Mourad c. Des Châtelet

2012 QCCQ 9987

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

LOCALITÉ DE

LAVAL

« Chambre civile »

N° :

540-32-023121-104

 

 

 

DATE :

 25 juillet 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JACQUES LACHAPELLE, JCQ

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RARRBO MOURAD

Demandeur

c.

ANDRÉ DES CHÂTELET

et

PIERRETTE DES FORGES

Défendeurs

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Le demandeur réclame 7 000 $ pour remédier aux vices cachés dont est affectée la propriété achetée des défendeurs.

[2]            En mars 2008, le demandeur est intéressé par la propriété des défendeurs située au […] à Fabreville, Laval.

[3]            Lors de la visite, le demandeur et son épouse remarquent rien d'anormal. L'épouse du demandeur, lors d'une conversation amicale et anodine, s'enquiert auprès des défendeurs de la présence des moustiques. Ceux-ci, selon elle, sont parus surpris et embarrassés de la question et répondent qu'ils n'ont pas connu de problème à ce sujet.

[4]            La vente est conclue et le demandeur et sa famille en prennent possession en juin de l'année suivante.

[5]            Au cours du printemps suivant, les acheteurs constatent la présence abondante de petits insectes, qui année après année font leur apparition de mai jusqu'à la fin de septembre.

[6]            Les insectes se collent aux moustiquaires, se répandent sur les terrains, entrent dans la maison. Durant cette période, on évite de sortir de la maison.

[7]            Le demandeur fait enquête au sujet de ces insectes tant auprès de la Ville de Laval que la Ville de Montréal pour l'identifier.

[8]            Il découvre qu'il s'agit d'un insecte dont le nom scientifique est «  psille micocolier  ».

[9]            On lit entre autres à l'expertise dont le dépôt a été accepté par le défendeur : 

« Les œufs sont pondus au printemps lors de feuillaison et les nymphes passent tout l'été dans la galle. Les adultes en émergent qu'en septembre.

MÉTHODE DE CONTRÔLE

1)         Méthode culturale                             

Aucune méthode culturale connue.

Lutte chimique

Aucun traitement chimique connu.

Quelques semaines après la ponte au mois de mai, les larves nouvellement formées se cachent dans un arbre, sur les feuilles où elles se développent, c'est la galle que l'on voit sur les feuilles. En automne, les psilles adultes émergent et cherchent la chaleur et la lumière. On les trouve dans les maisons.

Bien qu'ils ne piquent pas, ne transportent pas de maladie, ne nuisent pas aux animaux et ne diminuent pas l'utilité des arbres, les psilles constituent un irritant énorme pour les résidents des rues affectés en raison de leur nombre quasi bibliques.

Elles passent à travers les moustiquaires, obligeant les résidents à tenir les fenêtres fermées. »

[10]         Il est à noter que l'arbre qui abrite ces galles est situé sur le terrain voisin.

[11]         Le défendeur ne nie pas la présence de ces insectes. Il prétend seulement que l'on vit au Québec : « Nous devons malheureusement vivre avec eux et souvent la meilleure façon de les contrôler est de faire un arrosage printanier par un exterminateur qualifié. »

[12]         Il ajoute à quelques reprises après discussion avec le voisin, propriétaire de l'arbre, on a procédé à émonder l'arbre et que la situation s'est améliorée pour quelques années; il faut cependant répéter régulièrement l'opération.

[13]         Lorsqu'on lui a posé la question au moment des discussions lors de la vente, la défenderesse n'a pas cru qu'il était important de répondre à l'interrogation posée par l'épouse du demandeur au sujet de la présence de ces insectes.

[14]         Pour le défendeur, il s'agit d'un phénomène de la nature et qu'il ne s'agit pas de vice caché.

[15]         Pour sa part, le demandeur affirme qu'il n'aurait pas acheté cette propriété si on lui avait dénoncé ce problème qui l'empêche de jouir pleinement de sa propriété.

ANALYSE ET DÉCISION

[16]         L'article 1726 du Code civil fournit une définition de vice caché :

1726.  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

 

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[17]         Le défendeur soumet qu'il ne s'agit pas d'un vice caché puisque la présence d'insectes est un phénomène présent au Québec .

[18]         Cependant, la situation se présente différemment dans le présent cas. Tout d'abord, l'abondance de ces insectes près de cette résidence, sur le terrain et même à l'intérieur de la maison n'est pas habituelle. Leur présence est bien démontrée par le vidéo capté par le demandeur.

[19]         Qui plus est, les défendeurs n'ont pas été honnêtes en éludant la question qui aura été posée par l'épouse du demandeur.

[20]         L'article 1401 du Code civil prévoit :

1401.  L'erreur d'une partie, provoquée par le dol de l'autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.

 

Le dol peut résulter du silence ou d'une réticence.

[21]         Jeffrey Edwards écrit à ce sujet [1] :

Le dol soulève des conséquences plus étendues. Plus qu'une source d'erreurs viciant le consentement, c'est un acte légalement reprochable qui constitue une faute. À ce titre, il expose l'auteur aux dommages-intérêts.

Ainsi le dol ne se limite-il pas au geste accompli, soit la manœuvre en vue de tromper le cocontractant, mais il comprend également le geste omis, soit la réticence à révéler un élément d'information susceptible d'influer sur le consentement du cocontractant.

[22]         On peut comprendre que le demandeur n'aurait pas acheté ou n'aura pas donné si haut prix, si on lui avait signalé la présence de ces bestioles.

[23]         Le demandeur doit être compensé pour les inconvénients qu'il a subis, lui et sa famille.

[24]         Il apparaît selon les informations fournies par les experts qu'il y a peu de traitement vraiment efficace. Ainsi, année après année, le demandeur a été privé de la jouissance de son terrain et même du confort de sa maison puisque, en été, il ne peut vraiment les fenêtres pour ventiler sa maison.

[25]         Le Tribunal considère que le montant de 7 000 $ est une compensation adéquate.

[26]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[27]         CONDAMNE les défendeurs à payer au demandeur la somme de 7 000 $ et l'intérêt légal de 5% l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 5 août 2010 et les frais judiciaires de 159 $.

 

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JACQUES LACHAPELLE, JCQ

 

 

Date d’audience :

25 juillet 2012

 



[1] La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, Wilson & Lafleur, Montréal, 1998, p. 92.