Piscines Seigneurie inc. c. Hall

2012 QCCQ 12735

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

HULL

LOCALITÉ DE

GATINEAU

« Chambre civile »

N° :

550-22-013790-124

 

 

 

DATE :

7 novembre 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JACQUES LACHAPELLE, J.C.Q.

 

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PISCINES SEIGNEURIE INC. et 2845713 CANADA INC.

 

Demanderesses

 

c.

 

ROBERT HALL

 

Défendeur

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Les demanderesses (Piscines Seigneurie) réclament au défendeur la balance du prix de vente et d'installation d'une piscine au domicile du défendeur Robert Hall, soit un montant de 10 247,36 $.

LES FAITS

[2]            Le 27 août 2011, les parties conviennent d'un contrat d'achat et d'installation d'une piscine pour un montant global de 33 440 $ taxes incluses.

[3]            Le contrat contient la clause 6 suivante à la base du présent litige :

6. Le prix du contrat repose sur les ententes mutuelles suivantes :

a)     le sol de l'emplacement ne consiste pas en terre de remplissage et ne renferme ni formation rocheuse, ni blocs de roche, ni couches cimentées

Advenant le cas où de telles conditions seraient découvertes en cours de construction, le supplément de coût nécessaire pour les corriger (si possible) sera à la charge du propriétaire. Cela comprend spécifiquement les travaux de dynamitage ou l'enlèvement des roches, et la reconstruction du fonds de la piscine, de forage et de puits, etc..

[4]            Cette clause a été discutée avec le vendeur lors de la signature du contrat. Signalons tout d'abord qu'il est connu que dans cette partie de la ville il y a de fortes probabilités qu'on y rencontre du roc.

[5]            De quelle nature est-il, quelle est sa profondeur, sa dureté? On ne le sait pas tant qu'on a pas commencé à creuser.

[6]            Robert Hall affirme que le représentant de Piscines Seigneurie, Jacques Hill, qui n'est plus à l'emploi de l'entreprise et qui n'a pas témoigné, lui aurait mentionné lors des discussions sur ce sujet, qu'il n'avait pas à s'inquiéter et qu'il pouvait encourir, le cas échéant, de 200 $ à 300 $ l'heure pour assurer le creusage.

[7]            L'avocat de la demanderesse a fait objection à cette preuve en faisant valoir que ce témoignage contredit l'écrit ou en change les termes (article 2863 C.c.Q.). Le Tribunal a pris cette objection sous réserve afin de vérifier si celui-ci contredit l'écrit ou en change les termes ou s'il ne vient tout simplement pas l'expliquer ou le compléter.

[8]            Il convient de décider dès maintenant de cette question.

[9]            Le Tribunal permet cette preuve. Le témoignage de Robert Hall ne contredit pas l'article 6 du contrat, il vient le compléter. Par ailleurs, il s'agit d'un contrat de consommation. L'article 263 de la Loi sur la protection du consommateur (L.R.Q. P-40-1) prévoit :

Malgré l'article 2863 du Code civil, le consommateur peut s'il exerce un droit prévu par la présente Loi ou s'il veut prouver que la présente Loi n'a pas été respectée, administrer une preuve testimoniale, même contredire ou changer les termes d'un écrit.

[10]         Lors du creusage de la piscine il s'est avéré qu'on a rencontré tel qu'il était prévisible du roc. Présent sur place, Robert Hall, à qui on soumet la question, est-ce qu'on arrête ou si on continue? a demandé à ce que l'on continue l'excavation.

[11]         Plus tard, on a pu constater que les derniers pieds de roc étaient encore plus difficiles à extraire. Encore une fois, Robert Hall acquiesce à la continuation des travaux.

[12]         Pour réduire les coûts, notamment ceux du béton, il est suggéré et accepté par Robert Hall d'abaisser la partie basse de la piscine.

[13]         Pour prouver sa bonne foi, Paul Méthot, le président de l'entreprise, soumet qu'on avait accepté de fournir le béton nécessaire pour le patio à raison de 12 $ la verge cube. Il s'est avéré que son fournisseur lui demandait 20 $ la verge cube. Piscines Seigneurie décide de respecter sa parole et fournit le béton nécessaire à 12 $ le pied cube comme il avait été convenu.

[14]         Le 15 septembre 2011, Piscines Seigneurie émet la facture 89385 qui est remise par André Doucet le responsable du chantier pour Piscines Seigneurie à Robert Hall.

[15]         Le montant de la facture est de 8 588,86 $.

[16]         Robert Hall ne s'attendait pas à une telle facture et refuse de signer le document. Piscines Seigneurie décide de mettre fin aux travaux.

[17]         Le litige soulève les questions suivantes.

1)         La validité de la clause 6

[18]         Le défendeur plaide que cette clause n'est pas applicable parce qu'au moment de la signature du contrat on connaissait l'existence du roc.

[19]         Le fait que les parties connaissaient l'existence du roc n'entraîne pas l'invalidité de la clause 6 et ne permet pas d'inférer comme le veut Robert Hall que le prix du contrat incluait le coût de l'excavation supplémentaire.

[20]         En effet, lors des discussions au moment de la signature du contrat, Robert Hall a bien compris qu'il pouvait y avoir des frais supplémentaires advenant la présence du roc. Robert Hall admet qu'il pouvait lui en coûter deux à trois cents dollars l'heure supplémentaire.

[21]         La position de Robert Hall est contradictoire. Il ne peut soutenir, d'une part, que le contrat incluait les travaux supplémentaires pour enlever le roc et en même temps plaider qu'on lui a représenté qu'il pouvait lui en coûter les coûts horaires plus haut mentionnés.

2)         Le devoir de renseignement de la demanderesse

[22]         Dans « Contrat d'entreprise » [1] l'auteur écrit au sujet du devoir de renseignement :

La portée et l'étendue de l'obligation de renseignement doivent être évaluées et déterminées en tenant compte de la nature et du caractère particulier du contrat d'entreprise ou de prestations de services. Il arrive souvent que l'entrepreneur ou le professionnel rencontre, durant l'exécution du contrat, certaines difficultés auxquelles il doit faire face alors que ces difficultés étaient imprévisibles lors de la négociation et la conclusion du contrat. L'obligation de renseignement revêt à ce moment, son importance, de sorte que l'entrepreneur sera tenu d'informer, dans le meilleur délai, le maître d'ouvrage de ces problèmes et de discuter avec lui des solutions pour les régler. Il est de l'intérêt du maître de l'ouvrage d'être informé de façon continue par le professionnel afin qu'il soit impliqué dans la prise de décision visant à régler un problème imprévu. Il est aussi obligatoire, pour l'entrepreneur et le prestataire de services, de renseigner le client sur le coût supplémentaire pouvant être généré par la solution envisagée et ainsi obtenir son consentement avant de procéder à l'exécution de travaux modificatifs ou supplémentaires.

[23]         Le Tribunal tient pour acquis que le vendeur de Piscines Seigneurie a informé Robert Hall que les coûts reliés à la présence du roc pouvaient être de l'ordre de deux à trois cents dollars l'heure.

[24]         Dans les circonstances, il appartenait au représentant de Piscines Seigneurie sur place d'informer Robert Hall du coût des travaux ou à tout le moins d'une estimation des coûts supplémentaires d'excavation s'il en était autrement de ce qu'on lui avait annoncé lors de la signature du contrat.

[25]         Rassuré par les renseignements que lui avait donnés le vendeur lors de la signature du contrat, on peut comprendre la surprise de Robert Hall sur réception de la facture de plus de huit mille dollars et son refus de signer le document et de payer cette somme.

3)         La demanderesse était-elle en droit de mettre fin aux travaux?

[26]         La demanderesse soutient que le défendeur ayant refusé de signer les travaux additionnels et d'en payer le prix était en droit d'arrêter les travaux.

[27]         L'article 1591 du Code civil traitant de l'exception d'inexécution prévoit :

1591. Lorsque les obligations résultant d'un contrat synallagmatique sont exigibles et que l'une des deux parties n'exécute pas substantiellement la sienne et n'offre pas de l'exécuter, l'autre partie peut, dans une mesure correspondante, refuser d'exécuter son obligation corrélative, à moins qu'il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des usages qu'elle soit tenue d'exécuter la première.

[28]         Piscines Seigneurie devant le refus d'accepter les travaux supplémentaires et la crainte de ne pas être payée était à première vue justifiée de ne pas continuer les travaux.

[29]         Cependant, tel que mentionné au point précédent, c'est parce que la demanderesse n'avait pas informé le défendeur du coût des travaux supplémentaires que le problème est survenu.

[30]         Il faut donc en conclure que Piscines Seigneurie ne pouvait mettre fin aux travaux de façon unilatérale.

4)         Le montant de la réclamation de Piscines Seigneurie

[31]         De l'analyse des premières questions, le Tribunal retient :

-           la clause 6 du contrat est valide

-           Robert Hall savait et devait s'attendre à payer un montant supplémentaire qui soit en conformité avec le montant suggéré par le vendeur

-           Piscines Seigneurie ne pouvait mettre fin aux travaux.

[32]         Dans les circonstances, le Tribunal, usant de sa discrétion et de la preuve offerte, doit fixer le montant de la réclamation de Piscines Seigneurie.

[33]         Compte tenu de la preuve, le Tribunal estime à dix (10) heures le temps supplémentaire pour excaver la piscine et fixe le taux horaire à 300 $.

[34]         Il fait droit également aux frais d'administration de 15 % et au supplément de béton de 447 $ indiqué à la facture 89385. Ainsi le montant de la facture sera de 3 897 $ plutôt que de 8 588,86 $.

[35]         La facture totale de Piscines Seigneurie sera de 5 555,50 $.

5)         La demande reconventionnelle

[36]         À cause du défaut de Piscines Seigneurie de continuer les travaux, Robert Hall soutient qu'il a dû payer des frais supplémentaires de 6 402,23 $. Considérant qu'il estime devoir 1 924 $ à Piscines Seigneurie, Robert Hall réclame 4 482,23 $. Cette réclamation est contestée par Piscines Seigneurie et Robert Hall n'a pas été en mesure d'en faire la preuve.

6)         Dommages et intérêts pour perte de temps

[37]         Considérant que Piscines Seigneurie n'était pas justifiée de mettre fin au contrat, considérant que la demanderesse a manqué à ses devoirs de renseignement, Robert Hall a subi des inconvénients : il a dû faire le nécessaire pour compléter le contrat, il n'a pu bénéficier de sa piscine dans les délais prévus… etc. Le Tribunal usant de sa discrétion fixe le montant des dommages et intérêts à 1 000 $.

[38]         Opérant compensation, le montant de la réclamation de la demanderesse est de 4 555,50 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

CONDAMNE le défendeur à payer aux demanderesses 5 555,50 $;

CONDAMNE les demanderesses à payer au défendeur 1 000 $;

OPÉRANT COMPENSATION LE TRIBUNAL CONDAMNE le défendeur à payer aux demanderesses 4 555,50 $ avec intérêts au taux de 24% l'an à compter du 27 août 2011 et aux dépens.

 

 

 

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JACQUES LACHAPELLE, J.C.Q.

 

 

LEDUC & BOUTHILLETTE

Avocats pour les parties demanderesses

 

Me William Desrochers

Avocat pour la partie défenderesse

 

 

Date d’audience :

26 octobre 2012

 



[1]     Ouvrages mobiliers et immobiliers, contrats de prestation de services et l'hypothèque légale , 2 e édition.