Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 9 juillet 2012

Référence neutre : 2012 QCTAQ 07190

Dossier  : SAS-M-199338-1205

Devant le juge administratif :

YVAN LE MOYNE

 

S… G…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 

 


DÉCISION




[1]               Le Tribunal est saisi d’un recours à l’encontre d’une décision rendue par l’intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec, le 9 mai 2012, ayant pour effet d’exiger de la requérante qu’elle se soumette à un examen médical ainsi qu’à une évaluation complète auprès de l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec, et équiper son véhicule du dispositif d’antidémarrage prévu à l’article 76.1 du Code de la sécurité routière [1] .

[2]               À la suite d’une déclaration de culpabilité survenue le 2 juin 2011 pour une infraction à l’article 253 (A) du Code criminel (conduite avec facultés affaiblies), commise le 2 août 2008, le tribunal a rendu une ordonnance interdisant à la requérante de conduire pour un an, soit jusqu’au 2 juin 2012, mais avec la possibilité d’obtenir un permis restreint à compter du 2 septembre 2011.

[3]               L’intimée a alors révoqué le permis de conduire de la requérante conformément au paragraphe 4 du premier alinéa de l’article 180 du Code de la sécurité routière , qui énonce :

« 180.  Sont révoqués le permis d'apprenti-conducteur, le permis probatoire et le permis de conduire d'une personne déclarée coupable d'une infraction au Code criminel commise avec un véhicule routier ou un véhicule hors route et prévue aux articles suivants:

[…];

 4° l'article 253, le paragraphe 5 de l'article 254 ou les paragraphes 2 ou 3 de l'article 255.

[…]»

[4]               Dans un cas comme en l’espèce, des conditions additionnelles particulières s’appliquent à l’obtention d’un nouveau permis, tel que l’énonce le paragraphe 1 du quatrième alinéa de l’article 76 du Code de la sécurité routière , qui se lit comme suit :

« 76.  Aucun permis ne peut être délivré à une personne dont le permis a été révoqué ou dont le droit d'en obtenir un a été suspendu à la suite d'une déclaration de culpabilité pour une infraction visée à l'article 180 avant l'expiration d'une période d'un, de trois ou de cinq ans consécutive à la date de la révocation ou de la suspension selon que, au cours des 10 années précédant cette révocation ou cette suspension, elle s'est respectivement vu imposer aucune, une seule ou plus d'une révocation ou suspension en vertu de cet article.

[…]

Dans le cas où l'infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension en est une visée au paragraphe 4° du premier alinéa de l'article 180, les conditions additionnelles suivantes s'appliquent à la délivrance du nouveau permis:

 1° si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, la personne ne s'est vu imposer ni révocation ni suspension en vertu du paragraphe 4° du premier alinéa de l'article 180, elle doit alors:

a)   suivre avec succès le programme d'éducation reconnu par le ministre de la Sécurité publique et destiné à sensibiliser les conducteurs aux problèmes de la consommation d'alcool ou de drogue;

b)   établir à la satisfaction de la Société, au terme d'une évaluation sommaire faite par une personne dûment autorisée oeuvrant au sein d'un centre de réadaptation pour personnes alcooliques et autres personnes toxicomanes ou au sein d'un centre hospitalier offrant un service de réadaptation pour de telles personnes, que son rapport à l'alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d'un véhicule routier de la classe demandée. En cas d'échec, il doit être satisfait à cette exigence au moyen d'une évaluation complète;

[…]»

[5]               La requérante s’est soumise à une évaluation sommaire effectuée par l’ACRDQ le 28 mars 2012. Le rapport de cette évaluation, rédigé par madame Josée Champagne, lui fut cependant défavorable, ce qui a été à l’origine de la décision de l’intimée faisant l’objet du présent recours.

[6]               La conclusion de cette évaluation a été de recommander que la requérante se soumette à une évaluation complète, afin de s’assurer que ses habitudes de consommation d’alcool ne soient plus incompatibles avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier. On peut y lire :

«Madame a été reconnue coupable de conduite avec facultés affaiblies le 2 juin 2011. Il s’agit d’une première infraction à vie pour madame. Le taux d’alcoolémie au moment de son arrestation le 2 août 2008 est inconnu car madame aurait été incapable de souffler. Madame ne cumule aucun point d’inaptitude à son dossier de conduite.

Madame nous mentionne être abstinente d’alcool depuis mai 2011. Au cours des 35 derniers jours, aucun épisode de consommation ne nous est donc rapporté. Auparavant, elle nous rapporte des habitudes de consommation d’alcool régulières et excessives soit 7 jours par semaine, entre 6 à 12 consommations par jour. Elle consommait alors seule, à son domicile. Madame nous informe avoir fait 2 thérapies internes consécutives de septembre 2010 à octobre 2011, entrecoupé d’une rechute en avril 2011. Depuis sa sortie, madame aurait un suivi en externe et fréquenterait le mouvement des Alcooliques Anonymes à l’occasion.

L’ensemble des résultats de cette évaluation sommaire a retenu des mesures complémentaires dans ce dossier. Des facteurs de risque ont été révélés; malgré l’abstinence actuelle de madame, elle a subi plusieurs conséquences négatives à différents niveaux en lien avec sa consommation par le passé. De plus, madame nous mentionne avoir fait 2 thérapies par le passé et fréquente actuellement le mouvement des Alcooliques Anonymes. Une recommandation non favorable a donc été retenue.»

[7]               Témoignant à l’audience, la requérante relate que l’évaluation sommaire à laquelle elle a été soumise s’est déroulée adéquatement. Elle a répondu sincèrement et spontanément aux différents questionnaires. À l’issue du second test, l’évaluatrice lui aurait mentionné qu’au vu des résultats la recommandation serait vraisemblablement défavorable. Elle ne comprend pas que la recommandation indique que son comportement face à la consommation d’alcool représente encore un risque pour la sécurité routière, alors qu’elle a cessé toute consommation d’alcool depuis un an et qu’elle ne conduisait pas après avoir consommé de l’alcool.

[8]               À l’audience, le soussigné a fait la lecture du rapport d'évaluation sommaire. La requérante reconnaît que les constats qui y sont consignés sont exacts. Elle dit avoir besoin de son permis de conduire pour se rendre au travail. Elle soumet enfin divers documents (pièce R-1 en liasse), dont une attestation de sa participation à une démarche en réinsertion sociale et prévention de la rechute, depuis l’automne 2011, au Réseau communautaire d’aide aux alcooliques et autres toxicomanes.

 

[9]               Le Tribunal est appelé à statuer sur le bien-fondé de la décision de l’intimée d’exiger de la requérante notamment qu’elle se soumette à une évaluation complète. La requérante plaide que le Tribunal devrait écarter l’évaluation sommaire au profit de son témoignage à l’effet qu’elle n’a plus de problème d’alcool et qu’elle est privée de son permis de conduire.

[10]            L’évaluation sommaire a pour but d’évaluer la compatibilité du comportement de la requérante relativement à sa consommation d’alcool avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier. Elle détermine si son comportement face à la consommation d’alcool constitue un danger pour la conduite sécuritaire d’un véhicule automobile.

[11]            C’est en considérant l’ensemble des réponses de la requérante lors de l’évaluation sommaire ainsi que son dossier de conduite que l’évaluatrice a estimé qu’une évaluation complète était nécessaire. Le témoignage de la requérante à l’audience n’a pas été de nature à contrer l’évaluation objective qui a été réalisée à l’aide des réponses qu’elle a données spontanément, dans le cadre d’un protocole standardisé.

[12]            La jurisprudence est très abondante sur ce sujet. Le Code de la sécurité routière est d’ordre public. Les dispositions de l’article 76 de ce code sont absolument impératives. Pour obtenir son permis de conduire, la personne qui y est visée doit réussir l’évaluation sommaire pour que soit établi le fait que son rapport à l’alcool ne compromet pas la conduite sécuritaire d’un véhicule. Si elle échoue, la personne doit se soumettre à une évaluation complète.

[13]            À défaut d’une preuve que l’évaluation sommaire comporte des erreurs déterminantes, ou qu’elle a été effectuée par une personne non dûment autorisée ou encore une preuve qu’une autre évaluation sommaire démontre des résultats opposés à la première, le Tribunal n’a d’autre alternative que de s’en remettre aux dispositions précises de l’article 76 du code et de déclarer qu’en présence d’une évaluation sommaire défavorable, la requérante doit se soumettre à une évaluation complète.

[14]            Par ailleurs, le quatrième alinéa de l’article 76 du code ne permet ni à l’intimée ni au Tribunal de juger par d’autres moyens que l’évaluation sommaire si le rapport d’une personne à l’alcool ne compromet pas la conduite sécuritaire d’un véhicule.

[15]            Le Tribunal comprend la frustration de la requérante, qui affirme avoir répondu honnêtement aux questionnaires et est convaincue d’avoir désormais un rapport à l’alcool qui ne compromet pas la conduite sécuritaire d’un véhicule routier. Il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce, la conclusion de l’évaluation sommaire n’a pas été favorable alors que la preuve révèle que cette évaluation a été administrée et complétée selon les normes. Aussi, la requérante doit-elle se conformer aux exigences posées par la décision de l’intimée du 9 mai 2012.

[16]            POUR CES MOTIFS , le TRIBUNAL  :

REJETTE le recours.


 


 

 

YVAN LE MOYNE, j.a.t.a.q.


 

Me Mario Forget

Procureur de la partie intimée


 

YLM/cf



[1] L.R.Q., c. C-24.2.