COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
264893 |
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Cas : |
CM-2011-4155 |
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Référence : |
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Montréal, le |
21 août 2012 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Esther Plante, juge administrative |
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Sanaa Laghzaoui
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Plaignante
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c. |
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Garderie Jardin des Canetons inc.
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Intimée |
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DÉCISION |
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[1]
Le 6 avril 2011, Sanaa Laghzaoui (la
plaignante
) dépose une
plainte pour pratique interdite en vertu des articles
[2] En début d’audience, la Commission lui accorde l’autorisation d’amender sa plainte pour y ajouter que l’employeur a tenté d’éluder l’application de la LNT.
[3] La plaignante soutient qu’elle a été embauchée pour une durée indéterminée le 28 février 2011 et que l’employeur lui a fait signer un contrat d’une durée de trois mois, le 5 avril suivant, à l’annonce de sa grossesse.
[4] L’employeur soutient que la plaignante a signé le jour de son embauche un contrat d’une durée de trois mois renouvelable et qu’elle est simplement venue lui remettre un certificat médical relié à sa demande de retrait préventif lors de leur dernière rencontre, le 5 avril 2011. Subsidiairement, il ajoute que la plainte est prématurée dans l’hypothèse où la Commission retiendrait que le contrat a été signé le 5 avril.
[5] La plaignante travaille pour l’employeur comme éducatrice à la petite enfance. Elle suit aussi des cours du soir pour compléter sa formation d’éducatrice.
[6] Elle a répondu à une offre d’emploi sur le site web d’Emploi-Québec relativement à un poste permanent d’éducatrice à temps plein chez l’employeur.
[7] Le 27 février 2011, la veille de son embauche, elle passe une entrevue avec la directrice. Elles discutent des tâches, du salaire et de l’horaire. Elle lui demande une augmentation du salaire et se voit répondre qu’il pourra en être question dans un an. Elle affirme qu’elles n’ont pas discuté de la durée de son engagement et qu’elle n’a pas signé de contrat à ce moment-là.
[8] Du 28 février au 4 avril 2011, elle est responsable d’un groupe d’enfants âgés de huit ans. L’employeur reconnaît qu’il est satisfait de la qualité de sa prestation de travail.
[9] Le 5 avril, la plaignante consulte un médecin dans l’avant-midi et apprend qu’elle est enceinte. Le médecin recommande un retrait préventif immédiat. Elle retourne donc chez elle.
[10] Elle avise la directrice de sa grossesse lorsqu’elle reçoit son appel. Celle-ci insiste pour qu’elle vienne terminer la journée, ce qu’elle refuse. Elle dit s’être renseignée auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST ) pour connaître ses droits : un préposé lui a confirmé qu’elle n’avait pas à compléter sa journée de travail. Elle est finalement allée rencontrer la directrice. Elle explique que celle-ci l’a rappelée pour qu’elle lui apporte le certificat médical et signe un contrat de travail pour avoir droit au retrait préventif.
[11] La directrice l’accueille dans son bureau en lui disant qu’elle n’est pas contre le fait qu’elle soit enceinte, puis appelle son conjoint pour la signature du contrat. Celui-ci signe d’abord. La plaignante est catégorique : le contrat ne porte pas de dates lorsqu’elle le signe. La directrice les inscrit par la suite. Lorsqu’elle lui fait remarquer qu’elle n’a pas écrit la date du 5 avril, celle-ci lui répond : « Tu as commencé à travailler à cette date [28 février 2011] , ton contrat finit le 27 mai 2011. » En contre-interrogatoire, elle précise que la directrice lui mentionne qu’elle ne veut plus d’elle à la garderie après son accouchement.
[12] Elle sort ensuite du bureau suivie de la directrice qui lui interdit de parler avec les éducatrices de ce qui vient de se passer. Le soir même, elle consulte le site web de la Commission des normes du travail et dépose sa plainte.
[13] La directrice témoigne qu’elle a fait signer à la plaignante un contrat d’une durée de trois mois renouvelable au moment de son embauche. Son conjoint témoigne qu’il a signé avant la plaignante et que les dates étaient inscrites sur le contrat lorsqu’il l’a signé. La directrice n’en est pas aussi certaine. Elle ne se souvient pas si les dates ont été inscrites sur le contrat avant que la plaignante ne le signe ni si celle-ci était présente lorsqu’elle les a inscrites. Pour elle, c’est possible que la plaignante ait signé sans que le contrat ne porte de dates.
[14] Elle ajoute qu’elle indique toujours une période d’essai, dont la durée varie de un à trois mois, et renouvelle le contrat si elle est satisfaite de la prestation de travail de l’éducatrice ou aide-éducatrice, ce que son conjoint confirme. Elle procède habituellement de cette manière en soulignant qu’elle a renouvelé les six contrats qu’elle a déposés.
[15] Ces contrats sont semblables à celui que la plaignante a signé. Quatre des six contrats prévoient une durée de trois mois comme celui de la plaignante. Les deux autres sont d’une durée de 12 mois. Aucun de six contrats ne porte la date de sa signature. La directrice indique dans les espaces prévus à cette fin la date de l’embauche et la date correspondant à la fin de la période indiquée comme durée du contrat. Par exemple, la signature du conjoint de la directrice apparaît sous la date du 28 février 2011 et celle de la plaignante sous la date du 27 mai 2011.
[16] Le 5 avril, la plaignante l’a appelée pour lui dire qu’elle était enceinte avant de venir lui porter son papier. Son conjoint donne la même version. Elle n’a pas eu d’autre communication avec elle par la suite si ce n’est que la plaignante lui a écrit le 18 mai pour avoir un relevé d’emploi. Elle a émis le relevé d’emploi le 21 avril 2011. Il porte la mention « sous contra [t] de trois mois » dans la case « Observation » et la date du « 11 avril 2011 » dans la case « Dernier jour payé » .
[17]
L’article
Il est interdit à un employeur ou à son agent de congédier, de suspendre ou de déplacer un salarié, d’exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou des représailles ou de lui imposer toute autre sanction :
[…]
4° pour la raison qu'une salariée est enceinte;
5° dans le but d'éluder l'application de la présente loi ou d'un règlement;
[18]
La LNT dispense le salarié de devoir prouver de façon prépondérante que
l’employeur a pris une mesure pour un motif illégal. L’article
S'il est établi à la satisfaction de la Commission que le salarié exerce un droit qui lui résulte du présent code, il y a présomption simple en sa faveur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui à cause de l'exercice de ce droit et il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette sanction ou mesure à l'égard du salarié pour une autre cause juste et suffisante.
[19] La plaignante est salariée au sens de la LNT et elle est enceinte. Pour bénéficier de la présomption, elle doit établir que l’employeur a pris à son endroit une sanction ou une mesure de façon concomitante à l’annonce de sa grossesse. Qu’en est-il?
[20] Les versions de la plaignante et de l’employeur ne sont pas incompatibles.
[21] La plaignante a pu penser qu’elle avait un contrat à durée indéterminée puisque la directrice lui a parlé d’une période d’essai de trois mois, puis d’un renouvellement lors de son embauche.
[22] L’examen des contrats ne permet pas, par ailleurs, de déterminer qu’ils sont signés lors de l’embauche des nouvelles éducatrices.
[23] Il apparaît clair cependant que la plaignante aurait vu son contrat renouvelé n’eut été de sa grossesse, puisque l’employeur était satisfait d’elle et qu’il a procédé au renouvellement des contrats des autres éducatrices.
[24] La décision de l’employeur de ne pas renouveler le contrat de la plaignante a été prise de façon concomitante à l’annonce de sa grossesse. La plaignante l’a compris lors de la rencontre du 5 avril et elle a déposé sa plainte le lendemain.
[25] La plaignante a établi une mesure de représailles et la plainte n’est pas prématurée.
[26] L’employeur n’a pas établi une autre cause juste et suffisante qui soit la véritable cause de sa décision de ne pas renouveler le contrat de la plaignante.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
ACCUEILLE la plainte;
ANNULE la mesure de représailles imposée le 5 avril 2011;
ORDONNE à Garderie Jardin des Canetons inc . de réintégrer Sanaa Laghzaoui dans son emploi, avec tous ses droits et privilèges, dans les huit (8) jours de la signification de la présente décision;
ORDONNE à Garderie Jardin des Canetons inc. de verser à Sanaa Laghzaoui à titre d’indemnité, dans les huit (8) jours de la signification de la présente décision, l’équivalent du salaire et des autres avantages dont l’a privée la mesure de représailles.
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__________________________________ Esther Plante |
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Monsieur Benjamin Paré |
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RIVEST, TELLIER, PARADIS |
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Représentant de la plaignante |
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M e François Hamel |
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PELLETIER GULLET HAMEL |
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Représentant de l’intimée |
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Date de la dernière audience : |
23 mai 2012 |
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/ls