durée, et la période maximale de versement de prestations était de deux ans.
[11] Les prestations d'assurance invalidité auxquelles les employés de classe 5 avaient droit étaient imposables.
[12] Ce même 28 avril 2000, le demandeur a signé un formulaire d'adhésion à l'assurance collective à compter du 1 er juin. Il a notamment choisi la protection d'assurance invalidité de courte durée et la couverture d'assurance invalidité de longue durée.
[13] Au moment de la signature du formulaire d'adhésion, le représentant de son employeur lui a remis une brochure décrivant les garanties du régime d'assurance collective, fournissant certains renseignements d'ordre général et indiquant la procédure à suivre pour réclamer. L'énoncé de ces informations était précédé de l'avis suivant au lecteur :
IMPORTANT
Ce document ne mentionne pas toutes les clauses concernant les définitions, l'admissibilité, l'adhésion, la fin de l'assurance et autres dispositions diverses. Toutefois, vous pouvez en connaître le contenu en consultant le contrat disponible chez le preneur ou chez votre employeur.
[14] Les délais de carence et les périodes maximales de versement de prestations mentionnés dans la brochure correspondaient à ceux mentionnés dans la proposition. Leur description, il va sans dire, était cependant plus précise. Concernant la période maximale de versement de prestations dans le cas de l'assurance invalidité de longue durée, il était indiqué ce qui suit :
(…)
Le premier versement de prestations est payable à compter du 31 e jour suivant l'épuisement du délai de carence défini plus haut et les versements suivants sont effectués à tous les mois par la suite et ce pendant une période maximale de 2 ans. Ces prestations sont imposables. Cette protection se termine au plus tard lorsque l'adhérent atteint l'âge de 65 ans ou à sa date de mise à la retraite, si antérieure.
[15] L'invalidité totale y était décrite dans les termes suivants :
Invalidité totale :
Un état d'incapacité, résultant d'une maladie ou d'un accident qui, pendant les 24 premiers mois, empêche l'adhérent de remplir toutes et chacune des fonctions de son emploi et exige des soins médicaux continus et, après 24 mois, empêche effectivement l'adhérent d'exercer toute activité rémunératrice pouvant corres-pondre raisonnablement aux aptitudes des personnes ayant son instruction, sa formation et son expérience quoique n'exigeant pas nécessairement des soins médicaux continus. Une invalidité totale débutant plus de 31 jours après un acci-dent est considérée comme résultant d'une maladie.
[16] La brochure se terminait par une mise en garde :
Le preneur peut en tout temps, après entente avec l'assureur, apporter des modifications au contrat concernant les catégories de personnes admissibles, l'étendue des protections et le partage des coûts entre les catégories de personnes assurées. De telles modifications peuvent alors s'appliquer à toutes les personnes assurées, qu'elles soient actives, invalides ou retraitées.
Ce document est distribué à titre informatif seulement et ne change en rien les conditions et dispositions du contrat.
[17] Le demandeur n'a pas pris connaissance de la proposition d'assurance au moment où il a signé le formulaire d'adhésion. Il l'a vue pour la première fois, en fait, après le début de la présente instance.
[18] La défenderesse a transmis la police à Les textiles Du-Ré ltée en juin 2000. Pour sa rédaction, le formulaire standard en vigueur chez la défenderesse depuis le 2 août 1999 a été utilisé. Ce formulaire servait pour les groupes ayant certaines exigences, mais pas suffisamment pour que l'on rédige une police particulière.
[19] La police comportait les deux réserves suivantes sur sa page frontispice:
(…)
Ce contrat est établi en considération de la proposition signée par le Preneur. En cas de contradiction entre les différents documents constituant le contrat, les termes et dispositions des présentes prévalent sur ceux des autres documents sauf sur ceux de la proposition d'assurance qui prévalent en tout temps.
(…)
Les protections décrites aux présentes s'appliquent sous réserve des protections retenues à la proposition d'assurance. Toute disposition de la proposition qui diverge des clauses et conditions ci-après a prépondérance sur le présent con-trat.
[20] L'invalidité totale était décrite à son paragraphe 1.16:
Invalidité totale:
Un ébat d'incapacité, résultant d'une maladie ou d'un accident qui, pendant le délai prévu à la proposition d'assurance, empêche l'adhérent de remplir toutes et chacune des fonctions de son emploi et exige des soins médicaux continus et, après ce délai, empêche effectivement l'adhérent d'exercer toute activité rému-nératrice pouvant correspondre raisonnablement aux aptitudes des personnes ayant son instruction, sa formation et son expérience, quoique n'exigeant pas nécessairement des soins médicaux continus.
Une invalidité totale débutant plus de 31 jours après un accident est considérée comme une maladie.
[21] Les modalités de la garantie d'assurance invalidité de courte durée étaient énoncées à son article 6. Il y était notamment stipulé ce qui suit:
ARTICLE 6 - GARANTIE D'ASSURANCE SALAIRE COURTE DURÉE
Sur réception et approbation par l'Assureur des preuves établissant qu'un adhérent en vertu du présent contrat est devenu invalide tel que défini aux présentes, et après expiration du délai de carence tel que prévu à la proposition d'assurance, l'Assureur verse à cet adhérent une rente hebdomadaire dont le montant est déterminé ci-après:
6.1 Période de prestation
Le premier versement est payable à compter du 7 e jour suivant l'expiration du délai de carence et les versements suivants sont effectués à toutes les semaines par la suite.
De plus, le droit aux prestations cesse à la première des éventualités suivantes:
6.1.1 l'expiration de la période maximale de prestations tel que prévu à la proposition d'assurance;
6.1.2 la mise à la retraite de l'adhérent;
6.1.3 la cessation de l'invalidité totale;
(…)
[22] Celles de la garantie d'assurance invalidité de longue durée étaient par ailleurs énoncées à son article 7. Il y était notamment stipulé ce qui suit:
ARTICLE 7 - GARANTIE D'ASSURANCE SALAIRE LONGUE DURÉE
Sur réception et approbation par l'Assureur des preuves établissant qu'un adhérent, en vertu du présent contrat est devenu invalide tel que défini aux présentes, et après expiration du délai de carence tel que prévu à la proposition d'assurance, l'Assureur verse à cet adhérent une rente mensuelle dont le montant est déterminé ci-après:
7.1 Période de prestations
Le premier versement de rente est payable à compter du 31 e jour suivant l'expiration du délai de carence et les versements suivants sont effectués mensuellement par la suite.
De plus, le droit aux prestations cesse à la première des éventualités suivantes:
7.1.1 le dernier jour de la semaine au cours de laquelle l'adhérent atteint l'âge de 65 ans ou sa date de mise à la retraite si antérieure;
7.1.2 la cessation de l'invalidité totale;
(…)
[23] On n'a jamais montré cette police au demandeur ni offert de la lui montrer, et il ne l'a jamais consultée ni demandé de la consulter.
[24] Le demandeur a été déclaré invalide à la suite d'un accident survenu le 30 décembre 2000. Considérant la cause de son invalidité, il a pu bénéficier de prestations d'assurance invalidité de courte durée sans délai de carence. La période maximale de 17 semaines au cours de laquelle des prestations d'assurance invalidité de courte durée pouvaient lui être versées se terminait le 28 avril 2001.
[25] Une convention collective a été signée le 27 mars 2001 entre Les textiles Du-Ré ltée et ses employés pour la période allant du 1 er janvier 2001 au 31 décembre 2003.
[26] Quelques jours auparavant, soit le 23 mars, monsieur Clément St-Laurent, le courtier d'assurance au dossier, transmettait à madame Nathalie Péloquin, une préposée de la défenderesse, une page du projet de convention collective comprenant certaines clauses afférentes à l'assurance collective, notamment une stipulant que les dispositions prévues à la police maîtresse étaient la base des garanties dont les salariés jouissaient. Son envoi était accompagné du message suivant:
Ci-joint le document de la convention collective chez Du-Ré. Je te rappelle que la classe 5 doit être payable en salaire jusqu'à 65 ans à 1.01/100 $. Que la classe 4 suivra sou (sic) peu et que toutes les autres classes restent pareils (sic) (à 48 ¢ du 100 $). Les classes 4 et 5 deviendront non taxables lorsque nous effectuerons les changements. Le changement de la classe 5 est effectif au 4 mars 2000.
Merci
(signé) Clément St-Laurent
[27] Il convient de souligner ici que, selon la proposition du 28 avril 2000, les employés des classes 1 à 5 étaient les seuls pour lesquels une garantie d'assurance invalidité de longue durée était prévue et que, parmi ces derniers, les employés des classes 4 et 5 étaient les seuls à l'égard desquels la période maximale de versement de prestations ne se terminait pas à l'âge de 65 ans.
[28] Nathalie Péloquin a donné suite à la demande du courtier le 8 mai et rédigé le résumé d'intervention suivant, dont le courtier a eu communication:
Contrat : Les textiles Du-Ré ltée Numéro : 6648
Objet : Avis de modification
Date : 8 mai 2011 Requérant : Clément St-Laurent
Question :
Faire un avis de modification
Pour l'assurance salaire de longue durée
Pour la classe 5, les prestations deviennent non imposables
et payable (sic) jusqu'à 65 ans. Taux : 1.01 $
Pour les autres classes (1-2-3-4) aucun changement Taux : 0,48 $
Cette modification entre en vigueur le 1 er avril 2001
Intervenant : (signé) Nathalie Péloquin
[29] La police a été modifiée le 10 mai 2001 :
MODIFICATION D'ASSURANCE COLLECTIVE "STANDARD"
CONTRAT 6648
PRENEUR : LES TEXTILES DU-RÉ LTÉE
LA PRÉCISION SUIVANTE ENTRERA EN VIGUEUR EN DATE DU : 1 er avril 2001
ASSURANCE SALAIRE DE LONGUE DURÉE
Classe 5 seulement
Prestations : non imposables
Période maximale des prestations : 65 ans
Nouvelle tarification :
Classe 5 : 1,01 $
Classe 1, 2, 3 et 4 : 0,48 $
CETTE MODIFICATION FAIT PARTIE INTÉGRANTE DU CONTRAT D'ASSU-RANCE ÉMIS AU NOM DU PRENEUR
(…)
[30] La défenderesse a informé le demandeur le 14 mai de son admissibilité à l'assu-rance invalidité de longue durée à compter du 28 avril :
(…)
Monsieur,
Nous vous versons présentement des prestations en vertu de la garantie d'assurance invalidité de courte durée et selon les dispositions de votre contrat, la durée maximale est de 17 semaines.
À compter du 28 avril 2001, vous étiez admissible au paiement des prestations de la garantie d'assurance invalidité de longue durée selon les renseignements médicaux que nous possédons à votre dossier. L'agente responsable de votre dossier sera Mme Mireille Beaupré.
Les versements sont effectués mensuellement vers le 20 de chaque mois. Votre rente s'établit à 1588,42 $ brut (1323,58 $ net). Un versement vous est expédié pour la période du 28 au 30 avril 2001 au montant de 114,54 $ brut (101,95 $ net).
(…)
Liz Dion, Tech. adm
Service des prestations
Secteur de l'invalidité
(…)
[31] Une police modifiée a été émise l'année suivante. Le formulaire porte la date du 1 er février 2002. Comme, selon la proposition du départ, le contrat était renouvelable le 1 er août 2001, il est permis de supposer, sans qu'on puisse l'affirmer, que cette police modifiée a été émise à l'occasion du second renouvellement, le 1 er août 2002.
[32] La définition de l'invalidité totale énoncée au paragraphe 1.22 de la police de 2002 diffère quelque peu de celle énoncée au paragraphe 1.16 de celle de 2000. Il paraît convenable de la reproduire pour les fins du présent exercice :
"Invalidité totale" : un état d'incapacité, résultant d'une maladie ou d'un accident qui, pendant le délai prévu à la proposition d'assurance, empêche l'adhérent de remplir toutes et chacune des fonctions de son emploi et exige des soins médi-caux continus et, après ce délai quoique n'exigeant pas nécessairement des soins médicaux continus, empêche effectivement l'adhérent d'exercer toute activité rémunératrice pour laquelle il possède des aptitudes raisonnables compte tenu de son éducation, de sa formation ou de son expérience. L'invalidité totale est déterminée sans qu'il soit tenu compte de l'existence ou de la disponibilité d'un tel emploi ou activité.
Une invalidité totale débutant plus de 31 jours après un accident est considérée comme résultant d'une maladie.
[33] Les modalités de la garantie d'assurance invalidité de longue durée, comme on la désigne dans la police modifiée, sont énoncées à son article 8. Il y est notamment stipulé ce qui suit :
ARTICLE 8 - GARANTIE D'ASSURANCE INVALIDITÉ LONGUE DURÉE
Si la garantie est retenue à la proposition d'assurance, l'adhérent bénéficie de la protection décrite ci-après :
Sur réception et approbation par l'Assureur de preuves établissant qu'un adhérent, en vertu du présent contrat, est devenu invalide tel que défini aux présentes et après expiration du délai de carence tel que prévu à la proposition d'assurance ou la fin de la période de prestations d'assurance invalidité courte durée si cette période excède le délai de carence, l'Assureur verse à cet adhérent une prestation mensuelle dont le montant est déterminé ci-après.
8.1 Période de prestations
Le premier versement de la prestation est payable à compter du 31 e jour suivant l'expiration du délai de carence et les versements suivants sont effectués mensuellement par la suite.
De plus, le droit aux prestations cesse à la première des éventualités suivantes :
8.1.1 le dernier jour de la semaine au cours de laquelle l'adhérent atteint la période maximale de prestations indiquée à la proposition d'assurance ;
8.1.2 la mise à la retraite de l'adhérent;
8.1.3 la fin de l'invalidité totale;
(…)
[34] Le 29 avril 2003, la défenderesse, s'appuyant sur la définition de l'invalidité totale énoncée dans la police de 2000, a informé le demandeur que, selon les renseignements qu'elle possédait, elle pouvait considérer que sa condition de santé correspondait à un état d'invalidité totale pour l'exercice de tout travail rémunérateur auquel il était apte suivant son éducation, son entraînement et son expérience et qu'elle acceptait, tel que demandé, de poursuivre temporairement le paiement de prestations d'invalidité au-delà du 28 avril, date du changement de la définition de l'invalidité totale, et ce, jusqu'à une date indéterminée.
[35] La défenderesse a avisé le demandeur de sa décision de poursuivre temporaire-ment le paiement des prestations d'invalidité à deux reprises par la suite en 2003, soit le 4 novembre et le 22 décembre. Chaque fois, elle s'est appuyée sur la définition de l'invalidité totale énoncée dans la police de 2000.
[36] La défenderesse a avisé le demandeur le 14 juin 2005 qu'il ne serait plus admis-sible à des prestations d'invalidité à compter du 17 du même mois dans les termes suivants :
(…)
Objet : Demande de prestations d'invalidité
Assurance salaire de longue durée
Monsieur,
Nous avons révisé votre dossier à la suite de votre arrêt de travail du 30 décembre 2000.
Tout d'abord, nous tenons à vous informer qu'en vertu des termes stipulés au régime d'assurance collective auquel vous avez souscrit, l'invalidité totale se définit comme suit :
"Un état d'incapacité, résultant d'une maladie ou d'un accident qui, pendant le délai prévu à la proposition d'assurance, empêche l'adhé-rent de remplir toutes et chacune des fonctions de son emploi et exige des soins médicaux continus et, après ce délai quoique n'exi-geant pas nécessairement des soins médicaux continus, empêche effectivement l'adhérent d'exercer toute activité rémunératrice pour laquelle il possède des aptitudes raisonnables compte tenu de son éducation, de sa formation et de son expérience."
Ainsi, nous devrions évaluer si votre condition médicale vous empêchait d'occu-per votre emploi régulier, et ce, jusqu'au 28 avril 2003. À compter de cette date, il devait être établi que vous étiez totalement invalide pour exercer un autre emploi rémunérateur, afin que nous puissions poursuivre le versement des prestations d'invalidité.
Toutefois, avec les renseignements que nous avions à la date du changement de définition de votre contrat d'assurance collective, nous ne pouvions affirmer que votre condition médicale correspondait à un état d'invalidité totale pour tout emploi rémunérateur. Par conséquent, nous avions accepté de vous octroyer temporairement des prestations d'invalidité sous toutes réserves , et ce, sans reconnaître un état d'invalidité totale pour tout emploi rémunérateur.
Dernièrement, nous avons obtenu de nouveaux renseignements relativement à votre condition médicale et révisé entièrement votre dossier. Notre analyse nous amène à conclure que votre état de santé ne correspond pas à la définition de l'invalidité totale de votre contrat d'assurance collective.
Par conséquent, nous vous informons qu'à compter du 17 juin 2005, soit à la date de réception de la présente vous ne serez plus admissible à des prestations d'invalidité.
Nous croyons que le tout est conforme aux dispositions de votre contrat et vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos sentiments les meilleurs.
(signé) Giselle Couette, Tech. Adm.
Prestations d'invalidité longue durée
Assurance collective
(…)
[37] Cette fois, la défenderesse s'appuyait sur la définition de l'invalidité totale énoncée dans la police de 2002 qui renvoyait à la proposition d'assurance.
[38] Cette décision de la défenderesse a amené l'introduction de la demande du demandeur en juillet 2006.
[39] Dans la demande reconventionnelle jointe à sa défense signifiée au demandeur en novembre 2006, la défenderesse réclame le remboursement des prestations versées au demandeur après le 28 avril 2003 au motif que ce dernier n'y avait plus droit à compter de cette date et que c'est par erreur qu'elle a continué de lui en verser. Elle allègue avoir constaté son erreur en avril 2006.
ANALYSE
[40] Le Tribunal, rappelons-le, est invité, à cette étape du litige, à déterminer la période pendant laquelle le contrat d'assurance collective intervenu entre Les textiles Du-Ré ltée et la défenderesse et auquel le demandeur a adhéré prévoit le paiement de prestations d'assurance invalidité de longue durée à ce dernier. Plus précisément, il faut décider si, comme suite à son accident du 30 décembre 2000, le demandeur avait droit à de telles prestations pendant deux ans, ou s'il y a plutôt droit tant que sa condition de santé correspond à un état d'invalidité totale ou jusqu'à l'âge de 65 ans, selon le dernier des événements à survenir.
[41]
La formation d'un contrat d'assurance a été initiée en l'instance par la
proposition soumise par Les textiles Du-Ré ltée à la défenderesse le 28 avril
2000. Cette proposition était une offre de contracter au sens de l'article
Art. 1388. Est une offre de contracter, la proposition qui comporte tous les éléments essentiels du contrat envisagé et qui indique la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation.
[42] Les éléments essentiels des garanties d'assurance invalidité de courte durée et d'assurance invalidité de longue durée souhaitées par Les textiles Du-Ré ltée pour les employés de classe 5 dont le demandeur faisait partie étaient clairement énoncés dans cette proposition. Disons-le encore une fois. Dans le cas de l'assurance invalidité de courte durée, un délai de carence de 7 jours consécutifs était prévu en cas de maladie, mais il n'y en avait aucun en cas d'accident ou d'hospitalisation. La période maximale de versement des prestations était par ailleurs de 17 semaines. Dans le cas de l'assurance invalidité de longue durée, le délai de carence était la période d'application de la garantie d'assurance de courte durée, et la période maximale de versement des prestations était de deux ans. Aucune place n'était laissée à l'interprétation.
[43]
Un contrat d'assurance s'est formé ce même 28 avril 2000, dès que la
défende-resse a accepté la proposition de Les textiles Du-Ré ltée. L'article
Art. 2398. Le contrat d'assurance est formé dès que l'assureur accepte la proposition du preneur.
[44]
Le contrat d'assurance ainsi formé, que l'on désigne sous le vocable de
contrat-cadre puisqu'il s'agit d'un contrat d'assurance collective, était
destiné à couvrir les personnes qui, éventuellement, adhéreraient au groupe
constitué des employés réguliers à temps plein de Les textiles Du-Ré ltée. Le
caractère particulier du contrat d'assurance collective ressort à la lecture de
l'article
Art. 2392. L'assurance de personnes porte sur la vie, l'intégrité physique ou la santé de l'assuré.
L'assurance de personnes est individuelle ou collective.
L'assurance collective de personnes couvre, en vertu d'un contrat-cadre, les personnes adhérant à un groupe déterminé et, dans certains cas, leur famille ou les personnes à leur charge.
[45] Lorsque le demandeur a signé le formulaire d'adhésion à l'assurance collective, ce même 28 avril 2000, et notamment choisi les garanties d'assurance invalidité de courte durée et d'assurance invalidité de longue durée, le représentant de son em-ployeur, on s'en souvient, lui a remis une brochure où étaient notamment énoncés les délais de carence et les périodes maximales de versement des prestations applicables dans le cas de chaque garantie. De plus amples explications lui étaient communiquées dans la brochure à l'égard de ces délais de carence et ces périodes maximales de versement de prestations, mais les données de base étaient identiques à celles dans la proposition. Encore une fois, aucune place n'était laissée à l'interprétation.
[46] Au moment où le demandeur a reçu cette brochure, le 28 avril 2000, la seule preuve formelle de l'accord de volonté entre Les textiles Du-Ré ltée et la défenderesse constituant le contrat d'assurance était la proposition de Les textiles Du-Ré ltée accep-tée par la défenderesse et, grâce à l'avis au lecteur qu'elle comprenait au tout début, le demandeur était invité à la consulter. Ce dernier peut déclarer aujourd'hui qu'il n'a pas demandé de consulter la proposition. Il ne peut cependant prétendre qu'on n'a jamais offert de la lui montrer.
[47] Ce qu'il est important de retenir, de toute façon, c'est qu'au moment où le lien juridique entre la défenderesse et lui s'est formé, le demandeur pouvait consulter deux documents afin de connaître les éléments essentiels des garanties d'assurance invalidité de courte durée et d'assurance invalidité de longue durée qu'il choisissait et que les délais de carence et les périodes maximales de versement de prestations énoncés dans celui qu'il a consulté, la brochure, étaient les mêmes que dans la pro-position. Le tout se tenait
[48] Les textiles Du-Ré ltée a reçu la police d'assurance en juin 2000.
[49]
Selon l'article
[50]
L'article
Elle doit indiquer, outre le nom des parties au contrat et celui des personnes à qui les sommes assurées sont payables ou, si ces personnes sont indétermi-nées, le moyen de les identifier, l'objet et le montant de l'assurance, la nature des risques, le moment à partir duquel ils sont garantis et la durée de la garantie, ainsi que le montant ou le taux des primes et les dates auxquelles celles-ci viennent à échéance.
[51]
L'article
Art. 2416 . L'assureur doit, dans une police d'assurance contre la maladie ou les accidents, indiquer expressément et en caractères apparents la nature de la garantie qui y est stipulée.
Lorsque l'assurance porte sur l'invalidité, il doit indiquer, de la même manière, les conditions de paiement des indemnités, ainsi que la nature et le caractère de l'invalidité assurée. À défaut d'indication claire dans la police concernant la nature et le caractère de l'invalidité assurée, cette invalidité est l'inaptitude à exercer le travail habituel.
[52]
En donnant un caractère impératif aux dispositions des articles
[53] Le contenu de la police, cela va de soi, doit être fidèle à celui de la proposition parce que, à compter de la délivrance de la police, les deux documents contractuels forment un tout et doivent être considérés ensemble. Il doit donc y avoir cohérence entre les deux.
[54] Le paragraphe 7.1 de la police délivrée par la défenderesse à Les textiles Du-Ré ltée en juin 2000 énonce clairement que le droit du demandeur à des prestations d'assurance invalidité de longue durée peut se prolonger jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de 65 ans alors que, selon la proposition, la période maximale de versement de telles prestations est de deux ans. Il y a donc une nette contradiction entre les deux docu-ments contractuels à ce sujet.
[55]
L'article
[56]
Le même article
[57]
De par sa rédaction même, la
disposition du 2
e
alinéa de l'article
[58]
Cet objectif du législateur de protéger l'assuré en cas de divergence
qui lui est défavorable a été reconnu par la Cour suprême du Canada dans
Robitaille
c.
Madill
[1]
où se soulevait l'application de l'article
[59]
Lors de l'étude de l'article
M. Rémillard: M. le Président, le principe qui nous guide dans cet article est celui du contrat, de la théorie du contrat, c'est-à-dire un échange de volonté entre deux parties. Dans ce cas-ci, la proposition est un contrat. L'assuré prend contact avec son assureur et convient donc d'une proposition des principaux éléments de contrat qui s'établissent entre les deux, donc assureur et assuré. Par conséquent, si cet échange de volonté est modifié substantiellement, il est, à mon avis, bien normal que ces changements, ces modifications soient signifiés à l'assuré pour qu'il en soit informé. C'est une simple conséquence de la théorie des contrats en fonction des éléments substantiels et, par conséquent, ce que nous demandons dans cet article, c'est que l'assureur fasse parvenir une police avec un document qui établit précisément les éléments substantiels sur lesquels il y a divergence entre la proposition et la police. Pour nous, c'est une consé-quence directe de la notion de contrat, d'un échange de volonté et d'une protection qu'on doit assurer à l'assuré parce qu'il a, lui, une connaissance de sa couverture d'assurance en fonction de la proposition du contrat qu'il a établi avec l'assureur. Donc, c'est un article qui découle directement du principe de la théorie des contrats. [2]
[60]
L'arrêt rendu par la Cour d'appel dans
Larrivée
c.
SSQ
Mutuelle d'assurance groupe
[3]
en 2000 signale également que l'article
La théorie de la divergence vise à s'assurer que la protection et les conditions sur lesquelles les parties se sont entendues soient celles accordées et que l'assureur n'a pas fait une contre-offre au lieu de les accepter. En fait, la diver-gence doit être examinée à la lumière de l'ampleur de la couverture que croyait obtenir l'adhérent. On considérera généralement comme une divergence, une modification au désir initial de l'assuré qui fera en sorte qu'un volet de couverture sera exclu alors qu'il le croyait inclus.
[61]
Vu ce qui précède et considérant que, dans le présent cas, la divergence
dans la police est, au contraire, défavorable à l'assureur, il faut plutôt s'en
remettre aux règles générales d'interprétation des contrats pour trancher la
difficulté résultant de la contra-diction entre la proposition et la police,
plus particulièrement à l'article
Dans le doute, le contrat s'interprète en faveur de celui qui a contracté l'obliga-tion et contre celui qui l'a stipulée. Dans tous les cas, il s'interprète en faveur de l'adhérent ou du consommateur.
[62]
Le contrat d'assurance répond certainement à la définition du contrat
d'adhésion énoncée à l'article
Le contrat est d'adhésion lorsque les stipulations essentielles qu'il comporte ont été imposées par l'une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu'elles ne pouvaient être librement discutées.
Tout contrat qui n'est pas d'adhésion est de gré à gré.
Le contrat devant, en raison de ce fait, être interprété en faveur de l'assuré, il faut conclure qu'en date du 30 décembre 2000, date de l'accident du demandeur et date à laquelle son droit à des prestations s'est cristallisé, la période maximale de paiement de prestations d'assurance invalidité de longue durée était celle énoncée au paragraphe 7.1 de la police d'assurance délivrée en juin 2000.
[63] Le procureur de la défenderesse a attiré l'attention du Tribunal, à l'audience, sur deux réserves énoncées à la page frontispice de la police, plus particulièrement sur la seconde selon laquelle, d'une part, les protections décrites dans la police s'appliquent sous réserve des protections retenues à la proposition d'assurance et, d'autre part, toute disposition de la proposition qui diverge des clauses et conditions de la police a prépondérance sur cette dernière. Avec tout le respect, cet argument ne peut être retenu. On ne peut déjouer l'exigence impérative du contenu de la police voulue par le législateur par une clause de renvoi de portée générale à la proposition lorsqu'un élément essentiel d'une garantie est en cause. Un tel subterfuge, en plus d'être incompatible avec cette exigence impérative, fait fi de toute l'économie des dispositions du Code civil relatives au contrat d'assurance, qui visent à protéger l'assuré et à rétablir l'équilibre entre l'assureur et lui.
[64] Vu la conclusion à laquelle le Tribunal en vient, l'analyse de l'effet de la modifi-cation apportée au contrat d'assurance le 10 mai 2001 sur le droit du demandeur à des prestations d'assurance invalidité de longue durée devient sans objet.
[65] Il n'y a pas lieu, pour la même raison, d'analyser de façon élaborée la prétention de la défenderesse qu'elle a par erreur continué de verser des prestations d'assurance invalidité de longue durée au demandeur pendant plus de deux ans au-delà de la date à laquelle, selon elle, elle était tenue de le faire. Le Tribunal se permet cependant de souligner que la défenderesse, dans ses communications écrites avec le demandeur, s'est longtemps référée à la définition de l'invalidité totale énoncée dans la police délivrée en juin 2000 lorsqu'il était question du versement des prestations. Elle s'est référée pour la première fois à la définition énoncée dans la police modifiée de 2002, on s'en souvient, dans sa lettre du 14 juin 2005 informant le demandeur qu'elle mettait fin au versement de prestations. Il devient ainsi permis de supposer que, pendant tout ce temps, la défenderesse a appliqué les dispositions de la police qu'elle avait elle-même rédigée pour administrer la réclamation. En soulevant aujourd'hui l'argument de l'erreur, elle invoque sa propre turpitude.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[66] DÉCLARE que, selon le contrat d'assurance collective intervenu entre la défenderesse et Les textiles Du-Ré ltée comme suite à la proposition de cette dernière datée du 28 avril 2000 et auquel le demandeur a adhéré le même jour, la période maximale de versement de prestations d'assurance invalidité de longue durée au demandeur est celle énoncée à l'article 7 de la police délivrée par la défenderesse à Les textiles Du-Ré ltée en juin 2000;
[67] RÉSERVE la compétence de la Cour supérieure à l'égard du résidu du litige;
[68] FRAIS À SUIVRE l'issue du litige.
|
|
|
__________________________________ GEORGES TASCHEREAU, j.c.s. |
|
|
Tremblay Bois Mignault Lemay, Casier # 4 |
|
Me André Bois |
|
Procureurs du demandeur |
|
|
|
Bellavance Roy & Talbot, Casier # 165 |
|
Me Hughes Roy |
|
Procureurs de la défenderesse |