Entreprises Guroco inc. c. Denis Gauvin inc. |
2012 QCCQ 14714 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
BEAUCE |
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LOCALITÉ DE |
ST-JOSEPH-DE-BEAUCE |
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« Chambre civile » |
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No: |
350-32-008756-118 |
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DATE : |
13 décembre 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE PIERRE A. GAGNON, J.C.Q. |
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LES ENTREPRISES GUROCO INC. 18, rue des Développements St-Léon-de-Standon (Québec) G0R 4L0
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Demanderesse
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c.
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DENIS GAUVIN INC. 70, rue D'Anvers St-Augustin-de-Desmaures (Québec) G3A 1S4
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Les Entreprises Guroco inc. («Guroco») allègue l'usure prématurée du moteur de traction gauche de l'excavatrice achetée de Denis Gauvin inc. («Gauvin»).
[2] Gauvin conteste parce que le bris est survenu après que la garantie du manufacturier soit terminée.
[3] Le Tribunal doit également décider du bien fondé de la demande de rétraction du jugement par défaut du 5 septembre 2012, reçue le 17 septembre 2012.
Questions en litige:
[4] Gauvin a-t-il droit à la rétraction du jugement par défaut du 5 septembre 2012?
[5] Guroco a-t-il droit à l'application de la garantie de qualité du Code civil du Québec (« C.c.Q .»)?
Les faits:
[6] Le 5 juin 2007, Guroco achète de Gauvin une excavatrice neuve de marque Kobelco (l'«excavatrice») au prix de 111 966 $ plus taxes. Kobelco garantit l'excavatrice contre les défauts de fabrication pendant un an ou 1 500 heures d'utilisation, selon la première éventualité.
[7] Kobelco inspecte l'excavatrice avant son expédition chez Gauvin. Gauvin fait de même avant sa livraison à Guroco. Les relevés d'inspection de Kobelco et de Gauvin confirment que tous les niveaux d'huile des moteurs sont adéquats.
[8] Après 250 heures d'utilisation, vraisemblablement en septembre 2007, Guroco change l'huile des moteurs de traction. Elle constate que le réservoir d'huile du moteur de traction gauche n'est plein qu'au quart de sa capacité. Guroco communique immédiatement avec Gauvin pour l'en informer. Puisque Guroco ne voit pas de polluant dans l'huile, Gauvin en conclut que les pièces du moteur ne sont pas endommagées et qu'il n'y a pas lieu d'intervenir. Guroco avise toutefois Gauvin qu'elle la tiendra responsable advenant le bris du moteur de traction gauche.
[9] À l'été 2010, après 3 000 heures d'utilisation, le moteur de traction gauche se brise. Le planétaire du moteur doit être remplacé. Guroco en informe immédiatement Gauvin. Gauvin communique avec Kobelco qui refuse d'honorer la garantie du manufacturier puisque l'excavatrice est âgée de plus d'un an et qu'elle a plus de 1 500 heures d'utilisation.
[10] Guroco mandate Gauvin afin de lui trouver un planétaire de remplacement. Le 10 juillet 2010, Gauvin vend à Guroco un planétaire pour la somme de 9 735,47 $ taxes incluses. Guroco se charge de l'installer.
[11] En novembre 2010, Guroco met en demeure Gauvin de lui rembourser la facture du planétaire. Elle invoque la garantie légale et l'usure prématurée du moteur de traction gauche. Elle allègue que l'usure prématurée découle vraisemblablement du manque d'huile dans le réservoir à la livraison, constaté après 250 heures d'utilisation.
[12] Gauvin conteste puisque la garantie de Kobelco est expirée et que plusieurs hypothèses autres qu'un vice de fabrication peuvent expliquer le bris du moteur.
Analyse et motifs:
[13] La demande de rétraction du jugement par défaut du 5 septembre 2012 reçue le 17 septembre 2012 est bien fondée. Guroco ne l'a pas contestée et les motifs à l'appui la justifient. Le Tribunal rétracte donc le jugement par défaut du 5 septembre 2012.
[14] Gauvin a vendu à Guroco une excavatrice du fabricant Kobelco.
[15] Guroco bénéficie de la garantie conventionnelle d'un an ou 1 500 heures d'utilisation qu'offre Kobelco.
[16] Guroco bénéficie également de la garantie de qualité du bien vendu [1] . La garantie de qualité existe de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de la stipuler dans le contrat de vente [2] .
[17]
L'article
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[18] Les parties à un contrat de vente peuvent, dans leur contrat, ajouter aux obligations de la garantie légale, en diminuer les effets ou l'exclure entièrement [3] . Toutefois, le fait que le manufacturier stipule une garantie conventionnelle n'a pas pour effet d'exclure ou de diminuer la garantie de qualité. Il faut que la partie qui achète le bien y consente.
[19]
De plus, le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la
chose qu'il vend. Or, l'article
1733. Le vendeur ne peut exclure ni limiter sa responsabilité s'il n'a pas révélé les vices qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer et qui affectent le droit de propriété ou la qualité du bien.
Cette règle reçoit exception lorsque l'acheteur achète à ses risques et périls d'un vendeur non professionnel.
[20] Ainsi, même si Kobelco a stipulé une garantie conventionnelle, cette garantie n'a pas pour effet d'exclure ou de limiter la garantie de qualité de Kobelco ou de Gauvin. En effet, Guroco n'a pas consenti à cette limitation ou exclusion de garantie de qualité et Gauvin est un vendeur professionnel qui ne peut exclure ou limiter sa responsabilité.
[21]
L'article
1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l'existence d'un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l'acheteur.
[22]
Pour que la présomption de l'article
[23] En l'espèce, le moteur de traction gauche se brise à 3 000 heures. Guroco affirme que la durée de vie d'un moteur de traction est d'environ 10 000 à 12 000 heures. Gauvin confirme qu'un moteur de traction a une durée de vie normale d'environ 5 000 à 10 000 heures.
[24] Dans sa lettre du 11 novembre 2010, Gauvin reconnaît que ce bris est prématuré:
Aujourd'hui vous nous dites que le bris, que nous reconnaissons être prématuré , a été causé par un manque d'huile datant de plus de 2 750 heures d'usage, et qu'à aucun moment lors des multiples changements d'huile, vous n'avez remarquez des polluants ou résidus métalliques dans l'huile.
[nous soulignons]
[25]
Le Tribunal conclut que Guroco a prouvé que le bris du moteur est
prématuré par rapport à des biens identiques ou de même espèce. En conséquence,
la présomption de l'article
[26] Gauvin a le fardeau de renverser cette présomption. Il doit prouver, par prépondérance de preuve [4] , que le moteur de traction gauche de l'excavatrice n'était pas affecté d'un vice au moment de la vente. Il peut le faire en prouvant que le bris découle d'une mauvaise utilisation de l'excavatrice.
[27] Gauvin a émis différentes hypothèses pouvant expliquer le bris du moteur:
Ø La machine a été la cible d'un vandale;
Ø La machine a reçu un coup au niveau du moteur de traction gauche;
Ø Un petit caillou s'est introduit dans le moteur;
Ø Guroco n'a pas vérifié le niveau d'huile après 50 heures d'utilisation contrairement à ce que Kobelco recommande;
Ø Le planétaire ne s'est pas usé prématurément puisque lors des multiples changements d'huile, Gauvin n'a pas remarqué de polluant ou résidu mécanique dans l'huile; si le manque d'huile avait effectivement occasionné une usure prématurée du planétaire, des polluants venant des pièces endommagées à l'intérieur du planétaire auraient été observés dans l'huile lors des entretiens.
[28] A ces hypothèses, Guroco oppose le fait que lorsqu'il le vérifie pour la première fois, le niveau du réservoir d'huile du moteur de traction gauche n'est qu'au quart plein. Il émet l'hypothèse que ce manque d'huile découle d'un problème à la livraison de l'excavatrice.
[29] Le Tribunal constate que toutes ces hypothèses sont plausibles. Toutefois, aucune n'a été prouvée par prépondérance de preuve. Gauvin n'a donc pas réussi à renverser son fardeau de preuve de démontrer que l'excavatrice vendue n'a pas de vice au moment de la vente.
[30]
En conséquence, la garantie de qualité de l'article
[31]
Les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution de
l'obligation de payer une somme d'argent et l'indemnité additionnelle de
l'article
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
RÉTRACTE le jugement par défaut du 5 septembre 2012;
ACCUEILLE la demande de Les Entreprises Guroco inc.;
CONDAMNE
Denis Gauvin inc.
à payer à Les Entreprises Guroco inc. la somme de 7 000 $ avec
intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article
CONDAMNE Denis Gauvin inc. à payer à Les Entreprises Guroco inc. les frais judiciaires de 207 $.
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__________________________________ PIERRE A. GAGNON, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
19 novembre 2012 |
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