TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

 

 

 

No. de dépôt : 2012-9941

 

Date : :

Le 6 octobre 2012

 

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DEVANT L’ARBITRE :

Me HUGUETTE APRIL

 

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SYNDICAT DES PROFESSIONNELLES DE LA SANTÉ DE SOREL-TRACY (FIQ)

 

Ci-après appelé « le Syndicat »

 

 

Et

 

 

CENTRE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX PIERRE-DE SAUREL

 

Ci-après appelé « l’Employeur »

 

 

 

Griefs : Marie-Claude Desnoyers 621398 et 621410 suspension, 621405 dossier de la salariée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SENTENCE INTERLOCUTOIRE

ORDONNANCE D’ACCÈS À UN DOSSIER MÉDICAL

 

 

 

 

[1]            La plaignante a été suspendue six mois pour les motifs apparaissant à la lettre du 26 mars 2011. Essentiellement, il lui est reproché d’avoir administré une médication sans aucune prescription médicale à une patiente, qui est la grand-mère de […], à son domicile, dans les jours précédant le 27 janvier 2011, et ce, de son propre chef et à l’insu de son Employeur. Un grief a été déposé contestant cette mesure disciplinaire.

[2]            Le 31 août 2012, le procureur, mandaté par le Syndicat pour défendre les intérêts de la plaignante et lui assurer une défense pleine et entière, demandait, à l’arbitre soussignée, d’émettre les ordonnances suivantes :

« Permettre à la partie syndicale de consulter le dossier intégral de la patiente, madame X, à partir de son admission à l’urgence, le 27 janvier 2011 ;

Permettre à la partie syndicale de faire une copie des extraits du dossier qu’elle souhaite déposer en preuve devant le tribunal. »

[3]            Le procureur du Syndicat joignait à cette requête deux sentences arbitrales [1] dans lesquelles, les arbitres, Lyse Tousignant et Jean-Louis Dubé, ont analysé des demandes similaires et ont énoncé les principes applicables en la matière.

[4]            Selon le procureur du Syndicat, les informations contenues au dossier de la patiente sont, non seulement pertinentes, mais également indispensables à la solution du litige et à la préparation de la défense de la plaignante.

[5]            Le procureur de l’Employeur, le 6 septembre 2012, a fait part de ses représentations en regard de cette demande. Il a rappelé que l’article 19 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pose d’abord comme principe fondamental que le dossier de tout usager est confidentiel. Ce principe est confirmé par l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne et, par les articles 35 et 37 , du Code civil du Québec. En l’espèce, le CSSS a l’obligation d’assurer la confidentialité du dossier des usagers.

[6]            Il a également allégué que cette demande d’avoir accès au dossier médical était prématurée, aucune preuve n’ayant encore été administrée par l’Employeur, lequel a le fardeau de la preuve en matière disciplinaire. Aussi, avant d’ordonner l’accès, en tout ou en partie, au dossier d’un usager, le tribunal devrait s’assurer de la pertinence de l’information recherchée et du respect des principes dégagés par les tribunaux, à ce sujet. Il revient à la partie qui demande l’accès au dossier de démontrer que ces critères sont rencontrés, et, à ce moment-ci, il est loin d’être acquis que le contenu intégral du dossier de l’usagère est pertinent.

[7]            Le procureur de l’Employeur soumet que dans l’éventualité où une ordonnance était émise en faveur du Syndicat pour l’accès à un dossier médical, elle devrait s’accompagner d’une ordonnance de non-divulgation.

[8]            À l’égard de l’argument de prématurité, le procureur du Syndicat rappelle que, selon la décision de l’arbitre Me Tousignant dans l’affaire Institut universitaire en santé mentale de Québec , la pertinence peut s’apprécier à partir de la lettre de congédiement et, en l’espèce, à partir de la lettre de suspension. Il y a lieu également de réconcilier le droit au respect de la confidentialité du dossier médical et le droit à une défense pleine et entière, ainsi qu’une administration saine et efficace de la justice.

[9]            À la suite de deux conférences téléphoniques, le procureur de l’Employeur, sans renoncer à son droit de s’objecter, ultérieurement, à toute demande additionnelle d’accès à d’autres parties du dossier médical de madame X, ne s’oppose pas à ce que dans des conditions similaires à celles énoncées, par l’arbitre Dubé, en 2005, le procureur du Syndicat ait accès à la partie du dossier de madame X, concernant son admission à l’urgence, le 27 janvier 2011, et ce, sans que cela soit interprété comme une reconnaissance, qu’à ce moment-ci, les critères élaborés, par les tribunaux, à ce sujet, sont rencontrés.

[10]          Le procureur du Syndicat estime, pour sa part, qu’à ce stade-ci, il peut représenter adéquatement les intérêts de la plaignante avec un accès limité au dossier de la patiente. Il ne renonce pas pour autant à formuler une autre demande d’accès au dossier médical, s’il s’avérait pertinent, ultérieurement, eu égard à la preuve faite et son devoir de représenter adéquatement la plaignante.

[11]         Dans ce cadre, j’autorise un accès limité à une partie du dossier médical de madame X, étant entendu que si une demande d’accès à d’autres parties du dossier était faite, ultérieurement, elle devra être présentée au cours d’une des journées d’audience et sa pertinence sera évaluée en prenant en compte l’enseignement des tribunaux en cette matière.

[12]         En conséquence, l’arbitre soussignée :

ORDONNE à l'Employeur et à ses représentants, plus particulièrement au responsable du Service des archives médicales du Centre de santé et de services sociaux Pierre-De Saurel, de mettre à la disposition de la plaignante, du représentant syndical et du procureur du Syndicat, la partie du dossier en sa possession concernant l’admission de madame X, le 27 janvier 2012, à l’urgence, et ce, aux conditions et aux modalités suivantes :

1)     L'accès à cette partie du dossier se fera sur les lieux où le dossier médical est détenu et l'Employeur fournira à la plaignante, à son procureur et au représentant syndical, un bureau où ils pourront consulter cette partie du dossier ;

2)     La consultation de cette partie du dossier médical, en plus de devoir se faire sur place où se trouve le dossier médical de l'usagère, se fera en présence de l'archiviste médical ;

3)     Seules les pièces concernant cette partie du dossier, que le Syndicat souhaite déposer en preuve, pourront faire l'objet de photocopies par l'Employeur ; la pertinence de ces pièces pouvant faire, par ailleurs, l'objet d'une décision ultérieure de l’arbitre ;

4)     Les photocopies faites par l'Employeur et mentionnées au paragraphe précédent seront remises uniquement au procureur du Syndicat et au procureur de l’Employeur avec l'engagement qu'aucune autre copie ne devra être faite et, éventuellement, à l’arbitre, et toutes les copies devront, ultimement, être transmises à l’arbitre dans les trente jours (30) suivant la fermeture définitive du présent dossier ;

5)     Le procureur de l'Employeur et les représentants désignés de la partie patronale pourront agir de la même façon en rapport avec cette partie du dossier médical ;

6)     Le contenu de cette partie du dossier ne pourra être divulgué à aucune autre personne que celles mentionnées dans la présente ordonnance et, tous et chacun s'engagent à respecter la confidentialité du dossier et, des pièces, qui pourront être éventuellement déposées comme celles qui pourraient ne pas l'être, lesquelles seront retournées à l’arbitre dans les trente (30) jours de la fermeture définitive de ce dossier ;

7)     Les personnes dont l’accès est accordé par la présente ordonnance ne peuvent  reproduire les documents ou les renseignements ainsi obtenus ou consultés, sauf pour les fins du présent arbitrage. 

ORDONNE aux parties de se conformer aux conditions et aux modalités énoncées, ci-dessus, dans l’ordonnance de permettre l’accès à une partie du dossier médical.

 

 

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                                                                           Me Huguette April, arbitre 

 

Pour l’Employeur :      Me Jean-François Pedneault

Pour le Syndicat :        Me Daniel Bl ouin

Date de la dernière conférence téléphonique : 4 octobre 2012

Date de la décision :  6 octobre 2012

                                                             

 



[1]     Syndicat des professionnelles en soins, Institut universitaire en santé mentale de Québec et Institut universitaire en santé mentale de Québec , le 3 novembre 2011, Me Lyse Tousignant ; Syndicat des salariés et salariées de l’Hôpital Saint-Luc (CSQ) et CHUM , Hôpital Saint-Luc, réclamant Germain Breton, 11 février 2005, arbitre Me Jean-Louis Dubé.