Chicoine c. Percé (Ville de) |
2012 QCCS 6298 |
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JL-3595
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE GASPÉ |
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N° : |
110-17-000473-109 |
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DATE : |
19 novembre 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE CARL LACHANCE, J.C.S. |
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ROBIN CHICOINE |
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[…], Châteauguay, district de Beauharnois (Québec) […] |
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Demandeur |
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c. |
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VILLE DE PERCÉ |
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corporation légalement constituée, ayant son siège au 137, route 132 Ouest, C.P. 99, Percé, district de Gaspé (Québec) G0C 2L0 |
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-et- |
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TRANSPORT DEAN BOYLE INC. |
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ayant son siège au 968, route 132 Est, Barachois-de-Malbaie, district de Gaspé (Québec) G0C 1A0 |
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Défenderesses |
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-et- |
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VILLE DE PERCÉ |
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corporation légalement constituée, ayant son siège au 137, route 132 Ouest, C.P. 99, Percé, district de Gaspé (Québec) G0C 2L0 |
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Demanderesse en garantie |
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c. |
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TRANSPORT DEAN BOYLE INC. |
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ayant son siège au 968, route 132 Est, Barachois-de-Malbaie, district de Gaspé (Québec) G0C 1A0 |
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Défenderesse en garantie |
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JUGEMENT |
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INTRODUCTION ET MISE EN CONTEXTE
[1] Le demandeur Robin Chicoine, ci-après appelé « Chicoine », détient, à titre de propriétaire, un immeuble avec bâtisse dessus construite située au 18, rue Chicoine, Saint-Georges de la Malbaie, dans la ville de Percé.
[2] La défenderesse Transport Dean Boyle inc., ci-après appelée « Boyle », effectue le déneigement du chemin municipal longeant l’immeuble de Chicoine en vertu d’un contrat octroyé par l’autre défenderesse, Ville de Percé, ci-après appelée « Percé ».
[3] Par sa requête amendée, Chicoine réclame à Boyle et Percé solidairement la somme de 75 000 $ pour divers dommages résultant des opérations de déneigement.
[4] Il demande aussi une injonction contre Percé et Boyle.
[5] Par sa poursuite réamendée déposée en cours d’audience, il invoque contre Percé et Boyle aggravation des dommages à sa propriété à la suite d’un mauvais drainage du chemin Chicoine.
[6] Percé se porte demanderesse en garantie en invoquant le contrat intervenu avec Boyle et demande à celle-ci de l’indemniser, advenant sa condamnation sur l’action principale.
LES FAITS ESSENTIELS
Témoin Robin Chicoine
[7] De l’année 1998 à l’année 2000, il habite sa maison, un immeuble bâti par son grand-père à la fin des années 1940.
[8] Par la suite, il déménage à Montréal et la maison devient inhabitée.
[9] Son père, Régis Chicoine, surveille la maison et la visite assez régulièrement pour vérifier sa bonne condition.
[10] À l’époque où il habite la maison, le déneigement ne cause aucun problème, l’entrepreneur se montre respectueux.
[11] Après son départ de la Gaspésie, Boyle commence à pousser de la neige sur le mur de sa maison longeant le chemin Chicoine.
[12] À l’hiver 2008, Boyle pousse une grande quantité de neige compactée sur la maison et obstrue complètement la porte longeant le chemin.
[13] Avant la saison d’hiver 2007-2008, la maison se trouve en bon état. Elle ne nécessite aucun travail urgent, même s’il songe à remplacer les fenêtres, les coupe-froid et la plomberie en vue de louer sa maison.
[14] Au printemps 2008, son père l’avise des dommages à la maison, causés par des infiltrations d’eau.
[15] Il retient les services de l’expert Jocelyn Bérubé pour constater et évaluer les dommages.
[16] Contre-interrogé, il admet ne pas s’être rendu à sa maison durant l’hiver 2008 et ne pas avoir vu comment Boyle procédait pour le déneigement.
[17] Il reconnaît n’avoir envoyé aucun avis écrit aux défendeurs avant la lettre de son avocat du 7 octobre 2009 et ne s’être jamais plaint personnellement du déneigement, malgré ses constatations lors de sa visite à l’hiver 2009.
[18] À l’hiver 2008, personne n’a pelleté la neige accumulée le long de la maison. D’après lui, il était impossible de le faire.
Témoin Régis Chicoine
[19] Durant la saison d’hiver 2008, il prend plusieurs photos pour démontrer l’imposant amoncellement de neige poussée sur le mur gauche de la maison par l’équipement de l’entrepreneur.
[20] D’après lui, l’aile de la charrue pousse la neige à trois (3) ou quatre (4) pieds de la porte longeant le chemin lors des grosses tempêtes.
[21] Cet hiver-là, il discute du problème de déneigement avec un employé de Percé et avec Boyle sans que la situation change.
[22] Boyle lui mentionne lors d’une première plainte : « veux-tu que je mange la neige ? » et lors d’une autre plainte : « je vais t’acheter une porte si je l’ai brisée ».
[23] À la fin de mai 2008, il sent une odeur d’humidité.
[24] En enlevant le prélart de la cuisine, il constate que le plancher est mouillé. Il s’agit de la première fois que cela se produit.
[25] À compter de l’hiver 2009, l’accumulation de neige aux abords de la maison a été moins pire. Les chutes de neige furent moins abondantes.
[26] Contre-interrogé, il mentionne que l’hiver 2008 fut un hiver exceptionnel au niveau des chutes de neige.
Témoin Félix Caron
[27] À compter de juillet 2010, il occupe le poste de directeur général et de directeur des travaux publics à Percé.
[28] Depuis son entrée en fonction, la ville n’a reçu aucune plainte de vandalisme dans le secteur du chemin Chicoine.
[29] Selon les photos aériennes des années 1965, 2004 et 2012 (voir pièces P-4 à P-6), l’emprise du chemin Chicoine se trouve toujours au même endroit depuis 1965.
[30] Sur la photo aérienne de 1978, le chemin semble s’être élargi du côté opposé à la maison Chicoine.
[31] Depuis 1966, le chemin, construit par la famille Chicoine, appartient à Percé, à la suite d’une cession.
[32] Percé n’a effectué aucun travail de réfection de ce chemin depuis 1978.
[33] Durant l’été, la niveleuse passe sur le chemin de deux (2) à trois (3) fois.
[34] Les seules plaintes reçues au fil des ans concernant le travail de Boyle visent la fréquence du déneigement.
[35] Durant l’été 2010, les employés municipaux constatent des problèmes de drainage sur le chemin Chicoine.
[36] L’érosion du chemin cause uniquement des problèmes à son assiette. L’eau coule du nord vers le sud.
[37] Aucun citoyen ne s’est plaint de problèmes à sa maison reliés au ruissellement de l’eau sur le chemin Chicoine.
Témoin Dean Boyle
[38] Il s’agit du propriétaire de la compagnie de déneigement sous contrat avec Percé.
[39] Depuis 1987, ses employés et lui entretiennent le chemin Chicoine, une route étroite et particulière.
[40] Il est impossible avec la charrue d’éviter de placer la neige le long de la maison.
[41] Lors des tempêtes, en raison de l’épaisseur de la neige, il doit circuler sur le chemin Chicoine avec l’aile de sa charrue abaissée.
[42] Percé ne lui a jamais fait de reproches concernant l’entretien du chemin Chicoine.
[43] En passant la souffleuse, il s’assure de projeter la neige à l’arrière de la maison côté nord ou du côté ouest du chemin.
[44] Le 21 décembre 2009, il reçoit une lettre de mise en demeure. Elle représente la première plainte écrite reçue concernant le déneigement près de la maison.
[45] Contre-interrogé, il mentionne que l’aile de sa charrue passe à cinq (5) ou six (6) pieds du coin nord de la maison.
[46] Il entretient le chemin Chicoine en moyenne deux (2) fois par semaine.
[47] D’après lui, le banc de neige le long de la maison se forme avec les chutes de neige, la neige projetée par la charrue et la neige poussée par les vents.
[48] Depuis la mise en demeure, il tente de ne plus pousser de neige le long de la maison.
[49] Il circule sur le chemin à tous les jours. Il n’a jamais vu la famille Chicoine pelleter de la neige pour déblayer les entrées.
[50] Durant l’année 2008, il a demandé à Percé d’intervenir pour réparer le chemin afin d’éviter que l’eau coule vers la maison lors de la fonte des neiges.
LES TÉMOINS EXPERTS
Témoin Stephen Aber
[51] Il fait partie de l’ordre des architectes depuis trente-six (36) ans.
[52] En mars 2011, à la demande de Chicoine, il rédige une expertise.
[53] Il base son rapport sur des photos et des explications fournies par l’expert Bob Boutilier. Il n’a pas visité les lieux.
[54] En constatant sur les photos de l’année 2008 la neige poussée le long de la maison, il exprime l’opinion que des infiltrations d’eau se produisent au printemps.
[55] D’après lui, il devrait y avoir des fossés de chaque côté du chemin pour empêcher l’eau de se diriger vers la maison.
[56] À son avis, les dommages au mur de la maison côté ouest sont attribuables à la neige poussée contre la maison, formant un banc de neige compactée.
[57] Contre-interrogé, il mentionne ignorer si la maison présente des problèmes de structure ou de fondations. Il recommande une inspection par un ingénieur en structure pour étudier cette question.
[58] Il recommande de faire des analyses supplémentaires pour découvrir la provenance de l’eau se retrouvant au sous-sol.
Témoin Jocelyn Bérubé
[59] Il travaille comme entrepreneur général en construction et prépare régulièrement des estimés établissant le coût des réparations à la suite de sinistres.
[60] Au mois d’août 2008, il se rend constater les dommages à la maison.
[61] À l’aide d’un hygromètre, il prend des tests d’humidité sur les murs et planchers des pièces situées le long du chemin Chicoine.
[62] Il découvre de l’humidité anormale localisée aux planchers, dans les murs et les fondations au sous-sol, sans apercevoir de moisissure et de pourriture.
[63] Il évalue à la somme de 18 956,12 $ les travaux nécessaires pour assécher les lieux, démolir et rebâtir les pièces affectées.
[64] Les travaux donneraient une plus value à la maison.
Témoin Guy Dionne
[65] Il s’agit d’un ingénieur spécialisé en études géotechniques depuis 1990.
[66] Le 6 juin 2012, il rédige un rapport à la demande de Robin Chicoine.
[67] Son expertise porte sur les caractéristiques du réseau de drainage de surface à proximité de la maison.
[68] Lors d’une visite des lieux le 25 avril 2012, il prend des mesures et fait des constats : la route est plus élevée que le plancher de la maison.
[69] À son avis, l’eau qui coule sur le chemin du nord au sud se dirige vers le terrain Chicoine.
[70] Le chemin Chicoine n’a pas de fossé du côté de la maison et se trouve à être trop près de la bâtisse.
[71] Le petit fossé du côté opposé du chemin n’est pas assez profond pour capter l’eau.
[72] L’assiette de la rue penche vers la maison.
[73] L’ensemble du secteur manque de drainage.
[74] La fonte de la neige compactée le long de la maison crée une masse d’eau importante qui se draine vers la maison.
[75] À son avis, entre les années 1965 et 1978, le chemin s’est élargi de trois (3) pieds. Il ne peut dire de quel côté l’élargissement s’est produit.
[76] Pour solutionner les problèmes d’eau, il recommande, soit de reculer la maison par rapport au chemin soit de faire des pentes pour éloigner l’eau de la maison ou de déplacer le chemin.
[77] La solution la plus simple consiste à creuser un fossé du côté opposé au chemin et de changer le profil de rue.
[78] Contre-interrogé, il mentionne avoir été informé que le problème de la maison a débuté en 2008.
[79] Il reconnaît que les sillons laissés par le ruissellement sur le chemin se trouvent au centre de celui-ci (voir photo 6 de son rapport) et que l’eau transporte du gravier.
[80] Il admet qu’il n’y a aucun sillon près de la porte avec un cabanon, le gravier à cet endroit provient du déneigement.
[81] Le sillon sur la photo 23 de son rapport ne se dirige pas vers la maison et, en conséquence, il n’existe pas de preuve physique que l’eau pénètre dans la maison.
[82] Lors de sa visite, il n’a pas examiné l’état du solage pour vérifier la présence des fissures.
Témoin Bob Boutilier
[83] Il s’agit d’un ingénieur militaire en artillerie, à la retraite.
[84] Depuis dix-huit (18) ans, il inspecte des bâtiments résidentiels et commerciaux pour fournir une opinion sur des mesures d’entretien préventif et sur l’étendue des dommages aux propriétés.
[85] Il ne fait partie d’aucun ordre professionnel et n’exécute pas de travaux d’arpentage.
[86] Il se trouve en relation d’affaires avec Robin Chicoine depuis dix (10) ans.
[87] Le 3 février 2011, il inspecte la maison et produit un premier rapport pour tenter de trouver la cause des dommages sur le mur longeant la route et les évaluer.
[88] À son avis et sur la base d’une inspection visuelle, l’immeuble a subi des infiltrations d’eau sur la partie arrière du mur gauche et au coin arrière, près du mât électrique, en raison de la neige poussée à cet endroit lors des opérations de déneigement.
[89] D’après lui, les dommages au mur ne résultent pas de vandalisme mais de projection de gravier.
[90] Il se demande pourquoi le déneigeur n’envoie pas de neige du côté opposé à la maison.
[91] Étant un généraliste, il recommande une étude plus approfondie par un spécialiste des problèmes identifiés à son rapport.
[92] D’après lui, le drainage de la route présente des déficiences. L’eau de ruissellement se dirige vers les fondations de maison en raison de la pente du chemin.
[93] Il a noté deux (2) fissures sur le solage de la maison. L’eau de fonte des neiges peut s’infiltrer par ces fissures.
[94] À la suite d’une deuxième visite des lieux le 6 juin 2012, il rédige le rapport « Snow Removal ».
[95] Ce rapport vise à démontrer que les opérations de déneigement causent des dommages à la maison.
[96] À son avis, à l’hiver 2008, la neige poussée le long du mur ouest de la maison à une hauteur de huit (8) pieds et onze (11) pouces et sur la porte à une hauteur de neuf (9) pieds et onze (11) pouces a causé, lors de la fonte des neiges, des infiltrations d’eau dans la maison.
[97] L’eau pénètre par le joint entre le parement extérieur et la fondation, en raison du stress causé par la neige compactée à cet endroit.
[98] D’après lui, la charrue déneige le chemin au-delà de la limite de celui-ci en empiétant sur le terrain Chicoine (voir photos, pages 23 à 26).
[99] Il estime que Boyle ne suit pas les normes de déneigement du ministère des Transports et celles de son contrat avec Percé.
[100] Lors de sa visite, l’humidité au sous-sol était très élevée.
[101] D’après lui, le propriétaire n’aurait rien pu faire pour protéger sa maison des infiltrations.
[102] La neige compactée se pellette difficilement et l’enlever avec un équipement représente une opération risquée.
[103] Son rapport « Road elevation » vise à démontrer le changement d’élévation du chemin et son drainage déficient affectant la maison.
[104] À son avis, le niveau du chemin se trouve plus élevé que celui de la fondation de la maison (voir photos et mesures à son rapport).
[105] L’élévation du niveau du chemin et l’empiètement causé par l’élargissement du chemin causent des infiltrations d’eau.
[106] Son rapport « Road Encroachment » vise à établir qu’au fil des années, le chemin s’est tassé vers la maison (voir photos et plans du rapport).
[107] D’après lui, lors de précipitations en saison estivale, la maison peut être affectée par l’eau.
[108] Contre-interrogé, le témoin mentionne que les infiltrations, « ce n’est pas un problème d’eau de surface durant l’été mais de neige poussée sur la maison ».
[109] À son avis, les dommages ont commencé avant l’année 2008, mais ils n’étaient pas perceptibles par un profane.
[110] Il admet qu’il est plus facile de pelleter la neige si on exécute ce travail au fur et à mesure des précipitations.
[111] Il reconnaît que pelleter la neige accumulée le long de la maison aurait été une solution pour éviter l’infiltration d’eau au sous-sol.
[112] Durant l’hiver 2011 (voir photos DV-2), la neige tassée ne causait aucun stress sur la maison.
Témoin Sylvain Côté
[113] Il s’agit d’un expert en sinistres, limité à l’estimation.
[114] Le 28 avril 2009, dans le cadre d’une réclamation pour infiltration d’eau, il inspecte la maison à la demande de l’assureur de Boyle.
[115] Les portes, les finis extérieurs, les fenêtres et les couvre-sols du rez-de-chaussée montrent une usure importante.
[116] À son avis, l’usure semblable du déclin d’aluminium sur les quatre (4) faces de la maison démontre que la cause de cette usure ne provient pas de la neige accumulée le long du bâtiment par la poudrerie et le déneigement.
[117] L’usure des parements se voit fréquemment en région côtière.
[118] D’après lui, le mur le long de la route ne présente aucune trace d’impact résultant de la projection de neige.
[119] Lors de sa visite, il constate des infiltrations d’eau importantes au sous-sol et la présence de boue à cet endroit, malgré l’absence de neige au périmètre de la maison.
[120] D’après lui, l’eau pénètre au sous-sol par des fissures.
[121] La situation s’aggrave par un drain non fonctionnel et des pentes de terrain en direction de la maison.
[122] Normalement, la présence de boue n’est pas en lien avec des infiltrations d’eau, mais plutôt avec un drain non fonctionnel.
[123] Contre-interrogé, il mentionne trouver normale la présence de bancs de neige de six (6) à huit (8) pieds de hauteur en Gaspésie.
[124] À son avis, de la neige tassée le long d’un bâtiment, en fondant, ne s’infiltre pas dans un sous-sol, en raison de l’écoulement vertical de l’eau.
Témoin Luc Babin
[125] Il s’agit d’un ingénieur spécialisé dans l’expertise des bâtiments.
[126] À la suite de sa visite du 12 janvier 2012, comprenant la prise de cent cinquante (150) photos, il rédige un rapport d’expertise pour vérifier s’il existe un lien entre les opérations de déneigement et les dommages à la maison du chemin Chicoine et pour les évaluer.
[127] À son avis, « cette résidence est âgée et est affectée par des dommages graduels et des problématiques qui datent de sa construction ».
[128] Lors d’une visite des lieux le 25 octobre 2012, il constate que l’alimentation du mât électrique se trouve au niveau du sol et permet à l ‘eau d’y pénétrer.
[129] Plusieurs photos démontrent de l’usure du bâtiment (pourriture, peinture écaillée, scellants inadéquats), sans que l’accumulation de neige puisse en être la cause (voir photos 4 à 31 du rapport Babin).
[130] La porte du côté du chemin présente des dommages comparables à ceux de la porte d’en avant, non exposée aux accumulations de neige (comparer photos 22 et 34).
[131] À son avis, l’accumulation de neige le long de la maison n’endommage pas le bâtiment, sinon les fenêtres du mur gauche seraient brisées par le stress provenant de la neige.
[132] D’après lui, les signes d’impact sur le parement extérieur du côté gauche proviennent de coups de pelle.
[133] La connexion électrique au-dessus du boîtier manque d’étanchéité, permettant à l’eau de s’infiltrer à l’intérieur du bâtiment.
[134] La porte du côté gauche de la maison n’est pas munie de coupe-froid, ce qui permet à l’eau de fonte des neiges de migrer à l’intérieur de la maison et encore plus si cette porte n’est pas déneigée en hiver.
[135] Les dommages par infiltration dans le secteur de cette porte sont dus à la désuétude du bâtiment et au manque d’entretien.
[136] Au sous-sol, il a constaté plusieurs signes d’infiltrations d’eau.
[137] La lisse située sur la partie supérieure de la fondation n’est pas isolée sur une bonne partie de celle-ci, ce qui provoque de la condensation en l’absence de chauffage.
[138] Les dommages graduels aux bâtiments sont consécutifs à :
1° de mauvaises méthodes de construction ;
2° un manque d’entretien du bâtiment ;
3° du vandalisme ou d’impacts lors d’activités près de la maison ;
4° absence de chauffage durant la saison d’hiver ;
(voir conclusions du rapport, page 25, pour explications).
[139] À son avis, l’un des problèmes majeurs d’infiltration d’eau de la résidence se situe au niveau du réseau de drainage des fondations. Le réseau est absent ou colmaté, ayant atteint son âge limite.
[140] D’après lui, la neige accumulée le long du mur côté gauche ne peut pénétrer à l’intérieur de la maison lors de fonte de la neige. L’eau s’écoule verticalement.
[141] Il n’y a aucune manifestation d’infiltration au niveau des revêtements de planchers du rez-de-chaussée de la maison.
[142] Les murs intérieurs des pièces situées le long du chemin ne sont pas gonflés ni cernés, ce qui démontre l’absence d’infiltration en provenance de la neige accumulée à l’extérieur.
[143] À son avis, l’eau de surface ruisselant sur le chemin Chicoine ne se dirige pas vers la maison.
[144] Cette eau traverse le chemin pour s’écouler du côté opposé à la maison en raison de la pente de ce chemin, éloignant l’eau (voir photo 160, rapport « Road encroachment », et croquis DV-6, où l’on voit les sillons).
[145] Contre-interrogé, il mentionne l’importance d’entretenir les scellants et de les remplacer à tous les quatre (4) ou cinq (5) ans en milieu salin.
[146] La neige peut causer un stress sur le mur d’un bâtiment seulement lors de l’impact résultant de la chute de neige en provenance de la toiture.
[147] Si la neige poussée lors du déneigement causait une pression latérale sur le mur situé du côté gauche, le déclin d’aluminium serait déformé, le parement à l’intérieur et les cadres de fenêtres seraient fissurés, ce qui n’est pas le cas à la maison Chicoine.
[148] À son avis, les tests d’humidité effectués par Jocelyn Bérubé à l’été 2008 ne sont pas concluants. La meilleure façon de vérifier l’humidité consiste à procéder par des trous d’observation.
[149] Il admet ignorer si la maison était chauffée à l’hiver 2007-2008.
ANALYSE ET MOTIFS DE LA DÉCISION
Percé a-t-elle commis une faute engageant sa responsabilité extracontractuelle ?
[150]
L’article
1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.
[151]
Cet article s’applique à une municipalité, en vertu
de l’article
1376. Les règles du présent livre s'appliquent à l'État, ainsi qu'à ses organismes et à toute autre personne morale de droit public, sous réserve des autres règles de droit qui leur sont applicables.
[152]
L’article
604.3. La municipalité n'est pas responsable, pendant toute la durée des travaux, du préjudice causé par la faute d'un constructeur ou d'un entrepreneur à qui des travaux de construction, de réfection ou d'entretien ont été confiés.
[153] Selon la jurisprudence [1] , pour se soustraire à l’application de cet article, le réclamant doit démontrer une faute lourde de la municipalité.
[154]
La faute lourde est définie comme suit à l’article
1474. Une personne ne peut exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice matériel causé à autrui par une faute intentionnelle ou une faute lourde; la faute lourde est celle qui dénote une insouciance, une imprudence ou une négligence grossières.
Elle ne peut aucunement exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice corporel ou moral causé à autrui.
[155]
L’article
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
Prétentions de Chicoine
[156] Selon le procureur de Chicoine, la responsabilité de Percé se trouve engagée pour n’avoir posé aucun geste ni trouvé de solution pour corriger la situation suite aux plaintes formulées en rapport avec les opérations de déneigement de Boyle, et pour n’avoir pas surveillé les opérations de déneigement afin de s’assurer que le contrat s’exécute correctement sur le chemin Chicoine pour éviter les dommages.
[157] Il ajoute que le fait, par Percé, de ne pas avoir donné suite à la mise en demeure du 7 octobre 2009 constitue une faute lourde. Percé aurait dû enquêter la plainte et y remédier.
Prétentions de Percé
[158] Selon le procureur de Percé, l’exonération légale de responsabilité ne laisse pas le citoyen sans recours. Il peut poursuivre directement l’entrepreneur qui exécute les travaux d’entretien et celui-ci a l’obligation de détenir, en vertu du contrat, pièce PG-2, et du devis, pièce PG-3, une police d’assurance responsabilité pour le couvrir pour les réclamations en dommages matériels découlant de sa faute.
[159]
Il soumet que Boyle est un spécialiste exécutant
l’entretien des chemins depuis les années 1980 sans problèmes et que celui-ci,
à titre d’entrepreneur, a le libre choix des moyens d’exécution de son contrat
en vertu de l’article
[160] Il ajoute que, concernant le drainage du chemin, Percé n’a jamais eu de demande d’intervenir. Il s’agit d’un fait nouveau pour lequel Percé a droit à un délai raisonnable pour agir.
[161] De toute façon, la preuve démontre que les dommages relatifs au drainage touchent uniquement l’assiette du chemin.
[162] Il plaide également absence de lien de causalité entre les problèmes de la maison et le déneigement. Le problème découle d’un défaut d’entretien général et de la négligence de Chicoine d’agir en février 2008 pour pelleter la neige.
Décision sur la faute lourde
[163] À notre avis, Chicoine n’a pas réussi à démontrer une faute lourde de Percé.
[164] Percé a confié les travaux de déneigement à un entrepreneur détenant plus de vingt (20) ans d’expérience.
[165] Les opérations de déneigement sur le chemin Chicoine s’étaient déroulées sans problèmes particuliers pendant plus de vingt (20) ans.
[166] Le travail de Boyle n’a jamais fait l’objet de plaintes sérieuses adressées à Percé avant les mises en demeure de l’automne 2009.
[167] Durant l’hiver 2008, un hiver où les chutes de neige furent exceptionnelles, Percé n’avait aucune raison pouvant lui laisser croire ou soupçonner que les opérations de déneigement risquaient d’endommager la propriété de Chicoine.
[168] La découverte des dommages se situe à l’été 2008. Avant la lettre du 7 octobre 2009, Percé ignorait l’existence des dommages allégués et les conséquences possibles des opérations de déneigement.
[169] La plainte verbale du père de Chicoine à une personne non identifiée, employée de la municipalité, et dont la date, la nature et les termes ne sont pas précisés en preuve, ne permet pas de conclure à une faute de défaut de surveillance ou d’omission d’agir de Percé.
[170] Le Tribunal ne peut spéculer pour conclure que cette plainte était suffisante pour forcer Percé à agir pour enquêter sur la situation et tenter d’y remédier dans un délai raisonnable.
[171]
Au surplus, l’article
69. Toute municipalité locale peut projeter la neige qui recouvre une voie publique sur les terrains privés contigus.
[172] Percé avait donc le droit de déposer la neige sur le terrain Chicoine.
[173] Percé n’a commis aucune faute et encore moins une faute lourde, une négligence grossière.
[174] Percé n’était tenue qu’à une obligation de moyens et non de résultat.
[175] Après la saison d’hiver 2008 et après la mise en demeure du 7 octobre 2009, Percé était avisée de la situation concernant les opérations de déneigement prétendues fautives.
[176] Il est vrai que Percé n’a posé aucun geste, par la suite, sinon de se défendre à la requête introduite déposée au printemps 2009.
[177] Le Tribunal ne peut rien reprocher à Percé à ce sujet, considérant que la bataille juridique était engagée.
[178] Il n’y a pas de faute lourde de n’avoir rien fait, prenant en compte que l’entretien et les chutes de neige ont été « moins pires après l’hiver 2008 », de l’aveu même du père de Chicoine.
[179] En outre, la preuve ne permet pas de conclure à des dommages causés par l’entretien en hiver après l’année 2008.
[180] Les accumulations de neige le long du mur de la maison n’étaient pas significatives. Si elles l’avaient été, des photos démontrant l’entretien prétendument négligent auraient été fort probablement produites.
[181] Quant au drainage de la route, qui serait une cause d’infiltration d’eau, le procureur de Percé a raison de soutenir qu’il s’agit d’un fait nouveau pour lequel Percé n’avait pas l’obligation d’agir avant une plainte formelle. La production de la requête réamendée le 25 octobre 2012, avec des prétentions concernant le drainage, constitue la première mise en demeure sur la question du drainage.
[182] Au surplus, il n’est pas certain que Percé devait agir pour protéger la maison Chicoine du prétendu problème de drainage. La preuve prépondérante (voir sillons sur photos et croquis DV-6) démontre que l’eau de ruissellement ne se dirige pas vers la maison.
[183] L’expert Bob Boutilier a admis en contre-interrogatoire que le problème de pénétration d’eau n’était pas un problème d’eau de surface.
[184] L’expert Guy Dionne a déclaré qu’il n’y avait pas de preuve physique que l’eau de ruissellement pénétrait dans la maison, en mentionnant que l’eau se dirigeait « vers le terrain ».
[185] Quant à l’expert Stephen Aber, qui n’a même pas visité les lieux, il mentionne qu’il serait nécessaire de procéder à des analyses supplémentaires pour découvrir la provenance de l’eau.
[186] Face à ces affirmations, le Tribunal estime, comme le démontrent les photos et le témoignage de l’expert Luc Babin, que l’eau de ruissellement endommage uniquement le chemin et se dirige du côté ouest, vers le petit fossé se trouvant à cet endroit.
Le recours contre Percé est-il prescrit ?
[187]
L’article
586. Toute action, poursuite ou réclamation contre la municipalité ou l'un de ses fonctionnaires ou employés, pour dommages-intérêts résultant de fautes ou d'illégalités, est prescrite par six mois à partir du jour où le droit d'action a pris naissance, nonobstant toute disposition de la loi à ce contraire.
[188] La requête introductive d’instance de Chicoine porte la date du 9 mars 2010.
Prétentions de Chicoine
[189] Selon le procureur de Chicoine, le 7 octobre 2009 représente le point de départ de la prescription, soit la date de la première mise en demeure adressée à Percé, dans laquelle il est fait mention de dommages à la propriété au montant minimum de 32 000 $, causés par les opérations de déneigement (voir pièce P-1).
[190] D’après lui, l’argument de prescription ne tient pas, en raison de l’introduction du recours à l’intérieur du délai de six (6) mois prévu à la loi.
[191] Il plaide que la ville a contrevenu à ses obligations légales d’entretien de façon continue, causant des dommages se renouvelant à chaque jour avec, comme résultat, que la prescription commence à courir jour après jour.
[192] Il ajoute, en outre, que Chicoine n’était pas en mesure de connaître le responsable des dommages à sa propriété avant d’avoir obtenu l’avis de son expert.
Prétentions de Percé
[193] Le procureur de Percé soumet que, selon la preuve, la première manifestation du dommage à la propriété se situe en août 2008 et, en conséquence, cette manifestation représente le point de départ de la prescription.
[194] À cette époque, Chicoine connaissait l’étendue des dommages à sa propriété, la nature et l’auteur de la faute et le lien entre les deux.
[195] Il ajoute qu’il ne s’agit pas de dommages continus en l’absence de dommages causés par l’accumulation de la neige pendant la saison estivale et en hiver à compter de l’année 2009.
Décision sur la prescription
[196] Dans son traité « La responsabilité civile délictuelle » [2] , Monsieur le juge Jean-Louis Baudouin explique comme suit la théorie du dommage continu :
« 1123 - Dommage continu - Il s’agit en l’occurrence d’un même préjudice qui, au lieu de se manifester en une seule et même fois, se perpétue, en général parce que la faute de celui qui le cause est également étalée dans le temps. Ainsi, le pollueur qui, par son comportement, cause un préjudice quotidiennement renouvelé à la victime. (…) Le dommage, tout d’abord, se manifeste de façon simultanée avec chaque acte fautif. (…) Puisqu’il existe, d’une part, plusieurs actes fautifs et, d’autre part, une série de dommages simultanément reliés à ceux-ci, il est logique d’admettre, comme le fait la jurisprudence, que la prescription commence à courir à chaque jour. (…) Le demandeur se trouve alors devant un choix qui est de poursuivre une fois pour toutes, en demandant soit la cessation du préjudice, soit le dommage futur, d’un côté, ou, de l’autre côté, de renouveler périodiquement ses demandes en justice. Pour le passé, la victime n’a toutefois droit qu’aux dommages subis dans le cours des deux années précédant l’institution de la demande en justice, dans les cas où c’est bien ce délai de prescription qui s’applique. »
[197] Dans la décision Observation Littoral Percé inc. [3] , les dommages continus sont définis comme suit :
« Tout d’abord, le dommage continu se définit comme le préjudice qui, au lieu de se manifester en une seule et même fois, se perpétue dans le temps parce que la faute de celui qui le cause est également étalée dans le temps.
Cette situation se distingue à plusieurs égards de la façon traditionnelle d’aborder la question des dommages-intérêts :
1. Le dommage se manifeste simultanément à chaque acte fautif ;
2. Il ne se manifeste pas graduellement ;
3. Il est présent à chaque geste fautif ;
4. Comme il existe plusieurs actes fautifs générant, simultanément, une série de dommages, la prescription commence à courir à chaque jour ;
5. Le défaut de poursuivre diligemment n’équivaut pas nécessairement à une renonciation implicite, mais est pris en considération lors de l’évaluation des dommages subis. »
[198]
Selon l’article
2926. Lorsque le droit d'action résulte d'un préjudice moral, corporel ou matériel qui se manifeste graduellement ou tardivement, le délai court à compter du jour où il se manifeste pour la première fois.
[199] À notre avis, le recours de Chicoine est prescrit.
[200] Le point de départ de la prescription de six (6) mois se situe au plus tard le 20 août 2008, date où Jocelyn Bérubé estime le coût des travaux de réparation à la propriété à la suite d’une visite effectuée la semaine précédente.
[201] La visite de Bérubé était consécutive à la découverte, fin mai 2008, par Régis Chicoine d’un problème d’humidité visible en levant le prélart du plancher de la cuisine, problème causant des dommages dont il informe son fils immédiatement.
[202] Au plus tard à partir du 20 août 2008, Chicoine connaissait le préjudice matériel à sa propriété, la faute alléguée relative aux opérations de déneigement et le lien entre les deux.
[203] Le préjudice s’était manifesté.
[204] Selon la preuve, à l’hiver 2008, Robin Chicoine, par l’entremise de son père, s’est plaint verbalement à Percé et à Boyle de la neige poussée contre la maison et des photos furent prises, visant à démontrer la négligence de Boyle en poussant la neige lors des opérations de déneigement.
[205] L’auteur du préjudice était dès lors identifié, sa faute l’était également, et ce, avant même d’avoir senti des odeurs d’humidité fin mai 2008 et avoir découvert l’étendue du préjudice le 20 août de la même année.
[206] Chicoine n’a jamais déclaré à l’audience qu’il devait consulter un expert ou un avocat pour connaître la cause des dommages subis.
[207] Le lien entre le préjudice et la faute présumée était évident.
[208] Le droit d’action a pris naissance au plus tard le 20 août 2008. Le recours devenait prescrit le 21 février 2009. La requête introduite en mars 2010 était tardive.
[209] La théorie des dommages continus ne trouve pas application ici.
[210] La faute reliée aux opérations de déneigement n’est pas étalée dans le temps. Les opérations de déneigement se déroulent uniquement en hiver.
[211] De plus, la neige accumulée sur le mur qui, selon l’expert Boutilier, causerait les infiltrations d’eau par la lisse de la fondation, n’a pas causé de dommages ou de préjudice à partir de l’hiver 2009, en l’absence de preuve d’accumulation importante de neige le long du mur et d’infiltrations d’eau par la lisse après l’hiver 2008.
[212] Tous les dommages réclamés par Chicoine et le préjudice originent de l’année 2008.
[213] Les photos prises à partir de l’hiver 2009 ne démontrent pas d’amoncellements significatifs de neige le long de la maison et aucune preuve prépondérante n’établit un lien entre la neige poussée par l’entrepreneur après l’hiver 2008 et des dommages.
[214] À compter de l’hiver 2009, la preuve ne démontre pas de gestes fautifs lors des opérations de déneigement.
[215] Quant au drainage déficient de la route qui, selon Chicoine, aggraverait les dommages, la preuve ne supporte pas cette prétention et aucune preuve n’identifie et ne quantifie les dommages en résultant.
[216] Dans les circonstances, le motif de prescription permet aussi de rejeter la requête introductive contre Percé.
La responsabilité de Boyle
[217] Pour la retenir, Chicoine doit établir la faute de Boyle, le dommage et le lien de causalité.
[218] Au départ, le Tribunal élimine le problème de drainage du chemin comme pouvant constituer un acte fautif de Boyle.
[219] Le profil du chemin, son entretien l’été et sa réfection concernent uniquement Percé.
[220] Boyle ne peut donc être blâmé pour le drainage.
Prétentions de Chicoine
[221] Concernant les opérations de déneigement, le procureur de Chicoine plaide que Boyle devrait se munir d’un équipement pour projeter la neige du côté ouest du chemin Chicoine, afin de faire cesser le préjudice.
[222] Il soumet que pousser la neige le long de la maison n’est pas respectueux et constitue un geste fautif et contraire aux règles de l’art.
Prétentions de Boyle
[223] Le procureur de Boyle plaide que la projection de neige n’exerce pas de pression sur l’immeuble au point de l’endommager.
[224] Il soumet absence de preuve établissant qu’en fondant, la neige pénètre dans la maison. Il souligne le droit de l’entrepreneur d’entasser la neige sur le terrain Chicoine, en vertu de la Loi sur les compétences municipales .
[225] Selon lui, les problèmes à cette maison, inhabitée depuis longtemps, découlent de sa vétusté, d’un manque d’entretien généralisé et de l’absence de chauffage et de ventilation en période hivernale.
[226] Un propriétaire prudent aurait enlevé la neige accumulée le long de la maison à l’hiver 2008 pour minimiser ou éviter les dommages.
[227] En définitive, Boyle n’aurait commis aucune faute et n’aurait pu faire mieux, considérant les chutes de neige exceptionnelles et la proximité du chemin de la maison.
Décision sur la responsabilité de Boyle
[228] À notre avis, même si le fait d’entasser une quantité considérable de neige le long de la maison Chicoine à l’hiver 2008 peut constituer un manquement aux règles de l’art et une faute dans l’entretien des chemins, la responsabilité extracontractuelle de Boyle ne se trouve pas engagée.
[229] La preuve prépondérante d’un préjudice lié à cette conduite fautive n’existe pas, en l’espèce.
[230] Le préjudice allégué consiste dans des dommages au parement d’aluminium et des dommages par l’eau aux pièces intérieures de la maison (voir estimé, pièce P-3).
[231] Les autres dommages réclamés sont accessoires aux dommages principaux.
[232] L’usure du parement d’aluminium est pratiquement semblable sur tous les côtés de l’immeuble. Les parements sur les côtés de la maison où il y a peu d’accumulation de neige sont dans le même état que les parements du côté ouest.
[233] Ceci démontre que l’endommagement du mur ouest résulte du vieillissement de ce revêtement, âgé de près de soixante (60) ans.
[234] À l’hiver 2008, la neige n’a pas exercé de pression latérale sur le côté ouest de la maison. Les photos prises de ce mur le démontrent (voir pièces DG-1 et DG-2), ainsi que le témoignage et les photos prises par Sylvain Côté, un expert ayant visité la maison le 28 avril 2009.
[235] S’il y avait eu endommagement par la neige compactée et/ou projetée par Boyle, le parement d’aluminium, un revêtement sensible aux pressions latérales, serait déformé, le gypse des murs intérieurs, les cadres des fenêtres seraient fissurés, les fenêtres seraient brisées, ce qui n’était pas le cas le 28 avril 2009.
[236] Le Tribunal retient cette opinion exprimée en contre-interrogatoire par l’ingénieur Luc Babin.
[237] Il s’agit d’une explication logique par un expert crédible, dont le témoignage sur cette question n’est pas contredit.
[238] En outre, les dommages à la porte de façade, endroit où il n’y a pas de neige poussée par Boyle, sont comparables aux dommages à la porte située du côté ouest. Ceci confirme davantage que l’usure du bâtiment n’a rien à voir avec le travail de Boyle.
[239] Quant aux dommages par l’eau pénétrant à l’intérieur de la maison lors de la fonte de la neige accumulée par les opérations de déneigement, le Tribunal ne peut retenir cette hypothèse, avancée principalement par Bob Boutilier.
[240] Celui-ci n’est pas un spécialiste, il n’est pas membre d’un ordre professionnel.
[241] Même si sa bonne foi ne fait pas de doute, le Tribunal préfère les explications de l’ingénieur Luc Babin concernant la présence d’eau et d’humidité à l’intérieur de la maison.
[242] D’ailleurs, l’expert Boutilier recommande une étude plus approfondie de la situation par un spécialiste, démontrant ainsi la fragilité de son opinion et son incertitude.
[243] D’une part, la neige accumulée le long de la maison ne provient pas seulement des opérations de déneigement, elle provient aussi de la neige tombée du ciel et poussée par le vent lors des tempêtes.
[244] Boyle ne peut donc se faire reprocher toutes les accumulations de neige s’étant retrouvées le long du mur ouest de la maison en 2008.
[245] D’autre part, lors de la fonte de cette accumulation de neige, l’eau s’écoule verticalement et se retrouve au sol, comme l’explique l’expert Babin.
[246] Si cette eau avait pénétré à l’intérieur de la maison lors de la fonte de la neige compactée, les murs intérieurs seraient gonflés et cernés, comme le mentionne l’ingénieur Luc Babin. Or, tel n’est pas le cas, selon ses constatations.
[247] Dans les circonstances, nous retenons que l’eau et l’humidité pénètrent dans la maison, en raison de la désuétude et du manque d’entretien de celle-ci.
[248] Les vices suivants de la maison, relevés par l’ingénieur Luc Babin, expliquent la présence d’eau et le préjudice :
Ø le réseau de drainage des fondations comprenant un drain agricole colmaté et ayant atteint son âge limite ou inexistant, ne pouvant capter les eaux de fonte des neiges ;
Ø l’absence de chauffage en hiver, créant humidité et condensation ;
Ø les ouvertures au niveau du mât électrique au-dessus du boîtier et au niveau du sol, permettant à l’eau de fonte des neiges de pénétrer au sous-sol ;
Ø les fissures et le joint de construction des fondations, provoquant leur manque d’étanchéité ;
Ø l’absence de coupe-froid au niveau de la porte située côté ouest, porte, au surplus non déneigée, permettant à l’eau de pénétrer ;
Ø une lisse mal isolée, créant un problème récurrent d’humidité ;
Ø absence de membrane d’étanchéité sur les fondations.
[249] Finalement, le Tribunal souligne que s’il avait retenu une faute de Boyle causant un préjudice, il aurait tenu Chicoine responsable de 50 p. 100 des dommages pour négligence dans l’entretien de sa propriété.
[250] En plus de prendre des photos de l’accumulation de neige présente en février 2008 près de sa maison, Chicoine aurait dû la pelleter régulièrement ou l’enlever à l’aide d’une souffleuse à neige ou avec un équipement approprié.
[251] Il avait l’obligation de minimiser ses dommages.
La demande d’injonction de Chicoine
[252] L’ordonnance demandée vise à :
« That defendants be enjoined from carrying out directly or indirectly, any snow removal operations in the area adjacent to the proprerty of the plaintiff. »
[253] Nous estimons cette demande non fondée.
[254] La Loi sur les compétences municipales , à son article 69, permet à Percé de projeter de la neige sur le terrain de Chicoine.
[255] Dans les circonstances, il nous semble évident que Percé et son entrepreneur détiennent le droit de projeter de la neige « in the area adjacent to the property ».
[256] En outre, en l’absence d’arpentage délimitant où se situe la ligne de propriété du terrain Chicoine par rapport à l’emprise de la rue, il serait pratiquement impossible de faire sanctionner un manquement à l’ordonnance recherchée.
La demande en garantie de Percé contre Boyle
[257] Le Tribunal ne retient aucune responsabilité à l’encontre de Boyle et Percé.
[258] Nous estimons donc que l’obligation de Boyle de tenir Percé indemne de toute condamnation pouvant être prononcée contre elle n’a plus à être sanctionnée.
[259] La demande en garantie est rejetée sans frais, considérant que Boyle se trouve aussi à être défenderesse sur l’action principale rejetée contre elle avec dépens.
Les frais d’expertise des défendeurs
[260] Il s’agit de frais totalisant les sommes suivantes :
Ø expert Luc Babin (défense Percé) : 15 352,05 $
(lettre et factures 31 octobre 2012)
Ø expert Sylvain Côté (défense Boyle, pièce DG-3) : 684,78 $
(évaluation Gagné)
TOTAL : 16 036,83 $
[261]
L’article
477. La partie qui succombe supporte les dépens, frais du sténographe compris, à moins que, par décision motivée, le tribunal ne les mitige, ne les compense ou n'en ordonne autrement.
Le tribunal peut également, par décision motivée, mitiger les dépens relatifs aux expertises faites à l'initiative des parties, notamment lorsqu'il estime que l'expertise était inutile, que les frais sont déraisonnables ou qu'un seul expert aurait suffi.
(…)
[262] L’expertise de l’ingénieur Babin et celle de l’expert en sinistres Sylvain Côté furent utiles au Tribunal pour trancher le débat.
[263] Toutefois, condamner le demandeur à payer une somme de 16 036,83 $ en frais d’expertise, en plus des dépens, nous apparaît tout à fait déraisonnable et démesuré par rapport au montant des dommages réclamés.
[264] Dans les circonstances, le Tribunal estime juste d’accorder aux défendeurs le coût de préparation des rapports d’expertise, soit 7 107,03 $ pour Luc Babin et 333 $ pour Sylvain Côté.
[265] Ces deux (2) experts auront toutefois droit à l’indemnité prévue au Règlement sur les indemnités et les allocations payables aux témoins assignés devant les cours de justice (L.R.Q., c. C-25, r.7) pour compenser leur présence à l’audition.
[266] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[267] REJETTE la requête introductive d’instance réamendée ;
[268] LE TOUT , avec dépens, incluant les frais de préparation du rapport d’expertise de Luc Babin au montant de 7 107,83 $ et de celui de Sylvain Côté au montant de 333 $.
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__________________________________ CARL LACHANCE, J.C.S. |
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M e Jamie Benizri |
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LEGAL LOGIK INC. |
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Procureurs de Robin Chicoine |
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M e Pierre-Alexandre Fortin |
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TREMBLAY, BOIS, MIGNAULT, LEMAY |
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Procureurs de Ville de Percé |
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M e François Marchand |
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DAIGNAULT & ASSOCIÉS |
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Procureurs de Transport Dean Boyle inc. |
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Dates d’audience : |
24 et 25 octobre 2012 |
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[1]
.
Axa Assurances inc
. c.
Ville de
Québec et les Terrassements Portugais inc.
,
[2]
. Jean-Louis BAUDOUIN,
[3] . 2003 BE-625, par. 26-27.