Immeubles HTH inc. c. Plaza Chevrolet Buick GMC Cadillac inc. |
2012 QCCS 6097 |
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JJ0270
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N os : |
500-17-062177-103 |
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500-17-047478-089 |
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DATE : |
Le 29 novembre 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
PIERRE JASMIN, j.c.s. |
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500-17-062177-103 |
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LES IMMEUBLES H.T.H. INC. |
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demanderesse, défenderesse reconventionnelle |
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c. |
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PLAZA CHEVROLET BUICK GMC CADILLAC INC., |
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défenderesse, demanderesse reconventionnelle |
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Et
500-17-047478-089
PLAZA CHEVROLET BUICK GMC CADILLAC INC., demanderesse, défenderesse reconventionnelle
c. LES IMMEUBLES H.T.H. INC. défenderesse, demanderesse reconventionnelle
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JUGEMENT |
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[1] Par jugement du 1 er février 2012, l’honorable Martin Castonguay a accueilli la requête en réunion d’actions des deux requêtes introductives d’instance ci-haut mentionnées.
DOSSIER : 500-17-062177-103
[2] Par sa requête introductive d’instance du 22 novembre 2010, la requérante Les Immeubles H.T.H. inc. (ci-après nommée « H.T.H. ») demandait au Tribunal de résilier le bail la liant à la défenderesse Plaza Chevrolet Hummer Cadillac inc., devenue depuis Plaza Chevrolet Buick GMC Cadillac inc. (ci-après nommée « Plaza »).
[3] Dans cette requête introductive d’instance originale, H.T.H. alléguait essentiellement que Plaza n’avait pas respecté son bail en vendant sur son site des véhicules de marque Honda et en ne respectant pas les lois et règlements sur l’environnement.
[4] Par sa défense ré-réamendée et sa demande reconventionnelle du 20 septembre 2012, Plaza demandait au Tribunal de rejeter la requête de H.T.H. et de condamner celle-ci à lui payer la somme de 250 000 $ en dommages-intérêts et 100 000 $ en dommages punitifs.
[5] Par sa requête amendée du 28 septembre 2012, H.T.H. retire les paragraphes 23 à 42 de sa requête introductive d’instance portant sur le défaut de Plaza de respecter les lois et les règlements en environnement. H.T.H. demande enfin au Tribunal d’ordonner à Plaza de lui fournir un relevé de chaque véhicule de marque Honda vendu ou délivré par elle depuis le début de sa pratique.
[6]
Suite au retrait par H.T.H. de tous les paragraphes portant sur le
défaut par Plaza de respecter les lois et règlements en environnement, les
procureurs de Plaza ont, avec l’autorisation du Tribunal, ré-réamendé à deux
reprises leur demande reconventionnelle, les 15 et 16 octobre 2012. Le 15
octobre, afin de réclamer en vertu de l’article
1. LES FAITS
[7] En toile de fond, il y a cette créature bicéphale formée par H.T.H. et Parkway Pontiac Buick inc. (ci-après nommée « Parkway »), toutes deux propriétés de la famille Hoy (Harry, Diane et Richard). Cette relation qu’on peut qualifier d’incestueuse entre H.T.H. et Parkway est à l’origine non pas d’une guerre entre H.T.H. et Plaza puisqu’une guerre nécessite au moins deux belligérants alors que Plaza dans la présente requête n’est aucunement un belligérant, mais plutôt la victime d’une attaque brutale à son endroit de la part de H.T.H.
[8] H.T.H. est propriétaire d’un terrain situé au 10480, Henri-Bourassa Ouest, dans l’arrondissement de Ville Saint-Laurent à Montréal. Elle loue ce terrain à Plaza en vertu d’un bail signé le 2 juillet 1983 qui a, par la suite, été amendé et prolongé jusqu’au 30 juin 2013, avec une option de renouvellement de cinq ans. Du 2 juillet 1983 au 29 décembre 2008, les relations entre les parties ont été normales et même plutôt cordiales, puisqu’elles avaient le même conseiller juridique.
[9] Le 29 décembre 2008, Plaza a présenté une requête introductive d’instance en répétition de l’indu et en jugement déclaratoire. Cette requête dont disposera le Tribunal dans la deuxième partie du jugement n’était aucunement liée à la présente requête en résiliation de bail, puisqu’elle ne portait que sur une interprétation divergente de deux clauses du bail.
[10] Le 24 novembre 2010, H.T.H. présentait sa requête en résiliation de bail et en dommages-intérêts.
2. LA REQUÊTE EN RÉSILIATION DE BAIL ET EN DOMMAGES-INTÉRÊTS
[11] H.T.H. ayant pris la décision de retirer tous les paragraphes portant sur la violation par Plaza des lois et règlements en environnement, il ne reste plus que la question de la vente de véhicules de marque Honda par Plaza. La requête fait état de la vente de plusieurs véhicules de marque Honda. Or, une grande partie de la preuve n’a porté que sur la soi-disant vente d’un véhicule Honda sur le site de Plaza. Il s’agit en fait d’un contrat de location d’un véhicule de marque Honda par M. McVety. Ce dernier est l’époux de la fille de Diane Hoy, une des propriétaires de H.T.H. et de Parkway. Il a rendu un témoignage peu crédible, eu égard à ses réponses qui faisaient souvent référence à des problèmes de mémoire et qui étaient souvent contredites par son témoignage lors de son interrogatoire hors Cour.
[12] Son témoignage a également été contredit par M. Richard Hoy lors de son interrogatoire hors Cour et lors de son interrogatoire pendant le procès. Toutes ces contradictions entre les témoignages de M. McVety et de M. Richard Hoy amènent le Tribunal à la seule conclusion logique qu’il s’agit d’un coup monté par la famille Hoy avec la complicité de leur neveu, le tout dans le but non avoué de fabriquer un prétexte pour obtenir la résiliation du bail. Selon les témoignages de MM. John Iasenza et Antonio Herrero, tous les deux anciens employés de Parkway, il est d’usage dans l’industrie automobile de référer un client à un autre concessionnaire lorsque ce client cherche à se procurer une voiture d’une marque autre que celle offerte par le concessionnaire pour qui il travaille.
[13] Dans le cas de M. McVety, il est ressorti de la preuve qu’il n’avait pas les moyens d’acheter une voiture neuve et qu’il devait la louer. Or, à cette époque, à cause de la restructuration chez GM, il n’était plus possible de louer un véhicule de marque GM chez les concessionnaires. Selon la preuve et le témoignage de M. McVety, il s’est d’abord rendu chez Parkway pour louer un véhicule GM de marque Pontiac Sunfire G5. Selon lui, il n’a pu en louer un, car il n’y en avait aucun « en stock ». Or, la preuve a révélé qu’au contraire, plusieurs étaient disponibles. On peut en déduire que c’est plutôt parce qu’on lui a appris que GM ne louait plus de véhicules qu’il n’a pu louer une Pontiac Sunfire. Comment croire alors qu’il se soit rendu le lendemain chez Plaza dans le but de louer un Chevy Cobalt, un véhicule de marque GM?
[14] Dans les circonstances, comme il ne pouvait louer un Chevy Cobalt et qu’il n’avait pas les moyens d’en acheter un, il était tout à fait normal pour M. Trempe, employé de chez Plaza avec qui M. McVety a fait affaires, de suggérer à ce dernier de louer un véhicule de marque Honda chez Valleyfield Honda, dont le propriétaire était le même que celui de Plaza, soit M. Pierre Cloutier. Il faut remarquer que le contrat de location a été signé à Valleyfield, que c’est à la demande de M. McVety pour lui rendre service et lui éviter de se rendre à Valleyfield, que la Honda lui a été livrée sur le site de Plaza. Techniquement, il n’est pas évident que la vente s’est faite chez Plaza.
[15] Le Tribunal est d’avis que même s’il y avait eu vente de véhicule Honda sur le site de Plaza, il s’agissait d’un problème qui ne regardait aucunement H.T.H., mais plutôt GM et Plaza. Ceci a été admis par M. Richard Hoy. Dans les circonstances, la demande de résiliation du bail doit être rejetée, n’ayant aucun fondement légal.
[16] La conclusion subsidiaire de H.T.H. demandant qu’il soit ordonné à Plaza de fournir un rapport de tous les véhicules de marque Honda vendus et/ou livrés par Plaza depuis le début de sa pratique doit également être rejetée. En effet, H.T.H. n’a présenté aucune preuve au Tribunal justifiant une telle conclusion. M. Hoy a admis lors de son témoignage que la seule preuve qu’il avait fournie était celle de la soi-disant vente d’un véhicule de marque Honda à M. McVety.
[17] De plus, M. Steve O’Reilly, représentant de GM, a corroboré le témoignage de M. Pierre Cloutier qui l’aurait rassuré en affirmant que rien d’anormal ne se passait chez Plaza. M. O’Reilly a d’ailleurs pu le constater lui-même. Enfin, M. Pierre Cloutier a expliqué, lors de son témoignage, que les photographies d’une Honda Pilot et d’une Honda CR-Z représentaient une voiture que conduisait son fils et une voiture qui provenait de chez Valleyfield Honda qu’il avait fait essayer à sa femme pensant que celle-ci pouvait être intéressée à la garder, ce qui ne fut pas le cas.
3. LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE
1) Dommages-intérêts
[18] L’essentiel de la preuve repose sur le témoignage des deux principaux protagonistes, soit Richard Hoy et Pierre Cloutier. Tout au long des années pertinentes, Richard Hoy a été l’âme dirigeante de H.T.H. et de Parkway. Pierre Cloutier, pour sa part, était l’actionnaire principal et le principal dirigeant de Plaza, West Island Saturn Saab et de Valleyfield Honda, son fils Alain, s’occupant plus particulièrement de Plaza, alors que Pierre junior (Pierrot) s’occupait de Valleyfield Honda. Les témoignages de Richard Hoy et de Pierre Cloutier sont cruciaux dans l’évaluation de la preuve et la crédibilité de ces derniers représentent le facteur déterminant.
[19] Tout au long de l’audition, la crédibilité de Pierre Cloutier a été sans faille. Il a toujours répondu directement aux questions sans tenter de les éluder, de façon franche et il a été rarement, sinon jamais, contredit. Au contraire, la crédibilité de Richard Hoy est plus que douteuse. À plusieurs reprises, il hésitait dans ses réponses et très souvent, il n’y répondait pas directement. Il y a eu plusieurs contradictions entre les réponses qu’il a données lors de ses interrogatoires hors Cour et celles qu’il a données devant le Tribunal.
[20] Eu égard à la preuve présentée, le Tribunal en vient à la conclusion que non seulement la requête introductive d’instance de H.T.H. était mal fondée en faits et en droit, mais qu’elle a été intentée dans le seul but de miner la crédibilité et la réputation de Plaza aux yeux de GM pour que Parkway puisse l’éliminer à titre de compétiteur et devenir par la suite le concessionnaire de tous les modèles GM vendus par Plaza.
[21] Suite aux graves ennuis financiers de GM à l’échelle nord-américaine à compter de 2008, une restructuration importante a été mise sur pied et GM a décidé de rationaliser ses opérations en éliminant plusieurs concessions. Comme GM avait décidé de cesser la production des véhicules de marque Chevrolet, ce qui représentait une bonne partie des ventes de Parkway et que Parkway et Plaza étaient voisins immédiats, il était logique pour GM de fermer une des deux concessions et de concentrer la vente de tous ses modèles dans l’autre concession.
[22] GM a pris la décision de retirer à Parkway sa concession et de confier à Plaza la vente de tous ses modèles. Il n’y a eu aucune preuve que Pierre Cloutier a joué un rôle dans le choix par GM de Plaza.
[23] Il semble que Parkway et Plaza étaient d’avis qu’il était impossible de convaincre GM de laisser deux succursales voisines ouvertes. Pour cette raison, des pourparlers ont eu lieu entre Richard Hoy et Pierre Cloutier dans le but d’un achat éventuel de Plaza par Parkway. Une preuve prépondérante démontre que Parkway n’avait pas vraiment l’intention d’acheter Plaza puisque les pourparlers, surtout de la part de Richard Hoy, n’ont jamais vraiment été sérieux. La dernière offre de Richard Hoy était ridicule pour ne pas dire insultante, eu égard au fait qu’en 1983 et dans les deux ou trois années suivantes, Pierre Cloutier a payé à la famille Hoy plus de 4 000 000 $ pour essentiellement la clientèle reliée aux modèles Chevrolet, Corvette, Hummer, Cadillac et un modèle de camion.
[24] Conscient que la famille Hoy devrait débourser quelques millions de dollars pour acheter Plaza et qu’elle n’était pas intéressée à le faire, Richard Hoy, par l’entremise de H.T.H., à titre de locateur de Plaza, a plutôt décidé de résilier le bail de Plaza et de se servir de cet argument pour convaincre GM de lui confier la vente de tous les produits vendus par Plaza puisque cette dernière, suite à la résiliation éventuelle du bail, n’aurait plus aucun site pour opérer ce commerce. Parkway pourrait ainsi mettre la main sur Plaza sans que celui lui coûte un sou. Il s’agit du même stratagème que H.T.H. et Parkway avaient utilisé pour tenter de soutirer à Pierre Cloutier la concession de West Island Saturn Saab. L’appropriation par H.T.H. et Parkway de la concession Saturn a avorté puisqu’à la même époque, GM a décidé de cesser la production de son modèle Saturn.
[25] La preuve de la tentative d’appropriation par Parkway est plus que prépondérante. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner une partie du contenu de la lettre adressée à GM, le 26 mai 2009, par Parkway et signée par les trois propriétaires, soit Harry T. Hoy, Diane L. Hoy et Richard D. Hoy. Il est évident, à la lecture de plusieurs passages de cette lettre, que la famille Hoy ne fait aucune distinction entre H.T.H. et Parkway puisqu’elle fait état de relations commerciales qui, en principe, devraient être confidentielles entre un propriétaire et un locateur, pour l’utiliser en faveur de Parkway et au détriment de Plaza.
[26] De façon tout à fait gratuite, Parkway fait notamment référence à la probable impossibilité pour Plaza de financer toute expansion ou rénovation jusqu’à la fin du bail, le 30 juin 2018. Parkway fait également référence à la possibilité d’une terminaison prématurée du bail. De plus, Parkway informe GM que des procédures ont été intentées par Plaza contre H.T.H. dans le but d’obtenir une telle terminaison du bail. Enfin, Parkway évoque la possibilité que H.T.H. ne renouvèle pas son bail avec Plaza, ce qui causerait un tort à GM étant donné que plus aucun concessionnaire GM ne se trouverait alors sur la propriété de H.T.H.
[27] Le 31 mai 2010, Parkway, sous la signature des trois membres de la famille Hoy, écrit de nouveau à M. Steve O’Reilly, représentant de GM au Québec, pour l’informer que Plaza violait sa convention de concessionnaire avec GM en vendant sur son site des véhicules neufs de marque Saturn et SAAB, de même que des véhicules de marque Honda. Parkway utilise même les mots « mépris éhonté » (blatant disregard) pour qualifier l’attitude de Plaza à l’endroit de GM.
[28] Plaza n’a pas prouvé que les agissements de H.T.H. lui ont causé des dommages matériels directs sous forme de perte financière. Cependant, les agissements répétés de H.T.H. entre 2008 et 2012 à l’endroit de Plaza lui ont causé, de même qu’à ses principaux dirigeants Pierre et Alain Cloutier, des inconvénients et des ennuis.
[29] Ainsi, le 22 juillet 2008, Parkway met fin unilatéralement et sans raison sérieuse au « gentlemen’s agreement » grâce auquel les deux parties bénéficiaient d’un échange de terrain mutuel.
[30] Le 1 er octobre 2008, H.T.H. réclame de Plaza 585 526,99 $ pour des soi-disant livraisons de véhicules de marque Saturn et Saab par West Island Saturn Saab. Cette mise en demeure ne peut être considérée que comme de l’intimidation de H.T.H. à l’endroit de son locataire Plaza puisque West Island Saturn Saab avait une personnalité juridique différente de celle de Plaza et opérait à partir d’un site complètement différent de celui de Plaza et en vertu d’un bail avec GM et non pas avec H.T.H. Ce harcèlement sous forme de demande de paiement exagéré et injustifié s’est poursuivi jusqu’à tout récemment puisque le 12 avril 2012, Richard Hoy faisait parvenir à Pierre Cloutier une mise en demeure dans laquelle le montant réclamé avait atteint la somme astronomique de 1 945 902,98 $. Quand on sait que Plaza a toujours payé sous protêt le montant exact du loyer demandé par H.T.H. jusqu’à aujourd’hui, et que depuis 1983, elle a toujours honoré ses obligations financières à l’endroit de H.T.H., cette demande ne peut être considérée que comme de l’intimidation et du harcèlement, d’autant plus qu’une quittance avait été signée entre GM, H.T.H. et West Island Saturn Saab.
[31] Alain Cloutier a expliqué qu’après la fin du « gentlemen’s agreement » entre Parkway et Plaza, H.T.H. a installé des blocs de ciment sur lesquels pendaient des pneus sur la ligne de séparation originale des terrains, ce qui réduisait la longueur des espaces de stationnement situés directement en face du Département de service de Plaza. De plus, pendant les rénovations de Parkway, d’immenses panneaux publicitaires, beaucoup plus gros que nécessaire, ont été installés le long du chemin commun qui faisait face au Département de service de Plaza.
[32] Selon Pierre Cloutier, l’explication de M. Hoy voulant que les blocs aient été installés pour permettre l’exécution des travaux de rénovation ne tient pas puisqu’aucun travail de rénovation n’avait eu lieu derrière les blocs de ciment installés par H.T.H. De plus, l’installation de ces blocs de ciment n’a aucunement facilité l’exécution des travaux de construction, lesquels ayant eu lieu beaucoup plus loin. Il est étonnant de constater que seuls deux panneaux ont été installés sur la Transcanadienne qui pouvaient être vus par des centaines de milliers d’automobilistes alors que plus de sept ou huit gigantesques panneaux avaient été installés sur la voie commune passant devant le Département de service de Plaza.
[33] À partir d’août 2009, H.T.H. a fait parvenir à Plaza plusieurs lettres alléguant que cette dernière n’était pas en conformité avec les lois applicables en matière d’environnement. Or, une preuve prépondérante a démontré que les réservoirs souterrains avaient été remplacés par Plaza, en octobre 2010, de façon purement préventive et que Plaza n’avait violé aucune loi ou aucun règlement concernant la protection de l’environnement.
[34] M. Steve O’Reilly a manifesté son étonnement relativement à la présence de blocs de ciment qui avaient réduit l’espace de stationnement pour les clients de Plaza et ainsi qu’à la présence de panneaux publicitaires qu’il considérait comme trop gros, trop nombreux et sans grande utilité puisqu’ils auraient dû être surtout installés en plus grand nombre le long de l’autoroute Transcanadienne. Selon lui, il s’agissait bel et bien de harcèlement de la part de H.T.H. à l’endroit de Plaza.
[35] Selon Pierre Cloutier, le 21 octobre 2011, il a rencontré Richard Hoy et sa sœur Diane qui voulaient le voir pour discuter de certains problèmes concernant la relation locateur-locataire. Ne se méfiant pas, Pierre Cloutier s’est rendu à cette rencontre sans témoin. Richard et Diane Hoy l’ont alors informé que H.T.H. avait l’intention d’amender sa requête pour inclure comme codéfendeur en plus de Plaza, lui-même et ses fils Alain et Pierre Cloutier pour les tenir tous responsables pour les pertes alléguées de H.T.H. et de Parkway qui pourraient s’élever à 25 000 000 $. De plus, dans l’éventualité où Plaza essaierait de vendre son commerce à un tiers, H.T.H. et Parkway prendraient toutes les mesures légales nécessaires pour empêcher la transaction. Richard Hoy a nié avoir tenu de tels propos, mais étant donné le peu de crédibilité que le Tribunal lui accorde, il préfère la version de Pierre Cloutier, d’autant plus que Diane Hoy n’est aucunement venue témoigner pour nier le véritable contenu de la rencontre. De plus, les propos qu’auraient tenus Richard et Diane Hoy sont tout à fait de la même nature que ceux tenus par M. Richard Hoy lors d’une rencontre avec M. Steve O’Reilly.
[36] En effet, lors de son témoignage, ce dernier a déclaré que Richard Hoy lui avait exhibé un graphique sur lequel la courbe des activités de Parkway allait en augmentant alors que celle de Plaza allait en diminuant et lui avait déclaré qu’il ferait en sorte que Plaza l’implore à genoux. Le Tribunal n’a aucune raison de ne pas croire ce témoignage de M. O’Reilly, d’autant plus que ce dernier est venu témoigner à la demande de H.T.H.
[37] Le 12 juin 2012, les procureurs de H.T.H. ont fait parvenir aux procureurs de Plaza une lettre dans laquelle ils insinuaient que Plaza aurait commis des actes de vandalisme et aurait eu un comportement bizarre suite à la chute d’une immense lettre sur l’annonce de Parkway. Malgré une demande à cet effet des avocats de Plaza, en date du 28 juin 2012, H.T.H. n’a jamais retiré ces insinuations ni présenté d’excuses.
[38] Le 30 novembre 2009, Richard Hoy avait fait parvenir à M. O’Reilly une lettre par laquelle il lui demandait de ne faire aucun paiement à West Island Saturn, aux Placements Pierre Cloutier ou à Plaza avant de l’en informer, le tout pour s’assurer qu’ils fassent face à leurs obligations financières. Cette demande ne peut être considérée que comme du harcèlement à l’endroit de Pierre Cloutier et de Plaza, puisque selon la preuve, Plaza avait toujours respecté ses obligations financières, entre autres, en s’acquittant fidèlement de son loyer qui, au fil des années, a totalisé plusieurs millions de dollars.
[39] Il est certain que chacun des faits ci-haut mentionnés, pris isolément, pourrait sembler peu important. Par contre, lorsqu’on les analyse dans leur ensemble, ils constituent un abus du droit de propriété et une atteinte à la jouissance paisible à laquelle un locataire a le droit de s’attendre.
[40] H.T.H. a causé des ennuis et des inconvénients importants à Plaza dans le but de favoriser son compétiteur Parkway, l’alter ego de H.T.H. Le droit de Plaza de jouir paisiblement des lieux loués a été violé. Le Tribunal a été à même de constater l’effet dévastateur que les agissements de H.T. H. ont eu sur Pierre Cloutier et son fils Alain dans l’exercice de leurs activités. En tant qu’actionnaires de Plaza, ils bénéficieront des sommes que H.T.H. sera appelée à payer à Plaza à cause de ses agissements.
[41]
L’octroi de dommages-intérêts résultant de l’abus de droit du
propriétaire de H.T.H. et des troubles et inconvénients subis par Plaza doit
s’apprécier en fonction des principes de la responsabilité civile qu’on
retrouve aux articles
[42] Comme il n’y a pas eu de preuve de perte financière de la part de Plaza, c’est sous l’angle des dommages moraux qu’une indemnité doit être accordée. Le Tribunal arbitre à la somme de 50 000 $ le montant qui doit être accordé à Plaza par H.T.H. pour les ennuis, inconvénients et harcèlement de cette dernière à l’endroit de Plaza depuis les quatre ou cinq dernières années.
2) Dommages punitifs ou exemplaires
[43] Les principes qui doivent être appliqués dans l’octroi de dommages punitifs ont été très bien résumés par l’auteur Katheryne A. Desfossés dans « Commentaires sur le Code civil du Québec (DCQ) » [1] . Relativement au but des dommages-intérêts punitifs, elle s’exprime ainsi :
« Les dommages-intérêts punitifs visent la dissuasion de l’auteur d’une faute et du public à répéter ces gestes fautifs et « de manifester la réprobation de la société pour la conduite de l’auteur de la faute ». Les dommages-intérêts punitifs ont donc une fonction dissuasive et punitive. […]
(référence omise) »
[44] Dans son énumération des exemples de dispositions législatives permettant l’octroi de dommages-intérêts punitifs, elle mentionne, notamment, la Charte québécoise des droits et liberté de la personne [2] :
« La Charte prévoit le droit à des
dommages-intérêts punitifs en cas d’atteinte illicite et intentionnelle à un
droit ou à une liberté reconnu par la Charte et ce, autant en matière
extracontractuelle que contractuelle. L’article
Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnue par la présente Charte confère à la victime le droit d’obtenir la cessation de cette atteinte et la répartition du préjudice moral ou matériel qui en résulte.
En cas d’atteinte, illicite et intentionnelle, le Tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.
(références omises) »
[45] Après avoir analysé la jurisprudence en la matière, elle résume ainsi les critères de la présence nécessaire pour qu’il y ait octroi de dommages punitifs :
« En conséquence, il y aura atteinte illicite et
intentionnelle au sens du second alinéa de l’art.
En l‘absence de ces critères, des dommages-intérêts punitifs ne peuvent être accordés.
(référence omise) »
[46]
La doctrine et la jurisprudence ont également reconnu le principe de
l’octroi de dommages exemplaires pour atteinte illicite et intentionnelle à la
jouissance paisible des lieux loués, selon les articles
« 16] À propos de l'octroi des dommages punitifs, le premier juge conclut à une atteinte illicite et intentionnelle de la part de l'appelante au droit de l'intimée à la jouissance paisible des lieux loués en vertu du bail commercial dûment publié. Il retient de la preuve que, depuis l'acquisition de l'immeuble, l'appelante a tenté d'intimider la locataire au point où celle-ci a dû quitter les lieux, sans indemnité (paragr. [223] du jugement dont appel).
[17]
L'octroi des dommages punitifs
relève de la discrétion du juge, à moins d'une erreur de principe ou d'une
erreur sérieuse d'évaluation
[3]
. La qualification de la conduite de l'appelante donne sans aucun doute
ouverture à ce recours
[4]
. L'article
[…]
[21]
En prévoyant l'octroi de dommages
punitifs dans la section du Code civil portant sur les
Règles particulières
au bail d'un logement
, le législateur n'a pas pour autant voulu exclure le
recours à la
Charte québécoise
pour l'octroi de ce type de dommages par
la combinaison des articles
[…]
[24]
Le droit à la jouissance paisible
et à la libre disposition protégé par l'article
[25] Par sa conduite délibérée et de mauvaise foi, l'appelante a privé l'intimée de son droit de jouir paisiblement des lieux loués. La décision du premier juge à cet égard ne comporte pas d'erreur qui pourrait justifier l'intervention de la Cour.
(références omises) »
[47] Dans son jugement, l’honorable Claude Auclair [5] a reconnu le principe que la Charte pouvait être invoquée par une personne morale :
« Il n’y a pas de contestation que la Charte peut être invoquée par une personne morale.
Il est également reconnu que le droit à la jouissance paisible des lieux découlant d’un bail immobilier constitue un bien au sens de la Charte. »
[48] Dans leur traité Les obligations , les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina [6] s’expriment de la façon suivante relativement au caractère intentionnel que doit avoir l’atteinte à la Charte :
« En 1996, la Cour suprême a réitéré le principe selon lequel le résultat du comportement fautif doit avoir été voulu pour que l’atteinte soit qualifiée d’intentionnelle; elle a cependant interprété cette condition comme pouvant inclure la simple connaissance des conséquences immédiates et naturelles, ou au moins extrêmement probables, que la conduite fautive engendrera, un test qui dépasse de beaucoup la simple négligence mais qui se situe en deçà de la volonté de causer le dommage, et qui est appliqué avec souplesse par les autres tribunaux.
(référence omise) »
[49] De plus, les mêmes auteurs [7] dénoncent le principe que le droit aux dommages punitifs est un droit autonome :
« Curieusement, la jurisprudence ne justifie pas toujours en vertu de quelle loi elle accorde de tels dommages. Il n’en demeure pas moins que l’attribution de ces dommages est fondamentalement une sanction imposée par le tribunal à l’auteur de la faute, et non une compensation accordée à la victime pour le préjudice réel qu’elle a subi. En ce sens, il n’est pas nécessaire que la victime ait subi un préjudice moral ou matériel pour obtenir des dommages punitifs; à notre avis, le droit aux dommages punitifs est autonome.
(références omises) »
[50] En examinant toute la preuve ci-haut relatée sous l’angle des dommages punitifs, on observe ce qui suit. H.T.H., à titre d’alter ego de Parkway et de son complice, a intentionnellement nui à Plaza dans le but non avoué de lui faire perdre sa concession de GM, et ceci, au profit de Parkway. En ce sens, H.T.H. a utilisé le même stratagème pour favoriser Parkway au détriment de Plaza qu’il avait utilisé pour la concession West Island Saturn Saab détenue par la famille Cloutier.
[51] En effet, en mettant fin au bail entre elle et GM, H.T.H. voulait faire en sorte que GM n’ait d’autre choix que de transférer la concession West Island Saturn Saab à Parkway. Le tout ne s’est pas concrétisé, puisqu’au même moment, GM a décidé de mettre fin à la fabrication des véhicules de marque Saturn et de mettre ainsi fin à la concession détenue par West Island Saturn Saab.
[52] H.T.H. a utilisé le même stratagème et a tenté de faire résilier son bail avec Plaza. (MM. Richard Hoy, Harry Hoy et Mme Diane Hoy, tant personnellement qu’au nom de H.T.H. et de Parkway ont entrepris une campagne de dénigrement à l’endroit de Plaza.) Ils l’ont faussement accusée de vendre des véhicules neufs de marque Saturn et des véhicules Honda sur son site. Ils ont également fait de fausses insinuations relativement à d’éventuelles difficultés financières que pourrait connaître Plaza.
[53] Rien ne permettait à la famille Hoy de faire de telles insinuations, d’autant plus que Plaza avait, depuis 1983, toujours respecté ses engagements financiers et qu’elle avait payé, au fil de toutes ces années, plus de 14 000 000 $ en loyers à H.T.H. Enfin, H.T.H. et Parkway, par l’entremise des membres de la famille Hoy, ont faussement informé GM que Plaza ne respectait pas les lois et les règlements en environnement.
[54] Ces agissements de la famille Hoy doivent être considérés comme de l’acharnement et constituent une atteinte intentionnelle à la vie privée et à la réputation de Plaza dans l’unique but de lui nuire. Un tel comportement doit être sanctionné par le Tribunal.
[55] Le montant qui doit être accordé par le Tribunal doit être beaucoup plus que symbolique. En effet, il doit être suffisamment substantiel pour qu’il serve d’exemple et enlève à la famille Hoy toute velléité de récidiver. Il ne faut pas oublier que les parties devront bientôt renouveler leur bail et qu’il y a une possibilité d’une reconduction pour un terme additionnel de cinq ans. H.T.H. doit comprendre qu’elle devra négocier de bonne foi, sans abuser de son statut de propriétaire et en s’abstenant de favoriser Parkway.
[56] Dans les circonstances, en tenant compte de tous les critères retenus par la jurisprudence pour déterminer le montant qui doit être accordé sous forme de dommages punitifs ou exemplaires, le Tribunal l’évalue à la somme de 75 000 $.
3) Dommages et honoraires extrajudiciaires
[57]
Plaza réclame un montant de 31 370,44 $ à titre d’honoraires
extrajudiciaires, en vertu des articles
[58] À peine trois jours avant le début de l’audition, H.T.H. a, par amendement autorisé par le Tribunal, retiré tous les paragraphes de sa requête introductive d’instance amendée traitant du soi-disant non-respect des lois et règlements en environnement par Plaza. En contre-interrogatoire, Richard Hoy a admis qu’un tel désistement avait eu lieu parce que H.T.H. n’avait aucune preuve contre Plaza en ce qui concerne l’environnement. Pendant des années, les procureurs de Plaza ont dû préparer une défense et se préparer au procès en ce qui concerne la question de l’environnement et y ont consacré beaucoup de temps et d’énergie.
[59] Dans l’arrêt Royal LePage Commercial inc. c. 109650 Canada ltd [8] , la Cour d’appel a repris certaines parties pertinentes du jugement de l’arrêt Viel [9] de la Cour d’appel, sous la plume du juge Rochon :
« [75] À l’opposé, l’abus du droit d’ester en justice est une faute commise à l’occasion d’un recours judiciaire. C’est le cas où la contestation judiciaire est, au départ, de mauvaise foi, soit en demande ou en défense. Ce sera encore le cas lorsqu’une partie de mauvaise foi multiplie les procédures, poursuit inutilement et abusivement un débat judiciaire . »
[60] Dans le cas présent, tel que mentionné plus haut, c’est de mauvaise foi que H.T.H. a, dans sa requête introductive d’instance, reproché un soi-disant non-respect des lois et règlements en matière environnementale. C’est à la toute veille du procès que H.T.H. a décidé d’amender sa requête introductive d’instance pour retirer toutes les références à l’environnement.
[61]
Dans les circonstances, il s’agit d’une demande abusive, mal fondée et
frivole, qui sont les critères qu’on retrouve à l’article
[62] D’ici peu, Plaza pourra se prévaloir de la clause de renouvellement du bail, à l’expiration de celui-ci. Il en est d’une saine administration de la justice que le jugement soit exécutoire, nonobstant appel, le tout, afin que Plaza puisse poursuivre sans problème et de façon sereine, l’opération de ses activités, à l’expiration du bail.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[63] REJETTE la requête introductive d’instance de la demanderesse H.T.H., le tout avec dépens;
[64] ACCUEILLE en partie la défense et demande reconventionnelle de la défenderesse Plaza;
[65] CONDAMNE H.T.H. à payer à Plaza la somme de 125 000 $ en dommages moraux et dommages punitifs avec intérêts et l’indemnité additionnelle depuis la date de présentation de la demande reconventionnelle;
[66] ORDONNE à H.T.H. de payer à Plaza la somme de 31 370,44 $ avec intérêts et l’indemnité additionnelle à compter de la date du présent jugement;
[67] ORDONNE l’exécution provisoire du jugement, nonobstant appel.
DOSSIER : 500-17-047478-089
[68] Par sa requête introductive d’instance en répétition de l’indu et en jugement déclaratoire réamendée, la demanderesse Plaza Chevrolet Buick GMC Cadillac inc. (ci-après nommée « Plaza ») demande au Tribunal de déclarer que l’indice d’indexation des loyers utilisés par Les Immeubles H.T.H. inc. (ci-après nommée « H.T.H. ») depuis 1998 était erroné et de condamner cette dernière à lui rembourser la somme payée en trop de 413 627,34 $. Plaza demande également au Tribunal de déclarer qu’en vertu du bail et de l’amendement 1, Plaza a versé en trop à H.T.H. un loyer additionnel pour des camions livrés alors que ce ne devait être que pour des automobiles et de condamner H.T.H. à lui rembourser la somme payée en trop, soit 437 530 $.
[69] H.T.H. allègue pour sa part qu’elle a agi en conformité avec les termes du bail et qu’elle ne doit rien à Plaza. Elle demande donc au Tribunal de rejeter la requête.
1. LES FAITS
[70] Le 2 juillet 1983, Plaza signe un bail avec H.T.H. pour des locaux commerciaux situés au 10480, Henri-Bourassa Ouest, dans l’arrondissement de Ville Saint-Laurent à Montréal. Ce bail est pour une période de dix ans commençant le 1 er juillet 1983 et se terminant le 30 juin 1993 avec une option de renouvellement en faveur de Plaza pour deux périodes additionnelles de cinq ans.
[71] Le 15 décembre 1992, les parties signent un amendement au bail avec une modification qui fait en sorte que les deux options de cinq ans sont remplacées par une option de 20 ans commençant le 1 er juin 1993 et se terminant le 30 juin 2013.
[72] Le 9 mai 2003, les parties signent un deuxième amendement au bail original et à l’amendement 1 prévoyant deux options de renouvellement d’une durée de cinq ans chacune.
[73] Le même jour, les parties signaient une convention par laquelle Plaza louait à H.T.H. une parcelle de terrain vacant pour la somme mensuelle de 4 000 $, (ci-après appelé « le terrain additionnel »).
[74] Les termes et conditions de ce bail additionnel étaient identiques au bail original, de même qu’aux amendements 1 et 2.
[75] À l’automne 2008, H.T.H. et Parkway mettent fin au « gentlemen’s agreement » avec Plaza. Jusqu’alors, les parties avaient toujours eu le même avocat. Plaza décide alors de consulter de nouveaux conseillers juridiques. Ceux-ci examinent attentivement le bail original de même que tous les amendements et constatent que les indexations du loyer de base des 1 er juillet 1998 et 2003 ne représentaient pas le « sous-des loyers » pour la région de Montréal.
[76] Plaza demande alors à H.T.H. le remboursement des sommes perçues en trop, mais sans succès. H.T.H. insiste pour que Plaza continue de payer le loyer avec l’indexation préparée par Statistiques Canada pour l’ensemble du Canada. Plaza paie le montant demandé, mais sous protêt.
[77] Le 15 décembre 1992, à cause des conditions économiques difficiles, les parties avaient décidé de diminuer le bail pour le fixer à 360 000 $ par année, soit 30 000 $ par mois à compter du 1 er juillet 1993. Une augmentation à tous les cinq ans basée sur le sous-index des loyers pour la région de Montréal de Statistiques Canada continue de s’appliquer.
[78] L’article 5 de l’amendement prévoit également que Plaza paiera à H.T.H., à titre de loyer additionnel, un montant de 20 $ par nouvelle automobile délivrée par Plaza ou un de ses affiliés ou de ses filiales. Ce montant devait augmenter respectivement de 5, 15, 30 et 48 $, selon le nombre d’unités vendues.
2. AUGMENTATION DU LOYER EN FONCTION DE L’INDEXATION
[79] La preuve a révélé que l’ajustement de l’indexation à compter de juillet 1998 s’est fait à partir de l’indice des prix à la consommation (IPC) pour la région de Montréal. À compter de juillet 2003, c’est l’IPC pour l’ensemble du Canada qui a été utilisé.
[80] Pour l’ajustement de juillet 1998, l’ajustement basé sur l’IPC pour la région de Montréal a été proposé par Alain Cloutier, directeur général de Plaza, à Richard Hoy, représentant de H.T.H. Pour l’ajustement de juillet 2003, c’est Richard Hoy qui a soumis à Pierre Cloutier, président de Plaza, une entente qui était basée sur l’IPC pour l’ensemble du Canada. Pierre Cloutier a signé cette entente.
[81] M. Benoît Egan, évaluateur associé au cabinet Raymond, Chabot, Grant Thorton, a témoigné à titre d’expert en évaluation de l’IPC. Il a expliqué que l’ajustement de l’IPC, tel que présenté par Alain Cloutier et Richard Hoy, ne représentait pas fidèlement l’IPC pour les loyers pour la région de Montréal. Il est d’avis que conséquemment, Plaza a payé, au fil des années, beaucoup plus que ce qu’elle devait payer.
[82] En examinant l’expertise de M. Egan, on constate que pour certaines années, l’écart entre l’IPC pour les loyers dans la région de Montréal et l’IPC général du Canada est assez important. On peut le comprendre, puisqu’il est de notoriété que le prix de l’immobilier et, par conséquent, des loyers est beaucoup plus élevé à Toronto, Calgary et Vancouver qu’à Montréal.
[83] Le fait qu’Alain Cloutier ait proposé lui-même l’augmentation à compter de juillet 1998 et que Richard Hoy ait préparé l’ajustement à compter de 2003 et que sa proposition ait été acceptée par Pierre Cloutier, empêche-t-il Plaza de demander un remboursement pour le loyer payé en trop, de juillet 1998 à aujourd’hui?
[84] La sous-section 1 de l’article 3 de l’amendement 1 prévoit que les termes et conditions du bail original, daté du 2 juillet 1983, continueront à s’appliquer, y compris l’augmentation sur la base de l’augmentation de l’IPC pour le sous-index des loyers publié par Statistiques Canada pour la région de Montréal. Il est également prévu que cette augmentation commencera le 1 er juillet 1998 et sera valable pour chaque tranche de cinq ans, et ce, pour une période de 20 ans.
[85] Il est donc clair que l’intention des parties était que l’augmentation des loyers devait être basée sur le pourcentage d’augmentation des loyers pour la région de Montréal.
[86] Selon le Tribunal, le fait que Statistiques Canada ait cessé de publier le sous-index des loyers pour la région de Montréal ne modifie aucunement l’intention des parties. M. Egan a démontré qu’en faisant appel à un spécialiste de l’évaluation de l’IPC, on pouvait en arriver à un indice qui reflète fidèlement l’augmentation des coûts des loyers pour la région de Montréal.
[87] M. Hoy n’a jamais démontré qu’il avait discuté avec soit Alain ou Pierre Cloutier de l’indice utilisé et qu’il n’utiliserait plus l’IPC pour la région de Montréal, avec le sous-index des loyers. Pierre Cloutier a pour sa part déclaré que lorsqu’il a reçu le document préparé par Richard Hoy et sur lequel il a manifesté son accord, il n’avait pas réalisé que le sous-index des loyers pour la région de Montréal était remplacé par l’indice général pour l’ensemble du Canada. Alain Cloutier n’a jamais donné son accord à une telle substitution, du moins de façon claire et sans équivoque.
[88]
Plaza prétend que le remplacement de l’indice prévu au bail original
constituerait une novation selon l’article
[89] Dans l’arrêt Gilles Clermont Drolet et Thérèse Viens c. Caisse populaire Desjardins de Sillery [10] , la Cour d’appel s’exprime ainsi sur les conditions requises pour constater la novation :
« 29 […] Il faut :
1) qu’il existe une obligation antérieure;
2) qu’une nouvelle obligation soit créée;
3) que ces deux obligations diffèrent l’une de l’autre;
4) que les parties aient démontré leur intention de nover;
5) qu’elles soient capables de contracter. »
[90] Par la suite la Cour d’appel [11] cite les auteurs Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin dans leur traité Les obligations :
« La nouvelle créance doit donc comporter un élément véritablement nouveau par rapport à l’ancienne et pas seulement un élément supplémentaire rattaché à l’ancienne dette ou une simple modification de forme. […] Le critère fondamental permettant de conclure à la présence d’un véritable changement est donc l’incompatibilité des deux obligations. »
[91] Dans le cas présent, il ne peut y avoir novation puisque H.T.H. n’a jamais démontré, de façon prépondérante, que les parties avaient l’intention de substituer le sous index de référence pour les loyers de la région de Montréal par l’IPC du Canada. L’expertise de M. Egan a démontré que pour certaines années, la différence entre les deux indices était appréciable et représentait annuellement plusieurs milliers de dollars.
[92] On voit mal comment Plaza aurait accepté de payer en augmentation de loyer un montant supérieur à ce que prévoyait le bail. Ce dernier, il faut le rappeler, prévoyait que jusqu’au 30 juin 2013, l’augmentation serait basée sur l’IPC du sous-index des loyers pour la région de Montréal.
[93] Le Tribunal n’a donc pas à interpréter cette clause claire du contrat. Comme l’écrivent les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina dans le traité Les obligations [12] :
« 435 - Nécessité d’une ambiguïté - Face à un contrat clair, le rôle du juge en est un d’application plutôt que d’interprétation. La différence entre application et interprétation n’est pas que sémantique : le processus d’application vise l’adéquation d’une norme juridique définie à une situation factuelle donnée, alors que l’interprétation vise à définir la portée de la norme juridique avant de pouvoir l’appliquer. Il est donc nécessaire qu’il y ait une ambiguïté ou un doute sur le sens à donner aux termes du contrat pour tomber dans le processus interprétatif; comme il a été décidé maintes et maintes fois, en l’absence d’une telle ambiguïté, le tribunal ne pourrait, sous prétexte de rechercher cette intention, dénaturer un contrat clair. Il devra s’en tenir à une application de ce qui est littéralement exprimé, tenant pour acquis que le texte reflète fidèlement l’intention des parties. […] »
[94] Comme il n’y a pas eu novation, le Tribunal en vient à la conclusion que Plaza devait payer à H.T.H. une augmentation de loyer basée sur l’IPC, sous-index des loyers pour la région de Montréal, comme le prévoit le bail. À cet égard, le Tribunal est satisfait des calculs effectués par l’expert Egan, d’autant plus qu’aucune contre-expertise n’a été présentée par H.T.H.
[95] Le remboursement par H.T.H. à Plaza des sommes payées en trop est également justifié par le principe de la répétition de l’indu. Ce principe est défini ainsi par les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina [13] :
« 560 - Définition - Tout paiement suppose l’existence d’une dette entre celui paye ( solvens ) et celui qui reçoit le paiement (accipiens), que ce paiement consiste à remettre une somme d’argent ou une chose matérielle. Parfois cependant, quelqu’un peut recevoir un paiement auquel il n’a pas droit, soit parce que le solvens a payé à un autre qu’à son créancier véritable, soit parce que le solvens a payé en trop, soit parce que le solvens ne devait rien, soit enfin parce que le solvens paye pour éviter un préjudice (par exemple, une saisie) tout en protestant qu’il ne doit rien. Celui qui a reçu un paiement sur lequel il n’a aucun droit est tenu de le rendre, car autrement il s’enrichirait injustement aux dépens du solvens . La réception d’une chose non due oblige donc l’ accipiens à restitution. Le paiement de l’indu est l’acte par lequel une personne ( solvens ) exécute par erreur, ou pour éviter un préjudice, une obligation en faveur d’une autre ( accipiens ), à l’égard de laquelle elle n’est pas légalement ou contractuellement tenue. Il se crée entre ces deux personnes un lien, sur lequel se fonde l’obligation de restitution, selon un certain nombre de modalités prévues par la loi.
[…] En second lieu, le paiement effectué par le solvens doit avoir été le résultat d’une erreur de fait ou de droit. […] L’erreur est requise de la part du solvens et non de l’ accipiens […]
En principe, la négligence du solvens n’est pas pertinente et n’est pas prise en considération dans ce régime.[…]
L’article
(référence omise) »
[96] Le Tribunal est d’avis qu’il faut faire une distinction entre l’erreur qui porte sur la nature du contrat et l’erreur dans l’exécution du contrat.
[97]
Dans le premier cas, l’article
[98]
C’est ce que prévoit l’article
[99] C’est également l’opinion de l’honorable Mark Schrager dans Société canadienne de sel ltée c. Louis Dubord et Bernard Hébert et als. [14] :
« [111] Avec égard pour l’opinion contraire, la situation et l’effet d’une erreur inexcusable lors de la formation du contrat sont entièrement différents de la situation d’une erreur lors de l’exécution des obligations, soit le paiement fait en vertu d’un contrat. Le Tribunal voit mal la justesse dans une situation où une personne peut garder un paiement qui n’est pas dû, même si la personne qui a payé a été extrêmement négligente. »
[100] L’article 1493, pour sa part, prévoit que celui qui s’enrichit aux dépens d’autrui doit, jusqu’à concurrence de son enrichissement, égaliser son appauvrissement. On peut considérer que ceci s’est produit ici puisque H.T.H. a reçu beaucoup plus que ce qui était prévu au bail, et ce, sans aucune justification ou raison. Il ne faut pas oublier que le bail qui liait les parties était un bail net, net, net. Il était donc tout à fait normal que la seule augmentation prévue par les parties protège H.T.H. de l’inflation, tout en considérant que celle-ci devait être calculée à partir de l’augmentation des prix à la consommation pour les loyers, et ceci, pour la région de Montréal.
[101] Dans l’arrêt Green Line Investor Services inc. c. Quin et als [15] , l’honorable juge Rousseau-Houle cite la Cour suprême dans l’affaire Kelly c. Solari [16] :
« […] si l’argent est versé à la suite d’une méprise sur l’exactitude d’un fait, il peut, en général, être recouvré, peu importe la négligence du payeur qui a omis de se renseigner diligemment sur le fait en question . »
[102] Dans l’arrêt La Confédération compagnie d’assurance-vie C. Lareau-Lacroix [17] , la Cour d’appel a traité du même sujet. L’honorable André Biron écrivait ceci :
« Les auteurs Jean-Louis Baudouin (5) , L. Faribault (6) , Mignault (7) , ainsi que Jean Pineau et Danielle Burman (8) traitent de la répétition de l'indu dans leurs ouvrages respectifs. Aucun d'entre eux n'affirme que la faute commise par le payeur fait perdre le droit à la répétition de l'indu.
Dans l'arrêt Green Line , la juge Rousseau-Houle cite le professeur Jean-Louis Baudouin qui, étudiant les causes d'annulation des contrats écrit:
L'erreur d'une seule partie est suffisante pour entraîner la nullité. Dans certains cas, cette nullité peut causer un préjudice certain au co-contractant de bonne foi qui se voit frustré du bénéfice qu'il escomptait retirer du contrat. Les auteurs français et la jurisprudence française ont, à cet égard, établi le principe que l'erreur ne pouvait être cause de nullité si elle était grossière ou inexcusable. Par contre, les auteurs québécois et la majorité de la jurisprudence ne partagent pas cette opinion. La grossièreté ou l'inexcusabilité de l'erreur ne constitue pas une fin de non recevoir à la demande d'annulation de la convention, mais peut être sanctionnée par des dommages-intérêts ou encore par l'attribution des frais et dépens de l'action en annulation à la partie qui s'est trompée (9) .
La juge Rousseau-Houle pose ensuite la question suivante en suggérant une réponse affirmative: Si l'erreur découlant de la négligence même inexcusable d'une partie peut permettre la demande d'annulation du contrat, ne peut-elle pas également donner naissance au quasi-contrat découlant du paiement de l'indu?
À cette question je réponds par l'affirmative.
(références omises) »
[103] En appliquant ces principes, le Tribunal en vient à la conclusion qu’il importe peu en l’espèce qu’il y ait eu négligence ou non de la part de Pierre ou Alain Cloutier. C’est par erreur que Plaza a payé une indexation supérieure à celle qu’elle devait payer.
[104] Conformément à l’expertise de M. Egan, H.T.H. doit donc rembourser à Plaza tous les montants payés en trop pour le terrain faisant l’objet du bail initial et le terrain additionnel, soit une somme de 413 627,87 $ auquel il faut rajouter un montant de 9 713,88 $ pour les loyers d’octobre et de novembre 2012, pour un total de 423 341,75 $.
[105] Le loyer mensuel pour la période du 1 er décembre 2012 au 30 juin 2013 devra donc être de 35 371,18 $ au lieu de 40 001,91 $ pour le terrain faisant l’objet du bail initial et de 4 277,20 $ au lieu de 4 503,41 $ pour le loyer du terrain additionnel.
[106] L’expertise de M. Egan de même que sa présence en Cour étaient pertinentes et indispensables. Ses honoraires professionnels au montant de 23 387,73 $ doivent donc être remboursés par la défenderesse.
3. LA DEMANDE DE REMBOURSEMENT POUR LES CAMIONS
[107] Plaza demande d’être remboursée pour des montants payés en trop pour tous les camions qu’elle a vendus depuis l’amendement au bail initial daté du 15 décembre 1992. L’article 3.3 prévoyait que le loyer était diminué de 437 500 $ par année à 360 000 $. Pour compenser cette baisse, un loyer additionnel devait être payé par Plaza à H.T.H. selon le nombre d’unités vendu. Le bail prévoit, à son paragraphe 4 : « An additional rental of $20.00 per new car (fleet and retail) […] ». Au début du paragraphe 5, les parties ont également employé le mot « cars » : « In any given model year, should the number of new cars (fleet and retail) […]. » Par contre, un peu plus loin, on emploie le mot « unit » plutôt que le mot « car ».
[108]
Les
articles
1425. Dans l'interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes utilisés.
1426. On tient compte, dans l'interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l'interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu'il peut avoir reçue, ainsi que des usages.
[109] Selon H.T.H., il s’agit d’une erreur puisque les parties ont toujours, dans leurs négociations ayant amené à l’amendement du 15 décembre 1992, fait référence au nombre d’unités vendu par Plaza, que ce soit des automobiles ou des camions.
[110] À première vue, cette interprétation semble logique, puisqu’il s’agissait de compenser H.T.H. pour la baisse de loyer qu’elle avait consentie à Plaza. Il a été mis en preuve qu’à l’époque de l’amendement, la situation économique était difficile. Ainsi, plus Plaza vendait d’unités, plus H.T.H. voyait le montant mensuel du loyer reçu augmenter.
[111]
Le
Tribunal est d’avis que le mot « car » peut donner ouverture à
interprétation comme le prévoit l’article
[112] La Cour d’appel, dans l’arrêt Sobeys Québec inc. c. Coopérative des consommateurs de Sainte-Foy [18] , réitère le principe que dans certaines circonstances, il est possible d’aller au-delà du sens précis d’un terme :
« [47] Pourtant, l'on ne peut ignorer que la volonté déclarée des contractants, ou celle qu'ils déclarent en apparence, ne traduit pas toujours fidèlement leur volonté réelle : le contenu explicite du contrat, pour diverses raisons, peut n'être pas conforme à cette dernière. Comme le soulignent les auteurs Baudouin et Jobin :
Par ailleurs, un texte qui apparaît clair à sa face même peut donner lieu à interprétation lorsqu'il appert que ce qui y est exprimé ne reflète pas l'intention véritable des parties contractantes : le juge fera alors prévaloir la volonté interne sur la volonté déclarée . [34]
[48] Dans le même sens, François Gendron écrit que :
Quatrièmement, un texte clair et précis peut fort bien ne pas représenter pour autant l'intention des parties, et la volonté clairement déclarée ne pas correspondre à la volonté réelle. Les parties se sont trompées. Le sens est clair alors, mais ce n'est pas celui du contrat. On voit l'illusion . [35]
[49] Et l'auteur de poursuivre :
Illogisme, arbitraire, paradoxe, illusion… comment résoudre la difficulté si les contractants n'ont pas voulu dire ce que, de fait, ils ont dit? En pareille occurrence, Planiol et Ripert expliquent :
Le souci de faire prévaloir la volonté réelle et en même temps la justice conduit à écarter l'application d'une clause, même claire et précise, qui paraît le résultat d'une erreur manifeste, et en contradiction avec leur intention commune certaine. »
[113] Dans le cas présent, comme à l’article 16 du bail amendé du 15 décembre 1992, les parties ont employé à la fois le mot « car » et le mot « unit », il y a lieu de rechercher la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral du mot « car », comme le permet l’article 1425. Il y a lieu également d’analyser les circonstances dans lesquelles l’amendement au bail, qui constitue un nouveau contrat ou un sous-contrat est intervenu entre les parties, de même que l’interprétation qu’elles lui ont donnée.
[114] Comme il a déjà été mentionné plus haut, l’ajout au bail initial d’un loyer additionnel basé sur le nombre de véhicules vendus avait essentiellement pour but de compenser la baisse de loyer consentie par H.T.H., et ce, principalement à cause de la mauvaise conjoncture économique de l’époque. Ainsi, malgré une période économique difficile, où on peut normalement prévoir une baisse d’achat de véhicules neufs, H.T.H. pouvait profiter, conjointement avec Plaza, d’une éventuelle embellie dans l’achat de véhicules neufs. Il est alors difficile de comprendre pourquoi la vente par Plaza de camions pourrait être soustraite de l’application de ce nouveau modus vivendi entre les parties.
[115] M. Richard Hoy a déclaré que l’intention des parties relativement à l’amendement du 15 décembre 1992 était clairement de prévoir une augmentation de loyer basée sur la vente d’unités par Plaza, étant entendu que le mot unité comprenait à la fois les automobiles et les camions.
[116] Pierre Cloutier a corroboré cette intention des parties lors de son interrogatoire avant défense du 6 juillet 2009. Questionné par le procureur de H.T.H. relativement à l’intention initiale des parties, il répond : « L’intention, c’était des unités mais le bail des autos » (page 6, lignes 19 et 20).
[117] Quelques instants plus tard, il admet encore qu’il s’agissait d’unités et qu’on ne faisait pas de distinction (page 7, lignes 2 à 8).
[118] Dans une lettre du 29 juin 1992 (pièce D-2), Pierre Cloutier confirme qu’après plusieurs réunions et plusieurs communications entre les parties, de même qu’avec Me Philippe Clément qui était à l’époque l’avocat et le procureur juridique des deux parties, il y aura un loyer additionnel de 20 $ « per new unit », sans aucune distinction entre les automobiles et les camions. Il est également évident que les parties sont d’accord pour que Me Clément prépare l’amendement du 15 décembre 1992, le tout en conformité avec la lettre d’intention du 29 juin 1992. Ceci est de nouveau confirmé par une lettre du 15 décembre 1992 adressée à M. Harry Hoy, dans laquelle Pierre Cloutier confirme son intention d’exercer son option de renouvellement du bail original, en conformité avec la lettre du 29 juin 1992 qui stipule les termes, conditions et loyers qui lieront les parties dans le futur. Il confirme également que les amendements au bail initial ont été préparés par leur avocat commun Me Philippe Clément.
[119] Il semble assez évident que Me Clément a commis une erreur en préparant les amendements et en inscrivant le mot « car » au lieu du mot « unit », contrairement à l’intention des parties exprimée dans la lettre du 29 juin 1992. Ce n’est que 15 ans plus tard que ce qui doit être considéré comme une erreur a été découvert par les nouveaux avocats de Plaza lorsqu’ils ont examiné « à la loupe » le bail original et tous les amendements subséquents.
[120]
L’article
[121] En examinant ces documents, on peut, en quelques secondes, constater qu’il y a nettement une distinction entre les ventes d’automobiles et des camions. Le total de ventes des automobiles apparaît clairement de même que celui des camions et on voit à la fin le total des ventes des unités, qui comprend les automobiles et les camions. C’est conformément à ce total que Plaza a toujours payé son loyer additionnel.
[122] Il ne fait donc aucun doute dans l’esprit du Tribunal que l’intention véritable des parties était que le loyer additionnel soit établi en fonction de la vente de toutes les unités vendues par Plaza, soit les automobiles et les camions. La réclamation de Plaza pour le remboursement du loyer payé relativement à la vente des camions, à compter du 1 er juillet 1993 est donc rejetée.
[123] La demande de H.T.H. pour le remboursement des honoraires extrajudiciaires de H.T.H. est également rejetée. En effet, il y avait une certaine ambigüité dans le bail puisqu’on employait à la fois les mots « car » et les mots « unit ». De plus, l’erreur n’était pas due à la faute ou à la négligence d’aucune des parties.
[124] Comme l’écrit l’honorable Pierre Dalphond de la Cour d’appel dans l’arrêt Royal LePage Commercial inc. [19] , reprenant les mots du juge Rochon dans l’affaire Viel :
« Il faut éviter de conclure à l’abus dès que la thèse mise de l’avant est quelque peu fragile sans être abusive. »
[125] Dans le cas présent, la thèse soutenue par Plaza était fragile, mais non pas abusive.
POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[126] ACCUEILLE en partie l’action de la demanderesse Plaza;
[127] FIXE à 39 648,38 $ le loyer mensuel à être payé jusqu’au 30 juin 2013 pour le terrain faisant l’objet du bail initial et le terrain additionnel;
[128] CONDAMNE la défenderesse H.T.H. à payer à Plaza la somme de 423 341,75 $ avec l’intérêt et l’indemnité additionnelle à compter de l’assignation;
[129] LE TOUT avec dépens, y compris les frais d’expertise de 23 387,73 $.
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__________________________________ PIERRE JASMIN, j.c.s. |
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Allali Brault |
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Me Olivier J. Brault Me Bruno Sasson |
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Procureurs de la demanderesse, défenderesse reconventionnelle |
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Zaurrini Avocats |
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Me Dominique Zaurrini |
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Me Jeannine Tchakmakian Procureurs de la défenderesse, demanderesse reconventionnelle |
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Dates d’audience : |
1, 2, 3, 4, 5, 9, 15, 16 et 17 octobre 2012 |
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[1]
Commentaires sur l’article
[2] L.R.Q., c. C-12.
[3] Patrick CHOQUETTE, Les affaires A.D.M. et Historia - L’obligation de fournir la jouissance paisible de 1854 C.c.Q. : obligation de résultat et garantie de profit du locataire dans Service de la formation continue, Barreau du Québec, vol. 253, Développements récents en droit immobilier et commercial , Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2006, pp. 1 et 6.
[4] 2006 CanLII 560 (QCC.A.).
[5] Gervais Harding et Associés Design inc. c. Placements St-Mathieu inc. , C.S. Montréal,
n o 500-05-071640-021, 22 juillet 2005, j. Auclair, par. 216 et 217.
[6] Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations , 6 e éd. par P.-G. JOBIN avec la collab. de Nathalie VÉZINA, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, p. 899.
[7] Id. , p. 897.
[8]
[9]
Viel
c.
Entreprises immobilières du terroir ltée
,
[10]
[11] Id. , par. 30.
[12] J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, préc., note 6, p. 442, n o 435.
[13] J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, préc., note 6, p. 555, n o 560.
[14]
[15] 1996 CanLII 5734 (QC CA).
[16] Kelly c . Solari , (1841) 9 M. & W. 54, 152 E.R. 24.
[17] 1997 CanLII 10277 (QC CA).
[18]
[19] Préc., note 8.