COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
AM-2000-5979 |
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Cas : |
CM-2012-1260 |
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Référence : |
2012 QCCRT 0543 |
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Montréal, le |
29 novembre 2012 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Louise Verdone, juge administrative |
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Carole Barabé
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Plaignante |
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c. |
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Syndicat des professionnelles en soins du
CSSS de la Montagne (FIQ)
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Intimé |
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et |
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Centre de santé et de services sociaux de la Montagne
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Mis en cause |
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DÉCISION INTERLOCUTOIRE |
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[1]
Les 12 mars et 19 septembre 2012, Carole Barabé dépose deux plaintes
selon les articles
[2] En vue de l’audience du 24 septembre 2012, le syndicat fait parvenir à la Commission et à madame Barabé, le 18 septembre précédent, une requête en rejet sommaire selon le paragraphe 1º du premier alinéa de l’article 118 du Code. Il invoque l'autorité de la chose jugée en regard de cinq griefs qui font, entre autres, l'objet des plaintes de madame Barabé et la prématurité du recours dans le cas d'un autre grief.
[3] Suivant la présentation des arguments des parties, la Commission décide d’entendre et de rendre une décision sur ces deux moyens préliminaires, de façon préalable, dans le but de délimiter l’enquête au fond.
[4] Selon la plainte déposée le 12 mars 2012, madame Barabé allègue avoir pris connaissance, le 27 février précédent, de l’inconduite du syndicat du 3 janvier. Elle aurait subi une sanction disciplinaire le 24 décembre 2011 et un grief aurait été déposé le 3 janvier 2012.
[5] Madame Barabé prétend, dans ses commentaires écrits, que son employeur, Centre de santé et de services sociaux de la Montagne (le CSSS ), cesse de lui verser des prestations d’assurance salaire invalidité, le 24 décembre 2011, son unique source de revenus, suivant une rechute de sa maladie le 25 juillet précédent. Le CSSS la harcèle dans le traitement de son dossier d’assurance salaire allant jusqu’aux mesures disciplinaires. Plusieurs griefs sont déposés : 631254, 631277, 631278, 631279, 631281, 631282, 631289, 615479, 615481 et 615482. Elle dépose aussi un grief individuel qui porte le numéro 8112010. Le syndicat ne ferait rien pour obtenir une date d’arbitrage dans le court délai prévu à la convention collective. Elle ne lui fait plus confiance à cause de sa négligence grave à son endroit. Elle réclame que ces griefs soient déposés en arbitrage et que le syndicat paie les frais encourus par l’avocat de son choix.
[6] Le 19 septembre 2012, madame Barabé communique un nouveau formulaire de plainte et une annexe qui s’ajoute à la plainte du 12 mars, prétend-elle. Selon ce formulaire, elle aurait pris connaissance le 1 er mars 2012 d’une inconduite continue du syndicat.
[7] Dans ses commentaires écrits, madame Barabé apporte des précisions au sujet du grief 631281 mentionné dans sa plainte du 12 mars. Il a été déposé le 11 janvier 2012 pour contester le harcèlement psychologique dont elle serait victime en plus de l’enquête du CSSS. Le syndicat ferait preuve de négligence grave à son endroit parce que, malgré l’urgence de sa situation sur le plan financier et le bien-fondé du grief, le syndicat refuserait de le déposer en arbitrage. De plus, dans une lettre du 11 avril 2012, le syndicat lui demande une rencontre seule, sans son conjoint, et l’informe qu’il est prématuré de fixer une date d’arbitrage. Or, en raison de sa maladie, elle a besoin du soutien de son conjoint pendant la rencontre et il doit l’y conduire.
[8] Par ailleurs, madame Barabé prétend que le syndicat a menti devant la Commission à l’audience d’une plainte précédente en disant qu’un arbitre était nommé dans ses griefs ou près de l’être. Or, elle prend connaissance le 13 juin 2012 de la lettre du syndicat qui l’informe du retrait de ses griefs y compris les griefs 603485 (aussi indiqué comme 615485) du 21 décembre 2007 et 615439 du 14 mai 2008 pour contester sa date d’ancienneté. Elle mentionne aussi d’autres griefs syndicaux portant les numéros 615495 et 615255 et un grief qu’elle dépose elle-même, numéro 14102010 (1000084). Le syndicat aurait donc commis un outrage au tribunal.
[9] Madame Barabé prétend que la convention collective prévoit l’arbitrage de griefs dans un court délai dans les cas de congédiement, de harcèlement, de salaire et de prestations d’assurance salaire. Or, elle attend toujours. La négligence grave du syndicat a contribué à son congédiement du 29 mai 2012. Dans les mois suivants, elle aurait demandé plusieurs fois un suivi auprès du syndicat au sujet du grief 631306 du 11 juin 2012 qui le conteste. Le syndicat aurait refusé de le déposer en arbitrage. L’inconduite du syndicat à son endroit lui cause de graves préjudices et elle ne veut plus qu’il la représente. Elle réclame que tous ses griefs soient portés en arbitrage et que le syndicat paie les frais encourus pour être défendue par l’avocat de son choix.
[10] Par une décision du 18 mai 2011, la Commission rejette une plainte selon les articles 47.2 et suivants du Code déposée le 9 juin 2010 par madame Barabé. La décision concerne les cinq griefs suivants qui sont visés dans sa plainte du 12 mars 2012 : 615485-603485 (grief n o 1), 615439 (grief n o 2), 615479 (grief n o 3), 615481 (grief n o 4) et 615482 (grief n o 5). Le numéro entre parenthèses fait référence à celui utilisé par la Commission dans sa décision.
[11] Selon cette décision, madame Barabé reproche au syndicat son manque de célérité et de diligence pour faire valoir ses griefs ce qui a conséquemment rompu son lien de confiance avec lui. Elle réclame que ses griefs soient entendus en arbitrage rapidement et que le syndicat paie les frais encourus par l’avocat de son choix.
[12] La Commission relate les griefs, leur suivi, traitement et analyse par les représentants du syndicat et les communications entre eux et madame Barabé. Il est question du grief 615485/603485 du 21 décembre 2007 qui concerne l’ancienneté de madame Barabé et qui est déféré en arbitrage le 15 avril 2008. Le grief 615439 du 14 mai 2008 conteste l’affichage de la liste d’ancienneté et il est déféré en arbitrage le 27 mai 2009. L’ancienneté est corrigée le 15 mai 2009 suivant une entente du 12 mars 2009 entre le syndicat et le CSSS.
[13] Le grief 615479 du 24 septembre 2009 conteste le recours à du personnel d’agence, le 28 août 2009, malgré la disponibilité de madame Barabé. À la suite d’une enquête, le syndicat conclut qu’il est non fondé, mais décide de le maintenir actif pour des raisons politiques et stratégiques.
[14] Les griefs 615481 et 615482 du 28 octobre 2009 contestent l’octroi d’un poste et la décision de l’employeur d’attribuer des plages horaires à des personnes avec moins d’ancienneté que madame Barabé. À la suite d’une enquête, le syndicat conclut qu’ils sont non fondés, mais les maintient actifs pour des raisons politiques et stratégiques.
[15] Les représentants du syndicat communiquent son analyse des griefs et les résultats à madame Barabé, le 20 octobre 2009, lors d’une rencontre d’environ trois heures. Le syndicat les maintient en arbitrage seulement pour des raisons politiques et stratégiques dans le but de négocier avec le CSSS des solutions à des irritants qui affectent l’ensemble des membres. Suivant la demande du syndicat, le ministère du Travail confirme, le 23 novembre 2010, la nomination d’un arbitre dans le cas de ces griefs. L’arbitre n’a pas encore fixé la date d’audience.
[16] Dans ces motifs, la Commission rappelle le délai de six mois pour déposer une plainte à l’encontre d’une association accréditée. À l’exception des éléments factuels qui permettent d’apprécier le contexte des manquements allégués, seuls les faits survenus dans les six mois avant le dépôt de la plainte de madame Barabé peuvent être examinés par la Commission et opposés au syndicat.
[17] Ensuite, la Commission conclut que madame Barabé ne démontre pas les faits concrets liés à sa croyance ou sa perception subjective que le syndicat avait manqué de célérité et de diligence pour faire valoir ses droits. Tout processus d’arbitrage de griefs comporte des délais inhérents et, en l’espèce, les délais ne sont pas attribuables à un manquement du syndicat.
[18] En outre, la Commission rappelle la discrétion appréciable dont jouit un syndicat pour déposer un grief en fonction de son évaluation stratégique et tactique. Elle conclut que :
« l’analyse syndicale qui consiste à maintenir les griefs de la plaignante pour des motifs stratégiques ou tactiques alors qu’elle les juge non fondés, après enquête, ne constitue pas en soi une violation de l’article 47.2 du Code. Les motifs du syndicat ont d’ailleurs été exposés clairement à la plaignante lors d’une rencontre, le 20 octobre 2009, notamment l’expectative qui consiste à rechercher un règlement global qui serait favorable à l’ensemble des intérêts des salariés. »
[19] Enfin, la Commission rappelle le devoir de collaboration d’un salarié avec son syndicat et conclut que madame Barabé y fait défaut en adoptant une attitude de confrontation à la moindre divergence d’opinions.
[20]
La décision du 11 septembre 2012 de la Commission (
[21] Madame Barabé invoque la partialité du commissaire. Au sujet d’une certaine impatience du commissaire en audience, la Commission conclut que madame Barabé n’aurait certainement pas dénoncé un tel comportement si elle avait eu gain de cause.
[22] Au même chapitre, madame Barabé reproche au commissaire de s’être prononcé sur le bien-fondé des griefs sans lui permettre de présenter une preuve, contrairement au syndicat. La Commission décide que le commissaire analyse à bon droit la conduite et la démarche du syndicat pour évaluer les chances de succès des griefs; il appartient à l’arbitre d’entendre la preuve sur le fond des griefs et à se prononcer sur leur bien-fondé. Elle note que le commissaire retient que le syndicat fait une enquête sérieuse et expose à madame Barabé, plus de 6 mois avant le dépôt de sa plainte, le non-fondement de ses griefs et leur maintien uniquement dans un but stratégique.
[23] Madame Barabé reproche au commissaire de souligner des éléments qui tendent à la dépeindre comme une personne déraisonnable. La Commission rejette aussi ce motif parce que le processus décisionnel implique nécessairement de trancher un litige en faveur d’une des parties. Le commissaire pouvait examiner la conduite du syndicat et de madame Barabé à l’égard de ce dernier.
[24] Dans sa demande de révision, madame Barabé reproche aussi au commissaire une appréciation déraisonnable de la preuve en concluant que les manquements du syndicat n’avaient pas été démontrés objectivement. La Commission décide que le commissaire s’est bien dirigé en droit en statuant qu’il fallait plus qu’une croyance subjective pour démontrer un manquement au devoir de juste représentation syndicale. De plus, contrairement à ce que madame Barabé invoque, il n’a pas ignoré une preuve pertinente, soit un protocole de transfert; la décision contestée en fait mention.
[25] Enfin, la Commission décide que le commissaire n’a pas erré en circonscrivant l’examen de la conduite du syndicat dans la période du délai de six mois du recours. Comme il le mentionne, la preuve de la conduite antérieure peut cependant servir à évaluer le contexte. Contrairement à ce qu’invoque madame Barabé, l’examen de faits postérieurs à la plainte est permis s’ils sont étroitement liés aux faits du recours.
[26] Par une lettre du 8 juin 2012, le syndicat informe madame Barabé du retrait de six griefs : les cinq en question dans CRT-1 et un autre portant le numéro 615495 (erronément indiqué comme 615481 dans la lettre). Le syndicat mentionne qu’il tient à lui expliquer les motifs, comme il l’a déjà fait dans le passé lors de la rencontre du 20 octobre 2009, d’échanges téléphoniques et de l’audition de la plainte précédente devant la Commission. Le syndicat décrit chaque grief, le résultat de son enquête et les motifs du retrait. Le syndicat envoie au CSSS, le même jour, un avis de fermeture de ces griefs.
[27] Le 12 ou 13 juin, madame Barabé reçoit cette lettre et une autre lettre du syndicat datée du 11 juin 2012 relativement au retrait de 11 griefs différents. Par cette dernière lettre, le syndicat mentionne qu’il s’agit de sa quatrième lettre pour tenter de fixer une rencontre avec elle. Elle refuse de rencontrer le syndicat sans date d’arbitrage déjà fixée, mais l’évaluation complète de son dossier de griefs est nécessaire avant de pouvoir le faire. Or, malgré de nombreuses demandes depuis plusieurs mois, elle ne fournit pas l’information demandée. Elle ne s’est pas présentée à des rencontres fixées les 20 avril et 10 mai. Étant donné cette absence de collaboration, le syndicat ne peut pas la représenter adéquatement et retirera dès maintenant les 11 griefs.
[28] Madame Barabé souligne qu’elle reçoit ces lettres du syndicat au moment convenu pour communiquer à la Commission des documents au soutien de sa demande de révision. Le syndicat agit donc avant même de connaître la décision de la Commission au sujet de la révision de CRT-1.
[29] Par ailleurs, les griefs sont toujours actifs, selon madame Barabé; une lettre du bureau du sous-ministre du Travail indique qu’ils ont fait l’objet d’une demande de nomination d’un arbitre du 12 novembre 2010 et qu’un arbitre a été nommé le 23 novembre suivant. Cependant, par une lettre du 19 septembre 2012, le syndicat informe l’arbitre de la fermeture de ses dossiers de griefs. Le CSSS reçoit copie de cette lettre. Une fois l’arbitre nommé par le ministère du Travail, les communications se font entre les parties et l’arbitre. Le ministère n’en est pas informé.
[30]
L’article
L'autorité de la chose jugée est une présomption absolue; elle n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, lorsque la demande est fondée sur la même cause et mue entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités, et que la chose demandée est la même.
[31] En ce qui concerne les cinq griefs en question, il y aurait présence de la triple identité requise par cet article dans le présent dossier et CRT-1. D’abord, l es mêmes parties agiraient dans les mêmes qualités.
[32] L’objet de la présente plainte serait le même. Madame Barabé invoque encore le manquement au devoir de juste représentation du syndicat en regard des cinq griefs et vise la même réclamation. Or, CRT-1 rejette la plainte de 2011 en concluant que le syndicat n'a commis aucune erreur à l’égard de ces griefs. La Commission statue que le syndicat évalue après une enquête sérieuse qu’ils sont non fondés, mais décide de les garder actifs sur la voie de l’arbitrage pour des raisons stratégiques dans le cadre de négociations, situation expliquée à plusieurs reprises à madame Barabé. En révision, la Commission conclut en l’absence de vice de fond de nature à invalider CRT-1.
[33] La lettre du 8 juin 2012 ne constituerait pas un fait nouveau ou un nouveau litige. Son but serait de conclure le dossier des cinq griefs auprès de madame Barabé. Le syndicat le ferme à ce moment; les griefs ont perdu leur utilité dans le cadre de négociations avec le CSSS. Par cette lettre, le syndicat lui répéterait l’information déjà fournie dans le passé, comme le mentionne CRT-1. Madame Barabé l’utilise comme un argument pour reprendre le même débat.
[34] La cause serait aussi la même. Dans le présent dossier, le syndicat devra présenter la même preuve que celle devant CRT-1 au soutien des mêmes dispositions légales du recours selon les articles 47.2 et suivants du Code. La présente plainte ne reposerait sur aucun fondement factuel autre que celui à l’origine de la plainte précédente. Permettre une preuve en l’espèce constituerait un appel des décisions sur la plainte précédente.
[35] Madame Barabé prétend que le retrait des cinq griefs le 8 juin 2012 constitue un fait nouveau. Celui-ci justifie le dépôt de la présente plainte pour débattre de leur bien-fondé et du comportement arbitraire du syndicat en les retirant sans raison légitime.
[36] De plus, elle avance que le présent litige est différent de celui de sa plainte de 2010. Les décisions de la Commission par rapport à celle-ci ne traitent pas de la question en litige dans la présente plainte, c’est-à-dire, les délais abusifs pour entendre le grief en arbitrage. De plus, la Commission n'a jamais statué sur le bien-fondé des griefs et ne lui a pas permis de présenter sa preuve à cet égard. Au contraire, elle note qu’un arbitre en décidera. Il n'y a eu aucun débat sur la justesse de la décision du syndicat voulant que les griefs soient non fondés ou sur leurs chances de réussite en arbitrage. Enfin, la Commission ne lui a pas permis de présenter de preuve sur les délais abusifs écoulés depuis le dépôt des griefs.
[37] Dans le cadre de la plainte précédente, le syndicat affirme sans cesse que les griefs étaient toujours actifs dans le but d'obtenir un règlement global favorisant l'ensemble des membres et qu’ils procéderaient devant un arbitre prochainement. Or, le syndicat s'est parjuré devant la Commission et l’a induit en erreur parce qu’avant même de recevoir la décision sur la demande en révision, il lui envoie la lettre du 8 juin 2012 l’informant du retrait des griefs en l’absence d’un règlement global.
[38] Le 29 mai 2012, le CSSS informe madame Barabé de la fermeture administrative de son dossier d’emploi. Le 6 juin 2012, madame Barabé signe le grief 631306 qui conteste son congédiement. Il est acheminé au CSSS le 20 juin suivant qui y répond quelques jours plus tard que le grief est non fondé. Le 10 juillet 2012, le syndicat transmet au CSSS un avis d’arbitrage et une suggestion d’arbitres. Le 28 août 2012, le CSSS confirme le choix de l’arbitre. Le 19 septembre 2012, le syndicat envoie le mandat à l’arbitre pour son acceptation. Le même jour, le bureau de l’arbitre confirme que l’on communiquera avec le syndicat bientôt pour la fixation du dossier. Cette procédure interne du syndicat n’est pas communiquée aux salariés. Madame Barabé n'en est pas au courant.
[39] Une lettre du 9 octobre 2012 du bureau du sous-ministre du Travail indique les demandes de nomination d'un arbitre pour des griefs, mais pas pour le grief de congédiement. Selon l’article 100 du Code, une telle demande au ministère se produit en cas de mésentente entre les parties sur le choix de l’arbitre. Or, dans le cas du grief en question, les parties ont convenu du choix de l’arbitre.
[40] La procédure de grief est prévue à l'article 10 de la convention collective. Selon les articles 10.02 et 10.04, une salariée ou le syndicat peut soumettre un grief par écrit à l’employeur dans un délai de 30 jours de la connaissance du fait, mais n’excédant pas 6 mois de la date de l’occurrence du fait qui donne lieu au grief. Les délais sont de rigueur.
[41] Les articles 10.03 et 10.04 accordent à la salariée ou au syndicat un délai de 6 mois de la date de l’occurrence du dernier fait qui donne lieu au grief pour en soumettre un au CSSS dans les cas suivants : années d’expérience antérieures; salaire; titre d’emploi; primes, suppléments et rémunération additionnelle à l’article 2 de l’annexe 3 et à l’annexe 11; quantum de la prestation de l’assurance salaire; admissibilité à la prestation d’assurance salaire.
[42] En vertu de l'article 10.07, le CSSS doit donner sa réponse au syndicat dans les 15 jours de la date du dépôt du grief.
[43] L'article 10.08 prévoit une rencontre entre les parties dans les 90 jours de la présentation d’un grief, mais dans un délai de 30 jours de la présentation d’un grief de congédiement ou de harcèlement psychologique. Selon l'article 10.09, les parties se communiquent leur position respective au sujet du grief dans les 7 jours de cette rencontre ou à l’expiration du délai. En vertu de l'article 10.11, le syndicat et l’employeur peuvent convenir, par écrit, de prolonger les délais prévus à cet article.
[44] La convention collective prévoit la procédure d'arbitrage à l'article 11. Selon l'article 11.01, une partie peut exiger par un avis à l’autre partie que le grief soit entendu en arbitrage. Cet avis ne peut pas être envoyé avant l’expiration du délai de l’article 10.09 ou, si la rencontre n’a pas lieu, avant que le délai de 90 ou de 30 jours selon l'article 10.08 ne soit expiré. L’avis peut être envoyé en tout temps si les parties conviennent que la rencontre n‘aura pas lieu. Si aucune des parties ne fait parvenir cet avis dans un délai de 6 mois du dépôt du grief, celui-ci est réputé retiré.
[45] En vertu de l'article 11.02, dans le cas d'un arbitrage devant un arbitre unique, une partie avise l’autre de ses suggestions d’arbitres. L’autre partie doit communiquer son accord ou d’autres suggestions dans les 10 jours de la réception de cet avis. En absence d’accord, une des parties demande au ministre responsable de nommer un arbitre.
[46] L'article 11.04 prévoit qu'une fois nommé ou choisi, l’arbitre doit tenir la première audience à l’intérieur d’une période de 30 jours, sauf entente contraire.
[47] Selon l'article 11.07, l’arbitre doit rendre une décision écrite et motivée dans les 60 jours de la fin de l’audience à moins d’un accord des parties pour prolonger le délai d’un nombre précis de jours.
[48] Le syndicat prétend que le présent recours est prématuré en regard du grief 631306 déposé pour contester le congédiement du 29 mai 2012 de madame Barabé. Il n'aurait pas encore eu l’occasion de faire défaut à son devoir d’égalité de traitement à cet égard. Le syndicat aurait discuté rapidement du grief avec le CSSS, sans succès. L e processus d’arbitrage aurait été enclenché avec célérité et diligence; seulement trois mois se sont écoulés entre le congédiement et l’entente sur le choix de l’arbitre. Il s'agirait d'un délai raisonnable et habituel dans les circonstances.
[49] Les délais prévus à la convention collective en matière de griefs et d'arbitrage donne une période normale de 8 mois. Selon l'article 11.04, après être choisi, l'arbitre doit tenir une audience dans les 30 jours, sauf entente contraire. Selon la jurisprudence arbitrale, il s'agit d'un délai informatif, non pas un délai de rigueur. Dans la pratique, le délai est plus long en fonction de la disponibilité des arbitres. Le syndicat n'a aucun contrôle sur la disponibilité des arbitres.
[50] La jurisprudence de la Commission confirme qu'une plainte déposée alors que le syndicat a déjà enclenché le processus d’arbitrage doit être considéré comme prématurée et entraîner le rejet sommaire de la plainte. La méconnaissance du processus par madame Barabé en plus de son manque de confiance subjectif envers la syndicat ne constituent pas de la négligence grave au sens du Code.
[51] Madame Barabé apprend seulement lors de l'audience les démarches du syndicat pour la nomination d'un arbitre. Le syndicat ne l'aurait pas informée si elle n'avait pas déposé la présente plainte.
[52] La convention collective impose un délai court dans le cas d'un arbitrage pour un grief de congédiement. Le sien est déposé le 29 mai 2012. Le syndicat aurait 37 jours à partir de cette date pour envoyer un avis au CSSS pour le déférer à l'arbitrage et demander la nomination d'un arbitre. Or, l'arbitre n'a été nommé que le 28 août 2012. En fonction du délai de 30 jours de la convention collective, l'arbitre devrait tenir une audience le 28 septembre 2012, ce qui n'est pas le cas. Le délai serait donc trois fois plus long que ce qui est prévu à la convention collective. Le syndicat ne respecterait pas la procédure et les délais de la convention collective dans le cas d'un grief de congédiement.
[53] Le syndicat ferait donc preuve de négligence et elle n'y fait plus confiance. Son congédiement doit être traité de façon urgente parce qu'elle est sans revenu. Son recours ne serait donc pas prématuré relativement à ce grief.
[54] Madame Barabé mentionne plusieurs griefs dans ses plaintes des 12 mars et 19 septembre 2012. Celles-ci sont irrecevables en raison de l’autorité de la chose jugée en regard de cinq d'entre eux : 615485-603485, 615439, 615479, 615481 et 615482. En effet, il y a identité de parties, d’objet et de cause entre les présents recours et la plainte qui a fait l’objet des décisions de 2011 et 2012 de la Commission relativement à ces cinq griefs.
[55] On retrouve une identité de parties dans la même capacité et devant le même tribunal, la Commission. Dans les deux cas, madame Barabé agit comme plaignante, le syndicat comme partie intimée et le CSSS comme partie mise en cause.
[56] Il y a identité d’objet. Dans les deux dossiers, il est question pour la Commission d’examiner la conduite du syndicat devant une demande de madame Barabé en regard des cinq griefs. Celle-ci vise, dans les deux cas, le même manquement du syndicat, son manque de célérité et de diligence pour faire valoir ses griefs, et la même réclamation, les référer rapidement en arbitrage et le paiement par le syndicat des frais encourus par l’avocat de son choix.
[57] Madame Barabé prétend que le litige des présentes plaintes est différent de celui de sa plainte de 2010. Cette fois-ci, elle vise une décision sur le bien-fondé des cinq griefs et la justesse de la décision du syndicat voulant qu'ils soient non fondés. Elle vise aussi une décision au sujet des délais abusifs pour un arbitrage alors que la convention collective en prévoit des courts dans les cas qui la concernent.
[58] Or, madame Barabé a déjà eu l'occasion de présenter sa preuve et ses arguments devant la Commission en regard de ces mêmes éléments lors de l'enquête au fond et en révision par rapport aux cinq griefs. La Commission les a tous examinés. Elle a déjà décidé que madame Barabé n'avait pas démontré un manquement du syndicat au sens des articles 47.2 et suivants du Code au sujet des cinq griefs ni des faits concrets liés à sa croyance subjective qu'il avait manqué de célérité et de diligence à leur égard. La Commission a statué que l'analyse syndicale voulant les maintenir actifs pour des motifs stratégiques, bien que jugés non fondés, après enquête, ne constituait pas une violation de l’article 47.2 du Code. Elle a ajouté que les motifs et la stratégie du syndicat avaient été exposés clairement à madame Barabé. En outre, la Commission a réitéré, en révision, qu'il ne revenait pas au commissaire saisi de sa plainte d'analyser le bien-fondé des griefs, mais plutôt à un arbitre de griefs.
[59] Madame Barabé justifie le dépôt des présentes plaintes par la réception, vers le 12 ou 13 juin 2012, de la lettre du syndicat datée du 8 juin précédent qui l’informe du retrait de ces griefs et des motifs. Notons qu'elle la reçoit avant la prise en délibéré, le 22 juin 2012, par la Commission de sa demande de révision de CRT-1.
[60] Par cette lettre, le syndicat lui répète l’information déjà fournie dans le passé au sujet de l'évaluation des griefs. Madame Barabé était déjà au courant à l'époque de l'enquête sur sa plainte de 2010 que le syndicat les jugeait non fondés, mais les maintenait actifs seulement pour des raisons politiques et stratégiques. Le fait qu'il ferme formellement ces dossiers en 2012, d'abord auprès du CSSS et ensuite auprès de l'arbitre nommé depuis 2010, ne change rien. Madame Barabé saisit l’occasion de cette lettre pour reprendre le même débat.
[61]
Il y a identité de cause. Il s’agit de deux plaintes selon les articles
47.2 et suivants du Code, donc le même recours et les mêmes règles de droit.
Ces règles s’appliqueraient aux mêmes faits générateurs de droit dans les deux
cas. La Commission réexaminerait, en fait, la même cause. Entendre le présent
recours à l'égard de cinq griefs en question consisterait en une multiplicité
de procès et la possibilité de décisions contradictoires de la Commission ce qui est contraire à
«
[
l’]
intérêt public de
protection de la sécurité et de la stabilité des rapports sociaux
»
(
Rocois Construction inc.
c.
Québec Ready Mix inc.,
C.S.C. 1990,
[62] Dans la plainte du 19 septembre 2012, madame Barabé prétend que le syndicat refuse de déposer en arbitrage le grief 631306 qui conteste son congédiement du 29 mai 2012 bien que la convention collective prévoit un court délai dans ce cas.
[63] On a vu que cela n'est pas le cas. Le grief a été déposé le 20 juin 2012 et le bureau de l’arbitre choisi confirme, le 19 septembre suivant, que l’on communiquera bientôt avec le syndicat pour la fixation de l'audition du grief. Seulement trois mois se sont écoulés entre le dépôt du grief et cette communication et, d'ailleurs, le dépôt de la présente plainte. Le syndicat a donc agi rapidement.
[64] Selon madame Barabé, le syndicat disposait de 37 jours à compter du 29 mai 2012 pour déférer son grief en arbitrage et demander la nomination d'un arbitre. Cela est inexact. D'abord, son grief a été déposé le 20 juin 2012, dans le délai de 30 jours de la convention collective après son congédiement du 29 mai 2011. Et le CSSS y répond aussi dans le délai prescrit de 7 jours.
[65] Par ailleurs, la procédure d'arbitrage de la convention collective ne prévoit pas, en apparence, que le syndicat devait dès lors déférer son grief en arbitrage. L'article 11.01 décrit la procédure et les délais de l'envoi de l'avis d'arbitrage dans les cas avec et sans rencontre bipartite au sujet d'un grief. Rien n'indique le délai avancé par madame Barabé. Au contraire, selon un des scénarios, l'envoi de l'avis d'arbitrage semble être possible en tout temps lorsque les parties conviennent de mettre de côté la rencontre bipartite, mais à l'intérieur de six mois du dépôt du grief. En effet, le grief est réputé retiré si aucune des parties ne fait parvenir cet avis dans un délai de 6 mois de son dépôt.
[66] Il est vrai que le CSSS répond tardivement à l'avis syndical d'arbitrage et de choix d'arbitres du 10 juillet 2012. Le délai est de 10 jours de la réception de cet avis, mais le CSSS confirme le choix de l’arbitre le 28 août 2012. Ce retard n'est pas imputable au syndicat.
[67] Selon le délai de 30 jours de l'article 11.04 de la convention collective, l'arbitre devait tenir une audience vers le 28 septembre 2012, ce qui n'est pas le cas. Toutefois , cet article prévoit que les parties peuvent convenir de prolonger ce délai qualifié d'informatif et non de déchéance par la jurisprudence. De plus, il n'est pas question de moyens préliminaires de la part du CSSS quant à la prescription relativement aux délais de la procédure d'arbitrage.
[68] En fonction de sa pratique, le syndicat n'a pas informé madame Barabé de ces étapes de son grief. Cependant, rien n'indique une intention de mettre en péril ses droits ou de ne pas procéder en arbitrage de façon diligente pour contester son congédiement. Il n'a pas refusé de procéder en arbitrage. Il n'y a aucune indication d'une intention de maintenir le grief actif uniquement pour des raisons étrangères à la contestation de son congédiement ou de le retirer par manque de collaboration de sa part.
[69]
Au moment de la plainte du 19 septembre 2012, le syndicat a protégé les
droits de madame Barabé en ce qui concerne son congédiement. Il a agi avec
célérité et la procédure d'arbitrage est déjà enclenchée. La réclamation de
madame Barabé est donc satisfaite. Dans les circonstances, le présent recours
est prématuré en regard de ce grief (voir,
Paradis
c.
Travailleurs et
travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, section locale 501-FTQ
,
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
ACCUEILLE les moyens préliminaires quant à l'autorité de la chose jugée au sujet des griefs 615485-603485, 615439, 615479, 615481, 615482 et à la prématurité du recours par rapport au grief 631306;
CONVOQUERA les parties pour les entendre au sujet des autres griefs visés dans les plaintes des 12 mars et 19 septembre 2012.
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__________________________________ Louise Verdone |
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M e Imane Mawassi |
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FÉDÉRATION INTERPROFESSIONNELLE DE LA SANTÉ DU QUÉBEC (FIQ) |
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Représentante de l’intimé |
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M e Alexandra Doyon |
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MONETTE, BARAKETT AVOCATS S.E.N.C. |
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Représentante du mis en cause |
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Date de l’audience : |
24 septembre 2012 |
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/ga