Gaudreau c. Dallaire |
2012 QCCQ 7220 |
|||||
COUR DU QUÉBEC |
||||||
« Division des petites créances » |
||||||
CANADA |
||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||||
DISTRICT DE |
LAVAL |
|||||
LOCALITÉ DE |
LAVAL |
|||||
« Chambre civile » |
||||||
N° : |
540-32-023223-108 |
|||||
|
||||||
DATE : |
14 septembre 2012 |
|||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
DENIS LE RESTE, J.C.Q. |
||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
|
||||||
ANNE-MARIE GAUDREAU, |
||||||
Partie demanderesse |
||||||
c. |
||||||
JEAN-PIERRE DALLAIRE, |
||||||
Partie défenderesse |
||||||
|
||||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
JUGEMENT |
||||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
[1] La demanderesse réclame 6 311,50 $ du défendeur en remboursement et indemnités suite au non-respect d'une entente de séparation de fait entre les parties.
LES FAITS:
[2] Voici les faits les plus pertinents retenus par le Tribunal.
[3] Les parties ont fait vie commune à compter d'avril 2005 dans la résidence appartenant au défendeur.
[4] Avant de faire vie commune, la demanderesse était propriétaire d'un condominium qu'elle a loué à une tierce partie par la suite.
[5] En juillet 2007, des mésententes importantes surviennent entre les parties, ces dernières décidant de mettre fin à leur vie commune.
[6] Suite à des rencontres avec un psychologue, les parties ont mutuellement accepté de mettre par écrit l'aspect financier de leur rupture.
[7] L'entente signée par elles le 19 septembre 2007 établit, entre autres, ce qui suit:
« Après deux années de cohabitation les parties conviennent que leurs attentes mutuelles ne concordent pas et ni l'un ni l'autre ne veut accepter certaines attentes de l'autre. Dans ce contexte les parties conviennent de se séparer à l'amiable avec les conditions qui suivent.,
1- Concernant le déménagement de madame Gaudreau du condo de monsieur à son propre condo (…):
a) Monsieur convient d'assumer les frais du déménagement de tous les effets de madame de son condo à celui de madame;
b) Monsieur et madame assumeront ensemble, et dans la mesure du possible, l'emballage et le déballage des effets de madame, sauf les meubles. Il y aura des extras pour le piano, le divan du salon ainsi que l'armoire du mobilier de chambre de Madame.
[…]
2- Laveuse-sécheuse:
Monsieur convient de trouver à madame, à ses frais, une laveuse et sécheuse neuves ou usagées de pas plus de deux ans et en excellente condition; de marque Maytag, électronique si possible ou une autre marque reconnue à capacité maximale.
3- Téléviseur
Monsieur s'engage à procureur à madame un téléviseur-couleur neuf ou usagé à écran plat ne dépassant pas 28-32 pouces; marques préférées: Toshiba, Samsung ou Sony.
4- Nettoyage du condo de madame
Monsieur s'engage à assumer que le condo de madame sera nettoyé: fenêtres et vitres, salle de bain, l'intérieur et l'extérieur des armoires, toutes les plinthes et planchers; madame s'engage à avoir un estimé. Ont accepté madame Tania, de Nettoie-Tout, pour environ 225.00 $.
5- Téléphone et Vidéotron
Monsieur s'engage à assumer les frais d'installation du téléphone et de vidéotron pour l'ordinateur de madame avec internet. Madame verra à avoir un estimé.
Monsieur aidera madame pour le branchement de son ordinateur. Monsieur accepte des frais pour Bell d'environ 55.00 $ et pour Videotron, environ 70.00 $.
6- Tapis de l'escalier thermo-pompe
Monsieur s'engage à assumer le lavage du tapis de l'escalier et de la thermo-pompe (intérieur seulement) et madame aidera monsieur.
7- Meubles de jardin et parasol
Monsieur et madame assureront ensemble le lavage et l'installation de ces meubles sur la terrasse.
8- Enfants de monsieur
Madame refuse que les enfants de monsieur aident leur père pour les tâches ci-haut mentionnées.
Monsieur évitera dans la mesure du possible que ses enfants viennent à la maison.
9- Résidence de madame jusqu'à la date de son déménagement
Les parties conviennent que madame demeurera chez monsieur jusqu'à ce que son condo soit libéré; date limite, le 30 juin 2008. Le document a été déposé.
Madame pourra quitter plus tôt si son condo se libère avant cette date.
Madame donnera à monsieur copie de la preuve de reprise de logement signée par sa locataire.
[…]
12- Monsieur s'engage à changer le barillet des serrures des portes avant et du rangement au condo de madame. Le tout aux frais de monsieur: estimé: environ 120.00 $ (…). (sic)
[8] Parce que le condominium appartenant à la demanderesse ne pouvait se libérer avant, les parties ont convenu, malgré l'entente de séparation signée entre elles le 19 septembre 2007, qu'elles habiteraient pour quelques mois encore dans la résidence appartenant au défendeur.
[9] Cependant, le 17 avril 2008, des incidents de violence éclatent. Des plaintes criminelles ont été portées mutuellement entre l'une et l'autre des parties. La demanderesse a d'ailleurs fait l'objet d'une arrestation et a été incarcérée quelques heures.
[10] À compter de ce moment-là, un interdit de contact en vertu des procédures criminelles interdisait à la demanderesse d'entrer en contact avec le défendeur.
[11]
D'ailleurs, le 16 mars 2009, jour du procès, les accusations criminelles
ont mené à la signature par la demanderesse d'un engagement à ne pas troubler
l'ordre public en vertu de l'article
[12] Par cet engagement, la demanderesse s'engageait à respecter l'interdiction d'entrer en contact directement ou indirectement avec le défendeur pour quelques mois.
[13] La plainte logée par madame Gaudreau contre monsieur Dallaire a, cependant, elle, été retirée.
[14] Depuis le 17 avril 2008, date des incidents criminels, les parties n'ont pas communiqué entre elles, la demanderesse habitant chez une amie à compter de cette date.
[15] Ce ne sera que le 26 mai 2008 que les biens de la demanderesse ont été retirés du condominium appartenant au défendeur.
[16] C'est cependant la demanderesse qui a, elle-même, procédé à l'emballage de ses biens au domicile du défendeur en l'absence de ce dernier.
[17] La demanderesse réclame 6 311,50 $ alléguant que le défendeur n'a pas respecté l'entente signée le 19 septembre 2007. Elle détaille sa réclamation comme suit.
a) 1 826,32 $ pour l'achat d'un ensemble laveuse/sécheuse;
b) 1 340,95 $ pour l'achat d'un téléviseur;
c) 225,00 $ pour les frais de nettoyage de son condominium;
d) 62,08 $ pour les frais de branchement téléphonique;
e) 79,01 $ pour les frais de branchement de Vidéotron;
f) 383,78 $ pour le changement des serrures (barillets?);
g) 49,02 $ pour les coûts d'assurance résidentielle du 26 mai au 7 juillet 2008;
h) 31,02 $ pour les intérêts bancaires perdus;
i) 225,75 $ pour le nettoyage de la thermopompe, des tapis et des meubles de jardin;
j) 87,59 $ en frais d'huissiers;
k) 169,31 $ en frais d'avocats;
l) 1 080,00 $ pour frais de suivi psychologiques.
[18] Le solde jusqu'à concurrence de la réclamation de 6 311,50 $ est pour divers déboursés et dommages-intérêts.
[19] La demanderesse lie chacune des facettes de sa réclamation au fait qu'elle estime que le défendeur n'a pas respecté l'entente de séparation écrite.
[20] Elle admet, cependant, que le défendeur a payé les frais de déménagement de 3 524 $ le 26 mai 2008.
[21] Elle ajoute que son condominium ne s'est libéré que le 15 mai 2008 et c'est pourquoi elle a, pendant deux semaines, aménagé et nettoyé celui-ci à sa convenance avant d'y retourner.
[22] Le psychologue ayant aidé les parties à négocier et rédiger l'entente de séparation a été entendu lors de l'audience. Ce dernier décrit le climat dans lequel les parties ont accepté de signer cette entente.
[23] Il explique aussi qu'après les événements du 17 avril 2008, il a rencontré à 12 reprises la demanderesse pour des soins psychologiques.
[24] En défense, monsieur Dallaire explique qu'il n'a pas respecté l'entente de séparation parce que la demanderesse, elle-même, ne l'a pas fait. Entre autres, elle s'est portée à son endroit à des voies de fait le 17 avril 2008 et les interdits de contact qui en ont découlé font en sorte qu'il lui a été impossible de procéder aux achats des biens prévus dans l'entente. Il estime qu'il ne pouvait procéder aux achats de ces biens en l'absence de la demanderesse.
[25] Monsieur Dallaire ajoute qu'il a payé 3 524 $ en frais de déménagement, ce qu'il exorbitant. Il demande compensation au Tribunal parce qu'initialement, en avril 2005, il avait assumé 1 800 $ en frais de déménagement pour les mêmes biens, alors que la demanderesse aménageait chez lui. Si la facture a augmenté à 3 524 $ en juin 2008, c'est uniquement dû aux agissements de la demanderesse. Il demande que le Tribunal tienne compte de ce fait.
[26] Plus précisément, quant aux items réclamés par la demanderesse, il explique qu'un ensemble laveuse-sécheuse semblable et usagé lui aurait coûté environ 800 $. Un téléviseur, quant à lui, même neuf, pouvait s'acheter facilement pour environ 400 $. Il demande au Tribunal de réduire la réclamation de la demanderesse, le cas échéant, à ces montants.
[27] Il accepte de débourser les frais de nettoyage du condominium (225 $), de rebranchement du téléphone (62,08 $) et de Vidéotron (79,01 $).
[28] Quant aux frais de psychologue, il comprend mal pourquoi, alors que c'est la demanderesse qui s'est portée à des voies de fait à son endroit, le Tribunal pourrait accorder cette réclamation.
LE DROIT APPLICABLE:
[29] Le Tribunal souligne les articles pertinents du Code civil du Québec .
1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir,
responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de
réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui
par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a
sous sa garde.
1458.
Toute personne a le devoir d'honorer les
engagements qu'elle a contractés.
Elle est, lorsqu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel,
moral ou matériel, qu'elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce
préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l'application
des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de
règles qui leur seraient plus profitables.
1425.
Dans l'interprétation du contrat, on doit
rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de
s'arrêter au sens littéral des termes utilisés.
1426.
On tient compte, dans l'interprétation du
contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de
l'interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu'il peut avoir reçue,
ainsi que des usages.
2803.
Celui qui veut faire valoir un droit doit
prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver
les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804.
La preuve qui rend l'existence d'un fait
plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige
une preuve plus convaincante.
ANALYSE ET DISCUSSION:
[30] La réclamation de la demanderesse porte tant sur le volet contractuel (l'entente du 19 septembre 2007) que sur le volet délictuel.
[31] Quant au volet contractuel, le Tribunal estime que l'entente de séparation intervenue entre les parties le 19 septembre 2007 l'a été dans un climat acceptable et qu'elle lie chacune des parties.
[32] Le Tribunal estime qu'il faut déterminer le but qui a présidé la signature de cette convention par l'une et l'autre des parties.
[33] La prestation essentielle au cœur de cette entente est le fait que les parties désiraient négocier le côté financier de la rupture du couple.
[34] En d'autres termes, le Tribunal estime valable ce contrat puisque nous n'avons aucune raison de mettre en doute sa validité.
[35] La volonté réelle de l'une et l'autre des parties, leur véritable et commune intention, est celle exprimée par ce contrat. Le Tribunal ne peut s'écarter de l'interprétation littérale que nous devons donner à ce texte.
[36] Le Tribunal est cependant tenu d'user de sa discrétion judiciaire pour chacun des items de la réclamation. À ce chapitre, le Tribunal estime bien fondée en partie la réclamation et accorde les montants suivants:
a) 1 200 $ pour le remboursement des laveuse et sécheuse puisque l'entente prévoit expressément qu'elles pourront être neuves ou usagées, mais en excellente condition. Le Tribunal estime qu'à 1 200 $, les parties auraient pu acheter ces items en bonne condition;
b) 600 $ pour le téléviseur, puisque pour les mêmes raisons, le Tribunal estime qu'un appareil de 28 à 32 pouces peut être acquis pour cette somme;
c) 225 $ pour le nettoyage du condominium qui a d'ailleurs été admis par le défendeur;
d) 141,09 $ pour les frais de rebranchement téléphonique et de Vidéotron;
e) 120 $ pour le changement de barillet des serrures de portes.
Total: 2 286,09$
[37] Les autres réclamations de la demanderesse ne sont pas accueillies.
[38] Entre autres, les frais du psychologue ont été occasionnés également par les faits et gestes de la demanderesse lors des fâcheux incidents et de la violence qui a malheureusement éclaté le 17 avril 2008 entre les parties.
[39] Le Tribunal estime qu'à compter de cette date, il n'était certainement pas judicieux de demander aux parties d'aller ensemble effectuer les achats et le magasinage des biens visés par l'entente de séparation.
[40] La réclamation principale est donc accueillie pour la somme de 2 286,09 $.
[41] La demande reconventionnelle n'est pas accueillie. En fait, le Tribunal a déjà tenu compte des impacts du présent litige dans le cadre de l'évaluation de l'action principale. Les sommes réclamées en reconventionnelle par le défendeur ne sont pas justifiées selon la preuve retenue.
[42] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[43] ACCUEILLE en partie la réclamation.
[44]
CONDAMNE le défendeur, Jean-Pierre Dallaire, à payer à la demanderesse,
Anne-Marie Gaudreau, la somme de 2 286,09 $ plus les intérêts au taux
légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article
[45] REJETTE la demande reconventionnelle.
|
||
|
__________________________________ DENIS LE RESTE, J.C.Q. |
|
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
Date d’audience : |
4 septembre 2012 |
|