RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX

 

 

NUMÉRO DU DOSSIER

:

40-1019652-002

[ACCES]

 

DATE DE L’AUDIENCE

:

2012-08-13 à Montréal

 

RÉGISSEURS

:

M e Pierre H. Cadieux

M. Jean Robert

 

TITULAIRE

:

9143-1163 Québec inc.

 

RESPONSABLE

:

M. Domenico Scali

 

NOM DE L’ÉTABLISSEMENT

:

Café Luna's

 

ADRESSE

:

9181, boul. Maurice Duplessis

Montréal (Québec) H1E 6M3

 

PERMIS ET LICENCES EN VIGUEUR

:

Bar, 1 er étage avant (42 personnes)

N o 9058405

 

Licence d’exploitant de site d’appareils de loterie vidéo n o 5322

 

Bar, 1 er étage arrière (31 personnes)

N o 9275496

 

Licence d’exploitant de site d’appareils de loterie vidéo n o 60632

 

Bar, Terrasse  (16 personnes)

N o 9275504

 

 

ET

 

DEMANDERESSE

:

9251-7598 Québec inc.

 

RESPONSABLE

:

M me Shu Dai Lu

 

NOM DE L’ÉTABLISSEMENT

:

Café Luna

 

ADRESSE

:

9181, boul. Maurice Duplessis

Montréal (Québec) H1E 6M3

 

DEMANDE

:

Mêmes permis et licences existants

 

NUMÉROS DE LA DEMANDE

:

144249 (AET) et 96379 (cession)

 

NATURE DE LA DÉCISION

:

Contrôle de l’exploitation et demande

 

DATE DE LA DÉCISION

:

2012-10-03

 

NUMÉRO DE LA DÉCISION

:

40-0005057

 

 

DÉCISION

 

[1]                Le 13 juin 2012, la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie) a adressé à la titulaire, 9143-1163 Québec inc., un avis de convocation à une audition afin d’examiner et d’apprécier les allégations de faits décrites à l’avis ainsi qu’aux documents qui lui sont annexés, d’entendre tout témoignage utile pour déterminer s’il y a eu manquement à la loi et, le cas échéant, suspendre ou révoquer les permis de bar et les licences d’exploitant de site d’appareils de loterie vidéo de la titulaire.

[2]                Par le même avis, la Régie convoquait la demanderesse, 9251-7598 Québec inc., à la même audition afin de compléter son analyse concernant sa demande pour les permis d’alcool et les licences suivants, et ce, suite à la cession du fonds de commerce :

-          permis de bar, situé au 1 er étage avant, capacité 42 (déjà existant);

-          permis de bar, situé au 1er étage arrière, capacité 31 (déjà existant);

-          permis de bar, situé sur la terrasse, capacité 16 (déjà existant);

-          deux licences d’exploitant de site d’appareils de loterie vidéo (déjà existantes).

 

LES FAITS

 

[3]                Les faits qui ont donné ouverture à la convocation se résument comme suit :

 

[Transcription conforme]

 

Historique

 

Le 9 février 2006, la Régie a rendu une décision de non-intervention suite au dépôt par la titulaire d’un engagement volontaire. La titulaire s’engageait notamment (Document 1):

 

·          À ce que ses deux bars soient indépendants et fonctionnels, c'est-à-dire qu’on y trouve notamment pour chacun d’eux, un comptoir de service, un inventaire de boissons alcooliques, des verres à boisson, un ou des réfrigérateurs, un évier fonctionnel, une caisse enregistreuse pour encaisser les ventes de boissons alcooliques et rembourser les billets gagnants provenant des appareils de loteries vidéo, ainsi qu’au moins un employé en permanence sur place pour assurer le service et la surveillance des appareils de loterie vidéo;

·          À ce qu’une comptabilité distincte soit tenue pour chacun des bars de l’établissement, incluant les appareils de loterie vidéo;

 

·          À ce que les appareils de loterie vidéo ne soient pas visibles de l’extérieur;

*****

Contenant(s) non timbré(s)

Le 6 octobre 2011, les policiers ont saisi, dans votre établissement, le(s) contenant(s) de boisson(s) alcoolique(s) suivant(s) (Document 1) :

 

- 1 bouteille(s) de boisson(s) alcoolique(s) de 1,14 litre(s) de marque Chemineaud, 40% alc./vol.

 

- 1 bouteille(s) de boisson(s) alcoolique(s) de 750 millilitre(s) de marque Morris Sloecain, 25% alc./vol.

 

- 1 bouteille(s) de vin  de 750 millilitre(s) de marque St-Raphaël, 16% alc./vol.

 

Un timbre identifiable de la Société des alcools du Québec n'était pas apposé sur ce(s) contenant(s).

 

Ce(s) contenant(s) a (ont) été trouvé(s) au bar principal.

 

Total en litres du (des) contenant(s) non timbré(s) : 2,64 litre(s)

 

*****

 

 

Bière ne provenant pas directement du brasseur ou d'une personne autorisée

 

Le 6 octobre 2011, les policiers ont saisi, dans votre établissement, le(s) contenant(s) de boisson(s) alcoolique(s) suivant(s) (Document 2) :

 

- 1 bouteille(s) de bière de 330 millilitre(s) de marque Grolsch, 5% alc./vol.

 

- 26 bouteille(s) de bière de 330 millilitre(s) de marque Calsberg, 5% alc./vol.

 

Ce(s) contenant(s) n'était(ent) pas marqué(s) (mention CSP ou timbre)

 

Ce(s) contenant(s) a (ont) été trouvé(s) au bar principal.

 

Total en litres du (des) contenant(s) : 8,91 litre(s)

 

*****


AUTRES INFORMATIONS PERTINENTES

 

La titulaire

 

La titulaire, 9143-1163 Québec inc., est autorisé(e) à exploiter cet établissement depuis le 24 août 2004.

 

Le 23 décembre 2009, la Régie a fait parvenir à 9143-1163 Québec inc. un avis au titulaire suite aux infractions survenues les 24 novembre 2006 et 15 février 2007, soit avoir toléré la présence de boissons alcooliques contenant des insectes.

 

Le 9 décembre 2010, la Régie a fait parvenir à 9143-1163 Québec inc., un avis au titulaire pour avoir admis, toléré et fait la vente, le service ou la consommation de boissons alcooliques plus de trente minutes après les heures permises, le 5 novembre 2010.

 

Le 6 octobre 2011, les policiers ont avisé la titulaire de la présence d’appareils d’amusement possédant une vignette expirée.

 

 

La demanderesse

 

Le 31 octobre, le bail de l’endroit où est exploité l’établissement prenait effet en faveur de 9251-7598 Québec inc.

 

Le 7 novembre 2011, 9251-7598 Québec inc. a déposé à la Régie, une demande pour les mêmes permis et licences. Aucune décision n’a été rendue à cet effet.

 

Le 18 novembre, l’avis relatif à la demande a été publié conformément à la loi et aucune opposition n’a été déposée.

 

La demanderesse, 9251-7598 Québec inc., exploite présentement l’établissement au moyen d’une autorisation d’exploitation temporaire (AET) : la première AET fut émise du 1 er décembre 2011 au 29 février 2012 et la seconde AET fut émise du 1 er mars 2012 et prendra fin le 30 mai 2012.

 

Le 31 décembre 2011, il y a eu cession du fonds de commerce en faveur de 9251-7598 Québec inc.

 

La date d'anniversaire du(des) permis est le 16 avril.

 

LES DEMANDES

 

Lors de l’analyse des demandes, la Régie a pris connaissance des faits suivants pour lesquels elle veut obtenir les observations du demandeur :

 

-       L’enquête administrative effectuée par le SPVM suite à la demande de permis révèle qu’ « aucune des parties n’a d’expérience dans la gestion d’établissement de ce genre. Les parties sont très peu au courant des responsabilités et des problèmes possibles reliés à ce type d’établissement ». (Document 3)

LE DROIT

 

[4]                Les dispositions légales qui s’appliquent dans le présent dossier sont les suivantes :

 

Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques [1] (LIMBA)

82.1. Sous réserve des droits qui lui sont conférés par la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), à titre de titulaire de permis de production artisanale ou de producteur artisanal de bière, un titulaire de permis ne peut garder, posséder ou vendre dans son établissement:

[…]

3°  de la bière qui n'a pas été achetée directement de la Société, d'un titulaire d'un permis de brasseur ou de distributeur de bière délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec ou d'un agent d'un titulaire de permis de brasseur ou de distributeur de bière.

[…]

84.  Il est défendu à un titulaire de permis de garder dans l'établissement où ce permis est exploité un contenant de boissons alcooliques autres que la bière et le cidre et sur lequel n'est pas apposé le timbre de la Société ou un contenant de boissons alcooliques fabriquées par un titulaire de permis de production artisanale sur lequel n'est pas apposé un autocollant numéroté de la Régie.

[…]

 

Loi sur les permis d'alcool [2] (LPA)

41.  La Régie doit refuser de délivrer un permis si elle juge que:

 1° la délivrance du permis est contraire à l'intérêt public ou est susceptible de porter atteinte à la sécurité publique ou de nuire à la tranquillité publique;

 1.1° le demandeur est incapable d'établir sa capacité d'exercer avec compétence et intégrité les activités pour lesquelles il sollicite le permis, compte tenu de son comportement antérieur dans l'exercice d'une activité visée par la présente loi;

 1.2° la demande de permis est faite au bénéfice d'une autre personne;

 2° l'établissement n'est pas conforme aux normes prescrites par une loi sur la sécurité, l'hygiène ou la salubrité dans les édifices publics ou sur la qualité de l'environnement ou par un règlement adopté en vertu d'une telle loi.

Elle doit également refuser de délivrer un permis si le demandeur a été déclaré coupable d'un acte criminel lié aux activités visées par la présente loi au cours des cinq années qui précèdent la demande ou n'a pas purgé la peine qui lui a été imposée pour un tel acte criminel, sauf s'il a obtenu la réhabilitation à l'égard de cet acte.

72.1.  Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de production artisanale, de brasseur, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis.

[…]

79.  La Régie peut, sur production des documents pertinents qu'elle peut exiger et sur paiement du droit déterminé conformément au règlement, autoriser temporairement une personne autre que le titulaire à exploiter un permis, si cette personne est le liquidateur de succession du titulaire du permis, son légataire particulier ou son héritier ou une personne désignée par eux, un syndic à la faillite, un liquidateur, un séquestre judiciaire ou conventionnel ou un fiduciaire qui administre provisoirement un établissement dans lequel le permis est exploité.

La Régie peut également, aux mêmes conditions, autoriser temporairement une personne autre que le titulaire à exploiter un permis, si cette personne produit une demande à cet effet et l'accompagne d'une demande de permis en raison de l'aliénation ou de la location de l'établissement ou de la reprise de possession de l'établissement à la suite de l'exercice d'une prise en paiement ou de l'exécution d'une convention similaire.

Lorsque la Régie décide de la délivrance du permis dans une circonstance visée au deuxième alinéa, elle peut imposer, comme condition supplémentaire à la délivrance, le paiement de frais additionnels de 500 $ si le demandeur du permis n'avait pas requis d'autorisation d'exploitation temporaire alors qu'il aurait dû le faire.

La Régie peut refuser d'accorder une autorisation si elle a entamé des démarches en vue de suspendre ou de révoquer le permis ou si elle est saisie, conformément à l'article 85, d'une demande à cet effet.

81.  Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi, ainsi que celles de leurs règlements, applicables à un permis et à son titulaire sont, compte tenu des adaptations nécessaires, applicables à une autorisation d'exploitation temporaire et à son titulaire.

86.  […]

La Régie doit révoquer ou suspendre un permis si:

[…]

4°  le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1;

[…]


La Régie, dans la détermination de la sanction administrative pour contravention à l'article 72.1, tient compte notamment des facteurs aggravants suivants:

 

a)   la quantité de boissons alcooliques ou d'appareils de loterie vidéo;

 

b)   le fait que les boissons alcooliques sont de mauvaise qualité ou impropres à la consommation;

 

c)   le fait que les boissons alcooliques sont fabriquées frauduleusement ou falsifiées;

 

d)   le fait que le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1 dans les cinq dernières années;

 

e)   le fait que les boissons alcooliques ne sont pas commercialisées par la Société des alcools du Québec et qu'elles ne sont pas fabriquées, embouteillées ou livrées conformément à un permis délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13).

 

 

L oi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement [3]

50.  La Régie peut, lorsque l'intérêt public l'exige, refuser de délivrer, de renouveler, suspendre ou révoquer une licence.

 

Elle peut refuser de la délivrer ou de la renouveler lorsqu'elle juge que l'exploitation de la licence est susceptible de nuire à la tranquillité publique.

 

[…]

 

L’AUDIENCE

[5]                L’audience s’est tenue, au Palais de justice de Montréal, le 13 août 2012. La titulaire, 9143-1163 Québec inc., était représentée par M. Domenico Scali et son procureur, M e René Rousseau. La demanderesse, 9251-7598 Québec inc., était représentée par M me Shu Dai Lu et la Direction du contentieux de la Régie par M Julien Provost.

 

[6]                Après représentations des procureurs, le Tribunal a procédé à entendre la preuve des parties.

 

Preuve de la Direction du contentieux sur le contrôle

[7]                M e Provost a déclaré que l’avis et les documents 1 à 3 qui y sont annexés constituaient la preuve documentaire de la Direction du contentieux.

[8]                Plus particulièrement, l’historique de l’avis apparaissant à la page 2 de celui-ci qui se lit comme suit :

[Transcription conforme]

 

Historique

 

Le 9 février 2006, la Régie a rendu une décision de non-intervention suite au dépôt par la titulaire d’un engagement volontaire. La titulaire s’engageait notamment (Document 1):

 

·          À ce que ses deux bars soient indépendants et fonctionnels, c'est-à-dire qu’on y trouve notamment pour chacun d’eux, un comptoir de service, un inventaire de boissons alcooliques, des verres à boisson, un ou des réfrigérateurs, un évier fonctionnel, une caisse enregistreuse pour encaisser les ventes de boissons alcooliques et rembourser les billets gagnants provenant des appareils de loteries vidéo, ainsi qu’au moins un employé en permanence sur place pour assurer le service et la surveillance des appareils de loterie vidéo;

 

·          À ce qu’une comptabilité distincte soit tenue pour chacun des bars de l’établissement, incluant les appareils de loterie vidéo;

 

·          À ce que les appareils de loterie vidéo ne soient pas visibles de l’extérieur;

 

 

[9]                Ainsi que les extraits suivants des rapports annexés à l’avis comme documents 2 et 3 :

[Transcription conforme]

 

Le 06 octobre 2011 vers 20h10, la Moralité Est ( les agents Patel #5045, Lamy #5182, Poirier #605 et Fournier #4621) sommes présentés au 9181 Maurice Duplessis à Montréal au CAFÉ LUNA’S pour effectuer une visite d’inspection.

 

Je me suis présentée au responsable en m’identifiant à l’aide de ma carte d’identité du service. Je l’ai informé le but de notre visite, à savoir une inspection systématique de l’établissement et la lecture du permis d’alcool.

 

La responsable s’est identifiée verbalement comme étant M. TRAVASSUS James (…).  Ce dernier m’explique qu’il est le gérant de l’établissement et que le propriétaire est absent.

 

Après notre identification, nous avons procédé à l’inspection des lieux.  J’ai, l’agent Patel #5045 saisi 3 bouteilles d’alcool du bar principal :

 

-       1 contenant de Chemineaud de 1.14 litres, 40% alc./vol, entamé.

        Le timbre était illisible

-       1 ontenant de Morris Sloecain 750 ml, 25% alc / vol, entamé

        Le timbre était illisible

-       1 contenant de St-Raphaël de 750 ml, 16% alc./vol, entamé.

        Le timbre était illisible

[…]  J’ai, l’agent Patel #5045 saisi 3 bouteilles d’alcool du bar principal :

 

-       1 bouteille de Grolsch de 330 ml, 5% alc./vol,

        L’étampe du CSP est manquante

-       26 bouteilles de Calsberg 330 ml, 5% alc/vol,

        L’étampe du CSP est manquante

 

[…]

[ (…) Notre caviardage]

 

2011-11-29 09h30

Agent Martel #6059 et Patel #5045 avons rencontré les cités 1-2 ainsi que le Monsieur Tao.

 

-Les parties nous informent qu’ils sont en processus pour acheter le Café Luna’s pour un montant de              .

-Les parties croient être en mesure d’avoir un chiffre d’affaire annuel de               $

-Aucune rénovation prévue et ils prévoient garder les même employés

-Les parties n’ont aucun casier judiciaire

 

-La cité # 1 nous présente des documents montrant qu’elle possède des épargnes et des marges de crédits totalisant             $ Banque royale/TD/CIBC

-Monsieur Tao nous explique que c’est lui qui possède la deuxième partie de l’argent pour l’achat du café.  Il nous présente un relevé de compte affichant une épargne d’environ               $

-Il nous mentionne qu’il ne travaille plus depuis un an et que son emploi précédent était dans le domaine de l’informatique.  Il avait un salaire annuel d’environ             $

-Lorsque que questionné sur la provenance de l’agent, monsieur Tao nous explique qu’il est arrivé au pays avec     $ et que le reste de l’argent à été transférée de chine.  Il provient de ses deux sœurs et de sa belle-soeur.

-Nous avons demandé un relevé de ses transferts (Document remis)

 

Aucune des parties n’a d’expérience dans la gestion d’établissement de ce genre.  Les parties sont très peu au courant des responsabilités et des problèmes possibles reliés à ce type d’établissement.

 

 

Preuve de la demanderesse

Témoignage de M. Domenico Scali

[10]            M. Scali a exploité le Café Luna’s pendant sept ans. Il a toujours fait ses achats d’alcool et de vin auprès de la Société des alcools du Québec (SAQ). Quant à la bière, il s’approvisionnait auprès d’un brasseur autorisé.

[11]            Les trois bouteilles d’alcool saisies le 6 octobre 2011 ont été achetées à la SAQ il y a cinq ou six ans, ce ne sont pas des gros vendeurs. Les factures sont chez son comptable, il l’a appelé il y a quelques jours, mais il ne les a pas en sa possession.

[12]            Les bouteilles de bière de marque Carlsberg et Grolsch ont été achetées auprès de Les Brasseurs GMT le 2 mai 2011. M. Scali a produit une facture comme pièce T-1. Il en commande deux fois par année. L’absence de la mention CSP sur les bouteilles saisies est due à une erreur du brasseur.

 

Témoignage de M. Chuan Cheng Zhao

[13]            M. Zhao est le représentant de la demanderesse propriétaire de l’établissement. Il a de l’expérience dans l’exploitation de dépanneurs. Il a appelé Loto Québec, a posé des questions et s’est fait aider par le propriétaire précédent.

[14]            Il avait été mis au courant des infractions. Il a lui-même commandé des bières de marque Grolsch en février. Lors de la livraison, il a constaté l’absence de la mention CSP sur les bouteilles de sorte qu’il les a immédiatement retournées.

[15]            Il s’assure qu’il n’y a pas d’insectes dans les bouteilles qu’il nettoie régulièrement. Il vérifie les timbres ainsi que leur état.

[16]            Il vérifie l’identité de tout client n’ayant pas atteint l’âge de 25 ans à l’aide de carte d’assurance maladie et du permis de conduire.

[17]            Il a trois employés et s’assure qu’il y en ait au moins deux en tout temps. Il respecte les lois et ferme l’établissement à 3 heures. S’il y a encore des clients, il leur demande de quitter.

 

Témoignage de M me Shu Dai Lu

[18]            Elle est l’épouse de M. Zhao et détient     % des actions de la demanderesse. L’autre      % est détenu par une partenaire.

 

Plaidoiries

M e Julien Provost pour la Direction du contentieux

[19]            Sur le contrôle, il n’y a pas eu de preuve d’achat conforme des bouteilles d’alcool et des bières saisies, et ce, malgré la production de la facture T-1 du 2 mai 2011. La saisie a été faite en octobre 2011.

[20]            La titulaire n’a pas réussi à renverser la présomption de la preuve de l’article  72.1 de la LPA de sorte que la Régie doit intervenir et imposer la sanction appropriée.

[21]            Pour la demande, la Direction du contentieux laisse le tout à la discrétion du Tribunal.

[22]            Pour la détermination de la sanction, M e Provost a produit deux décisions dont une du Tribunal administratif du Québec (TAQ) et une de la Régie.

[23]            Dans 9183-7583 Québec inc. c. La Régie des alcools, des courses et des jeux [4] , le TAQ écrit  au paragraphe 16 :

[Transcription conforme]

 

[16]         Malgré la jurisprudence citée par le procureur de la requérante, le Tribunal est d’avis qu’une suspension de 7 jours n’est pas déraisonnable, compte tenu des quantités d’alcool saisies et compte tenu de la pondération appliquée par la régisseure dans sa décision eu égard au comportement exemplaire du nouvel actionnaire, M. Caron. La règle jurisprudentielle de la Régie est plutôt à l’effet que chaque litre de boisson alcoolique détenu illégalement entraîne une suspension d’une journée.

 

 

[24]            Dans Dépanneur La Moustache Chen [5] , la Régie rappelait ce qui suit aux paragraphes 40 à 42 :

[Transcription conforme]

 

[40]         La constance jurisprudentielle est claire à l’effet que l’acheteur d’un établissement à l’égard duquel un permis d’alcool est émis pour les fins de son exploitation doit, à la fois assumer les avantages et les inconvénients associés à ce permis, y compris les agissements antérieurs de son titulaire. Qu’il suffise ici de rappeler les propos du Tribunal administratif du Québec dans Resto Pub St-Jacques 3

[Transcription conforme]

[17] Il est également admis que la nouvelle actionnaire n’était pas au courant de l’infraction lorsqu’elle a acquis le commerce. Elle a également admis qu’elle était au courant de la tenue d’une audience le 2 août 2000 à la Régie, mais que n’ayant pas été convoquée par la régie, elle ne se sentait pas concernée par cette audition puisqu’elle n’avait commis aucune infraction depuis qu’elle opérait le commerce.

(…)


[22]  Le seul argument de la nouvelle actionnaire est à l’effet que si la Régie l’avait entendue lors de l’audience du 2 août 2000, elle aurait pu rendre une décision différente compte tenu qu’elle n’a pas commis l’infraction du 16 janvier 1999, n’étant pas propriétaire de l’établissement à l’époque. La sanction n’aurait pu être alors que symbolique, 2 ou 3 jours. Le tribunal ne peut retenir cet argument pour diminuer la durée de la sanction.

[23]  La nouvelle actionnaire de la compagnie à numéro a fait le choix d’acquérir cette compagnie avec ce que cela comporte d’avantages et d’inconvénients, l’un deux étant l’acquisition de l’actif et du passif. Il est donc évident qu’il s’agit de la même entité, tant lors des événements reprochés que lors de l’audience devant le tribunal le 6 juin 2001.

(…)

 

[41]         Plus récemment, le Tribunal administratif du Québec s’exprimait ainsi dans l’affaire Bistro du cépage inc. 4  :

[Transcription conforme]

[6]  Il est bien établi qu’un changement d’actionnaire n’a pas pour effet de soustraire la titulaire de ses obligations à l’égard de ses permis d’alcool ni de la libérer des infractions ou des manquements commis à l’époque d’un autre actionnaire

 

[42]         La Régie est d’avis que ce principe doit recevoir son application qu’il s’agisse d’une vente/achat d’actifs, ou d’une vente/achat d’actions ou, d’une vente/achat d’un fonds de commerce. De plus, la Régie n’a pas à en moduler l’application à la catégorie de permis en cause.

 

 

____________________

3 Décision du TAQ, SAE-Q-072785-0102, 4 septembre 2001

4 Décision du TAQ, SAE-M-105416-0506, 11 novembre 2006

 

 

M e René Rousseau pour la titulaire

 

[25]            L’article 72.1 de la LPA prévoit que :

72.1.  Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de production artisanale, de brasseur, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis.

[…]

[26]            Le fait qu’un timbre soit moins lisible à cause de l’âge de la bouteille ne constitue pas une infraction en vertu de l’article 72.1 si la bouteille a été achetée conformément aux permis.

[27]            Le représentant de la titulaire a déclaré lors de son témoignage qu’il avait acheté les bouteilles d’alcool et de bière saisies auprès de la SAQ et d’un brasseur autorisé. Il a d’ailleurs produit une facture (pièce T-1) pour la bière. Il a, de plus, ajouté que le brasseur était responsable du manque de mention CSP sur les bouteilles de bière.

[28]            En conséquence, il ne devrait pas y avoir de sanction.

[29]            Sur la demande, la demanderesse a démontré qu’elle avait la capacité d’exercer avec compétence et intégrité les activités pour lesquelles elle sollicite les permis. Elle exploite l’établissement depuis huit mois sans reproche.

 

Réplique de M e Julien Provost

[30]            Il n’est pas d’accord avec l’interprétation de l’article 72.1 de la LPA que fait M e  Rousseau. Un timbre illisible constitue une infraction puisqu’il n’est pas possible de prouver que l’achat de l’alcool et/ou de la bière a été fait conformément aux permis.

[31]            La Régie doit donc intervenir.

 

ANALYSE

 

[32]            À la fin de l’audience, les soussignés ont accordé à la titulaire un délai jusqu’au 27 août 2012 pour faire parvenir à la Régie copies des factures pour l’achat des bouteilles d’alcool saisies et une lettre du brasseur à propos du manque de la mention CSP sur les bouteilles de bière.

[33]            La Régie a reçu des copies de factures d’achats, en 2006 et 2007, de bouteilles d’alcool de la même marque que les bouteilles d’alcool saisies en octobre 2011. Une copie de télécopie provenant d’un importateur de bière a aussi été soumise.

[34]            La Régie a aussi reçu copie d’un échange de courriels entre un distributeur de bière et le procureur de la titulaire expliquant notamment :

[Transcription conforme]

 

[…] il a pas un fabriquant qui applique le collant la même façon dans tout les importées.

 

[…]

[35]            La facture produite pour l’achat de la bière porte la date du 2 mai 2011 alors que les bouteilles de bière sans CSP ont été saisies le 6 octobre 2011, soit cinq mois plus tard. Les événements sont contemporains d’autant plus que le représentant de la titulaire a déclaré, au cours de son témoignage, qu’il commandait ces produits deux fois par année.

[36]            La seule preuve d’un achat récent est-elle suffisante pour renverser la présomption que cet achat n’a pas été fait conformément aux permis?

[37]            La titulaire de permis a l’obligation de s’assurer que les produits achetés sont bel et bien ceux qu’elle a commandés. Or, dans les circonstances présentes, la titulaire n’a pas démontré qu’elle avait pris les moyens nécessaires pour empêcher que des bouteilles de bière ne portant pas la mention CSP se trouvent dans son établissement.

[38]            La présomption de l’article 72.1 de la LPA n’a donc pas été renversée de sorte que la Régie doit intervenir en vertu du paragraphe 4 º , deuxième alinéa, de l’article 86 de la même loi.

[39]            Pour ce qui est des trois bouteilles d’alcool, sans timbre identifiable de la SAQ,  saisies le 6 octobre 2011, des copies de facture de la SAQ de 2006 et 2007 pour les mêmes produits sont-elles suffisantes pour renverser la présomption que ces achats n’ont pas été faits conformément aux permis?

[40]            Le représentant de la titulaire a témoigné à l’effet que ces produits n’étaient pas de gros vendeurs de sorte qu’il les possédait toujours cinq ans plus tard.

[41]            La même question se pose à savoir : est-il suffisant de produire une ou des factures pour les mêmes produits que ceux saisis pour se décharger du fardeau de prouver que les produits ont été achetés conformément aux permis?

[42]            La titulaire demeure responsable de s’assurer que les contenants d’alcool se trouvant dans son établissement sont ceux qu’elle a achetés et que les timbres apposés sur ces contenants sont conformes.

[43]            Étant donné que la titulaire n’a pas démontré que les contenants saisis sont ceux des factures produites, la présomption de l’article 72.1 LPA n’a pas été renversée de sorte que la Régie doit donc intervenir.

[44]            Relativement à la sanction, le Tribunal doit tenir compte du fait que, depuis les événements, il y a eu cession et que la demanderesse exploite l’établissement au moyen d’une autorisation temporaire (AET) depuis le 1 er décembre 2011, soit depuis neuf mois, sans reproche.


[45]            La jurisprudence, dont la décision Dépanneur La Moustache Chen citée précédemment, a établi le principe que « … l’acheteur d’un établissement à l’égard duquel un permis d’alcool est émis pour les fins de son exploitation doit, à la fois assumer les avantages et les inconvénients associés à ce permis, y compris les agissements antérieurs de son titulaire. »

[46]            Ainsi la demanderesse, qui était au courant des infractions de la titulaire, doit en supporter les conséquences bien qu’elle ne soit pas directement responsable. Ceci étant, la demanderesse peut, d’autre part, bénéficier de facteurs atténuants dont sa bonne gestion depuis les derniers neuf mois ainsi que la preuve des moyens pris et mis en place pour que ces événements ne se reproduisent plus.

[47]            Considérant la preuve, les représentations et la jurisprudence, la Régie accordera la demande et, sur le contrôle, après avoir pris en compte les facteurs atténuants précédemment mentionnés, suspendra les permis et licences de la titulaire pour une période de trois jours.

PAR CES MOTIFS,

la Régie des alcools, des courses et des jeux :

                                                          

SUSPEND                                          pour une période de 3 jours les permis de bar n os  9058405, 9275496 et 9275504 ainsi que les licences d’exploitant de site d’appareils de loterie vidéo n os 5322 et 60632 dont 9143-1163 Québec inc. est titulaire, et ce, à compter de la mise sous scellés des boissons alcooliques;

 

ORDONNE                                       la mise sous scellés des boissons alcooliques se trouvant sur les lieux par un inspecteur de la Régie ou par le corps de police dûment mandaté à cette fin pour la période de la suspension ci-dessus mentionnée;

 

À l’expiration de la période de suspension :

 

Révoque                                        les permis de bar n os  9058405, 9275496 et 9275504 ainsi que les licences d’exploitant de site d’appareils de loterie vidéo n os 5322 et 60632 dont 9143-1163 Québec inc. est titulaire à compter de la délivrance des permis et licences à la demanderesse, 9251-7598 Québec inc.;

ORDONNE                                        la saisie et la confiscation des permis et des licences par un inspecteur de la Régie ou par le corps policier dûment mandaté à cette fin;

MET FIN                                           à l’autorisation d’exploitation temporaire;

FAIT DROIT                                    à la demande;

 

AUTORISE                                       la délivrance, à la demanderesse, 9251-7598 Québec inc., et sur paiement des droits prescrits dans les 30 jours de la présente décision, du permis suivant :

 

CATÉGORIE

AUTORISATION

LOCALISATION

CAPACITÉ

Bar

s/o

1 er étage avant

42

Bar

s/o

1 er étage arrière

31

Bar

s/o

Terrasse

16

 

AUTORISE                                       la délivrance, à la demanderesse, 9251-7598 Québec inc., de deux licences d’exploitant de site d’appareils de loterie vidéo à être rattachées aux permis de bar sur la base du plan joint en annexe à la présente décision et approuvé par les régisseurs indiquant l’emplacement des appareils de loterie vidéo à l’intérieur de l’établissement.

 

 

 

 

 

 

                                                           PIERRE H. CADIEUX, avocat                             

                                                           Régisseur

 

 

 

 

                                                            JEAN ROBERT                                                     

                                                           Régisseur

 



[1] L.R.Q., c. I-8.1.

[2] L.R.Q., c. P-9.1.

[3] L.R.Q., chapitre L-6.

[4] TAQ, dossier SAE-Q-178855-1111, décision du 26 juillet 2012.

[5] RACJ, dossier 40-0336453-001 , décision du 30 janvier 2008.