Consultants DVR Canada inc. c. 9126-4333 Québec inc.

2012 QCCQ 9401

JT1383

 
 COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-121745-105

 

 

 

DATE :

31 octobre 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CHRISTIAN M. TREMBLAY, J.C.Q.

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LES CONSULTANTS D.V.R. CANADA INC.

demanderesse

c.

9126-4333 QUÉBEC INC.

défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Denis Ross ( Ross ) est conseiller en prévention industrielle depuis plusieurs années. Il travaille sur les chantiers de construction avec divers entrepreneurs.

[2]            Ross agit comme travailleur autonome à travers un véhicule corporatif: Les Consultants D.V.R. Canada inc. ( DVR ).

[3]            Bien qu'habituellement il contracte directement avec les entrepreneurs, le 25 novembre 2008, il signe un contrat [1] avec la défenderesse, laquelle agit comme agence de placement de personnel. Il est notamment prévu au contrat que 9126-4333 Québec inc. ( 9126 ) versera à D.V.R. «un salaire de -deux-mille- (2 000 $) brut par semaine basé sur cinquante-deux (52) semaines par année. Sur facturation plus taxes.» .

[4]            Ross prétend qu'en vertu de l'entente, 9126 doit lui verser la rémunération convenue durant les deux semaines où le chantier a été fermé pour les vacances des Fêtes 2008-2009.

[5]            9126 refuse de payer la somme réclamée puisque le chantier de construction où Ross travaillait était fermé et que lui-même n'a pas été payé par l'entrepreneur.

[6]            Selon Ross , la somme de 2 000 $ par semaine a été négociée sur la base d'un taux horaire de 50 $ pour une semaine de travail de 40 heures, et ce, pour 52 semaines. S'il avait su que les deux semaines de vacances des Fêtes ne seraient pas rémunérées, il aurait alors ajusté son taux horaire à 55 $ sur la base de 48 semaines de 40 heures de travail.

[7]            Réjean Lajeunesse, le président de 9126 , nie qu'il y ait eu négociation sur la base d'un taux horaire. Il a accepté de verser 2 000 $ par semaine plus taxes. La durée de 52 semaines ne servant qu'à préciser la fréquence des versements, soit hebdomadairement. Quant à la durée du contrat, elle n'est pas précisée, car elle dépendait des besoins des entrepreneurs avec qui il fait affaires.

[8]            Pour lui, Ross est un travailleur autonome et n'a pas droit à aucune rémunération durant la période des Fêtes.

 

ANALYSE

 

[9]            Tout d'abord, il y a lieu de déterminer si, dans le présent cas, Ross est effectivement un travailleur autonome ou un salarié.

[10]         Ross se définit lui-même comme un travailleur autonome. Sa compagnie DVR a été constituée bien avant la signature d'un contrat avec 9126 .

[11]         La preuve ne révèle pas qu'il existe un réel lien de subordination entre 9126 et DVR . Le donneur d'ouvrage est la compagnie de construction avec laquelle DVR transige. 9126 n'est, en réalité, qu'un entremetteur; une agence de placement de personnel.

[12]         Il est vrai que le contrat P-3 prévoit l'exclusivité des services de DVR jusqu'à la fin du projet (clause 2.2). Cependant, cela est insuffisant pour conclure à un lien de subordination.

[13]         Par ailleurs, le mode de rémunération constitue un indice favorisant le statut de travailleur autonome. DVR facture hebdomadairement 9126 pour le travail effectué auprès du client de 9126 . Aucune déduction n'est effectuée. DVR perçoit même les taxes (TPS et TVQ) dans sa facture.

[14]         Puisque Ross a librement choisi la structure corporative pour exercer son métier, il faut respecter ce choix. Il ne s'agit pas ici d'un subterfuge afin de permettre à 9126 de s'exonérer de ses obligations.

[15]         Par conséquent, la Loi sur les normes du travail [2] ne peut trouver application. Il faut s'en remettre à l'entente contractuelle convenue par les parties.

[16]         Bien que le contrat ne soit pas un modèle de limpidité, il permet tout de même de dégager la commune intention des parties (art. 1425 C.c.Q.).

[17]         Les clauses 3.1 et 3.2 du contrat P-3 doivent être interprétées ensemble (art.  1427 C.c.Q.):

3.1       Le Consultant en prévention versera à l'Agent de sécurité un salaire de DEUX-MILLE (2,000 $) brut par semaine basé sur cinquante-deux (52) semaines par année sur facturation plus taxes.

 

3.2       La semaine de travail est de quarante (40) heures. Les jours fériés seront repris en temps et les heures supplémentaires ne donnent lieu à aucune majoration.

[18]         Si les parties ont pris soin d'indiquer que la somme de 2 000 $ par semaine est basée sur 52 semaines, ce n'est pas uniquement pour préciser la fréquence de la facturation. Sinon, il était inutile de mentionner que la somme de 2 000 $ sera payée pour une durée de 52 semaines. Il suffisait d'indiquer que la somme sera versée hebdomadairement.

[19]         De plus, la clause 3.2 prévoit que les jours fériés seront repris en temps. Cela signifie que DVR ne réduira pas sa facture de 2 000 $ par semaine même si la semaine de travail comprend alors des journées fériées. Celles-ci seront rémunérées par 9126 mais remboursées graduellement en temps supplémentaire par DVR .

[20]         Le Tribunal interprète le contrat comme signifiant que Ross a droit à une rémunération hebdomadaire de 2 000 $ pour une durée de 52 semaines tant qu'il sera au service de l'entreprise où il a été placé par 9126 .

[21]         Cette interprétation donne un effet à la clause 3.1 alors que l'interprétation suggérée par 9126 n'en donne aucun (art. 1426 C.c.Q.).

[22]         Ce n'est pas parce que 9126 n'a pas été payée par son client pendant les vacances des Fêtes que DVR doit être placée dans la même situation. Il s'agit de deux relations contractuelles distinctes. Si 9126 voulait être dispensée de payer DVR durant la période de vacances de son client (l'entrepreneur), elle se devait de le préciser clairement dans son contrat avec DVR . Ce n'est pas ce qu'elle a fait.

[23]         Les factures P-1 et P-2 totalisent 4 515.00 $ incluant les taxes. DVR a droit à ce montant.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

ACCUEILLE en partie la demande;

CONDAMNE 9126-4333 Québec Inc. à payer Les Consultants D.V.R. Inc. la somme de 4 515.00 $ avec intérêts au taux légal de 5 % l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec , à compter du 30 avril 2009, date de la mise en demeure P-4;

CONDAMNE 9126-4333 Québec inc. à payer les frais judiciaires de 204 $ payables à Les Consultants D.V.R. inc.

 

 

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CHRISTIAN M. TREMBLAY, J.C.Q.

 

Date d’audience :

25 septembre 2012

 



[1]      Pièce P-3.

[2]      L.R.Q., c. N-1.1, art. 2 .