Prévost c. Tribunal des professions

2012 QCCS 6018

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 

 

N° :

500-17-072496-121

 

 

 

DATE :

  29 novembre 2012

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

  MICHEL DÉZIEL, J.C.S.

 

______________________________________________________________________

 

Me JACQUES PRÉVOST

Requérant

c.

TRIBUNAL DES PROFESSIONS

Intimé

et

Me LOUIS P. BÉLANGER

Mis en cause

et

CONSEIL DE DISCIPLINE DU BARREAU DU QUÉBEC

Mis en cause

et

Me NANCY J. TRUDEL

Mise en cause

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

Le litige

[1]         Me Jacques Prévost, Syndic ad hoc du Barreau du Québec, présente une Requête introductive d’instance en révision judiciaire visant l’annulation et la cassation d’une décision du Tribunal des professions rendue le 17 mai 2012 accueillant l’appel du Mis en cause Me Louis P. Bélanger (« Bélanger ») et l’acquittant de la plainte portée contre lui le 18 mars 2004.

La plainte

[2]         Il y a lieu de reproduire l’intégralité de cette plainte : [1]

«           Je, soussigné, JACQUES PRÉVOST, avocat, régulièrement inscrit au Tableau de l'Ordre, agissant en ma qualité de syndic ad hoc du Barreau du Québec, déclare que :

M e LOUIS P. BÉLANGER, avocat, exerçant sa profession à Montréal, alors qu'il était régulièrement inscrit au Tableau de l'Ordre, a commis au cours des années 1994 et 1995 un acte dérogatoire, à savoir :

Alors qu'il représentait Les Entreprises Sibeca dans l'affaire Les Entreprises Sibeca inc . c. Raymond et Luc Grand'Maison , C.S. Montréal ,   500-05-001640-934, un dossier de litige concernant l'accès notamment à des biens immobiliers dont il était créancier hypothécaire, et qu'il agissait comme garant de sa cliente Les Entreprises Sibeca inc. auprès de la Banque impériale de commerce, en obtenant, dans ce contexte, en novembre 1994, la cession d'un billet promissoire d'un montant d'environ 52 000$, billet souscrit le 30 septembre 1994 par Les Entreprises Sibeca inc. et son président Pierre Tellier, et en acceptant le mandat de réclamer et en réclamant, le 24 novembre 1994, à son bénéfice personnel et à celui de quatre (4) autres personnes dont sa conjointe et deux (2) membres de son étude, le remboursement de cette somme à cette cliente qu'il a continué de représenter, contrairement aux articles 3.06.05, 3.01.03, 3.06.06 et 3.06.07 du Code de déontologie ou contrairement à l'article 59.2 du Code des professions

La déclaration de culpabilité

[3]         Le Conseil de discipline (« le Conseil »), par sa décision du 13 avril 2010, déclare Bélanger coupable d’une infraction en contravention de l’article 59.2 du Code des professions , tout en l’acquittant des trois (3) autres manquements qui lui étaient reprochés.

 

 

[4]         Il y a lieu de reproduire l’intégralité des conclusions du Conseil : [2]

«           DÉCLARE l’Intimé coupable de l’infraction suivante :

          Alors qu’il représentait Les Entreprises Sibeca dans l’affaire Les Entreprises Sibeca inc. c. Raymond et Luc Grand’Maison, C.S. Montréal, 500-05-001640-934, un dossier de litige concernant l’accès notamment à des biens immobiliers dont il était créancier hypothécaire, et qu’il agissait comme garant de sa cliente Les Entreprises Sibeca inc. auprès de la Banque impériale de commerce, en obtenant, dans ce contexte, en novembre 1994, la cession d’un billet promissoire d’un montant d’environ 52 000 $, billet souscrit le 30 septembre 1994 par les Entreprises Sibeca inc. et son président Pierre Tellier et en acceptant le mandat de réclamer et en réclamant, le 24 novembre 1994, à son bénéfice personnel et à celui de quatre (4) autres personnes dont sa conjointe et deux (2) membres de son étude, le remboursement de cette somme à cette cliente, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 59.2 du Code des professions.

REJETTE les manquements reprochés à l’Intimé aux dispositions des articles 3.06.05 , 3.01.03 , 3.06.06 et 3.06.07 du Code des professions des avocats ;

CONVOQUE les parties à une date à être fixée par la secrétaire du Conseil de discipline pour procéder à l’audition des représentations sur sanction.»

La trame factuelle

[5]         Afin de bien comprendre les faits ayant conduit à la plainte, il y a lieu de reproduire intégralement le résumé des faits effectué par le Tribunal des professions : [3]

«           1) Trame factuelle

[4]            Il n'y a pas de véritable dissension sur les faits pertinents, seulement sur l'interprétation qui en découle. On peut en dresser le sommaire suivant.

[5]            M. Tellier est fondateur et principal actionnaire de Sibeca. En 1988, il achète des lots grevés de deux hypothèques (250 000 $ en faveur de la Banque Nationale et 600 000 $ en faveur du Groupe Désourdy) sur le mont Pinacle. En 1991, il consulte Me Décary, associé chez Stikeman, Elliot (ci-après S.E.) et ami de longue date, alors que Sibeca est poursuivie par des citoyens réclamant une injonction pour faire cesser les travaux de coupe de bois.

[6]            Me Décary dirige alors M. Tellier vers son associé, Me Bélanger (l'appelant), qui devient son procureur ad litem .

[7]            En janvier 1993, l’appelant forme un groupe de cinq investisseurs, composé notamment de lui-même, son épouse et deux associés de son cabinet S.E. qui se portent acquéreurs des deux créances hypothécaires au coût de 500 000 $ . L'appelant communique préalablement avec le bureau du syndic du Barreau pour vérifier si l’acquisition de ces créances peut représenter une difficulté au point de vue déontologique. Me Pierre Bernard, syndic adjoint, lui aurait alors dit que l’acquisition de ces deux créances ne représentait pas, en soi, une difficulté, mais que leur exécution pouvait éventuellement poser un problème. L'appelant fait aussi signer à M. Tellier une déclaration constatant l’absence de conflit d’intérêts qui reconnaît même une communauté d’intérêts entre Sibeca et le groupe d’investisseurs.

[8]            À l’automne 1993, Sibeca éprouve des difficultés financières et l’appelant propose à M. Tellier d’obtenir une marge de crédit de 50 000 $ auprès de la CIBC, à laquelle il se porte personnellement caution. Sibeca acquitte des intérêts sur ce prêt jusqu’en mars ou avril 1994. 

[9]            Le 7 décembre 1993, à la demande de M. Tellier pour Sibeca, l’appelant obtient un jugement d’injonction contre M. Raymond Grand’Maison et al. permettant le libre accès aux terrains appartenant à Sibeca situés sur le mont Pinacle.

[10]         Le 25 mars 1994, l’appelant procède à l’interrogatoire après défense de M. Grand’Maison. Par la suite, il n’y a aucun développement dans ce dossier litigieux avant le 8 mai 1995.

[11]         Le 4 avril 1994, l’appelant transmet un mémorandum à M. Tellier évoquant la possibilité de conflit d’intérêts découlant d’un avis de 60 jours provenant du groupe d’investisseurs.

[12]         Le 30 septembre 1994, M. Tellier signe, au nom de Sibeca et en son nom personnel, un billet à demande au montant de 52 467,22 $ en faveur de la CIBC et tente de procéder à la vente des lots appartenant à Sibeca.

[13]         Le 18 octobre 1994, Me Décary de S.E. comparaît pour Sibeca dans un dossier impliquant la Municipalité de Frelighsburg. Il demeure procureur ad litem dans ce dossier jusqu’au 9 novembre 1995.

[14]         Le 31 octobre 1994, l'appelant écrit un mémorandum à Me Décary dans lequel il lui demande de prendre en charge le dossier Grand’Maison pour ne pas créer de conflits en lien avec la récupération de sa créance et celle des autres investisseurs.

[15]         À la demande de la CIBC, l’appelant, pour le groupe d’investisseurs, acquitte les obligations contractées par Sibeca et M. Tellier découlant du billet à demande signé le 30 septembre 1994.

[16]         Le 24 novembre 1994, l’appelant fait signifier à M. Tellier, par l’entremise de S.E., un transport de créance ainsi qu’une demande formelle de paiement, payable à l’ordre de S.E. en fidéicommis pour une somme de 52 467,22 $ avec intérêts. Cet épisode est au cœur même du litige, puisqu'il donnera ultérieurement naissance à la plainte. 

[17]         Le 11 janvier 1995, M. Tellier fait signifier, par son nouvel avocat, Me Pierre-Luc Blain, une mise en demeure à l’appelant ainsi qu’à S.E.

[18]         À cette même date, M. Tellier informe Me Décary qu’il a donné instructions à son avocat Me Blain de ne pas signifier une copie de cette mise en demeure au syndic du Barreau et d’enlever le nom de S.E. à titre de mis en cause.

[19]         Un règlement intervient au cours du mois de janvier 1995 entre M. Tellier et le groupe d’investisseurs.

[20]         Le 5 mai 1995, l’appelant reçoit signification de la part de l'avocat de Grand’Maison et al. d’une inscription pour enquête et audition ainsi que d’une déclaration de mise au rôle. Il transmet donc par télécopieur une lettre à M. Tellier de qui il requiert des instructions dans le dossier.

[21]         À la réception de cette lettre, M. Tellier communique avec Me Décary à qui il demande d’intervenir puisqu’il ne veut pas communiquer avec l’appelant et veut confier le dossier à un autre avocat.

[22]         Le 16 mai 1995, l’appelant écrit une lettre à M. Tellier dans laquelle il indique qu’il n’est plus approprié pour lui de continuer à agir dans cette affaire, mais il laisse sous-entendre que le dossier pourrait être transféré à un autre avocat de l’étude S.E.

[23]         Le 18 mai 1995, M. Tellier répond à l’appelant qu’il avait déjà fait la demande de le retirer du dossier en raison du conflit d’intérêts flagrant dans lequel il se trouvait et de certains gestes posés à l’occasion du dernier interrogatoire dans le dossier l'opposant à Grand'Maison et al.

[24]         Tels sont les faits pertinents aux fins du présent débat.»

 

 

 

 

[6]         Il y a lieu de noter que ce n’est que le 11 avril 2000, soit plus de cinq (5) ans après les faits que Sibeca/Tellier porte plainte au Barreau du Québec [4] suite à une poursuite intentée par la conjointe de Bélanger pour réclamer le solde dû que Sibeca est en défaut d’honorer [5] .

Avis du Comité de révision

[7]         La plainte formulée par Les Entreprises Sibeca inc. (« Sibeca ») et Pierre Tellier (« Tellier ») est d’abord rejetée par le Syndic du Barreau du Québec, après enquête.

[8]         Par la suite, le Comité de révision des plaintes du Barreau du Québec émet l’avis suivant, tel que reproduit à la décision du Tribunal des professions : [6]

«           [26]         Il importe de reproduire intégralement cet avis :

Après avoir pris connaissance du dossier, le Comité de révision est d'opinion qu'un syndic ad hoc soit nommé aux fins de déposer une plainte devant le Comité de discipline à l'endroit de Maître Louis P. Bélanger, en raison du fait que ce dernier, alors procureur de Les Entreprises Sibeca Inc. et Pierre Tellier, s'est placé dans une situation de conflit d'intérêt contrairement aux dispositions du Code de déontologie, plus particulièrement en obtenant de la Banque Impériale de Commerce la cession d'un billet promissoire au montant de          50 000 $, souscrit le 30 septembre 1994 par Les Entreprises Sibeca Inc. et ce, à son bénéfice personnel, celui de son épouse et deux membres de son étude Stikeman Elliott, laquelle réclama ensuite le remboursement dudit billet par mise en demeure datée du 24 novembre 1994 souscrite par Me Louis P. Bélanger.

Le Comité suggère Me Jacques Prévost soit désigné pour agir à titre de syndic ad hoc

(Reproduction intégrale)

[9]         C’est ainsi que Me Jacques Prévost agissant ès qualités de Syndic ad hoc du Barreau du Québec dépose la plainte le 18 mars 2004 auprès du Comité de discipline du Barreau du Québec. [7]

Les décisions intérimaires

[10]      Le 25 septembre 2008, le Comité de discipline rejette une requête en rejet partiel présentée par Bélanger qui prétendait que le Syndic ad hoc avait excédé son mandat en ajoutant les chefs d’infraction référant aux articles 3.01.03 et 3.06.05 du Code de déontologie des avocats et à l’article 59.2 du Code des professions qui n’étaient pas couverts pas l’avis du Comité de révision. [8]

[11]      À la même date, le Comité de discipline rejette une Requête pour précisions et/ou divulgation complète, précise et circonscrite de la preuve. Il y a lieu de reproduire certains extraits de cette dernière décision : [9]

«          [14]       Le plaignant a, le 14 janvier 2008, confirmé au procureur de l’intimé qu’il ne fera entendre qu’un seul témoin, soit M. Pierre Tellier, et qu’il entend produire des échanges de correspondances intervenues en 1995 afin de démontrer que l’intimé était toujours, à cette époque, le procureur responsable du dossier de la compagnie Sibecca;

[15]    Le plaignant a transmis à l’intimé, le 13 février 2007, une lettre à laquelle il annexe cent vingt-neuf (129) documents, dont vingt (20) copies de procédures devant les tribunaux;

[…]

[17]    Le plaignant affirme que le libellé de la plainte identifie précisément le comportement qui est reproché à l’intimé;

[…]

[29]    Dans le présent dossier, la plainte telle que rédigée, est suffisamment claire et précise pour permettre à l’intimé de savoir précisément ce qui lui est reproché;»

[12]      Le 26 mars 2009, le juge Martin Hébert du Tribunal des professions rejette la requête pour permission d’appeler de la décision du Comité de discipline rejetant la requête en rejet partiel de la plainte. [10]

[13]      Il y a lieu de reproduire les extraits suivants de cette décision : [11]

«           [9]                À la lecture de cette plainte, on constate que le plaignant réfère à plusieurs dispositions de rattachement, soit les articles 3.06.05 , 3.06.06 et 3.06.07 du Code de déontologie des avocats   de même que l'article 59.2 du Code des professions .

[10]            Or, il est établi que chaque disposition de rattachement constitue un chef distinct d'infraction, malgré la référence aux mêmes faits reprochés.

[…]

[16]            Toutefois, en poussant plus loin l'analyse en l'espèce, on constate que le problème n'existe qu'en regard du procédé de rédaction utilisé par le syndic ad hoc . En effet, la trame factuelle énoncée dans la plainte est strictement la même que celle prise en considération par le Comité de révision. Le syndic ad hoc n'a fait qu'utiliser à l'égard de cette trame factuelle plusieurs dispositions de rattachement, multipliant de la sorte le nombre d'infractions sur un même sujet.

[17]            On peut, certes, se questionner sur le caractère opportun d'un tel procédé mais on ne peut pas conclure que, ce faisant, le syndic ad hoc a excédé le cadre établi par le Comité de révision.

[18]            Ainsi, même si la question soulevée paraît à première vue d'intérêt général, le contexte du présent dossier n'est pas propice à un tel débat et ne justifie pas d'interrompre le déroulement de l'instance devant le Comité.

[19]            Au surplus, cette décision interlocutoire du Comité ne revêt pas un caractère irrémédiable. En effet, si Me Bélanger devait être éventuellement déclaré coupable des faits reprochés, il appartiendra au Comité de prendre les mesures appropriées, après avoir entendu les parties, pour respecter la règle interdisant les condamnations multiples.»

La norme d’intervention

A.      Norme applicable au Tribunal des professions examinant la décision du Conseil

[14]      Le Tribunal des professions exerce la matière disciplinaire, une véritable fonction d’appel des décisions du Conseil.

[15]      L’arrêt Parizeau c. Barreau du Québec rendu par la Cour d’appel le 18 août 2011 - dont la permission d’en appeler a été refusée par la Cour suprême du Canada le 15 mars 2012 (Réf. : 34495) - rappelle cette fonction, en précisant qu’il faut tenir compte de l’intention du législateur de confier certaines décisions à des instances expertes : [12]

«          [5]         L’affaire, qui est délicate, soulève principalement la question de savoir quelle est la portée de la mission confiée au Comité des requêtes du Barreau du Québec par l’article 70 , paragr. 4, de la Loi sur le Barreau , le tout considéré à travers le double prisme de l’appel et de la révision judiciaire.

[6]      À la suite d’une enquête générale menée par deux syndics ad hoc en vertu de l’ancien article 75 , paragr. 1, de la Loi sur le Barreau , une plainte disciplinaire est portée contre l’appelante le 1 er juin 1994, comportant 14 chefs d’infraction se rattachant à sa conduite dans un certain dossier de divorce aux fins duquel elle représentait l’épouse.

[…]

[69]    Selon la Cour suprême, le contrôle judiciaire d’une cour supérieure sur les décisions d’un tribunal administratif spécialisé peut donc s’exercer de deux façons : par le moyen de la révision judiciaire ou par celui de l’appel, si ce dernier est prévu par la loi. Dans les deux cas, cependant, il s’agit de contrôle judiciaire, ce qui oblige la cour à procéder à l’application des principes usuels du droit administratif en la matière. Cela est compréhensible dans la mesure où il s’agit de respecter la dynamique particulière des relations entre tribunaux administratifs spécialisés et cours supérieures généralistes, alors qu’il faut conjuguer la mise en œuvre de l’intention du législateur, qui confie certaines matières à des instances expertes, avec le principe du contrôle constitutionnel de la légalité de l’action administrative. Les juges majoritaires, dans l’arrêt Dunsmuir rappellent d’ailleurs cette dynamique lorsqu’ils citent avec approbation un passage de l’arrêt Canada (Procureur général c. Mossop) au sujet du «respect des décisions du gouvernement de constituer des organismes administratifs assortis de pouvoirs délégués».

[…]

[81]    La Cour suprême et notre cour ont rappelé sans cesse l’enseignement suivant : l’instance d’appel peut en principe corriger toute erreur de droit entachant une décision dont appel ou toute erreur manifeste et dominante dans la détermination des faits ou dans l’application du droit (s’il a été correctement déterminé) aux faits. Cette norme vaut tout aussi bien pour les appels formés auprès des tribunaux administratifs et la norme d’intervention développée en matière d’appel judiciaire est certainement transposable à l’appel quasi judiciaire, avec les réserves et les adaptations qu’imposent (sic) la loi particulière de chaque espèce ainsi que les règles générales du droit administratif.»

[16]      Le pouvoir d’intervention du Tribunal des professions quant aux décisions du Conseil est très vaste, comme on peut le lire dans cet arrêt : [13]

«          [76]       Le législateur confie ici au Tribunal des professions, tribunal administratif spécialisé, une fonction d’appel des décisions disciplinaires et des décisions d’admission ou de réadmission des comités des ordres professionnels, selon des modalités propres à l’appel. Peut-on, en l’absence d’une indication législative précise, transformer cet appel en quasi-révision judiciaire? Le législateur n’a pas restreint la fonction d’appel dévolue au Tribunal des professions et, tant en matière disciplinaire qu’en matière d’inscription et de réinscription, il a conféré à celui-ci le pouvoir d’intervention le plus vaste qui soit, à savoir celui de «confirmer, modifier ou infirmer toute décision qui lui est soumise et rendre la décision qui, à son jugement, aurait dû être rendue en premier lieu» (articles 175 et 182.6 du Code des professions ), termes dont le juge Fish, dans Pigeon c. Daigneault , disait que «[f]rom a statutory point of view, more sweeping powers of appellate intervention […] are difficult to conceive».

[…]

[78]    Tout cela, et au premier chef le respect de l’intention du législateur, sans parler de la protection du justiciable à qui l’on a donné droit de recours, milite contre l’assimilation de l’appel au Tribunal des professions à une sorte de révision judiciaire et milite aussi contre le développement d’une politique de déférence ayant pour effet de faire de cet appel une simili-révision judiciaire. À notre avis, le Tribunal des professions exerce bel et bien une fonction et une compétence d’appel.»

[17]      Le Tribunal des professions appliquera soit la norme de la décision correcte pour les erreurs de droit et la norme de l’erreur manifeste et dominante pour les erreurs d’appréciation fondées sur des déterminations factuelles inexactes : [14]

«          [86]       Il est normal, et même nécessaire, que le Tribunal des professions puisse corriger les erreurs de droit du Comité des requêtes, car si ce dernier est une instance spécialisée (et même surspécialisée), c’est également le cas du premier, qui a été créé par le législateur en vue de chapeauter l’ensemble du système de régulation professionnelle au Québec et d’assurer le développement des normes générales, y compris en matière disciplinaire et en matière d’accès ou de réaccès aux différentes professions. Dans ces deux cas, le Tribunal a été spécialement doté d’une fonction d’appel, qu’il n’y a pas lieu de stériliser par l’emploi d’une norme d’intervention exagérément sévère : assurément, au chapitre du droit, le Tribunal des professions doit appliquer la norme de la décision correcte, propre aux appels, rectifier toute erreur de droit et intervenir en conséquence, ce qui peut en certains cas requérir une réévaluation de la preuve ou des inférences qui en sont tirées à la lumière de la règle de droit applicable.

[…]

[90]    Cependant, si ce jugement d’appréciation est fondé sur des déterminations factuelles inexactes, le Tribunal des professions peut intervenir pour rectifier ces erreurs, si elles ont influencé l’issue du litige, et «rendre la décision qui […] aurait dû être rendu en premier lieu» (article 182.6 du Code des professions ). De plus, le Tribunal sera aussi justifié d’intervenir lorsque le jugement d’appréciation final posé par le Comité des requêtes ne concorde pas avec les faits révélés par la preuve. Dans les deux cas, en effet, il y a une erreur manifeste et dominante justifiant l’intervention du Tribunal. (…)»

B.      Norme applicable à la Cour supérieure examinant la décision du Tribunal des professions

[18]      La Cour supérieure ne siège pas en appel de la décision du Tribunal des professions.

[19]      La norme de la raisonnabilité s’applique, comme le reconnaissent les parties et comme l’affirme la Cour d’appel dans l’arrêt Parizeau et ce, tant sur une question de droit qu’une question de faits ou d’appréciation : [15]

«          [92]       Il demeure une certaine ambiguïté dans le jugement de la Cour supérieure au sujet de la norme d’intervention applicable à l’exercice de révision judiciaire qu’elle devait faire de la décision du Tribunal des professions. Ordinairement, ainsi que le décide une jurisprudence abondante, dont il n’y a pas leu de s’éloigner, c’est la norme de la raisonnabilité qui devait s’appliquer à l’examen de cette décision. En effet, toutes les questions litigieuses se trouvent, en l’espèce, au coeur de la compétence et de la mission spécialisées confiées au Tribunal dans le cadre du régime de régulation des professions mis sur pied par le législateur québécois. Ce tribunal est de surcroît protégé par une clause privative étanche et complète. Voici en effet ce qu’énoncent les articles 193 à 196 du Code des professions  :

193. (version en vigueur depuis le 15 octobre 2008) Ne peuvent être poursuivis en justice en raison d’actes accomplis de bonne foi dans l’exercice de leurs fonctions :

[…]

5° le Tribunal des professions ou un de ses juges;

[…]

194. (version en vigueur depuis le 15 octobre 2008) Sauf sur une question de compétence, aucun des recours extraordinaires prévus au Code de procédure civile (chapitre C-25) ne peut être exercé ni aucune injonction accordée contre les personnes ou l’organisme visés à l’article 193 agissant en leur qualité officielle.

195. (version en vigueur depuis le 15 octobre 1994) Sauf sur une question de compétence, l’article 33 du Code de procédure civile (chapitre C-25) ne s’applique pas aux personnes ni à l’organisme visé à l’article 193 agissant en leur qualité officielle.

196. (version en vigueur depuis le 22 juin 1979) Un juge de la Cour d’appel peut, sur requête, annuler sommairement tout bref et toute ordonnance ou injonction délivrée ou accordée à l’encontre des articles 193 et 194.

[93]    La norme de la raisonnabilité s’applique non seulement aux questions de fait ou d’appréciation dont le Tribunal a été saisi, mais aussi aux questions de droit, sauf, bien sûr, s’il s’agit d’une question de droit capitale pour le système juridique et étrangère au domaine spécialisé du Tribunal. Or, il n’y a aucune question de ce genre en l’espèce. La principale question de droit est celle qui touche l’interprétation de l’article 70 , paragr. 4, de la Loi sur le Barreau , question qui tombe clairement dans la zone de compétence spécialisée du Tribunal des professions.

[94]    Par ailleurs, si, comme le soutient l’appelante, le pourvoi soulève une question d’équité procédurale et de justice naturelle, c’est la norme de la décision correcte qui s’appliquera.

[95]    Sauf sur cette dernière question, s’il en est, la Cour supérieure devait donc ici se demander si le Tribunal des professions a exercé sa fonction d’appel de manière raisonnable au regard de la norme d’intervention qu’il doit lui-même appliquer et s’il a rendu en conséquence une décision justifiée, transparente et intelligible, bref une décision convenablement motivée et raisonnée, appartenant aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Comme le précisent les juges Bastarache et LeBel dans l’arrêt Dunsmuir  :

[49]   La déférence inhérente à la norme de la raisonnabilité implique donc que la cour de révision tienne dûment compte des conclusions du décideur. Comme l’explique Mullan, le principe de la déférence [TRADUCTION] «reconnaît que dans beaucoup de cas, les personnes qui se consacrent quotidiennement à l’application de régimes administratifs souvent complexes possèdent ou acquièrent une grande connaissance ou sensibilité à l’égard des impératifs et des subtilités des régimes législatifs en cause» : D.J. Mullan, «Establishing the Standard of Review : The Struggle for Complexity?» (2004), 17 C.J.A.L.P. 59, p. 93. La déférence commande en somme le respect de la volonté du législateur de s’en remettre, pour certaines choses, à des décideurs administratifs, de même que des raisonnements et des décisions fondés sur une expertise et une expérience dans un domaine particulier, ainsi que de la différence entre les fonctions d’une cour de justice et celles d’un organisme administratif dans le système constitutionnel canadien.

[96]    La Cour supérieure devait ici cette déférence à la décision du Tribunal des professions et devait uniquement se demander si le Tribunal avait raisonnablement exercé la compétence d’appel que lui confère l’article 182.6 du Code des professions . En toute déférence, la Cour estime que la Cour supérieure est allée plus loin que cela, appliquant dans les faits la norme de la décision correcte.»

[20]      La Cour supérieure doit se demander si la décision est raisonnable ou si elle appartient aux issues interprétatives possibles acceptables : [16]

«[123]  Bref, la Cour est d’avis que le Tribunal a exercé sa fonction d’appel d’une manière qui, au regard tant du droit que des faits, n’était pas déraisonnable et qu’il n’a pas, au contraire de ce que lui reproche le jugement de première instance, simplement substitué son appréciation de la preuve à celle du Comité, l’affaire ne relevant pas de la seule divergence d’opinion. Il pouvait, dans les circonstances, rendre la décision qui aurait dû être rendue, et c’est ce qu’il a fait, d’une manière suffisamment motivée, intelligible et transparente, laquelle appartenait aux issues possibles.»

[21]      La Cour supérieure doit respecter le haut degré d’expertise du Tribunal des professions. [17]

[22]      La Cour supérieure doit donc faire preuve d’une grande déférence envers les décisions du Tribunal des professions. [18]

[23]      Le Tribunal fait siens les propos suivants de la juge Nicole-M. Gibeau dans Guillet c. Tribunal des professions  : [19]

«          [11]       Dans Camerlain c. Tribunal des professions la juge Marie-St-Pierre fait l’analyse de la norme qu’il y a lieu d’appliquer relativement aux décisions rendues par le Tribunal des professions :

[39]   Dans Legault c. Tribunal des professions , la Cour d’appel énonce que l’article 194 du Code des professions constitue une clause privative complète et dans Tremblay c. Dionne , elle qualifie cette disposition de clause privative rigoureuse.

[40]   Dans Fournier c. De Wever , la Cour d’appel :

·       Reconnaît que le Tribunal des professions possède un haut degré d’expertise;

·       précise que l’existence de la clause privative prévue aux articles 193 à 195 du Code des professions, conjuguée à l’absence de droit d’appel à l’égard d’une décision du Tribunal des professions, invite à une grande déférence;

·       énonce que l’objet du Code des professions est d’assurer la protection du public et de confier à chaque ordre professionnel la mission de contrôler, en ce sens, l’exercice de la profession. De tels objectifs militent en faveur d’une grande déférence.

[41]   Interpréter et appliquer les lois professionnelles et leurs règlements en matière disciplinaire, interpréter et appliquer l’article 175 du Code de professions qui lui accorde le pouvoir de condamner une partie au paiement des déboursés et examiner une demande de sursis d’exécution d’une décision d’un comité de discipline prononçant une radiation provisoire : voilà des questions qui relèvent de la compétence spécialisée du Tribunal des professions.

[42]   Tenant compte de ce qui précède, il n’est pas requis de pousser davantage l’analyse de la norme applicable.

[43]   Les questions en litige ou propositions mises de l’avant justifient l’application de la norme de la décision raisonnable.

[…]

[14]    En outre, l’arrêt Dunsmuir précise en ces termes le caractère raisonnable d’une décision :

[…]  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Empreinte de déférence, la norme de la raisonnabilité commande le respect de la volonté du législateur de s’en remettre, pour certaines choses, à des décideurs administratifs, de même que le respect des raisonnements et des décisions fondés sur une expertise et une expérience dans un domaine particulier, ainsi que de la différence entre les fonctions d’une cour de justice et celles d’un organisme administratif dans le système constitutionnel canadien.

[15]    Toutefois, le rôle de la Cour supérieure n’étant pas de siéger en appel de la décision du Tribunal des professions ni d’y substituer ses propres vues, elle se doit d’avoir une grande déférence à l’égard des décisions rendues par ce dernier qui, comme en l’espèce, agit au coeur de sa compétence. Elle ne devrait intervenir que dans les cas où la décision s’avère irrationnelle, absurde et incohérente eu égard à la preuve et au texte de loi à appliquer.»

[24]      Enfin, la révision judiciaire ne doit pas se transformer en appel déguisé : [20]

«          [87]       Il est bien établi que la révision judiciaire ne doit pas constituer un appel déguisé de la décision attaquée. Or, la demanderesse invite ici la Cour, ni plus ni moins, à substituer son appréciation à celle du Tribunal des professions.»

Arguments des parties

1-      Arguments du syndic ad hoc

[25]      Le Tribunal des professions a erré en considérant déraisonnablement que le droit à une défense pleine et entière de Bélanger avait été mis en péril en raison de la rédaction de la plainte disciplinaire. [21]

[26]      Le Tribunal des professions a erré en reprochant au Conseil d’avoir retranché les termes « qu’il a continué de représenter », alors que celui-ci avait le pouvoir et devoir de le faire.

[27]      Enfin, à l’audience, il reproche au Tribunal des professions d’avoir rejeté la plainte sans référer à la preuve, en se maintenant en amont de la preuve.

2-      Arguments de Bélanger

[28]      La relation avocat/client était au coeur de la plainte et les exigences de la rédaction en vertu de l’article 59.2 du Code des professions en faisaient un élément essentiel à prouver et non un détail superfétatoire.

[29]      Le Syndic ad hoc avait l’obligation de décrire le comportement reproché avec précision en référant à la disposition omnibus qu’est l’article 59.2 du Code des professions et d’en faire la preuve, tel que libellé dans la plainte.

[30]      Le Conseil ne pouvait modifier la plainte en cours de délibéré.

Question en litige

[31]      Le Tribunal des professions a-t-il rendu une décision raisonnable, à l’intérieur de sa compétence?

Analyse et décision

La décision du Tribunal des professions

[32]      Le Tribunal des professions note que le Conseil ne reconnaît pas l’existence d’une relation avocat/client entre Bélanger et Tellier ou Sibeca, pas plus qu’il ne retient le concept de conflit d’intérêts chez Bélanger. [22]

[33]      Au paragraphe 32, le Tribunal des professions note que le Conseil considère plutôt que Bélanger s’est comporté de manière à porter atteinte à l’honneur et à la dignité de la profession en envoyant la mise en demeure du 24 novembre 1994 en utilisant la papeterie de Stikeman Elliott (S.E.).

[34]      Le Tribunal des professions conclut que le Syndic ad hoc pouvait invoquer l’article 59.2 du Code des professions dans la plainte. [23]

[35]      Pour les fins de la présente requête, seules les questions 3 et 4 doivent être examinées.

[36]      Le Tribunal des professions rappelle les exigences d’une formulation de la plainte qui réfère à cette disposition omnibus : [24]

«           TROISIÈME QUESTION EN LITIGE  : SUBSIDIAIREMENT, DANS LE CAS D’UN MANQUEMENT À L’ARTICLE 59.2 DU CODE DES PROFESSIONS , IL FAUT DÉCRIRE LE COMPORTEMENT INCRIMINÉ AVEC PRÉCISION ET FAIRE LA PREUVE DU MANQUEMENT TEL QUE FORMULÉ. CETTE EXIGENCE A-T-ELLE ÉTÉ RESPECTÉE?

[52]    La formulation d’une plainte doit permettre au professionnel de connaître les faits générateurs de l’infraction, le moment et les conditions pertinentes existantes lors de la commission de l’acte reproché, en sus des dispositions de rattachement. C’est en substance ce qu’édicte l’article 129 du Code des professions .

[53]    Cette obligation de décrire le comportement reproché est d’autant plus nécessaire dans le cas où, comme en l’espèce, la plainte renvoie à une disposition générale, l’article 59.2 du Code des professions . C’est précisément ce que rappelle le Tribunal des professions dans l’affaire Lacoste  :

[33]   Bien que «[…] les éléments essentiels d’un chef d’une plainte disciplinaire ne sont pas constitués par son libellé, mais par les dispositions du code de déontologie ou du règlement […]», lorsque la plainte reproche un manquement à l’article 59.2 du Code des professions , elle doit décrire le comportement incriminé avec suffisamment de précision pour permettre au professionnel de savoir ce qu’on lui reproche et lui permettre de présenter une défense pleine et entière.

[34]   Ceci implique que la preuve devra établir le manquement tel qu’il est formulé et que le professionnel ne saurait être déclaré coupable pour autre chose que ce qui lui est reproché dans la plainte.»

[37]      Poursuivant son analyse sur la troisième question en litige, le Tribunal des professions tient des propos sévères à l’égard de la rédaction de la plainte portée contre Bélanger : [25]

«          [54]       Mais il y a plus dans le présent dossier. En effet, la plainte renvoie non seulement à une disposition générale, mais aussi à plusieurs dispositions de rattachement plus spécifiques du Code de déontologie des avocats dont il convient de rappeler la teneur :

DEVOIRS ET OBLIGATION ENVERS LE CLIENT :

[…]

3.01.03.     L’avocat doit chercher à établir une relation de confiance mutuelle entre lui-même et le client.

[…]

3.06.05.    L’avocat doit sauvegarder son indépendance professionnelle quelles que soient les circonstances dans lesquelles il exerce ses activités professionnelles. Il ne peut notamment subordonner son jugement professionnel à l’effet d’une pression exercée sur lui par quiconque.

[…]

3.06.06. L’avocat doit éviter toute situation de conflit d’intérêts.

3.06.07.      L’avocat est en conflit d’intérêts lorsque, notamment :

1°      il représente des intérêts opposés;

2°      il représente des intérêts de nature telle qu’il peut être porté à préférer certains d’entre eux ou que son jugement et sa loyauté peuvent en être défavorablement affectés;

3°      il agit à titre d’avocat d’un syndic ou d’un liquidateur, sauf à titre d’avocat du liquidateur nommé en vertu de la Loi sur la liquidation des compagnies (L.R.Q., c. L-4), et représente le débiteur, la compagnie ou la société en liquidation, un créancier garanti ou un créancier dont la réclamation est contestée ou a représenté une de ces personnes dans les 2 années précédentes, à moins qu’il ne dénonce par écrit aux créanciers ou aux inspecteurs tout contrat de services professionnels antérieur reçu du débiteur, de la compagnie ou de la société ou de leurs créanciers pendant cette période.

Dans tous les cas où l’avocat exerce ses activités professionnelles au sein d’une société, les situations de conflits d’intérêts s’évaluent à l’égard de tous les clients de la société.

Code des professions

59.2           Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession.

[55]    Cette énumération est révélatrice. On constate que deux dispositions (3.06.06 et 3.06.07) concernent le conflit d’intérêts. Une autre (3.06.05) vise le devoir d’indépendance. La suivante (3.01.03) a trait à la relation de confiance entre l’avocat et son client. Tout cela en sus de l’article 59.2 du Code des professions qui traite des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession.

[56]    Au fond, telle que rédigée, la plainte repose sur une panoplie hétéroclite de dispositions de rattachement, semant de la sorte une possible confusion.

[57]    S’il est vrai que le syndic ad hoc peut et doit disposer d’une certaine discrétion, cela ne l’autorise pas à tisser les mailles d’un filet dont on ne peut s’extirper que fort laborieusement. Le procédé utilisé en l’espèce tend à mettre le professionnel visé dans une position de vulnérabilité, étant contraint de multiplier les axes de défense, vu le potentiel que recèle la plainte en raison du recours à diverses dispositions de rattachement, ce qui équivaut à une «partie de pêche» inversée.

[58]    En raison de la multiplicité et de la disparité des dispositions de rattachement, une description précise de la trame factuelle relatée dans la plainte revêt une importance capitale puisqu’elle permet de cerner le véritable reproche adressé à l’appelant et dresse les balises du litige. Il est impératif que la culpabilité ne découle pas de la méconnaissance de ces balises ou d’une confusion engendrée par celles-ci.

[59]    Une véritable réponse à cette troisième question en litige requiert d’examiner la prochaine question et d’analyser la décision du Conseil

[38]      Quant à la quatrième question en litige, le Tribunal des professions note que la rédaction de la plainte permet d’anticiper un débat dont l’enjeu central est la notion de conflit d’intérêts dans une relation avocat/client : [26]

«           QUATRIÈME QUESTION EN LITIGE  : EN CONCLUANT COMME IL L’A FAIT, LE CONSEIL A-T-IL RENDU UNE DÉCISION CONTRADICTOIRE EN RETENANT DANS LA PLAINTE UN ÉLÉMENT INCOMPATIBLE AVEC LE REJET DE LA PLAINTE DE CONFLIT D’INTÉRÊTS D’UNE PART, ET EN AMENDANT LA PLAINTE EN COURS DE DÉLIBÉRÉ POUR EN RETIRER AILLEURS UN ÉLÉMENT SIMILAIRE DONT LA PREUVE N’AVAIT PAS ÉTÉ FAITE D’AUTRE PART?

[60]    La décision du Conseil illustre la confusion découlant de la rédaction de la plainte. En effet, on constate une dérive entre ce qui était initialement reproché et ce qui est finalement retenu contre l’appelant.

[61]    À la lecture de la plainte il est raisonnable et légitime d’anticiper un débat dont l’enjeu central est la notion de conflit d’intérêts dans une relation avocat/client.

[62]    Fort d’un tel constat, l’appelant articule sa défense en prenant appui sur l’article 3.06.08 du Code de déontologie des avocats qui se lit ainsi :

3.06.08.    Pour décider de toute question relative à un conflit d’intérêts, il faut considérer l’intérêt supérieur de la justice, le consentement exprès ou implicite des parties, l’étendue du préjudice pour chacune des parties, le laps de temps écoulé depuis la naissance de la situation pouvant constituer ce conflit, ainsi que la bonne foi des parties.»

[39]      Après avoir cité l’article 3.06.08 du Code de déontologie des avocats , le Tribunal des professions note que Tellier, avocat admis au Barreau en 1968, signe un document en 1992 dans lequel il reconnaît l’absence de conflit d’intérêts résultant du statut de créancier de Bélanger et de deux autres associés de S.E. qui le représentent. [27]

[40]      Le Tribunal des professions note ensuite que Tellier et Sibeca ne se plaignent pas de façon contemporaine d’un possible conflit d’intérêts résultant de l’envoi de la mise en demeure du 24 novembre 1994, mais plutôt en 2000 : [28]

«          [67]       Enfin, il est utile de rappeler que plusieurs années se sont écoulées entre les actes reprochés et le dépôt de la plainte. En effet, Me Tellier et Sibeca ne se sont jamais plaints, à l’époque, d’un possible conflit d’intérêts résultant de l’envoi de la mise en demeure du 24 novembre 1994, pour quelque raison que ce soit (contenu, utilisation du papier à lettre de S.E. etc.). Ce n’est qu’en avril 2000, soit plus de cinq ans après les faits, que le reproche surgit, coïncidant avec le moment où la conjointe de l’appelant réclame le solde que lui doit encore Sibeca.»

[41]      Enfin, il y a lieu de reproduire l’argumentation retenue par le Tribunal des professions pour conclure au bien fondé de l’appel, ce qui nous permettra de voir si la décision est bien motivée et intelligible : [29]

«          [68]       Ce portait (sic), sommairement brossé, permettait à l’appelant de croire qu’il avait offert une défense crédible et conforme à l’article 3.06.08 du Code de déontologie des avocats .

[69]    Pour conclure à la culpabilité de l’appelant, le Conseil emprunte une voie difficilement prévisible. Dans son analyse et ses conclusions, le Conseil rejette chacune des dispositions spécifiques du Code de déontologie des avocats auxquelles la plainte fait référence.

[70]    Il ne retient pas l’article 3.06.07 parce qu’il n’est pas générateur d’infraction :

[78]   Pour ce motif, le Conseil rejette le manquement reproché à l’intimé aux dispositions de l’article 3.06.07 du Code de déontologie des avocats qui n’est pas générateur d’infractions;

[71]    Quant à l’article 3.01.03 le Conseil considère que la preuve offerte n’est pas convaincante :

[94]   Rappelons que le plaignant a le fardeau de présenter une preuve claire, convaincante et de haute qualité démontrant que l’intimé a commis l’infraction qui lui est reprochée;

[72]    Relativement aux articles 3.06.05 et 3.06.06, le Conseil retient la version de l’appelant et considère que ce dernier n’était plus l’avocat de M. Tellier et Sibeca lors de l’infraction reprochée.

[73]    De la sorte, toutes ces dispositions contenues dans la section «Devoirs et obligations envers le client» du Code de déontologie des avocats sont écartées.

[74]    Le Conseil se rabat alors sur la disposition générale 59.2 du Code des professions pour déclarer l’appelant coupable. Le reproche n’est plus en lien avec un client, mais plutôt d’avoir exercé ses droits en utilisant un véhicule inapproprié.

[75]    À ce sujet, certains passages de la décision méritent d’être rappelés :

[142] L’intimé soutient, avec raison, qu’il avait le droit de faire valoir ses droits et de réclamer à M. Tellier et Sibeca les sommes qu’il avait payées en leur lieu et place;

[143] Le Conseil ne nie pas ce droit à l’intimé;

[144] Le reproche retenu par les membres du Conseil à l’endroit de l’intimé est le véhicule utilisé par celui-ci pour faire valoir ce droit;

[…]

[148] Le 24 novembre 1994, S.E., sous la signature de l’intimé, transmet une mise en demeure à Sibeca et M. Tellier réclamant le paiement, dans les dix (10) jours, d’une somme de 52 467,22 $;

[149] En date du 24 novembre 1994, S.E. est procureur de Sibeca dans le dossier Grand’Maison et réclame de Sibeca, par voie d’une mise en demeure, le paiement d’une somme d’argent de 52 467,22 $ due à des tiers dont trois (3) associés de S.E.;

[…]

[154] Le Conseil juge toutefois que l’envoi par S.E., sous la signature de l’intimé, de la mise en demeure du 24 novembre 1994 soulève un problème sérieux;

[76]    Pareil virage aligne la plainte dans une voie fort différente de celle raisonnablement anticipée. Ce faisant, le Conseil dévie le débat vers une sphère que l’appelant ne pouvait pas prévoir en vue de sa défense. D’ailleurs, le Conseil lui-même retranche dans le dispositif certains mots apparaissant initialement dans la plainte, au sujet de la représentation du client.

[77]    Cela est révélateur : pour soutenir la culpabilité, il a fallu adapter la plainte, après l’audition.

[78]    Il est vrai qu’une déclaration de culpabilité en vertu de l’article 59.2 du Code des professions ne requiert pas la démonstration d’une relation avocat/client. Cependant, telle n’est pas la question en l’instance. Il s’agit plutôt de déterminer si les balises du litige ont changé sans que l’appelant puisse offrir une défense éclairée. La réponse à cette interrogation est affirmative et il en résulte une erreur manifeste et dominante justifiant l’intervention du Tribunal pour infirmer la déclaration de culpabilité de l’appelant.

[79]    Si l’intimé voulait mener simultanément deux débats, il lui était loisible de formuler deux chefs d’infraction distincts, en exposant de façon limpide les actes reprochés, laissant ainsi la porte ouverte à une défense pleine et entière à l’égard de débats bien circonscrits. Tel n’a pas été le cas en l’instance.»

[42]      Le Tribunal des professions a donc fait une analyse adéquate de la situation et de la preuve, contrairement aux prétentions du Syndic ad hoc .

[43]      Le Tribunal des professions a le pouvoir d’infirmer toute décision qui lui est soumise aux termes des articles 164 et 175 du Code des professions  : [30]

164 .  Il y a appel du Tribunal des professions :

[…]

2°  de toute autre décision du conseil de discipline, de son président, de son président suppléant ou du président substitut, sur permission de ce tribunal.

[…]

175.   Le tribunal peut confirmer, modifier ou infirmer toute décision qui lui est soumise et rendre la décision qui, à son jugement, aurait dû être retenue en premier lieu. (…)»

[44]      Comme on peut le lire au paragraphe 38 de la décision, le Tribunal des professions réfère à l’arrêt Parizeau pour appliquer les normes d’interventions conformes à cet arrêt : la norme de la décision correcte pour les erreurs de droit et la norme de l’erreur manifeste et dominante aux questions mixtes de faits et de droit.

[45]      Le Tribunal des professions traite les questions 3 et 4 ensemble, comme on peut le lire au paragraphe 59 de la décision cité ci-dessus.

[46]      Comme question de droit quant à la troisième question en litige, le Tribunal des professions décide :

1-         Un professionnel ne peut être condamné pour autre chose que ce qui lui a été reproché dans la plainte : il faut donc décrire avec précision le comportement reproché et la preuve doit être faite selon cette description. [31]

 

2-         En invoquant des dispositions de rattachement multiple et disparate en regard d’une même trame factuelle, la description précise de celle-ci revêt une importance capitale, car elle permet de cerner le véritable reproche adressé à Bélanger et dresse les balises du litige. [32]

[47]       La conclusion du Tribunal des professions quant à la troisième question en litige est structurée, intelligible et cohérente, n’a rien de déraisonnable et répond à la norme de la décision correcte.

[48]      Devant le Tribunal des professions, les parties avaient suggéré d’appliquer la norme de la décision correcte à la quatrième question en litige; cependant, le Tribunal des professions a retenu la norme de l’erreur manifeste et dominante.

[49]      Sur cette quatrième question en litige, le Tribunal des professions compare le libellé précis de la plainte portant sur la notion de conflit d’intérêts dans une relation avocat/client entre Bélanger et Sibeca et, la défense axée sur cette trame factuelle d’une part, et la décision du Conseil basée sur la preuve non contestée en appel d’autre part.

[50]      Le Tribunal des professions rappelle la conclusion du Conseil quant à l’absence de relation avocat/client entre Bélanger et Tellier ou Sibeca et à l’absence de conflit d’intérêts. [33]

[51]      Le Tribunal des professions conclut, au paragraphe 74, que le reproche retenu par le Conseil n’est plus en lien avec un client, mais plutôt d’avoir exercé ses droits en utilisant un véhicule inapproprié.

[52]      Le Tribunal des professions conclut aux paragraphes 76 à 78 que le Comité a changé les balises pendant son délibéré.

[53]      Cette conclusion coule de source.

[54]      En effet, la déclaration de culpabilité quant aux faits reprochés sous 59.2 du Code des professions par le Comité, alors qu’il avait prononcé l’acquittement pour cause d’absence de preuve pour les mêmes faits en regard des autres dispositions de rattachement, était une erreur de droit facilement identifiable qui pouvait être contrôlée suivant la norme de la décision correcte.

[55]      Pour trouver Bélanger coupable selon une trame factuelle différente de celle telle que libellée, à l’égard de laquelle le droit à une défense pleine et entière peut et doit s’exercer, il aurait fallu rédiger celle-ci de façon différente, car sans cela le droit à une défense pleine et entière est affecté.

[56]      Le Tribunal des professions a conclu que changer les balises de la plainte était une erreur manifeste et dominante, même s’il aurait pu appliquer la norme de la décision correcte.

[57]      La conclusion du Tribunal des professions quant à cette quatrième question répond à la norme de la décision raisonnable.

[58]      Les conclusions du Tribunal des professions font partie des issues possibles et acceptables.

Le Tribunal des professions a-t-il fait une volte-face?

[59]      Le Syndic ad hoc prétend que la décision intérimaire du Tribunal des professions rendue le 26 mars 2009 [34] détermine que le droit de Bélanger à une défense pleine et entière n’est pas mis en péril en raison de la rédaction de la plainte.

[60]      En affirmant, le 17 mai 2012, que la rédaction de la plainte était défectueuse à un point tel que Bélanger ne pouvait pas faire valoir une défense pleine et entière, il fait valoir que le Tribunal des professions fait une volte-face inintelligible.

[61]      Cet argument n’est pas retenu.

[62]      Par sa décision intérimaire (Pièce R-3), le Tribunal des professions reconnaît la validité de la plainte et indique à Bélanger qu’il est en droit de se fier sur les faits qui lui sont reprochés, à savoir l’envoi de la lettre alors qu’ il représentait Sibeca qu’il continue de représenter .

[63]      L’enjeu central du reproche se situe dans la relation avocat/client, tel que reconnu par la décision intérimaire.

[64]      La relation avocat/client n’ayant pas été prouvée, le Conseil aurait dû acquitter Bélanger, affirme le Tribunal des professions.

[65]      Le Tribunal des professions conclut donc que le Syndic ad hoc était lié par la rédaction de la plainte et qu’il aurait dû formuler deux chefs d’infraction distincts s’il avait voulu obtenir une condamnation en vertu de 59.2 du Code des professions sur la base de faits différents de ceux reprochés.

[66]      Le Tribunal des professions a donc raison de conclure au rejet de la plainte parce que l’un de ses éléments essentiels, soit la relation avocat/client, n’a pas été prouvé; en effet, le Conseil avait considéré que Bélanger n’était plus l’avocat de Tellier et de Sibeca lors de l’infraction reprochée.

[67]      En enlevant les mots «qu’il a continué de représenter», le Conseil change les balises du litige, ce qui empêche Bélanger d’offrir une défense éclairée, ce qui constitue une erreur manifeste et dominante, selon le Tribunal des professions. [35]

[68]      La relation avocat/client n’est pas un élément superfétatoire ou un fait décoratif.

[69]      Cette conclusion répond à la norme de la raisonnabilité et se situe dans les issues possibles acceptables.

[70]      Le Syndic ad hoc n’est pas blâmé pour la rédaction de la plainte; le Tribunal des professions conclut plutôt que le Syndic ad hoc doit vivre avec le libellé précis de la plainte, surtout quand l’infraction résulte de la disposition omnibus qu’est l’article 59.2 du Code des professions .

[71]      Le Syndic ad hoc plaide à tort que le Tribunal des professions n’a pas suivi sa propre jurisprudence.

[72]      D’une part, la règle du stare decisis ne s’applique pas au Tribunal des professions. [36]

[73]      D’autre part, le Tribunal est d’avis qu’il n’y a pas de contradiction entre la décision intérimaire R-3 et la décision finale R-7.

[74]      En effet, le Tribunal des professions, par sa décision interlocutoire, se prononce sur la possibilité de faire référence à plusieurs des positions de rattachement et le caractère précis des faits invoqués dans la plainte.

[75]      Le Tribunal des professions, par sa décision finale, détermine que Bélanger a été trouvé coupable sur la base de faits différents de ceux tels que libellés dans la plainte.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

REJETTE la Requête en révision judiciaire;

AVEC DÉPENS.

 

 

_________________________________

Michel Déziel, j.c.s.

 

Me Jacques Prévost personnellement

POULIOT, CARON, PRÉVOST, BÉLISLE, GALARNEAU

 

Me Sylvain Lussier

OSLER, HOSKIN & HARTCOURT

Procureur du Mis en cause Me Louis P. Bélanger

 

 

Dates d’audience :

20 et 21 novembre 2012

 



[1] Pièce R-1.

[2] Pièce R-4 - Décision du 13 avril 2010.

[3] Pièce R-7, par. 4 à 24.

[4] Annexe III, vol. 2, p. 284.

[5] Ibidem , p. 298.

[6] Pièce R-7, par. 26.

[7] Pièce R-1.

[8] Pièce R-2.

[9] Ibidem , par. 14, 15, 17 et 29.

[10] Pièce R-3 - #500-07-000602-080 - Décision du 26 mars 2009.

[11] Ibidem , par. 9, 10, 16 à 19.

[12] 2011 QCCA 1498 , par. 5, 6, 69 et 81.

[13] Supra , note 12, par. 76 et 78.

[14] Supra , note 12, par. 86 et 90.

[15] Supra , note 12, par. 92, 93 à 96.

[16]   Supra , note 12, par. 123

[17] Côté c. Tribunal des professions , (2010) QCCS 1609 , 2010 QCCA 1474 , par. 43 à 45.

[18] Colas c. Tribunal des professions , (2012) QCCS 1359 , par. 70 et 72; Duquette c. Gauthier , (2007) QCCA 863 , par. 38.

[19] (2011) QCCS 3081, par. 11, 14 et 15.

[20] Supra , note 18, par. 87.

[21] Supra , note 18.

[22] Pièce R-7, par. 31.

[23] Ibidem , par. 52 à 59.

[24] Ibidem , par. 52 et 53.

[25] Supra , note 22, par. 54 à 59.

[26] Supra , note 22, par. 60, 61 et 62.

[27] Ibidem , par. 66.

[28] Ibidem , par. 67.

[29] Supra , note 22, par. 68 à 79.

[30] Code des professions , L.R.Q., chapitre C-26, partie de l’art. 164 et partie de l’art. 175.

[31] Supra , note 22, par. 52 et 53.

[32] Supra , note 22, par. 58.

[33] Ibidem , par. 31.

[34] Pièce R-3.

[35] Supra , note 22, par. 79.

[36] Landry c. Richard , 2012 QCCA 206 ; Domtar Inc. c. Québec (Commission d’appel en matière de lésions professionnelles) , [1993] 2 R.C.S. 756 .