Maruca c. Agence du revenu du Québec |
2012 QCCQ 14370 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division administrative et d’appel » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-80-011514-081 |
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DATE : |
29 novembre 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
HENRI RICHARD, J.C.Q. |
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VINCENT MARUCA |
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Demandeur |
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c. |
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AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Parce que l'Agence du Revenu du Québec (« ARQ ») est d'avis que les revenus déclarés par Vincent Maruca sont substantiellement inférieurs à ceux qu'elle estime pour les années 2002, 2003 et 2004, M. Maruca est cotisé en utilisant la méthode indirecte de vérification sur les mouvements de trésorerie, aussi appelée la méthode de l'« avoir net ».
[2] M. Maruca interjette appel de ces cotisations, plaide avoir déclaré tous ses revenus et ajoute que l'ARQ ne tient pas compte d'un fonds de réserve en argent comptant qu'il crée au fil des ans afin de justifier ses investissements et les obligations qui en découlent. De plus, M. Maruca soutient que la cotisation de l'année 2002 est prescrite.
Questions en litige
[3] a) La cotisation de l'année 2002 est-elle prescrite ?;
b) La présomption de validité des cotisations de 2002, 2003 et 2004 est-elle renversée par M. Maruca ?
c) Les pénalités imposées aux avis de cotisation en cause sont-elles bien fondées ?
Les faits
[4] Dans le cadre du projet ministériel de lutte contre l'évasion fiscale, M. Maruca est sélectionné à la suite d'une vérification préliminaire pour le projet « Indices de richesse - Vérification interne ». Les représentants de l'ARQ constatent un écart entre les revenus déclarés et ceux estimés. Pour les années d'imposition 2002, 2003 et 2004, après opposition, les revenus non déclarés estimés sont les suivants:
- 2002: 56 596 $;
- 2003: 78 117 $;
- 2004: 80 021 $.
[5] L'ARQ utilise la méthode indirecte de vérification sur les mouvements de trésorerie pour établir ces revenus non déclarés. Cette méthode se résume ainsi:
« Description de la méthode
La méthode indirecte de vérification sur les
mouvements de trésorerie est une méthode alternative de traitement au bureau
des dossiers à risque en matière d'indices de richesse dérivée de la méthode de
l'avoir net qui a été largement éprouvée dans différentes causes devant les tribunaux.
La méthode de vérification basée sur les mouvements de trésorerie est appliquée
en vertu de l'article
La méthode indirecte des mouvements de trésorerie permet de compiler toutes les entrées de fonds ($) et toutes les sorties de fonds ($) qui sont survenues au cours de la période vérifiée pour un ménage et de déceler un écart possible entre ces entrées et les sorties de fonds effectués par le ménage.
Les entrées de fonds comprennent tous les types de revenus imposables qui sont ajustés pour tenir compte des fonds réellement disponibles pour faire face aux obligations financières et tous les types de revenus non imposables ainsi que toutes les autres entrées de fonds possibles.
Les sorties de fonds représentent les déboursés qui ont été effectués par le ménage, c'est-à-dire les sorties de fonds qui sont liées aux frais de subsistance (coût de vie) tels la nourriture, l'achat de vêtements, le logement, etc., les sorties de fonds ayant un impact fiscal tels les impôts, les contributions à un REER, les frais de garde, etc. et les toutes autres sorties de fonds tels les mises de fonds, les frais de financement, les frais d'utilisation des actifs, etc.
L'existence d'un déficit ou écart entre les entrées de fonds de tous types et toutes les sorties de fonds effectués par le ménage indique la présence de revenus additionnels pour le ménage qui n'ont pas été déclarés au MRQ.
Les entrées et sorties de fonds sont compilées dans un tableau intitulé «rapport sur le mouvement de trésorerie» pour chacune des années d'imposition vérifiées. Les différentes données nécessaires pour compléter le rapport sur le mouvement de trésorerie sont obtenues en suivant des étapes de vérification clairement établies dans le cadre de la méthode sur les mouvements de trésorerie qui seront décrites à la section suivante. Les données utilisées pour compléter ce tableau peuvent provenir de plusieurs sources dont:
+ Le MRQ (données disponibles dans la TP-1 soit les revenus imposables et le coût de vie TP-1);
+ Les organismes externes (informations sur les acquisitions et les dispositions de certains actifs, sur les placements, etc.);
+ Le contribuable (revenus non imposables, dépenses effectuées par le ménage et autres particularités).
Lorsqu'un écart (déficit entre les entrées et les sorties de fonds) est constaté dans le rapport sur les mouvements de trésorerie et qu'aucune explication plausible n'est apportée par le contribuable pour justifier son train de vie, le ministère détermine alors le montant de revenu additionnel à ajouter au ménage pour combler l'écart entre ses entrées et ses sorties de fonds. » [1]
[6]
Telle qu'expliquée, cette
méthode tire sa source
législative de l'article
« 95.1. Le ministre n'est pas lié par une déclaration fiscale, un rapport, une demande de remboursement ou les renseignements fournis par une personne ou en son nom et il peut, malgré la déclaration, le rapport, la demande ou les renseignements ou en l'absence d'une déclaration, d'un rapport, d'une demande ou de renseignements, faire une cotisation ou déterminer un remboursement. »
[7] En mars et avril 2006, des « demandes courtoises » sont transmises à M. Maruca. En fait, il s'agit de lettres informant M. Maruca que les autorités fiscales québécoises procèdent à un nouvel examen de son dossier pour les années d'imposition 2002, 2003 et 2004 et lui demandent, afin de permettre de compléter son dossier, de remplir un questionnaire et le retourner à une date déterminée.
[8] Une lettre de rappel en date du 31 mai 2006 est expédiée à M. Maruca, étant donné qu'il ne donne pas suite aux demandes antérieures.
[9] Le 6 juillet 2006, une « demande péremptoire » est expédiée à M. Maruca en vertu des pouvoirs conférés par l'article 39 LAF [2] qui a pour but d'exiger la transmission de renseignements et documents.
[10] Vu son défaut de répondre à cette demande péremptoire, M. Maruca fait l'objet d'une plainte de nature pénale à la suite de laquelle une amende de 800 $ lui est imposée.
[11] En conséquence des défauts de M. Maruca de répondre aux demandes de l'ARQ, un projet de cotisation pour les années 2002, 2003 et 2004 lui est transmis par lettre du 25 août 2006.
[12] Ce n'est qu'à la suite de la réception de ce projet de cotisation que l'ARQ reçoit une lettre de M. Maruca du 29 août 2006 dans laquelle il soutient avoir envoyé les documents requis à l'ARQ à la fin du mois d'avril 2006. Il se dit prêt à collaborer afin de clarifier son dossier et même à rencontrer les représentants de l'ARQ « si nécessaire pour éclaircir toute cette situation ».
[13] Le 28 septembre 2006, M. Maruca transmet à l'ARQ un document établissant la « provenance de fonds », avec des documents annexés, sans pour autant répondre au questionnaire déjà transmis à au moins deux reprises.
[14] À ce document du 28 septembre 2006, M. Maruca allègue avoir reçu 31 paiements de 6 000 $ en vertu d'un acte d'achat d'immeubles à revenus locatifs situés à Granby. Les autres fonds proviennent de la vente de sa résidence principale et des revenus avant amortissement.
[15] En décembre 2006, le vérificateur auprès de l'ARQ responsable du dossier de M. Maruca, M. Serge LeBlanc, lui expédie une lettre requérant des renseignements et documents additionnels accompagnée du même questionnaire déjà transmis.
[16] Malgré des échanges de correspondance subséquents, puisque M. Maruca ne transmet pas les renseignements et documents demandés, M. LeBlanc refuse de rencontrer M. Maruca afin de discuter de son dossier.
[17] Le 23 avril 2007, des avis de nouvelle cotisation sont délivrés pour 2002, 2003 et 2004 selon les revenus estimés par l'ARQ.
[18] En juillet 2007, M. Maruca envoie un avis d'opposition pour les années 2002, 2003 et 2004 qui fait l'objet d'une décision le 30 avril 2008 dans laquelle, pour l'année 2002, le montant des autres revenus passe de 135 090 $ à 56 596 $. Pour les années 2003 et 2004, l'ARQ maintient sa position d'ajouter respectivement 78 117 $ et 80 021 $ à titre de « montants d'autres revenus ».
[19] À son avis d'opposition, M. Maruca allègue que l'ARQ « a inclu [sic] dans les actifs de l'opposant des revenus non imposables reliés à du vieux gagné encaissé par l'opposant au cours des périodes pertinentes et pour des périodes antérieures ». De plus, selon M. Maruca, il « a encaissé des sommes substantielles en liquide au cours de la période précédent l'année 2002 qu'il a conservées et qui lui ont permis de rembourser une partie importante des hypothèques affectant les immeubles dont il était propriétaire ».
[20] M. Maruca réitère ces allégations à sa requête en appel.
[21] La détention par M. Maruca de « sommes substantielles en liquide au cours de la période précédent l'année 2002 » est au cœur du présent appel. Il témoigne ne pas avoir répondu aux demandes de l'ARQ par crainte pour sa sécurité s'il reconnaissait par écrit détenir des « sommes substantielles en liquide ».
[22] À l'audience, il est établi que M. Maruca reçoit 30 ou 31 paiements mensuels de 6 000 $ découlant d'une clause spéciale apparaissant à un acte notarié intervenu le 6 décembre 1997 relativement à des immeubles locatifs situés à Granby.
[23] M. Maruca témoigne avoir converti ces paiements en argent liquide qu'il conserve dans un coffre-fort ou un coffret de sûreté.
[24] Le comptable de M. Maruca, M. Léo-Paul Senécal, établit que les paiements mensuels reçus par M. Maruca entre janvier 1998 et juin 2000 sont traités, sur le plan comptable, comme une diminution du coût d'achat des immeubles de Granby.
[25] Aussi, il n'est pas contesté qu'en juin 1999, M. Maruca vend sa résidence située sur la rue Cornwall à Saint-Hubert au montant de 94 000 $. Cependant, M. Maruca admet avoir acquis un terrain vacant sur la rue Albert à Saint-Hubert et y avoir construit sa résidence actuelle.
[26] M. Martin Léveillé, alors qu'il est directeur général de la Caisse populaire où M. Maruca fait affaire, témoigne qu'en mai 2000, un acte de prêt et de subrogation lui est consenti relativement aux immeubles à revenus de Granby. Puisque M. Maruca est un bon gestionnaire et que ses immeubles ont « plein de potentiel », la Caisse populaire de Laflèche accepte de libérer les cautions antérieures, nommément les anciens propriétaires de ces immeubles.
[27] De plus, M. Léveillé établit que M. Maruca entre dans la catégorie des « grands détenteurs » puisqu'il détiendrait des placements de plus de 100 000 $ auprès de cette Caisse. Cependant, aucune preuve documentaire n'appuie le témoignage de M. Léveillé à cet égard. M. Maruca fait affaire avec cette Caisse sur une base personnelle et pour sa compagnie de construction.
[28] Par ailleurs, une preuve documentaire est produite par M. Maruca au soutien de son allégation qu'en 2003, il reçoit un remboursement d'un emprunt effectué à un cousin et à sa femme au montant de 27 367 $.
[29] Le vérificateur auprès de l'ARQ qui est responsable du dossier de M. Maruca, M. Serge LeBlanc, témoigne que les revenus estimés en vertu de la méthode indirecte de vérification sur les mouvements de trésorerie sont maintenus en grande partie en raison de l'absence de collaboration de M. Maruca qui ne donne pas suite à ses demandes de renseignements et production de documents. Malgré les prétentions et le témoignage de M. Maruca, M. LeBlanc est catégorique quant à la non-réception des demandes de renseignements et de documents formulées à plusieurs reprises. À son rapport de vérification, M. LeBlanc fait état du « manque flagrant de collaboration de la part de M. Maruca ».
Principes applicables à la méthode indirecte de vérification sur les mouvements de trésorerie
[30]
Tel qu'indiqué, la méthode indirecte de
vérification sur les mouvements de trésorerie tire sa source législative de
l'article
[31] Cette méthode est reconnue par les tribunaux qui la commentent, l'encadrent et la qualifient selon les principes suivants:
- Tout contribuable est tenu de déclarer à l'État la somme de ses revenus annuels;
- Cependant, ce système axé sur la transparence s'avère problématique lorsqu'une personne décide de frauder l'État en confectionnant de fausses déclarations ou en transmettant des calculs erronés ou incomplets;
- Le recours à la méthode indirecte de cotisation fondée sur l'avoir net n'est pas la règle et constitue une exception utilisée dans les situations où le contribuable n'a pas en sa possession toutes les informations, documents et pièces justificatives pour permettre une vérification plus conforme aux règles de l'art et surtout plus précise quant aux résultats;
- C'est pourquoi les évaluations de la valeur nette d'un contribuable sont une solution de dernier recours et il ne découle pas de l'utilisation de cette méthode la rigueur mathématique souhaitée et souhaitable en matière de cotisation. Il y a généralement une certaine partie d'arbitraire provenant de la détermination de la valeur des données et le tribunal doit décider de la raisonnabilité de cet arbitraire;
- La liberté dont jouit l'ARQ s'étend même jusqu'à une certaine forme d'arbitraire face à une déclaration inexacte, irréaliste ou non conforme, ce qui l'amène à deviner la véritable ampleur d'une valeur donnée, sans sombrer dans « la pure fantaisie ». Toutefois, la marge de manœuvre est large et les conclusions de l'ARQ sont présumées exactes. [3]
[32]
Les avis de cotisation bénéficient de la
présomption de validité prévue à l'article
« 1014. Sous réserve des modifications ou de l'annulation résultant d'une opposition, d'un appel ou d'un appel sommaire et sous réserve d'une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée valide et tenante nonobstant toute erreur, vice de forme ou omission qui s'y trouve ou qui se trouve dans toute procédure s'y rattachant.
Toutefois, lorsqu'un tribunal annule une cotisation pour le motif qu'elle est émise au-delà de la période au cours de laquelle le ministre peut faire une nouvelle cotisation ou établir une cotisation supplémentaire aux termes des sous-paragraphes a , a .0.1 ou a .1 du paragraphe 2 de l'article 1010, selon le cas, la cotisation que remplaçait celle ainsi annulée demeure valide et tenante mais tout délai prévu à une loi fiscale et applicable à son égard ne commence à courir qu'à compter de la date du jugement annulant la dernière cotisation. »
[33] La Cour d'appel du Québec, dans St-Georges c. Québec (Sous-ministre du Revenu) [4] , circonscrit les règles applicables en vue de renverser cette présomption:
« [8] L'article
[9] Dans
9027-5967 Québec Inc.
(Sous-Ministre du Revenu
),
[13] Dans l'arrêt Durand c . Québec (sous-ministre du Revenu) , la Cour a réitéré les règles relatives à la présomption de validité de la cotisation fiscale et des fardeaux de preuve qui en découlent. Reprenant les principes énoncés par la Cour suprême dans Hickman Motors Ltd. c . Canada , la Cour dit :
- La cotisation fiscale jouit d'une présomption de
validité (art.
- Le fardeau initial du contribuable consiste à « démolir » l'exactitude de la présomption en présentant une preuve prima facie .
- Lorsque le contribuable présente une telle preuve, il y a renversement du fardeau de la preuve.
- Le fisc doit alors réfuter la preuve prima facie et prouver la cotisation établie par présomption.
[14] Règle générale, la preuve prima facie se définit comme une preuve suffisante pour établir un fait jusqu'à preuve du contraire. Dans Stewart c . M.R.N. , le juge Cain mentionne qu'«une preuve prima facie est celle qui est étayée par des éléments de preuve qui créent un tel degré de probabilité en sa faveur que la cour doit l'accepter si elle y ajoute foi, à moins qu'elle ne soit contredite ou que le contraire ne soit prouvé ».
[références omises]
[10] Dans
Capobianco c. Québec (Sous-ministre
du Revenu)
,
[11] La preuve du contribuable doit toutefois comporter un certain degré de précision et de probabilité en sa faveur par opposition à des allégations vagues et ambiguës. Règle générale, la simple affirmation du contribuable ne suffit pas; elle aura avantage à être soutenue par une preuve documentaire ou circonstancielle.
[12] La thèse voulant qu'une simple négation de
la part du contribuable puisse contrer la présomption de validité de l'article
[34] En règle générale, un contribuable peut renverser la présomption de validité d'une cotisation par une preuve documentaire . Une preuve testimoniale ne suffit pas, à moins qu'aucune preuve contraire ne soit présentée ou d'être en présence d'un témoignage clair offert par un témoin dont la crédibilité n'est pas mise en doute et qui n'est pas ébranlée en contre-interrogatoire. [5]
[35] Au surplus, la Cour d'appel, dans Sous-ministre du Revenu du Québec c. Valentini [6] , précise que la présomption de validité de la cotisation n'a trait qu'au fardeau de la preuve et ne déroge en rien à la légalité des moyens de preuve. Ainsi, il n'est pas interdit au juge de statuer sur la seule foi du témoignage du contribuable sans que sa version n'ait été appuyée par une preuve additionnelle susceptible de corroborer ce qu'il affirme. Il n'existe pas de règle générale interdisant de considérer comme prépondérante une déposition recevable dès lors qu'elle ne s'accompagne pas d'éléments d'information indépendants susceptibles de la confirmer.
[36] Ce n'est qu'après que le juge reçoit toute la preuve qu'on lui présente qu'intervient la présomption de validité de la cotisation s'il s'avère incapable de départager les prétentions respectives des parties.
L'analyse
[37] Tout d'abord, l'ARQ invoque l'article 1010 2. b) i. LI afin de justifier le bien-fondé de la nouvelle cotisation de 2002:
« 1010. 1. Le ministre peut, en tout temps, déterminer l'impôt, les intérêts et les pénalités en vertu de la présente partie, ou donner avis par écrit à tout contribuable qui a produit une déclaration fiscale pour une année d'imposition qu'aucun impôt n'est payable pour cette année d'imposition.
2. Le ministre peut aussi déterminer de nouveau l'impôt, les intérêts et les pénalités en vertu de la présente partie et faire une nouvelle cotisation ou établir une cotisation supplémentaire, selon le cas :
a ) dans les trois ans qui suivent le plus tardif soit du jour de l'envoi d'un avis de première cotisation ou d'une notification portant qu'aucun impôt n'est à payer pour une année d'imposition, soit du jour où une déclaration fiscale pour l'année d'imposition est produite ;
[…]
b ) en tout temps , si le contribuable ou la personne qui a produit la déclaration :
i. a fait une fausse représentation des faits par incurie ou par omission volontaire ou a commis une fraude en produisant la déclaration ou en fournissant un renseignement prévu en vertu de la présente partie ; ou
ii. a adressé au ministre une renonciation au moyen du formulaire prescrit.
[…] »
(soulignements du Tribunal)
[38] Le juge Richard Landry, dans Pierre c. Québec (Sous-ministre du Revenu) [7] , résume ainsi les règles de droit applicables à cet article:
« [17] Selon le jugement de la Cour d'appel
dans
SMRQ
c.
Valentini
, Revenu Québec doit, pour bénéficier des
exceptions de l'article
2
b) i) de l'article
[18] Dans la même veine, Monsieur le juge François Godbout écrit dans Chiasson c. SMRQ :
[27] «La preuve doit nécessairement démontrer une conduite répréhensible de la part du contribuable, assimilable en quelque sorte, à de la malversation . L'oubli pur et simple, un calcul erroné ou une omission involontaire ne peuvent pas donner ouverture à l'exception qui constitue l'article (1010 2 b) de la loi.
[28] La preuve offerte par le sous-ministre du Revenu doit convaincre, avec le caractère prépondérant requis, qu'il y a eu intention , de la part du contribuable, de ne pas dévoiler des revenus qu'il sait ou ne peut ignorer sont imposables. »
(soulignements ajoutés)
[19] Par ailleurs, la « fausse représentation » mentionnée à l'article 1010 2b)i) L.I. n'a pas à être frauduleuse; il suffit que la représentation soit « fausse » , même si elle a été faite de bonne foi.
[20] Ainsi, le simple défaut de déclarer un revenu peut constituer une telle représentation.
[21] L'« incurie» est, quant à elle, définie comme « un manque de soin, un laisser-aller » et elle peut même résulter du fait d'un mandataire.
[22] Il convient donc d'examiner les particularités de la présente affaire afin de déterminer s'il a eu « fausse représentation » ou si cette cotisation est prescrite. »
[39]
Ainsi, pour l'année 2002, l'avis de cotisation ne bénéficie pas de la
présomption de validité prévue à l'article
[40] Afin de répondre à toutes les questions en litige déjà identifiées, le Tribunal doit décider si M. Maruca établit, de façon prépondérante, que le « fonds de réserve » en argent liquide qu'il crée au fil des ans explique l'écart entre ses revenus déclarés et ses dépenses.
[41] Après analyse, le Tribunal conclut que M. Maruca ne se décharge pas de ce fardeau.
[42] Il ne fait aucun doute que M. Maruca crée un fonds de réserve en argent liquide qu'il conserve dans un coffre-fort ou un coffret de sûreté. Cependant, il ne démontre pas le cheminement de l'utilisation des fonds. À cet égard, le Tribunal fait siens les propos du juge Alain Tardif de la Cour canadienne de l'impôt dans Ruest c. La Reine [8] :
« [ 16] D'autre part, il m'apparaît tout aussi important de pouvoir démontrer comment et à quelle fréquence les montants obtenus ont été utilisés ou dépensés. En d'autres termes, le contribuable bénéficiaire d'un montant substantiel devra démontrer le cheminement de l'utilisation des fonds . L'explication voulant que les fonds aient été déposés et conservés dans un coffret de sûreté ou gardés en argent comptant à la maison, au cas de besoin, n'est pas très convaincante. »
(soulignement du Tribunal)
[43] M. Maruca fait défaut d'établir le cheminement des sommes substantielles qu'il dit détenir afin de payer le principal élément des « sorties de fonds », soit le remboursement en capital de ses obligations hypothécaires.
[44] Le seul témoignage de M. Maruca à cet égard n'est pas suffisant puisqu'il n'est ni convaincant, ni prépondérant. Il est étonnant qu'un homme d'affaires aussi averti que M. Maruca utilise des sommes aussi substantielles en argent comptant puisqu'il est au courant des difficultés inhérentes à ce procédé, notamment quant à la traçabilité de l'argent liquide.
[45] Au surplus, la crédibilité de M. Maruca est mise à l'épreuve lorsqu'il affirme avoir transmis les renseignements et documents demandés dans le cadre des demandes courtoises de mars et avril 2006. La preuve documentaire démontre le contraire. Il est maintenant difficile pour M. Maruca de reprocher à l'ARQ de le cotiser sur la base de la méthode indirecte de l'avoir net, alors qu'il ne collabore pas avec les représentants de l'ARQ.
[46] Ceci étant, le Tribunal conclut que M. Maruca ne se décharge pas de son fardeau de « démolir » l'exactitude de la présomption de validité des cotisations en cause puisqu'il ne présente aucune preuve établissant qu'il détient toujours l'argent liquide en vue de faire face à ses obligations au début des années 2002, 2003 et 2004. De plus, il ne présente aucune preuve démontrant que cet argent liquide est utilisé afin de justifier les « sorties de fonds » apparaissant au rapport sur le mouvement de trésorerie D-3.
[47]
Aussi, en application des principes applicables à
l'article
[48] Cependant, puisque l'ARQ ne conteste pas que pour chacune des années 2002, 2003 et 2004, M. Maruca ne procède à aucune sortie de fonds à titre d'ameublement et pour l'« entretien - réparation », il y a lieu de retrancher un montant de 1 093 $ (302 $ + 991 $) pour chacune d'elles.
[49] Aussi, pour l'année 2003, l'ARQ ne conteste pas que M. Maruca établit, à titre d'« entrée de fonds », le remboursement d'un emprunt de 27 367 $.
Les pénalités
[50]
Le premier alinéa de l'article 1049 et l'article
« 1049. Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances qui équivalent à de la négligence flagrante, fait un faux énoncé ou une omission, dans une déclaration, un certificat, un état ou une réponse, appelé «déclaration» dans le présent article, fait ou produit pour l'application de la présente loi à l'égard d'une année d'imposition, ou y participe ou y acquiesce, encourt une pénalité égale au plus élevé de 100 $ et de 50% de l'excédent:
[…]
1050. Aux fins d'un appel interjeté en vertu de la Loi sur l'administration fiscale (chapitre A-6.002) et portant sur une pénalité, le fardeau de prouver les faits visés aux articles 1049 à 1049.34 incombe au ministre. »
[51] Le juge Richard Landry, dans St-Martin c. Québec (Sous-ministre du Revenu) [9] , établit les critères applicables afin de déterminer s'il y a présence d'une « négligence flagrante »:
1. L'importance des sommes omises, la valeur des justifications fournies et les circonstances dans lesquelles l'omission est survenue;
2. La qualité des registres comptables du contribuable;
3. Son éducation, ses connaissances et son expérience en affaires;
4. Les omissions ou les faux énoncés dans les déclarations litigieuses ont-ils été reconnus ou déclarés volontairement ?;
5. La nature des relations antérieures entre le contribuable et le fisc;
6. La crédibilité du contribuable; et
comme le dit le juge Landry, depuis quelques années la jurisprudence a aussi considéré le critère suivant:
7. La responsabilité du professionnel qui prépare les déclarations de revenus du contribuable.
[52] Appliquant ces critères au présent appel, le Tribunal conclut que les pénalités imposées sont bien fondées:
- L'importance des sommes omises est manifeste;
- La preuve est non contredite quant à l'absence de registre comptable du contribuable permettant d'établir la « traçabilité » des sommes substantielles dont il dispose afin de faire face à ses obligations;
- M. Maruca est un homme d'affaires aguerri et expérimenté;
- La crédibilité de M. Maruca est atteinte lorsqu'il prétend avoir répondu aux nombreuses demandes courtoises et à la demande péremptoire de l'ARQ alors que la preuve prépondérante démontre le contraire.
[53] En fait, M. Maruca tente d'imposer aux représentants de l'ARQ sa façon de procéder en faisant preuve de réticence quant à la transmission de renseignements et de documents demandés.
[54] En conséquence, les pénalités sont bien fondées et devront être ajustées selon les conclusions du Tribunal quant aux revenus additionnels suivants:
- Année 2002: 55 503 $;
- Année 2003: 49 657 $;
- Année 2004: 78 928 $.
PAR CES MOTIFS, le Tribunal:
DÉFÈRE au ministre, pour un nouvel examen et une nouvelle cotisation, le dossier de M. Vincent Maruca pour les années d'imposition 2002, 2003 et 2004, selon les conclusions du présent jugement quant aux revenus additionnels pour ces années, avec les ajustements quant aux pénalités et aux intérêts;
LE TOUT , chaque partie payant ses frais.
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__________________________________ Henri Richard, J.C.Q. |
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M e Pierre-Yves Trudel, |
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(ARCHAMBAULT ADEL TRUDEL) |
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pour le demandeur |
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M e Serge Fournier, |
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(BCF AVOCATS) |
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avocat-conseil pour le demandeur |
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M e Marielle Brazzini, |
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(LARIVIÈRE MEUNIER) |
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pour la défenderesse |
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Dates d’audience : |
31 octobre, 1 er et 2 novembre 2012 |
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[1]
Voir
Benoît
c
.
Québec (Sous-ministre du Revenu),
[2] « 39. Pour l'application et l'exécution d'une loi fiscale, notamment pour le recouvrement d'un montant dont une personne est redevable en vertu d'une telle loi, le ministre peut, par une demande péremptoire qu'il transmet par courrier recommandé ou par signification à personne, exiger d'une personne, assujettie ou non au paiement d'un droit, dans le délai raisonnable qu'il fixe, la production par courrier recommandé ou par signification à personne:
a) de renseignements ou de renseignements supplémentaires, y compris une déclaration ou un rapport ou une déclaration ou un rapport supplémentaire, ou
b) de documents.
La personne à qui cette demande est faite doit, dans le délai fixé, se conformer à ladite demande, qu'elle ait ou non déjà produit une telle déclaration ou un tel rapport, ou une réponse à une demande semblable faite en vertu d'une loi fiscale ou de règlements adoptés en vertu d'une telle loi.
Le ministre peut également demander ex parte à un juge de la Cour du Québec, exerçant en son bureau, l'autorisation de transmettre à une personne une telle demande péremptoire, aux conditions que le juge estime raisonnables dans les circonstances, concernant une ou plusieurs personnes non désignées nommément.
Le juge peut accorder l'autorisation s'il est convaincu que la production du renseignement ou du document est requise pour vérifier si cette ou ces personnes ont respecté une obligation ou un devoir prévu par une loi fiscale et que cette ou ces personnes sont identifiables.
La demande péremptoire doit mentionner les conséquences du défaut de s'y conformer qui sont prévues à l'article 39.1. »
[3]
Voir
Québec (Sous-ministre du Revenu)
c.
Chenel
,
[4]
[5]
Hickman Motors Ltd
. c.
La Reine
,
[6]
[7]
[8] 1999 CanLII 346 (CCI).
[9]