Taillon c. Pelletier

2012 QCCQ 7883

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

LOCALITÉ DE

SAINT-JÉRÔME

« Chambre civile »

N° :

700-32-023791-104

 

 

 

DATE :

5 OCTOBRE 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JIMMY VALLÉE, j.C.Q.

 

 

 

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SOPHIE TAILLON

Demanderesse

c.

MICHEL PELLETIER

Défendeur

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Madame Sophie Taillon réclame 1 502,62 $ à monsieur Michel Pelletier en remboursement de plancher flottant acheté au bénéfice de celui-ci chez Home Depot.

LES FAITS

En demande

[2]            Madame Taillon et monsieur Pelletier se sont fréquentés pendant environ 3 ou 4 mois en 2009. Pendant ces fréquentations, madame se rend avec monsieur au magasin Home Depot pour y faire certains achats dont notamment du plancher flottant devant servir à rénover la maison de monsieur.

[3]            Il demande alors à madame de payer la facture avec sa carte de crédit Home Depot. Madame hésite, car il lui est déjà arrivé de se «faire avoir» de la sorte, mais finit par acheter le plancher avec sa carte.

[4]            Les parties se séparent une semaine après cet achat et monsieur refuse de lui rembourser la somme payée.

En défense

[5]            Monsieur Michel Pelletier précise que madame a vécu chez lui pendant environ trois mois avec ses deux enfants, qu'il a payé toutes les dépenses et qu'il a également payé des vacances, notamment un voyage d'une dizaine de jours sur son bateau.

[6]            Il prétend que madame lui a offert le plancher en question en compensation de toutes les dépenses que celui-ci assumait pour elle. Il fait également entendre un de ses amis, monsieur Claude Beckers, qui, lors d'une conversation tenue dans un restaurant, a entendu madame Taillon mentionner qu'elle avait effectivement offert à monsieur le plancher flottant en question.

ANALYSE ET DÉCISION

Le fardeau de preuve

[7]            Afin de faciliter la compréhension du présent jugement par les parties, le Tribunal croit important de reproduire les articles du Code civil du Québec qui reçoivent ici application.

[8]            L'article 2803 C.c.Q énonce:

« Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »

[9]            Cet article impose au demandeur le fardeau de prouver les allégations contenues dans sa demande et ce, par prépondérance de preuve.

[10]         L'article 2804 C.c.Q. ajoute:

« La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »

[11]         Ce dernier article permet au Tribunal d'apprécier la preuve présentée de part et d'autre par les parties, afin de déterminer si, effectivement, l'existence d'un fait est plus probable que son inexistence.

[12]         La doctrine nous apprend que lorsque la preuve offerte n’est pas suffisamment convaincante ou encore si la preuve est contradictoire et que le juge est dans l’impossibilité de déterminer où se situe la vérité, le sort du procès va se décider en fonction du fardeau de preuve. Celui sur qui reposait l’obligation de convaincre perdra.

 

[13]         Comme le dit le professeur Royer [1] dans son traité sur la preuve civile :

 

La partie qui a le fardeau de persuasion perdra son procès si elle ne réussit pas à convaincre le juge que ses prétentions sont fondées.

 

 

Application en l'espèce

[14]         Il appartenait à madame Taillon d'établir par prépondérance de preuve que le montant payé par elle pour l'achat du plancher flottant devait lui être remboursé par monsieur et que monsieur s'était engagé en ce sens.

[15]         Or, cette prétention est contredite par monsieur, lequel est également appuyé du témoignage d'un de ses amis qui a entendu madame dire qu'elle lui offrait le plancher flottant.

[16]         Un contrat verbal est tout à fait légal, mais il s'avère souvent beaucoup plus difficile de le prouver dans un cadre judiciaire.

[17]         Le Tribunal se doit de noter l'absence de preuve satisfaisante émanant de madame Taillon en ce qui a trait à sa réclamation. La preuve est essentiellement ici contradictoire et composée en majeure partie des versions divergentes des deux protagonistes principaux, celle de monsieur étant appuyée par le témoignage de son ami Beckers.

[18]         Y a-t-il vraiment eu un accord de volonté quelconque et de ce fait existence d'un contrat liant les parties? Cette question demeure sans réponse claire.

[19]         Il va de soi qu'alors qu'ils sont ensemble, des conjoints de fait ne commenceront pas à rédiger des contrats sur chacun des éléments ayant un aspect financier dans leur relation. Cependant, lorsque vient le temps pour un des deux de réclamer judiciairement des sommes qu'il aurait payées au bénéfice de l'autre, la preuve s'avère souvent difficile à faire. Tel est le cas ici.

[20]         Après analyse de la preuve présentée de part et d'autre, le Tribunal conclut que madame ne s'est pas déchargée de son fardeau de prouver par prépondérance que monsieur devait lui rembourser la somme payée par elle pour l'achat de plancher flottant.

[21]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[22]         REJETTE la demande;

[23]         LE TOUT, sans frais, considérant les circonstances.

 

 

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JIMMY VALLÉE, j.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

14 SEPTEMBRE 2012

 



[1] Jean-Claude ROYER, La preuve civile , 2 e éd. Cowansville, éditions Yvon Blais Inc., p. 109 par. 190