Stanimirova c. Gendron

2012 QCCQ 8746

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

LOCALITÉ DE

LAVAL

« Chambre civile »

N° :

540-32-022880-106

 

 

 

DATE :

Le 27 juillet 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JULIE MESSIER, J.C.Q.

 

 

 

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VIOLETA STANIMIROVA

-et -

MARTIN FOURNIER

Partie demanderesse

c.

DANIEL GENDRON

Partie défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Martin Fournier et Violeta Stanimirova (Fournier et Stanimirova) réclament 3 500 $ à Daniel Gendron (Gendron) pour les dommages causés à leur terrain, biens entreposés à l'extérieur et perte de jouissance de la propriété due à la présence de racines sur leur terrain provenant de l'arbre de Gendron et des bourgeons collants de cet arbre qui durant une période de 3 semaines à 1 mois au printemps envahissent et collent sur leurs biens.

[2]            Gendron plaide qu'il a donné la permission à Fournier et Stanimirova, suite à la mise en demeure du 22 mai 2009, de couper les racines de son arbre se trouvant sur le terrain et que les allégués sont dus à leur négligence de ne pas avoir coupé les racines à ce moment-là. Il plaide de plus que leur terrain est en mauvais état, non pas à cause des racines de son arbre, mais par leur défaut de l'entretenir convenablement.

[3]            Les dispositions pertinentes du Code civil du Québec sont les suivantes :

6.  Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.

976.  Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance qu'ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux.

985.  Le propriétaire peut, si des branches ou des racines venant du fonds voisin s'avancent sur son fonds et nuisent sérieusement à son usage, demander à son voisin de les couper; en cas de refus, il peut le contraindre à les couper.

1465.  Le gardien d'un bien est tenu de réparer le préjudice causé par le fait autonome de celui-ci, à moins qu'il prouve n'avoir commis aucune faute.

[4]            La preuve photographique démontre que dès 2009, le terrain de Fournier et Stanimirova est envahi par d'imposantes racines provenant d'un arbre situé sur le terrain de Gendron. Ces racines empêchent l'utilisation adéquate du terrain et prohibent un entretien adéquat.

[5]            Fournier et Stanimirova ont produit aussi des photos qui démontrent que les bourgeons qui tombent durant le printemps collent aux meubles et autres surfaces extérieures les endommageant. Ils allèguent de plus que durant cette période, ils sont privés d'une utilisation usuelle de leur cour.

[6]            Le Tribunal a entendu une voisine indépendante au litige qui a confirmé aussi l'existence d'un préjudice important provenant de la tombée de bourgeons gommant au printemps provenant de cet arbre, bourgeons qui endommagent le fini de ses biens dont un spa se trouvant à l'extérieur.

[7]            C'est pourquoi le 22 mai en 2009, Fournier et Stanimirova ont demandé à leur voisin d'abattre leur arbre. Ce à quoi, le 2 juillet 2009, Gendron a répondu en refusant d'abattre son arbre, mais en donnant la permission à Fournier et Stanimirova d'enlever les racines de son arbre sur le terrain et de couper les branches nuisibles. Il n'offre aucune compensation monétaire pour le travail à être effectué.

[8]            Les articles 985 et 1465 cités ci-haut précisent bien qu'il revient au propriétaire d'un bien de remédier aux troubles et préjudice causés par celui-ci. Il ne peut requérir d'un autre qu'il remplisse ses obligations pour lui.

[9]            La lettre du 2 juillet 2007 correspond donc à un refus par Gendron de respecter ses obligations vis-à-vis son arbre.

[10]         Le Tribunal n'a pas la compétence juridictionnelle pour ordonner à Gendron d'abattre son arbre, ni d'enlever les racines, puisque la division des Petites Créances de la Cour du Québec n'entend que des causes qui portent sur une créance, et qu'une ordonnance de faire quelque chose, tel qu'abattre un arbre relève de la juridiction de la Cour supérieure.

[11]         Par contre, l'auteur Denys-Claude Lamontagne, dans son ouvrage intitulé Biens et propriété , 4 e éd., Éditions Yvon Blais, 2002, p. 166, indique qu'à défaut d'avoir contraint son voisin à couper les branches ou les racines de son arbre, le propriétaire qui subit des dommages peut obtenir réparation.

[12]         Ici, la preuve est probante que les racines et les bourgeons de l'arbre de Gendron causent un préjudice à Fournier et Stanimirova. Les inconvénients que le Tribunal a constatés dépassent les inconvénients normaux d'un bon voisinage.

[13]         Le Tribunal ne remet pas en doute la bonne foi de Gendron qui aime la nature et entretient avec minutie son terrain. Il est compréhensible qu'il veuille profiter de l'intimité et autres avantages que son arbre lui procure, mais il est tout aussi légitime pour ses voisins de vouloir profiter de leur cour sans les troubles engendrés par cet arbre qui vont au-delà des inconvénients normaux du bon voisinage.

[14]         Le Tribunal ayant identifié la faute, reste à quantifier le dommage. Les articles 2803 et 2804 du C.c.Q. nous apprennent que celui qui veut faire valoir un droit doit en faire la preuve.

[15]         Fournier et Stanimirova prétendent qu'il en coûtera 3 400 $ pour enlever les racines et arranger leur terrain. Or, ils n'ont déposé aucune preuve ou estimation au soutien du montant avancé.

[16]         Le Tribunal doit donc en absence de preuve arbitrer les dommages causés au terrain ainsi que les troubles et inconvénients subis par le dépôt des bourgeons.

[17]         Le Tribunal octroie donc 1 000 $ pour les dommages causés au terrain et 250 $ pour les troubles et inconvénients causés par le dépôt des bourgeons.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL  :

CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme de 1 250 $ avec les intérêts au taux de 5 % l'an, et l'indemnité additionnelle prévue à l'article  1619 du Code civil du Québec , depuis la mise en demeure du 22 mai 2009, ainsi que les frais judiciaires de 129 $.

 

 

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JULIE MESSIER, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

Le 4 juin 2012